Contes populaires d’Afrique (Basset)/108

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 277-281).
LIX. — KONDE[1]

108

LA TORTUE ET l’ÉLÉPHANT[2]


La tortue rencontra l’éléphant en route et lui dit :

— Toi, éléphant, tu dis :

— Je suis seul grand ?

— Oui, répondit-il ; ne m’as-tu pas vu ?

— Ainsi tu es grand ?

— Oui, pourquoi ?

— Tu vois ta tête ?

— Comment ?

— Si je saute, je saute par dessus toi.

— Toi !

— Oui, moi.

— Toi, si petite !

— Oui.

— Allons, nous pourrions nous étonner : tu ne peux pas.

— Non, je suis fatiguée aujourd’hui, car je viens de loin.

— Étonne-toi donc de ta fanfaronnade !

— Tu penses que j’exagère ?

— Oui, tu es une menteuse : tu cherches le moyen de t’en tirer.

— Viens donc ; viens demain ici, tu t’étonneras de voir comme je saute.

L’éléphant s’en alla.

La tortue courut chercher sa femme ; elle la cacha dans la brousse près du chemin. Quand le jour fut clair, l’éléphant arriva. Sois le bienvenu, voilà la tortue.

— Es-tu venu, éléphant ?

— Oui. je suis venu ; je me suis dit : Je veux m’étonner de voir courir la tortue.

— Viens, tiens-toi ici.

Alors l’éléphant était au milieu : la tortue ici, sa femme la-bas ; l’éléphant entre elles.

— Allons, saute, tortue !

— Hop ! fait-elle de ce côté, et elle feint de s’élancer.

— Hé ! dit sa femme de l’autre côté.

L’éléphant pense :

— Je vais voir.

Il trouva effectivement la tortue.

— Diable ! c’est si rapide ! Recommence, car je ne t’ai pas bien reconnue.

Alors la femme de la tortue dit :

— Hop !

L’éléphant pense :

— Je vais regarder rapidement où elle dit : Hé !

Alors il voit la tortue.

— Non, dit-il, je crois maintenant que cette fois, tu as passé par dessus moi. Mais à la course, je te vaincrai sûrement.

— Je ne sais pas, dit la tortue ; peut-être ; je pourrai toujours essayer.

— Allons donc.

— Pas aujourd’hui, j’ai les jambes fatiguées de sauter. Mais viens demain.

— Très bien.

— Viens de bonne heure, car nous aurons une course à fournir.

Alors, pendant la nuit, la tortue prit tous ses enfants, ses cousins et ses alliés ; elle les cacha successivement près du chemin. Elle leur dit :

— Voyez : quand vous verrez arriver l’éléphant, faites semblant de courir sur la route comme si vous luttiez à la course avec lui.

Le lendemain, au lever du jour, l’éléphant apparut et dit :

— Tortue !

— Me voici, dit-elle.

— Es-tu là ?

— Oui.

— Viens, nous allons courir.

Alors l’éléphant s’élance dans sa course. Il trouva qu’il avait couru pendant une certaine distance et pensa : Je voudrais voir si j’ai laissé la tortue en arrière. Il appela :

— Tortue !

À son effroi, il entendit :

— Ici ; et la tortue était en avant. Il reprit de nouveau son élan ; il court, il court, il court. Il pense alors : Je vais voir où cette fois j’ai laissé mon amie.

— Tortue ? dit-il.

— Ici, lui répondit-on en avant, toujours de la même façon.

Ainsi arriva-t-il au détriment de l’éléphant.




  1. Les Wakondé habitent sur les bords de la Basse Rovouma, dans le sud de l’Afrique orientale allemande, près du Mozambique.
  2. Schumann, Grundiss einer Grammatik der Kondesprache ; Mittheillangen des Seminars für orientalische Sprachen zu Berlin, Berlin, 1899, W. Speemann, t. II, fasc. III, p. 82-85.