Contes populaires d’Afrique (Basset)/108
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LA TORTUE ET l’ÉLÉPHANT[2]
a tortue rencontra l’éléphant en route et lui dit :
— Toi, éléphant, tu dis :
— Je suis seul grand ?
— Oui, répondit-il ; ne m’as-tu pas vu ?
— Ainsi tu es grand ?
— Oui, pourquoi ?
— Tu vois ta tête ?
— Comment ?
— Si je saute, je saute par dessus toi.
— Toi !
— Oui, moi.
— Toi, si petite !
— Oui.
— Allons, nous pourrions nous étonner : tu ne peux pas.
— Non, je suis fatiguée aujourd’hui, car je viens de loin.
— Étonne-toi donc de ta fanfaronnade !
— Tu penses que j’exagère ?
— Oui, tu es une menteuse : tu cherches le moyen de t’en tirer.
— Viens donc ; viens demain ici, tu t’étonneras de voir comme je saute.
L’éléphant s’en alla.
La tortue courut chercher sa femme ; elle la cacha dans la brousse près du chemin. Quand le jour fut clair, l’éléphant arriva. Sois le bienvenu, voilà la tortue.
— Es-tu venu, éléphant ?
— Oui. je suis venu ; je me suis dit : Je veux m’étonner de voir courir la tortue.
— Viens, tiens-toi ici.
Alors l’éléphant était au milieu : la tortue ici, sa femme la-bas ; l’éléphant entre elles.
— Allons, saute, tortue !
— Hop ! fait-elle de ce côté, et elle feint de s’élancer.
— Hé ! dit sa femme de l’autre côté.
L’éléphant pense :
— Je vais voir.
Il trouva effectivement la tortue.
— Diable ! c’est si rapide ! Recommence, car je ne t’ai pas bien reconnue.
Alors la femme de la tortue dit :
— Hop !
L’éléphant pense :
— Je vais regarder rapidement où elle dit : Hé !
Alors il voit la tortue.
— Non, dit-il, je crois maintenant que cette fois, tu as passé par dessus moi. Mais à la course, je te vaincrai sûrement.
— Je ne sais pas, dit la tortue ; peut-être ; je pourrai toujours essayer.
— Allons donc.
— Pas aujourd’hui, j’ai les jambes fatiguées de sauter. Mais viens demain.
— Très bien.
— Viens de bonne heure, car nous aurons une course à fournir.
Alors, pendant la nuit, la tortue prit tous ses enfants, ses cousins et ses alliés ; elle les cacha successivement près du chemin. Elle leur dit :
— Voyez : quand vous verrez arriver l’éléphant, faites semblant de courir sur la route comme si vous luttiez à la course avec lui.
Le lendemain, au lever du jour, l’éléphant apparut et dit :
— Tortue !
— Me voici, dit-elle.
— Es-tu là ?
— Oui.
— Viens, nous allons courir.
Alors l’éléphant s’élance dans sa course. Il trouva qu’il avait couru pendant une certaine distance et pensa : Je voudrais voir si j’ai laissé la tortue en arrière. Il appela :
— Tortue !
À son effroi, il entendit :
— Ici ; et la tortue était en avant. Il reprit de nouveau son élan ; il court, il court, il court. Il pense alors : Je vais voir où cette fois j’ai laissé mon amie.
— Tortue ? dit-il.
— Ici, lui répondit-on en avant, toujours de la même façon.
Ainsi arriva-t-il au détriment de l’éléphant.
- ↑ Les Wakondé habitent sur les bords de la Basse Rovouma, dans le sud de l’Afrique orientale allemande, près du Mozambique.
- ↑ Schumann, Grundiss einer Grammatik der Kondesprache ; Mittheillangen des Seminars für orientalische Sprachen zu Berlin, Berlin, 1899, W. Speemann, t. II, fasc. III, p. 82-85.