Contes populaires d’Afrique (Basset)/122

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 309-312).

122

DOUKOULI, L’HOMME-HYÈNE[1]


Eh bien oui ! Il arriva qu’un certain homme nommé Doukouli s’en alla au village de Nouamatchakaoumbé y chercher des jeunes filles pour les épouser. Les parents consentirent à sa demande et lui donnèrent une femme. Les amies de celle-ci vinrent pour la visite des fiançailles. Elles sortirent des huttes avec leurs mères et se mirent à cuire de la nourriture. Lorsqu’elles l’apportèrent, Doukouli (c’est là son nom, mais ce n’est pas un homme, c’est une hyène qui a mis des habits et qui prend la forme d’un homme), partit et s’en alla dans la forêt. Là il se mit à chanter et il appela ses amis les animaux sauvages pour qu’il pût les manger. Il dit :

— Eoué ! Eoué ! Que dirai-je ? Moi Doukouli-Doukou.

Si je t’attrapais, je te saisirais.

C’est moi qui change mes couleurs ! Hiyaya, gare à toi !

Or ce chant plut aux gazelles, lesquelles arrivèrent. Doukouli les saisit et les avala. Cela fait, Doukouli et ses amis, hyènes comme lui, quittèrent la forêt et retournèrent au village des beaux parents.

Or la fille cadette du chef de la noce (le père de la jeune fille) s’était cachée lorsque les autres étaient allées dans la forêt chanter et se transformer en hyènes.

Les jeunes gens prirent congé de leurs beaux-parents. Les jeunes filles les accompagnèrent et passèrent avec eux la rivière. Puis elles leur dirent adieu. Mais les jeunes garçons répondirent :

— Allons tous ensemble à la maison ; nous vous reconduirons demain.

Elles allèrent donc de l’avant avec eux jusqu’à ce qu’elles fussent arrivées à leur village. Mais elles trouvèrent que dans le village, il n’y avait point de huttes. C’était la campagne sauvage et il n’y avait que des terriers.

Alors elles rencontrèrent une vieille femme de hyène qui avait de la bonté et qui voulut bien leur dire la vérité.

— Mes belles-filles, dit-elle.

Mais elle ne sut comment faire pour leur raconter la chose.

Or les jeunes gens se retirèrent et dirent :

— Nous allons souper.

Elle leur dit alors :

— Mes belles-filles, partez ! retournez à la maison. Mes fils sont des mangeurs de gens.

Alors les jeunes filles partirent en courant et, à la rivière, elles firent la rencontre de la rainette. Elles lui demandèrent de leur faire passer l’eau.

— D’où venez-vous, mes enfants, leur dit-elle.

— Nous venons de chez Doukouli.

— Mais puisque Doukouli est un mangeur de gens, comment pouvez-vous vous sauver ? dit la rainette.

Elles répondirent :

— Nous nous jetons à tes pieds : fais-nous passer l’eau ! Nous ne saurions le faire seules, car nous ne sommes que des enfants.

La rainette prit un radeau et les fit traverser. Lorsqu’elles eurent atteint l’autre rive, elles s’assirent et se reposèrent un peu de l’essoufflement de leur course.

Doukouli se mit à leur poursuite et arriva à la rivière. Alors la plus jeune dit à ses sœurs :

— Voilà Doukouli ! mais il me faut chanter le refrain au moyen duquel il se transforme en hyène :

— Eoué ! Eoué ! que dirai-je ? Moi, Doukouli-Doukou.

Si je t’attrapais, je te saisirais.

C’est moi qui change mes couleurs ! Hiayaya : Gare à toi !

De cette façon, il se transforma en hyène. Il vint demander à la rainette :

— As-tu vu mes gens ?

Elle répondit :

— Je les ai vus.

— Donne-les-nous donc, dit-il.

— Oh, les voilà là-bas ! tout là-bas !

Doukouli entra dans une violente colère. Il voulut tuer la rainette. Mais celle-ci rentra dans l’eau et Doukouli craignit d’entrer dans la rivière parce qu’il était transformé en hyène.




  1. H.-A. Junod, Les Ba-Ronga, Neufchâtel, Attinger, 1898, in-8, p. 282-285.