Contes secrets Russes/Le pic
VIII
LE PIC
ne paysanne prit un pic et le mit en cage.
Quand son mari revint à la maison, elle lui
apprit la capture qu’elle avait faite. « Où est maintenant
ce pic ? Tu ne l’as pas laissé s’envoler ? »
demanda-t-il. — « Je l’ai mis en cage, » répondit
la femme. — « Très bien ! Je vais lui faire son affaire !
Je vais le dévorer tout vif. » Il ouvrit la cage,
mais comme il allait donner un coup de dents au
pic, celui-ci vola dans la bouche de l’homme, dont
il parcourut tout le corps jusqu’au κυλ, puis, passant sa tête par cet endroit, il se mit à crier : « Je
suis vivant ! Je suis vivant ! » Il disparut ensuite,
mais pour se montrer de nouveau peu après et répéter
la même parole. Il ne laissa pas de repos au
paysan qui, se trouvant fort incommodé, dit à sa
ménagère : « Prends une bûche, je vais me mettre
à quatre pattes ; dès que le pic se montrera, assène-lui
un bon coup sur la tête. » Il se mit à
quatre pattes, sa femme prit une bûche qu’elle
brandit sitôt que le pic passa sa tête ; mais le coup, au
lieu d’atteindre l’oiseau, meurtrit le derrière du
paysan. Que faire ? Le malheureux ne pouvait se
débarrasser du pic, qui continuait à passer la tête
hors de son κυλ et à crier : « Je suis vivant ! Je
suis vivant ! » « Prends une faux bien aiguisée, »
ordonna le moujik à sa femme ; « je vais encore me
mettre à quatre pattes, et dès que le pic passera
sa tête, tu la lui couperas. » La femme prit la
faux et son mari se mit à quatre pattes. L’oiseau
n’eut pas plutôt passé sa tête, que la paysanne
entreprit de la lui trancher ; mais l’arme, mal
dirigée, blessa seulement le κυλ du moujik. L’oiseau
s’envola, le paysan perdit tout son sang et mourut.