Contes populaires d’Afrique (Basset)/124

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 316-318).

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SÉÈTÈTÈLANÉ[1]


Il y avait un homme extrêmement pauvre, nommé Séètètèlané. Il n’avait pas même une femme. Il se nourrissait uniquement de souris sauvages ; son manteau était fait de peaux de souris sauvages ainsi que sa scha (sorte de caleçon). Un jour qu’il était allé à la chasse des souris sauvages, il trouva un œuf d’autruche et dit :

— Cet œuf, je le mangerai lorsque le vent viendra de là-bas. Il le serra au fond de sa hutte.

Le lendemain, il alla, comme d’habitude, à la chasse des souris sauvages. À son retour, il trouva du pain qu’on venait de cuire, du yoala qu’on venait de préparer. Il en fut ainsi pendant plusieurs jours de suite. Il disait :

— Séètètèlané, est-ce que réellement tu n’aurais pas de femme ? qui, si ce n’est ta femme, aurait pu te cuire ce pain ou te préparer le yoala ?

Enfin, un jour, une jeune femme sortit de cet œuf et lui dit :

— Séètètèlané, quand bien même tu serais ivre de yoala, ne m’appelle jamais fille d’un œuf d’autruche.

À partir de ce moment, cette femme devint la femme de Séètètèlané. Un jour elle lui dit :

— Est-ce que tu aimerais avoir des gens à toi ?

Il répondit :

— Oui, je l’aimerais.

Alors sa femme sortit et se mit à frapper avec un bâton à l’endroit où l’on jetait les cendres. Le lendemain, à son réveil, Séètètèlané entendit un grand bruit, comme celui d’une foule d’hommes. Il était maintenant devenu un chef et était vêtu de belles fourrures de chacal. Les gens vinrent vers lui avec empressement ; de toutes parts on lui criait :

— Salut, notre chef ! salut, notre chef !

Tout le monde le saluait ainsi avec respect. Même les chiens se mettaient de la partie. Partout on entendait les beuglements des bestiaux ; Séètètèlané était chef d’un village immense. Il dédaignait maintenant ses peaux de souris sauvages ; il n’était plus vêtu que de fourrures de chacal et, la nuit, il dormait sur de belles nattes.

Un jour, comme il était ivre de yoala au point de ne plus pouvoir bouger, il cria à sa femme :

— Fille d’un œuf d’autruche !

Sa femme lui demanda :

— Est-ce bien toi, Séètètèlané, qui m’appelles fille d’un œuf d’autruche ?

— Oui, je te le dis : tu es la fille d’un œuf d’autruche.

Le soir, il se coucha bien au chaud dans des fourrures de chacal et s’endormit profondément. Au milieu de la nuit, il se réveilla et, tâtonnant avec ses mains, il s’aperçut qu’il était couché sur le sol nu et qu’il était couvert de ses anciennes peaux de souris sauvages qui arrivaient à peine jusqu’à ses genoux ; il était affreusement transi. Il s’aperçut aussi que sa femme n’était plus là et que tout son village avait disparu. Alors, il se rappela tout et s’écria :

— Hélas ! que vais-je faire ? Pourquoi ai-je dit à ma femme : Tu es la fille d’un œuf d’autruche ?

Il était redevenu un homme extrêmement pauvre, sans femme ni enfant. Il vieillit ainsi, ayant toujours pour seule nourriture la chair des souris sauvages et se vêtant de leurs peaux jusqu’à sa mort.



  1. E. ]acottet, Contes populaires des Bassoutos, Paris, E. Leroux, 1895, in-18, p. 259-262.