Contes populaires d’Afrique (Basset)/127

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 329-334).

LXXII. — XOSA OU KAFIR[1]

127

MLONJALONJANI, SA SŒUR ET UN MBOULOU[2]


Il y avait une fois un garçon appelé Mlonjalonjani qui était bossu. Sa sœur lui dit :

— Tel que vous êtes, êtes-vous réellement bossu ?

Elle ajouta :

— Venez, que je coupe votre bosse.

— Non, je mourrais, dit-il.

— Non, mon frère ; que ferez-vous quand vous devrez être circoncis ?

— Bien, dit-il, coupez-la.

Alors elle la coupa avec une hache.

— Ma chère, ma chère, s’écria-t-il, je meurs, ma sœur.

— Patience, répliqua-t-elle, cela va être fini.

Elle coupa encore :

— Ma chère, ma chère ! je meurs.

— Patience, cela va être fini ; c’est près d’être terminé.

Elle coupa encore et la bosse tomba. Mais quand elle fut tombée, il mourut.

La sœur courut et alla dire à son père et à sa mère que Mlonjalonjani était mort. Alors le père et la mère vinrent en versant des larmes. Quand ils atteignirent leur hutte, ils allumèrent du feu, s’y placèrent et se brûlèrent.

Alors les filles partirent en criant. Elles poussèrent en avant le bétail et allèrent à la recherche de leur mère.

Tout à coup, la terre fut couverte d’un brouillard épais, et il fit sombre.

Elles chantaient : — Ouvrez-vous, terre : hélas ! hélas !

Nous avons perdu notre mère. Hélas ! hélas !

Elle s’est brûlée elle-même avec la hutte, hélas ! hélas !

Nous avons tué Mlonjalonjani ; hélas ! hélas !

En lui coupant sa bosse ; hélas ! hélas !

Alors la terre s’ouvrit.

Elles marchèrent et marchèrent tant et tant qu’elles entendirent un bruit comme roqo, roqo, roqo qui venait de dessous une pierre dans une colline. Alors cette chose sortit et demanda :

— Après quoi regardez-vous ?

Elles chantèrent :

Nous avons perdu notre mère, etc.

Cet être était un Mboulou (sorte de monstre). Il leur dit :

— Allez, je vais vous guider sur la route et vous amener à votre mère.

Alors elles se mirent en marche. Le Mboulou leur dit :

— Si vous êtes touchées par l’eau, vous devez y entrer et vous baigner.

Alors elles marchaient en chancelant, de pierre en pierre. Tout à coup, le Mboulou frappa l’eau avec sa queue et les éclaboussa. Puis il leur dit :

— Entrez dans l’eau et baignez-vous, puisque vous avez été touchées par elle.

Elles y entrèrent. Alors le Mboulou prit leurs vêtements et les mit sur lui.

— Laissez-nous nos vêtements, dirent-elles.

Il répondit :

— Avancez un peu. De quoi vous plaignez-vous ?…

Elles avancèrent. Quand elles approchèrent du village, elles dirent :

— Laissez-nous nos vêtements.

Il répondit :

— De quoi vous plaignez-vous ?

Alors elles couvrirent leur corps avec de l’argile et avancèrent.

Elles arrivèrent à ce village. Alors l’être qui était un Mboulou avec une queue dit :

— Donnez à manger à ces enfants de chien.

Elles reçurent de la nourriture. On leur dit d’aller garder les jardins qui étaient dévorés par les oiseaux. Elles allèrent les garder le lendemain matin.

Un vieil homme dit :

— Tsayitsayibom. Il y a des oiseaux près de vous, race de chiens !

Les filles répondirent :

— Tsayitsayibom. Ils sont près de vous, Mabelengambonge !

Nous avons perdu notre mère, helas ! hélas !

— Qu’est-ce que cela ? dit le vieil homme.

Elles rentrèrent le soir à la maison. Le vieil homme ne dit rien.

Quant au Mboulou, il était demeuré à la maison. Elles lui demandèrent des nouvelles. Il leur dit :

— Notre santé est encore bonne.

Elles ne voyaient pas que ce n’était pas une fille, mais un Mboulou. Il sortit avec le chef et s’en alla dormir avec lui dans sa hutte. Il dit qu’il avait mal au ventre. Alors il dit :

— Neineinou, j’ai besoin d’une médecine.

Alors une souris vint. Le vieil homme était tranquille là. Il dit :

— C’est un Mboulou ; sa queue cherche des souris.

Mais il ne le dit à personne.

Le matin arriva, les jeunes filles allèrent garder les jardins. Le vieil homme dit :

— Tsayitsayibom ! il y en a là, race de chiens. Il y a déjà longtemps qu’ils dévorent le jardin ; ils vont l’achever complètement.

Elles répondirent :

— Tsayitsayibom ! ils sont près de vous, Mabalengambonge.

Nous avons perdu notre mère, hélas ! hélas !

Elle s’est brûlée avec sa hutte, hélas ! hélas !

Nous avons tué Mlonjalonjani, hélas ! hélas !

En lui coupant sa bosse, hélas ! hélas !

Nous allions à la recherche de notre mère, hélas ! hélas !

Nous rencontrâmes un Mboulou ; hélas ! hélas !

Il nous a volé nos vêtements ; hélas ! hélas !

Maintenant, nous sommes assises dans la mangeoire des chiens, hélas ! hélas !

Alors elles allèrent à la maison. Mabelengambonge dit au roi :

— Qu’est-ce que vous me donnerez et je vous dirai une chose ?

Le roi lui dit :

— Je vous donnerai une vache.

— Qu’est-ce qui me reste de dents pour manger une vache ?

Le roi reprit :

— Je vous donnerai un bouc.

— Qu’est-ce qui me reste de dents pour manger un bouc ?

— Je vous donnerai un pagne.

— Quels reins me reste-t-il pour les couvrir d’un pagne ?

— Je vous donnerai du millet.

— Voyons, dit l’homme.

Alors on lui versa du millet et il le mangea.

Puis il dit :

— Ces filles disent qu’elles ont perdu leur mère, qu’elles sont allées à sa recherche et qu’elles ont rencontré le Mboulou qui leur a volé leurs vêtements.

Alors on dit à ce Mboulou :

— Va prendre du grain dans la fosse.

Il descendit dans la fosse : on versa sur lui de l’eau bouillante, mais il bondit dehors en disant :

— J’ai plus d’une fois joué des tours aux jeunes filles.

C’est la fin.



  1. Le Xosa est parlé sur la côte du Natal, au sud de Durban, dans l’Afrique australe anglaise.
  2. J. Torrend, A comparative Grammar of the South-African Bantu languages. Londres, Kegan Paul, 1891, in-8, p. 300-305.