Correspondance (d’Alembert)/Correspondance avec Voltaire/078

Œuvres complètes de D’AlembertBelinTome V (p. 163).


Paris, 23 mai 1767.


J’ai reçu, mon cher et illustre maître, le paquet que vous avez bien voulu m’envoyer par M. Necker : je vous prie de vouloir bien remercier de ma part l’abbé Mauduit de la seconde anecdote sur Bélisaire, qui m’a fort amusé ; la lettre sur les panégyriques m’a fait encore plus de plaisir ; elle est pleine de vérités utiles, dont il faut espérer qu’à la fin l’espèce écrivante fera son profit.

Il y a bien à l’Académie des belles-lettres un abbé Foucher assez plat janséniste, qui même a écrit autrefois contre la préface de l’Encyclopédie ; mais plusieurs de ses confrères, à qui j’en ai parlé, ne croient pas qu’il soit l’auteur du Supplément à la Philosophie de l’histoire ; ils ne connaissent pas même ce beau supplément qui, en effet, est ici fort ignoré et ne produit pas la moindre sensation : y répondre ce serait le tirer de l’obscurité, comme on en a tiré Nonotte.

Avez-vous lu les trente-sept propositions que la Sorbonne doit condamner ? votre ami l’abbé Mauduit ne nous donnera-t-il pas ses réflexions sur ce prodige d’atrocité et de bêtise ? Ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est que l’inquisition est ici à son comble ; on permet à toute la canaille du quartier de la Sorbonne d’imprimer tous les jours des libelles contre Bélisaire, et on ne permet pas à l’auteur de se défendre.

Notre jeune mathématicien a fait une petite suite pour l’ouvrage de mathématiques que vous connaissez, où il traite de l’état de la géographie en Espagne ; vous la recevrez incessamment, quelque mécontent qu’il soit de la négligence du libraire. Adieu, mon cher maître, je vous embrasse mille fois.