Contes populaires d’Afrique (Basset)/132

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 347-350).

132

LE SORCIER ET LE FILS DU CHEF[1]


Il y a des années, il y avait un homme : c’était un sorcier qui ne possédait pas de bétail. Il vit le fils du chef et dit :

— Je tuerai cet enfant par sorcellerie.

Il fit ainsi. Quand il fut mort, on le porta dans sa tombe. Le sorcier alla l’y prendre ; arrivé au cimetière, il répandit une médecine sur la fosse. L’enfant sortit de la fosse ; le sorcier le mit sur son dos et l’emporta chez lui. Arrivé à sa hutte, il dit :

— Aujourd’hui, j’ai trouvé du lait.

Il dit à cet enfant :

— Si je suis allé te chercher, je t’ai cherché afin de faire de toi un fantôme.

Il en fit un fantôme qui lui procura du lait et dit :

— Va chez ton père me chercher du lait.

y alla pendant plusieurs années, rapportant toujours du lait. Son père dit :

— Oh ! qu’est-ce qui nous enlève mon lait ?

Les garçons dirent :

— Nous ne savons pas.


— C’est vous qui le volez ?

— Non, père.

— Qui est-ce qui le mange ?

Il emmena les vaches dans une île, mais aussi le fantôme y alla continuant chaque jour à enlever le lait. Le chef demanda aux bergers :

— Comment est-ce maintenant ?

— Les vaches n’ont toujours pas de lait, le fantôme tette les vaches.

— Comment ferai-je ?

— Laissez-les ; nous verrons lorsque les eaux baisseront, nous mènerons les vaches dans la forêt.

Ils firent ainsi et les menèrent à la forêt. Quand les bergers furent arrivés, ils dormirent deux jours. Alors le fantôme arriva et fit aux vaches comme auparavant, prenant le lait, le portant à ce sorcier et le lui donnant. Le chef interrogea les bergers :

— Comment est-ce maintenant ?

— C’est toujours ainsi.

Le chef dit à ses enfants et à sa femme :

— Comment faire ?

— Appelle des médecins.

Le chef fit ainsi, il alla vers un médecin, lui parla, disant :

— Mon enfant, consulte le sort pour moi. Il dit :

— Mon père, mon seigneur, je ne sais pas consulter le sort.

— Viens, mon enfant, tu le sais.

— Soit, allons.

Ils allèrent. Arrivés au village, le médecin dit :

— Mon père, le sorcier qui te fait du mal, c’est quelqu’un du village.

— Qui est-il ?

— Oh ! je ne l’ai pas vu.

Il dit :

— Cherche des hommes robustes qui puissent tenir ma corne.

Il les chercha. Ils saisirent la corne. Il dit :

— Ma corne, saisis le sorcier.

Elle alla. Il dit :

— Ma corne, saisis le sorcier.

Elle alla. Il dit :

— Ma corne, saisis le sorcier que je reçoive un bœuf.

La corne alla : elle arriva dans le village et entra dans la hutte d’un sorcier. Elle cassa les assiettes, les pots et tous les objets qui se trouvaient là dans la hutte.

Le sorcier sortit et dit :

— Qu’est-ce qui arrive ?

— Tu le demandes ? Tu es un sorcier.

— Oh ! où est ma sorcellerie ?

— Ne vois-tu pas ? Pourquoi cette corne entre-t-elle dans ta hutte ?

— Elle y entre pour rien ; il n’y a pas de sorcellerie chez moi.

Le médecin dit :

— Ma corne, viens ici.

La corne revint ; elle retourna avec son maître ; il la mit dans sa hutte. Il dit au chef ce qui était arrivé ; le chef dit :

— C’est bien, je l’ai vu, ce sorcier.

Il dit à ses gens :

— Allez, prenez-le, enfermez-le dans sa hutte, avec ses effets, ses enfants et sa femme ; mettez-y le feu et fermez la porte.



  1. Jacottet, Études sur les langues du Haut Zambèze, 3e partie, fasc. II, Paris, E. Leroux, 1901, in-8, p. 109-112.