Contes populaires d’Afrique (Basset)/99

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 252-255).

99

LE LIÈVRE, LA HYÈNE ET LE LION[1]


Un jour le lion se réunit à la hyène et au lièvre et ils délibérèrent d’aller dans le pays pour faire un jardin. Ils allèrent dans la campagne, firent un jardin, y plantèrent des choses comestibles, s’en retournèrent dans leurs demeures et attendirent.

Lorsque le temps de la maturité des comestibles fut pleinement arrivé, ils dirent :

— Allons à notre jardin et voyons nos plantations.

Or il était très éloigné. Le lièvre dit à ses compagnons :

— En allant à notre jardin, ne nous arrêtons pas en route ; celui qui s’arrêtera sera mangé.

Ses compagnons acceptèrent ce qu’il proposait.

Alors ils partirent, et tandis qu’ils étaient en route, le lièvre s’arrêta. Ses compagnons dirent :

— Le lièvre s’est arrêté ; il doit être mangé.

Il répondit :

— Bien, je réfléchissais.

Ils lui demandèrent :

— À quoi réfléchissais-tu ?

— Je réfléchissais à ces deux pierres : une grande et une petite ; la petite ne peut pas aller au dessus et la grosse ne peut pas aller au dessous.

Ses compagnons reprirent :

— Il dit la vérité.

Ils repartirent. Quand ils furent arrivés plus loin, le lièvre s’arrêta encore. Ses compagnons dirent :

— Le lièvre s’est arrêté ; il doit être mangé.

Il leur dit :

— Bien, je réfléchissais.

Ils lui demandèrent :

— À quoi réfléchissais-tu ?

— Je réfléchissais à ceci : quand les gens mettent de nouveaux habits, où vont les vieux ?

Ses compagnons reprirent :

— Il dit la vérité.

Ils repartirent. Quand ils furent arrivés plus loin, la hyène s’arrêta également. Ses compagnons dirent :

— La hyène s’est arrêtée ; elle doit être mangée.

Elle leur dit :

— Bien, je réfléchissais.

Ils lui demandèrent :

— À quoi réfléchissais-tu ?

— À rien du tout.

Les compagnons de la hyène la prirent et la mangèrent.

Le lion et le lièvre restèrent alors et ils repartirent.

Quand ils furent arrivés plus loin, ils virent un endroit où il y avait une caverne. Le lièvre s’arrêta ; le lion dit :

— Le lièvre s’est arrêté, il doit être mangé.

Le lièvre reprit :

— Bien, je réfléchissais.

— À quoi réfléchissais-tu ?

— Je réfléchissais sur cette caverne. Dans les anciens temps, nos ancêtres avaient l’habitude d’y entrer et d’en sortir ; je vais y aller et essayer d’y entrer et d’en sortir. Il y alla, y entra et en sortit plusieurs fois.

Il dit au lion :

— Vieux lion, vas-y aussi et essaie d’y entrer et d’en sortir.

Le lion y alla, entra dans la caverne et fut pris solidement, de sorte qu’il ne pouvait ni avancer, ni reculer. Alors le lièvre arriva par derrière le lion et mangea sa chair. Quand il eut mangé, le lion dit :

— Frère, mange-moi par devant.

Le lièvre répondit :

— Je ne puis pas te manger par devant : mes yeux ont honte.

Alors le lièvre s’en alla, laissa le lion et garda le jardin pour lui-même.




  1. Steere, Swahili tales, Londres, Bell et Daldy, 1870, in-8, p. 326-329.