Contes populaires d’Afrique (Basset)/138

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 367-370).

LXXVIII. — OVA-HERERO[1]

138

LA VIEILLE FEMME QUI MET LES ENFANTS DANS SON SAC[2]


Il y avait une vieille femme qui mettait les enfants dans son sac.

Un jour beaucoup de jeunes filles étaient rassemblées ; elles allèrent à un étang pour jouer. Elles enlevèrent leurs vêtements, les omitombe (colliers de fragments d’œufs d’autruche) les tabliers, les perles, les colliers et elles entrèrent dans l’eau. Ensuite une jeune fille regarda dans le lointain et aperçut une vieille femme avec un grand bâton à la main et un sac sur le dos. La jeune fille dit aux autres :

— Venez, sauvons-nous ; la vieille qui met les enfants dans son sac est là.

Dès qu’elle eut dit cela, toutes sortirent de l’étang et coururent, chacune prit le tablier et l’omitombe de l’autre, tant elles étaient empressées de fuir et elles coururent au village.

Une enfant avait laissé les étanda (colliers de perles métalliques) à terre. La vieille arriva sur ces étanda, les prit et les mit dans son sac. Cette enfant dit :

— Je retourne, je veux réclamer mes étanda à cette esclave, la vieille ; assurément je ne les lui laisserai pas.

Les autres lui dirent :

— Enfant, aie pitié de toi ; c’est la vieille de qui l’on dit qu’elle met les enfants dans son sac.

— Non, répondit-elle : je veux aller enlever les étanda de ma mère à la vieille esclave.

Les autres s’en allèrent au village ; elle retourna sur ses pas, vint en pleurant et mit ses bras sur sa tête. Quand elle était encore loin sur le chemin, elle cria :

— Vieille femme de Moutyimba, donne-moi les étanda de ma mère que tu as pris.

— Viens, prends-les, dit la femme.

La fille s’approcha en courant et dit à la vieille :

— Rends-moi les étanda de ma mère.

L’autre lui dit de nouveau :

— Prends-les.

Elle s’approcha et lui donna un soufflet sur la joue. Alors la vieille se précipita rapidement sur elle et la fourra dans son sac qu’elle ferma avec des courroies. Puis elle attacha le sac sur son épaule et le porta ainsi. Alors elle suivit la trace là où les enfants étaient allés dans le village.

Quand elle y parvint, on avait tué et les gens faisaient bonne chère. Elle arriva le soir et se tint derrière le village dans la brousse. Ensuite les enfants la virent et dirent à leur père :

— Cette femme, c’est la vieille qui tue les enfants et nous met dans son sac.

Elles demandèrent à leur père :

— Qu’allons-nous faire d’elle ?

Il leur répondit :

— Jetez-vous sur elle le soir quand tout commence à dormir.

Quand on alla se coucher le soir, les enfants se rendirent près de la vieille et dirent :

— Mère, que veux-tu que nous te donnions ?

Elle répondit :

— Que dois-je désirer, mes chers enfants ; cherchez-moi un gros morceau de bois à brûler, je meurs de froid.

Alors elles allèrent chercher un grand arbre sec qu’elles avaient vu depuis longtemps, le mirent sur leurs épaules à toutes, l’apportèrent et dirent à la vieille :

— Nous t’avons apporté un morceau de bois ordinaire qui est suffisant la nuit pour une vieille comme toi. Ainsi tu peux te coucher tranquillement sur le dos.

Elles lui apportèrent ainsi le bois.

Quand elle dormit ainsi la nuit, les enfants ouvrirent le sac et en retirèrent la jeune fille et les bagages ; puis elles y rassemblèrent toute espèce d’animaux méchants et mordants. Alors elles refermèrent le sac, s’en allèrent au village et apportèrent à leur père la jeune fille et les choses qu’elles avaient retiré du sac. Le père fit tuer du bétail, il donna un festin et ainsi il purifia la jeune fille.

Lorsque la vieille femme se leva, elle tâta le sac et crut que la jeune fille y était encore. Elle l’ouvrit, mais elle pensa défaillir de colère, parce que les enfants lui avaient tout enlevé de son sac. Alors les animaux se glissèrent dehors et lui pénétrèrent par tout le corps, dans la bouche, le nez et les oreilles. Alors elle mourut.

C’est fini.




  1. L’ova-herero est parlé dans l’Afrique sud-ouest allemande.
  2. Buttner, Mærchen der Ova-herero, Zeitschrift für afrikanische Sprachen, t. I, 1887-88, in-8, Berlin, Asher, p. 189-198.