Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1 Clitandre Acte III

Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1 Clitandre Acte III
Œuvres de P. Corneille, Texte établi par Ch. Marty-LaveauxHachettetome I (p. 314-329).
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ACTE III.



Scène première.

ALCANDRE, ROSIDOR, CALISTE, un Prévôt.
ALCANDRE.

L’admirable rencontre à mon âme ravie[1],
De voir que deux amants s’entre-doivent la vie,
De voir que ton péril la tire de danger,
Que le sien te fournit de quoi t’en dégager,
Qu’à deux desseins divers la même heure choisie[2]
Assemble en même lieu pareille jalousie,
Et que l’heureux malheur qui vous a menacés
Avec tant de justesse a ses temps compassés !

ROSIDOR.

Sire, ajoutez du ciel l’occulte providence :
Sur deux amants il verse une même influence ;
Et comme l’un par l’autre il a su nous sauver,
Il semble l’un pour l’autre exprès nous conserver.

ALCANDRE.

Je t’entends, Rosidor : par là tu me veux dire
Qu’il faut qu’avec le ciel ma volonté conspire,

Et ne s’oppose pas à ses justes décrets,
Qu’il vient de témoigner par tant d’avis secrets.
685Eh bien ! je veux moi-même en parler à la Reine ;
Elle se fléchira, ne t’en mets pas en peine.
Achève seulement de me rendre raison
De ce qui t’arriva depuis sa pâmoison.

ROSIDOR.

Sire, un mot désormais suffit pour ce qui reste
690Lysarque et vos archers depuis ce lieu funeste
Se laissèrent conduire aux traces de mon sang,
Qui durant le chemin me dégouttoit du flanc,
Et me trouvant enfin dessous un toit rustique,
Ranimé par les soins de son amour pudique[3]
695Leurs bras officieux m’ont ici rapporté,
Pour en faire ma plainte à Votre Majesté.
Non pas que je soupire après une vengeance,
Qui ne peut me donner qu’une fausse allégeance[4] ;
Le Prince aime Clitandre, et mon respect consent
700Que son affection le déclare innocent ;
Mais si quelque pitié d’une telle infortune
Peut souffrir aujourd’hui que je vous importune[5],
Otant par un hymen l’espoir à mes rivaux,
Sire, vous taririez la source de nos maux[6].

ALCANDRE.

705Tu fuis à te venger : l’objet de ta maîtresse
Fait qu’un tel desir cède à l’amour qui te presse[7] ;

Aussi n’est-ce qu’à moi de punir ces forfaits,
Et de montrer à tous par de puissants effets
Qu’attaquer Rosidor, c’est se prendre à moi-même :
710Tant je veux que chacun respecte ce que j’aime !
Je le ferai bien voir. Quand ce perfide tour
Auroit eu pour objet le moindre de ma cour,
Je devrois au public, par un honteux supplice,
De telles trahisons l’exemplaire justice.
715Mais Rosidor, surpris et blessé comme il l’est[8],
Au devoir d’un vrai roi joint mon propre intérêt[9].
Je lui ferai sentir, à ce traître Clitandre,
Quelque part que le Prince y puisse ou veuille prendre[10].
Combien mal à propos sa folle vanité[11]
720Croyoit dans sa faveur trouver l’impunité.
Je tiens cet assassin : un soupçon véritable[12],
Que m’ont donné les corps d’un couple détestable,
De son lâche attentat m’avoit si bien instruit[13],
Que déjà dans les fers il en reçoit le fruit.
725Toi, qu’avec Rosidor le bonheur a sauvée,
Tu te peux assurer que, Dorise trouvée,
Comme ils avoient choisi même heure à votre mort,
En même heure tous deux auront un même sort.

CALISTE.

Sire, ne songez pas à cette misérable ;
Rosidor garanti me rend sa redevable[14],

Et je me sens forcée à lui vouloir du bien
D’avoir à votre État conservé ce soutien.

ALCANDRE.

Le généreux orgueil des âmes magnanimes
Par un noble dédain sait pardonner les crimes ;
735Mais votre aspect m’emporte à d’autres sentiments,
Dont je ne puis cacher les justes mouvements ;
Ce teint pâle à tous deux me rougit de colère[15],
Et vouloir m’adoucir, c’est vouloir me déplaire[16].

ROSIDOR.

Mais, Sire, que sait-on ? peut-être ce rival,
740Qui m’a fait après tout plus de bien que de mal[17],
Sitôt qu’il vous plaira d’écouter sa défense,
Saura de ce forfait purger son innocence.

ALCANDRE.

Et par où la purger ? Sa main d’un trait mortel
A signé son arrêt en signant ce cartel[18].
745Peut-il désavouer ce qu’assure un tel gage[19],
Envoyé de sa part, et rendu par son page ?
Peut-il désavouer que ses gens déguisés
De son commandement ne soient autorisés ?
Les deux, tous morts qu’ils sont, qu’on les traîne à la boue[20] ;
750L’autre, aussitôt que pris, se verra sur la roue[21] ;

Et pour le scélérat que je tiens prisonnier,
Ce jour que nous voyons lui sera le dernier.
Qu’on l’amène au conseil ; par forme il faut l’entendre[22],
Et voir par quelle adresse il pourra se défendre.
755Toi, pense à te guérir, et crois que pour le mieux
Je ne veux pas montrer ce perfide à tes yeux :
Sans doute qu’aussitôt qu’il se feroit paroître,
Ton sang rejailliroit au visage du traître.

ROSIDOR.

L’apparence déçoit, et souvent on a vu
760Sortir la vérité d’un moyen imprévu[23],
Bien que la conjecture y fût encor plus forte ;
Du moins, Sire, apaisez l’ardeur qui vous transporte ;
Que l’âme plus tranquille et l’esprit plus remis,
Le seul pouvoir des lois perde nos ennemis.

ALCANDRE.

765Sans plus m’importuner, ne songe qu’à tes plaies.
Non, il ne fut jamais d’apparences si vraies ;
Douter de ce forfait, c’est manquer de raison.
Derechef, ne prends soin que de ta guérison[24].


Scène II.

ROSIDOR, CALISTE.
ROSIDOR.

Ah ! que ce grand courroux sensiblement m’afflige !

CALISTE.

7C’est ainsi que le Roi, te refusant, t’oblige[25] :
Il te donne beaucoup en ce qu’il t’interdit,
Et tu gagnes beaucoup d’y perdre ton crédit.
On voit dans ces refus une marque certaine[26]
Que contre Rosidor toute prière est vaine.
7Ses violents transports sont d’assurés témoins
Qu’il t’écoutoroit mieux s’il te chérissoit moins.
Mais un plus long séjour pourroit ici te nuire[27] :
Ne perdons plus de temps ; laisse-moi te conduire[28]
Jusque dans l’antichambre où Lysarque t’attend,
7Et montre désormais un esprit plus content.

ROSIDOR.

Si près de te quitter…

CALISTE.

Si près de te quitter…N’achève pas ta plainte.
Tous deux nous ressentons cette commune atteinte ;
Mais d’un fâcheux respect la tyrannique loi
M’appelle chez la Reine et m’éloigne de toi.
7Il me lui faut conter comme l’on m’a surprise,
Excuser mon absence en accusant Dorise ;
Et lui dire comment, par un cruel destin[29],
Mon devoir auprès d’elle a manqué ce matin.

ROSIDOR.

Va donc, et quand son âme, après la chose sue,
7Fera voir la pitié qu’elle en aura conçue,
Figure-lui si bien Clitandre tel qu’il est.
Qu’elle n’ose en ses feux prendre plus d’intérêt.

CALISTE.

Ne crains pas désormais que mon amour s’oublie[30] ;
Répare seulement ta vigueur affoiblie :
795Sache bien te servir de la faveur du Roi,
Et pour tout le surplus repose-t’en sur moi[31].


Scène III.

CLITANDRE, en prison[32].

Je ne sais si je veille, ou si ma rêverie
À mes sens endormis fait quelque tromperie ;
Peu s’en faut, dans l’excès de ma confusion,
800Que je ne prenne tout pour une illusion.
Clitandre prisonnier ! je n’en fais pas croyable
Ni l’air sale et puant d’un cachot effroyable,
Ni de ce foible jour l’incertaine clarté,
Ni le poids de ces fers dont je suis arrêté :
805Je les sens, je les vois ; mais mon âme innocente
Dément tous les objets que mon œil lui présente,
Et le désavouant, défend à ma raison
De me persuader que je sois en prison.
Jamais aucun forfait, aucun dessein infâme[33]
810N’a pu souiller ma main ni glisser dans mon âme ;
Et je suis retenu dans ces funestes lieux !
Non, cela ne se peut : vous vous trompez, mes yeux[34] ;
J’aime mieux rejeter vos plus clairs témoignages,

J’aime mieux démentir ce qu’on me fait d’outrages,
815Que de m’imaginer, sous un si juste roi,
Qu’on peuple les prisons d’innocents connue moi.
Cependant je m’y trouve ; et bien que ma pensée[35]
Recherche à la rigueur ma conduite passée[36],
Mon exacte censure a beau l’examiner,
820Le crime qui me perd ne se peut deviner ;
Et quelque grand effort que fasse ma mémoire,
Elle ne me fournit que des sujets de gloire.
Ah ! Prince, c’est quelqu’un de vos faveurs jaloux
Qui m’impute à forfait d’être chéri de vous.
825Le temps qu’on m’en sépare, on le donne à l’envie,
Comme une liberté d’attenter sur ma vie.
Le cœur vous le disoit, et je ne sais comment
Mon destin me poussa dans cet aveuglement,
De rejeter l’avis de mon Dieu tutélaire :
830C’est là ma seule faute, et c’en est le salaire,
C’en est le châtiment que je reçois ici.
On vous venge, mon prince, en me traitant ainsi ;
Mais vous saurez montrer, embrassant ma défense[37].

Que qui vous venge ainsi puissamment vous offense.
835Les perfides auteurs de ce complot maudit,
Qu’à me persécuter votre absence enhardit,
À votre heureux retour verront que ces tempêtes,
Clitandre préservé, n’abattront que leurs têtes.
Mais on ouvre, et quelqu’un, dans cette sombre horreur,
840Par son visage affreux redouble ma terreur[38].


Scène IV.

CLITANDRE, le Geôlier.
LE GEÔLIER.

Permettez que ma main de ces fers vous détache.

CLITANDRE.

Suis-je libre déjà ?

LE GEÔLIER.

Suis-je libre déjà ?Non encor, que je sache.

CLITANDRE.

Quoi ! ta seule pitié s’y hasarde pour moi ?

LE GEÔLIER.

Non, c’est un ordre exprès de vous conduire au Roi.

CLITANDRE.

845Ne m’apprendras-tu point le crime qu’on nrimpule,
Et quel lâche imposteur ainsi me persécute ?

LE GEÔLIER.

Descendons : un prévôt, qui vous attend là-bas,
Vous pourra mieux que moi contenter sur ce cas.


Scène V.

PYMANTE, DORISE.
PYMANTE

En vain pour m’éblouir vous usez de la ruse,
850Mon esprit, quoique lourd, aisément ne s’abuse ;
Ce que vous me cachez, je le lis dans vos yeux :
Quelque revers d’amour vous conduit en ces lieux ;
N’est-il pas vrai, Monsieur ? et même cette aiguille
Sent assez les faveurs de quelque belle fille[40] :
855Elle est, ou je me trompe, un gage de sa foi[41].

DORISE.

Ô malheureuse aiguille ! Hélas ! c’est fait de moi.

PYMANTE.

Sans doute votre plaie à ce mot s’est rouverte.
Monsieur, regrettez-vous son absence, ou sa perte ?
Vous auroit-elle bien pour un autre quitté[42],

860Et payé vos ardeurs d’une infidélité ?
Vous ne répondez point ; cette rougeur confuse,
Quoique vous vous taisiez, clairement vous accuse.
Brisons là : ce discours vous fâcheroit enfin,
Et c’étoit pour tromper la longueur du chemin,
865Qu’après plusieurs discours, ne sachant que vous dire[43],
J’ai touché sur un point dont votre cœur soupire.
Et de quoi fort souvent on aime mieux parler
Que de perdre son temps à des propos[44] en l’air[45].

DORISE.

Ami, ne porte plus la sonde en mon courage :
870Ton entretien commun me charme davantage ;
Il ne peut me lasser, indifférent qu’il est[46] ;
Et ce n’est pas aussi sans sujet qu’il me plaît.
Ta conversation est tellement civile,
Que pour un tel esprit ta naissance est trop vile ;
875Tu n’as de villageois que l’habit et le rang ;
Tes rares qualités te font d’un autre sang ;
Même, plus je te vois, plus en toi je remarque
Des traits pareils à ceux d’un cavalier de marque :
il s’appelle Pymante, et ton air et ton port
880Ont avec tous les siens un merveilleux rapport[47].

PYMANTE.

J’en suis tout glorieux, et de ma part je prise
Votre rencontre autant que celle de Dorise,
Autant que si le ciel, apaisant sa rigueur,
Me faisoit maintenant un présent de son cœur.

DORISE.

Qui nommes-tu Dorise ?

PYMANTE.

885Qui nommes-tu Dorise ?Une jeune cruelle
Qui me fuit pour un autre.

DORISE.

Qui me fuit pour un autre.Et ce rival s’appelle ?

PYMANTE.

Le berger Rosidor.

DORISE.

Le berger Rosidor.Ami, ce nom si beau
Chez vous donc se profane à garder un troupeau ?

PYMANTE.

Madame, il ne faut plus que mon feu vous déguise[48]
890Que sous ces faux habits il reconnoît Dorise.
Je ne suis point surpris de me voir dans ces bois[49]
Ne passer à vos yeux que pour un villageois ;
Votre haine pour moi fut toujours assez forte
Pour déférer sans peine à l’habit que je porte.
895Cette fausse apparence aide et suit vos mépris ;
Mais cette erreur vers vous ne m’a jamais surpris ;
Je sais trop que le ciel n’a donné l’avantage
De tant de raretés qu’à votre seul visage :
Sitôt que je l’ai vu, j’ai cru voir en ces lieux
900Dorise déguisée, ou quelqu’un de nos Dieux ;
Et si j’ai quelque temps feint de vous méconnoître
En vous prenant pour tel que vous vouliez paroître,
Admirez mon amour, dont la discrétion

Rendoit à vos désirs cette submission,
905Et disposez de moi, qui borne mon envie
À prodiguer pour vous tout ce que j’ai de vie.

DORISE.

Pymante, eh quoi ! faut-il qu’en l’état où je suis
Tes importunités augmentent mes ennuis ?
Faut-il que dans ce bois ta rencontre funeste
910Vienne encor m’ arracher le seul bien qui me reste,
Et qu’ainsi mon malheur au dernier point venu
N’ose plus espérer de n’être pas connu ?

PYMANTE.

Yovez comme le ciel égale nos fortunes,
Et comme, pour les faire entre nous deux communes,
915Nous réduisant ensemble à ces déguisements,
Il montre avoir pour nous de pareils mouvements.

DORISE.

Nous changeons bien d’habits, mais non pas de visages ;
Nous changeons bien d’habits, mais non pas de courages ;
Et ces masques trompeurs de nos conditions
920Cachent, sans les changer, nos inclinations[50].

PYMANTE.

Me négliger toujours ! et pour qui vous néglige !

DORISE.

Que veux-tu ? son mépris plus que ton feu m’oblige ;
J’y trouve malgré moi je ne sais quel appas[51],
Par où l’ingrat me tue, et ne m’offense pas.

PYMANTE.

925Qu’espérez-vous enfin d’un amour si frivole[52]
Pour cet ingrat amant qui n’est plus qu’une idole[53] ?

DORISE.

Qu’une idole ! Ah ! ce mot me donne de l’effroi.
Rosidor une idole ! ah ! perfide, c’est toi,
Ce sont tes trahisons qui l’empêchent de vivre ;
930Je t’ai vu dans ce bois moi-même le poursuivre[54],
Avantagé du nombre, et vêtu de façon
Que ce rustique habit effaçoit tout soupçon :
Ton embûche a surpris une valeur si rare.

PYMANTE.

Il est vrai, j’ai puni l’orgueil de ce barbare,
935De cet heureux ingrat, si cruel envers vous[55],
Qui maintenant par terre et percé de mes coups,
Éprouve par sa mort comme un amant fidèle
Venge votre beauté du mépris qu’on fait d’elle.

DORISE.

Monstre de la nature, exécrable bourreau,
940Après ce lâche coup qui creuse mon tombeau,
D’un compliment railleur ta malice me flatte[56] !
Fuis, fuis, que dessus toi ma vengeance n’éclate.
Ces mains, ces foibles mains, que vont armer les Dieux,
N’auront que trop de force à t’arracher les yeux,
945Que trop à l’imprimer sur ce hideux visage
En mille traits de sang les marques de ma rage.

PYMANTE.

Le courroux d’une femme, impétueux d’abord[57],

Promet tout ce qu’il ose à son premier transport ;
Mais comme il n’a pour lui que sa seule impuissance,
950À force de grossir il meurt en sa naissance ;
Ou s’étouffant soi-même, à la fin ne produit
Que point ou peu d’effet après beaucoup de bruit.

DORISE.

Va, va, ne prétends pas que le mien s’adoucisse[58] :
Il faut que ma fureur ou l’enfer te punisse ;
955Le reste des humains ne sauroit inventer
De gêne qui te puisse à mon gré tourmenter[59].
Si tu ne crains mes bras, crains de meilleures armes ;
Crains tout ce que le ciel m’a départi de charmes :
Tu sais quelle est leur force, et ton cœur la ressent ;
960Crains qu’elle ne m’assure un vengeur plus puissant.
Ce courroux, dont tu ris, en fera la conquête
De quiconque à ma haine exposera ta tête,
De quiconque mettra ma vengeance en mon choix[60].
Adieu : j’en perds le temps à crier dans ce bois[61] ;
965Mais tu verras bientôt si je vaux quelque chose, 965
Et si ma rage en vain se promet ce qu’elle ose.

PYMANTE.

J’aime tant cette ardeur à me faire périr,
Que je veux bien moi-même avec vous y courir.

DORISE.

Traître, ne me suis point.

PYMANTE.

Traître, ne me suis point.Prendre seule la fuite !
970Vous vous égareriez à marcher sans conduite ;
Et d’ailleurs votre habit, où je ne comprends rien,
Peut avoir du mystère aussi bien que le mien.
L’asile dont tantôt vous faisiez la demande
Montre quelque besoin d’un bras qui vous défende ;
975Et mon devoir vers vous seroit mal acquitté,
S’il ne vous avoit mise en lieu de sûreté.
Vous pensez m’échapper quand je vous le témoigne ;
Mais vous n’irez pas loin que je ne vous rejoigne.
L’amour que j’ai pour vous, malgré vos dures lois.
980Sait trop ce qu’il vous doit, et ce que je me dois.

FIN DU TROISIÈME ACTE.
  1. Nous avons cru devoir conserver cette leçon, qui nous a paru conforme aux habitudes de style de Corneille. Cependant les éditions de 1632 et de 1657 sont les seules où ce monosyllabe soit accentué comme une préposition (à). Dans toutes les autres, jusqu’à celle de 1682, et même encore dans l’édition de 1692, publiée par Thomas Corneille, on lit a (verbe, sans accent).
  2. Var. Qu’en deux desseins divers pareille jalousie
    Même lieu contre vous, et même heure a choisie (1632-64)
  3. Var. Admirèrent l’effet d’une amitié pudique.
    Me voyant appliquer par ce jeune soleil
    D’un peu d’huile et de vin le premier appareil ;
    Enfin quand, pour bander ma dernière blessure,
    La belle eut prodigué jusques à sa coiffure,
    [Leurs bras officieux m’ont ici rapporté.] (1632)
  4. Var. Qui ne me peut donner qu’une fausse allégeance. (1632-57)
  5. Var. Vous touche, et peut souffrir que je vous importune. (1632)
  6. Var. Sire, vous tarirez la source de nos maux. (1657)
  7. Var. Fait qu’un seul desir cède à l’amour qui te presse. (1657)
  8. Var. Mais Rosidor, surpris et blessé comme il est. (1632-60)
  9. Var. À mon devoir de roi joint mon propre intérêt. (1632-57)
  10. Var. Quelque part que mon fils y puisse ou veuille prendre. (1632-60)
  11. Var. Combien mal à propos sa sotte vanité. (1632-57)
  12. Var. Je le tiens, l’affronteur : un soupçon véritable. (1632)
  13. Var. M’avoit si bien instruit de son perfide tour,
    Qu’il s’est vu mis aux fers sitôt que de retour. (1632-57)
  14. Var. Quelque dessein qu’elle eût, je lui suis redevable,
    Et lui voudrai du bien le reste de mes jours
    De m’avoir conservé l’objet de mes amours.
    le roi. L’un et l’autre attentat plus que vous deux me touche :
    Vous avez bien, de vrai, la clémence en la bouche ;
  15. Var. Votre pâleur de teint me rougit de colère. (1632)
  16. Var. Et vouloir m’adoucir, ce n’est que me déplaire. (1632-57)
  17. Var. Qui m’a fait en tout cas plus de bien que de mal,
    Lorsqu’au votre conseil vous orrez sa défense. (1632-57)
  18. En marge, dans l’édition de 1632 : Il montre un cartel qu’il avoit reçu de Rosidor avant que d’entrer.
  19. Var. [Envoyé de sa part, et rendu par son page,]
    Peut-il désavouer ce funeste message ?
    [Peut-il désavouer que ses gens déguisés.] (1632-57)
  20. C’est ce qu’on appelait traîner sur la claie. Les cadavres de ceux qui avaient subi ce châtiment après leur mort étaient d’ordinaire jetés à la voirie.
  21. Var. L’autre, aussitôt que pris, se mettra sur la roue. (1632-57)
  22. Var. Qu’on l’amène au conseil, seulement pour entendre
    Le genre de sa mort, et non pour se défendre (a).
    Toi, va te mettre au lit, et crois que pour le mieux. (1632-57)
    (a). En marge, dans l’édition de 1632 : Le Prévôt sort, et va quérir Clitandre.
  23. Var. Sortir la vérité d’un moyen impourvu. (1632)
  24. En marge, dans l’édition de 1632 : Il sort. — Il n’y a pas de distinction de scène.
  25. Var. Mon cœur, ainsi le Roi, te refusant, t’oblige. (1632-57)
  26. Var. Vois dedans ces refus une marque certaine. (1632-57)
  27. Var. Mais un plus long séjour ici te pourroit nuire. (1632-60)
  28. Var. Viens donc, mon cher souci, laisse-moi te conduire. (1632-57)
  29. Var. Et l’informer comment, par un cruel destin. (1632-64)
  30. Var. Ne crains pas, mon souci, que mon amour s’oublie. (1632-57)
  31. Var. Et tu peux du surplus te reposer sur moi. (1632-57)
  32. Var. Il parle en prison. (1663, en marge.) — Dans l’édition de 1632, on lit en tête de la scène : clitandre, en prison, le geôlier, et au-dessous de ces noms : clitandre, seul.
  33. Var. Doncques aucun forfait, aucun dessein infâme
    N’a jamais pu souiller ni ma main ni mon âme. (632-57)
  34. Var. [Non, cela ne se peut : vous vous trompez, mes yeux ;]
    Vous aviez autrefois des ressorts infaillibles
    Qui portoient en mon cœur les espèces visibles (a) ;
    Mais mon cœur en prison vous renvoie à son tour
    L’image et le rapport de son triste séjour.
    Triste séjour ! que dis-je ? Osai-je appeler triste
    L’adorable prison où me retient Caliste ?
    En vain dorénavant mon esprit irrité
    Se plaindra d’un cachot qu’il a trop mérité ;
    Puisque d’un tel blasphème il s’est rendu capable,
    D’innocent que j’entrai, j’y demeure coupable.
    Folles raisons d’amour, mouvements égarés,
    Qu’à vous suivre mes sens se trouvent préparés !
    Et que vous vous jouez d’un esprit en balance
    Qui veut croire plutôt la même extravagance.
    Que de s’imaginer, sous un si juste roi. (1632-57)
    (a). Qui portoient dans mon cœur les espèces visibles. (1644)
  35. Var. M’y voilà cependant, et bien que ma pensée. (1632-57)
  36. Var. Épluche à la rigueur ma conduite passée. (1632)
  37. Var. Mais vous montrerez bien, embrassant ma défense,
    Que qui vous venge ainsi lui-même vous offense.
    Les damnables auteurs de ce complot maudit. (1632-57)
  38. Var. De son visage affreux redouble ma terreur (a).
    Parle, que me veux-tu ? le geôl. Vous ôter cette chaîne.
    clit. Se repent-on déjà de m’avoir mis en peine ?
    le geôl. Non pas que l’on m’ait dit. clit. Quoi ! ta seule bonté
    Me détache ces fers ? le geôl. Non, c’est Sa Majesté
    Qui vous mande au conseil. clit. Ne peux-tu rien m’apprendre
    Du crime qu’on impose au malheureux Clitandre ?
    [le geôl. Descendons : un prévôt, qui vous (b) attend là-bas.] (1632-57)
    (a). En marge, dans l’édition de 1632 : Le Geôlier ouvre la prison. — Il n’y
    a pas de distinction de scène.
    (b). L’édition de 1632, au lieu de vous, porte ici nous, ce qui pourrait bien être une faute d’impression.
  39. Var. Il regarde une aiguille que Dorise avait, etc. (1663, en marge.) — Ce jeu de scène n’est point indiqué ici dans l’édition de 1632 ; mais on lit en marge, aux derniers vers du premier couplet : Il lui montre une aiguille que par mégarde elle avoit laissée dans ses cheveux en se déguisant.
  40. Var. Ressent fort les faveurs de quelque belle fille. (1632-57)
  41. Var. Qui vous l’aura donnée en gage de sa foi (a). (1632-60)
    (a). L’édition de 1637 donne, par erreur sans doute, en garde pour en gage.
  42. Var. Ou payant vos ardeurs d’une infidélité,
    [Vous auroit-elle bien pour un autre quitté ?]
    Vous ne me dites mot ; cette rougeur confuse. (1632-57)
  43. Var. Qu’après plusieurs devis, n’ayant plus où me prendre,
    J’ai touché par hasard une chose si tendre,
    Dont beaucoup toutefois aiment bien mieux parler. (1632-57)
  44. Dans les éditions de 1668 et de 1682, il y a en des propos ; mais ce pourrait bien être une faute : toutes les autres donnent à des propos.
  45. Var. Que de perdre leur temps à des propos en l’air. (1632-63)
  46. Var. Il ne me peut lasser, indifférent qu’il est. (1632-60)
  47. Var. Ont avecque les siens un merveilleux rapport. (1632-60)
  48. Var. Ma belle, il ne faut plus que mon feu vous déguise. (1632)
  49. Var. Ce n’est pas sans raison qu’à vos yeux cette fois
    Je passe pour quelqu’un d’entre nos villageois ;
    M’ayant traité toujours en homme de leur sorte,
    Vous croyez aisément à l’habit que je porte,
    Dont la fausse apparence aide et suit vos mépris. (1632-57)
  50. Var. [Cachent sans les changer nos inclinations.]
    pym. Pardonnez-moi, ma reine, ils ont changé mon âme.
    Puisque mes feux plus vifs y redoublent leur flamme.
    dor. Aussi font bien les miens, mais c’est pour Rosidor.
    pym. Trop cruelle beauté, persistez-vous encor
    À dédaigner mes vœux pour un qui vous néglige ? (1632-57)
  51. Var. J’y trouve, malgré lui, je ne sais quel appas. (1632-57)
  52. Var. Qu’espérez-vous enfin de cette amour frivole. (1632-57)
  53. Var. Envers un qui n’est plus peut-être qu’une idole ? (1632)
    Var. Vers un homme qui n’est peut-être qu’une idole ? (1644-57)
  54. Var. Je t’ai vu dans ces bois moi-même le poursuivre. (1632-57)
  55. Var. De ce tigre jadis si cruel envers vous. (1632-57)
  56. Var. D’un compliment moqueur ta malice me flatte ! (1632-57)
  57. Var. L’impétueux bouillon d’un courroux féminin,
    Qui s’échappe sur l’heure et jette son venin,
    Comme il est animé de la seule impuissance,
    À force de grossir, se crève en sa naissance. (1632-57)
  58. Var. Traître, ne prétends pas que le mien s’adoucisse. (1632-57)
  59. Voyez au Complément des variantes, p. 365.
  60. Dans ce passage, qui paraît pour la première fois en 1660, Dorise exprime la même confiance qu’Émilie :
    Et si pour me gagner il faut trahir ton maître,
    Mille autres à l’envi recevroient cette loi.
    S’ils pouvoient m’acquérir à même prix que toi.
    (Cinna, acte III, sc. iv.)
    Si j’ai séduit Cinna, j’en séduirai bien d’autres.
    (Ibid., acte V, sc. ii.)
  61. Var. Adieu : j’en perds le temps à crier dans ces bois. (1660-64)