Contes populaires d’Afrique (Basset)/68

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 171-172).

CINQUIÈME PARTIE

LANGUES DE LA SÉNEGAMBIE
ET DE LA GUINÉE

XXIX. — MANDÉ[1]

68

LA HYÈNE ET LE LIÈVRE[2]


La hyène dit une nuit au lièvre :

— Allons pêcher.

Ils se rendent de concert à la rivière et bientôt le lièvre attrape un beau poisson. La hyène jalouse préméditait le vol du poisson. Comme il fallait camper en attendant le jour, la hyène prétexta la maraude et passa sur l’autre rive de la rivière. Avant de partir, afin de détourner les soupçons, elle recommanda au lièvre de faire bonne garde pendant la nuit :

— Méfie-toi, ami lièvre, le pays est infesté de voleurs ; on pourrait bien venir te voler notre poisson ; encore une fois, veille bien.

— J’ai compris, dit le lièvre ; tu peux être tranquille.

Vers la moitié de la nuit, la hyène, dans le but d’accaparer le poisson, traversa en silence la rivière pour voler son camarade. Mais le lièvre qui veillait bien, s’empara d’un tison et le jeta dans les yeux de la hyène, qui s’empressa de s’enfuir et de repasser la rivière.

Au jour, la hyène, de l’autre rive, interpella le lièvre :

— Bonjour, lui cria-t-elle, tu t’es donc battu avec les voleurs ?

Le lièvre répondit en regardant la hyène et en souriant :

— Oui.

La hyène honteuse ajouta :

— Pour un gaillard si petit, tu as le bras solide ; non seulement tu as chassé le voleur et tu lui as fendu la figure, mais encore ton coup a été si rude que le feu du tison a été projeté sur moi par dessus la rive et m’a brûlé les yeux.



  1. Le Mandé est parlé dans le Haut Sénégal et sur les bords du Haut Niger.
  2. Binger, Du Niger au Golfe de Guinée, Paris, Hachette, 1892, 2 vol. in-4, t. II, p. 9.