Correspondance (d’Alembert)/Correspondance avec Voltaire/147

Œuvres complètes de D’AlembertBelinTome V (p. 239).


Paris, 1er. octobre 1776.


Si vous désirez, mon cher maître, des nouvelles littéraires, j’en ai d’intéressantes à vous apprendre. Moureau, à qui j’ai donné votre lettre à l’Académie, comme vous m’en aviez chargé, l’a imprimée sur-le-champ, ne doutant point qu’on ne lui accordât la permission de la vendre. Monsieur le garde des sceaux a refusé cette permission ; quod erat primum.

Nous avions demandé au roi, notre protecteur, 1, 500 liv. par an pour augmenter nos prix, et exciter l’émulation des jeunes gens. Le roi nous a refusé cette somme ; quod erat secundum. On dit que les dévots de Versailles lui ont persuadé que votre morceau sur Shakespeare était injurieux à la religion, quoiqu’on ait retranché soigneusement à la lecture publique tous les passages indécents du tragique anglais ; quod erat tertium. Et, sur ce, je vous embrasse tendrement, en gémissant avec vous du crédit des hypocrites calomniateurs ; quod erat quartum. Et je suis fâché qu’ils nous empêchent d’apprendre aux gens de lettres que le roi désire de les encourager ; quod erat quintum.