Contes populaires d’Afrique (Basset)/107

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 271-277).

LVIII. — MADJAMÉ[1]

107

LA HYÈNE ET SA FEMME[2]


Trois enfants qui ramassaient du bois à brûler allèrent et mangèrent des tubercules de dioscorée. Ils trouvèrent là une pierre et dirent :

— Cette pierre est aussi belle que celle sur laquelle notre père broie son tabac.

Ils mirent en morceaux un tubercule de dioscorée et les placèrent sur la pierre. Mais l’un d’eux qui arriva à la fin ne voulut pas le faire. Ils allèrent ensuite dans la forêt et ramassèrent du bois. Deux des enfants revinrent chargés de bois et passèrent devant la pierre ; mais lorsqu’arriva le troisième, celui qui n’avait pas voulu mettre des tubercules de dioscorée dessus, la pierre devint si grosse qu’il n’y avait pas de place pour passer. Alors arriva une hyène mâle qui dit :

— Si tu promets de devenir ma femme, je t’aiderai ; tiens-toi seulement solidement après ma queue, mais tiens-toi avec précaution.

Alors l’enfant saisit la queue de la hyène et celle-ci la fit passer par dessus. Ils arrivèrent ensuite à un fleuve ; la hyène dit :

— Tiens-toi après ma queue, mais avec précaution ; qu’elle ne se rompe pas.

Mais lorsqu’elle sauta par dessus, la queue se cassa.

— La queue d’un brave homme, d’un homme courageux, dit la hyène, ne se casse pas.

Elle plaça dessus une médecine et la queue fut guérie. Ils arrivèrent dans la broussaille où il y avait beaucoup de pierres : la hyène ouvrit sa maison. La femme demanda :

— Où sommes-nous ici ?

— Chez un brave homme, chez un homme courageux, lui répondit la hyène.

— Elle sortit, chercha une chèvre et la donna à la femme : elle chercha un cadavre et le plaça devant les bœufs. La femme mangea la chèvre et la hyène le cadavre.

Un jour, comme la femme était devenue grande, la hyène l’amena sur une place libre et la piqua avec une aiguille pour voir si elle était grasse. Quand elle retira l’aiguille, il y avait un peu de graisse après. Alors la hyène ramena la femme dans la maison. Elle lui apporta une chèvre et chercha pour elle-même un cadeau. Là-dessus, elle dit à la femme :

— Cherche une hache près des chevreaux et fends du bois.

La femme chercha, ne trouva pas et dit :

— Je ne vois pas de hache.

La hyène reprit :

— La hache d’un homme brave, d’un homme courageux est invisible !

La hyène chercha partout en apparence sur le sol et sortit. Elle alla sur le bord du fleuve et fendit le bois avec ses dents. Elle vit venir un garçon et cria à la femme :

— Ton jeune frère Machegou arrive, danse et porte des clochettes aux pieds.

La hyène ajouta :

— Poils, changez-vous en chair ; et cracha dessus ; les poils furent tous changés et la hyène devint un homme. Elle dit à Machegou :

— Apporte du bois.

Le garçon ramassa du bois et l’apporta à la maison. La hyène dit :

— À ton retour, danse quand tu viendras.

Le lendemain, le garçon revint, mais sans danser ; il avait bouché les clochettes pour les empêcher de sonner. Il vit tout à coup les poils de la hyène et cria :

— Il y a là une hyène.

— Tais-toi, dit celle-ci ; tais-toi ; tais-toi donc !

Mais le garçon cria :

— Il y a là une hyène ! il y a là une hyène.

Alors elle se jeta sur lui, arracha ses vêtements et ses clochettes, mit ses habits sur un bâton et dévora le garçon.

Quand la hyène revint à la maison, elle appela la jeune femme : Masawe ! Celle-ci lui demanda :

— Où est allé Machegou ?

— Il ramasse du bois, répondit la hyène.

Et elle ajouta au bout d’un instant :

— Je ne peux pas encore le voir.

L’enfant d’une hyène voisine vint et dit :

— Donne-moi un peu de feu, femme du roi !

La femme ne lui en donna pas aussitôt. L’enfant reprit :

— Jeune femme, jeune femme, donne-moi de la viande.

— Je n’en ai pas, dit-elle.

— Jeune femme, jeune femme, donne-moi un peu de viande.

Elle lui en donna. Alors l’enfant continua :

— Je ne suis pas encore rassasié ; donne-moi de la viande, femme du roi ; je te dirai ensuite quelque chose.

Elle lui en donna ; l’enfant lui dit :

— Aujourd’hui, tu dois être dévorée.

Il lui fit présent d’une médecine qui la purgea entièrement ; elle se barbouilla d’ordure, puis elle prit des fruits de solanée, en mit un avec les chiens, un avec les bœufs et un autre sur une place libre. Elle cracha dessus et dit :

— Quand tu seras appelée, réponds.

Les autres hyènes se mirent en route, et l’une dit :

— Masangya, comment paraît ta femme ?

Elle répondit :

— La femme d’un homme brave, d’un homme courageux ne ressemble pas à cela.

La femme s’enfuit.

Les hyènes furent joyeuses, dansèrent une danse et les petites hyènes ramassèrent du bois dans la broussaille et dirent :

— Du bois, du bois ! je vais rôtir de la viande ; du bois !

Masangya entra dans la maison et dit :

— Jeune femme ! jeune femme ! tes beaux-frères vont arriver ici ; il faudra bien répondre.

Elle appela la femme :

— Jeune femme ! jeune femme ! Masawe ! où es-tu !

— Je suis ici parmi les chèvres.

La hyène chercha, ne la trouva pas et cria de nouveau :

— Jeune femme ! jeune femme ! Masawe ! où es-tu ?

— Je suis parmi les bœufs.

La hyène chercha parmi les bœufs, ne vit rien et appela :

— Jeune femme ! jeune femme ! Masawe ! où es-tu ?

— Je suis ici sur l’endroit découvert.

Les autres hyènes appelèrent :

— Masangya, que fais-tu donc ?

Elle répondit :

— Ce n’est pas une chose facile à remuer.

Les frères lui dirent :

— Amène ta femme, que nous l’égorgions et que nous la mangions ; amène-la ! amène-la !

Masangya chercha et ne vit rien ; elle craignit les autres hyènes, se cacha dans la cendre et se couvrit de terre.

Les autres hyènes arrivèrent, entrèrent dans la maison, cherchèrent et dirent :

— Masangya est invisible.

Puis elles s’en allèrent.

Les petites hyènes, qui avaient été laissées à la maison, virent sur le bord du foyer une petite queue. Elles appelèrent les autres hyènes. Celles-ci arrivèrent, fouillèrent, mangèrent la queue, laissèrent un peu de viande et dirent aux petites hyènes :

— Gardez un morceau de la peau des grands bœufs des gens.

Mais la petite hyène qui la gardait en arracha quelque chose. Les autres dirent :

— Qui en arrache ? elle sera dévorée.

Et les hyènes la dévorèrent.

La femme fuyait ; elle arriva à un grand fleuve ; les hyènes la poursuivirent. Elle voulut s’élancer par dessus : les hyènes dirent :

— Attends, femme du roi !

La femme cracha sur le fleuve, le frappa avec un bâton, les eaux se séparèrent ; une partie alla en haut ; une autre en bas. Les hyènes voulurent passer, mais lorsqu’elles furent arrivées au milieu, les eaux revinrent en abondance et les submergèrent. Fin.




  1. Le Kimadjamé est parlé à l’est du Kilimandjaro, dans l’Afrique orientale allemande.
  2. Ovir, Mærchen und Rœthsel der Wamadschame ap. Seidel, Zeitschrift für afrikanische und ozeanische Sprachen, t. III, p. 65-72.