Contes populaires d’Afrique (Basset)/10

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 28-30).

II. — CHAOUIA DE L’AOURAS

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HISTOIRE DE l’OGRE ET DE LA BELLE FEMME[1]


Des chasseurs partirent avec leurs chameaux. Arrivés au pays de la chasse, ils lâchèrent leurs chameaux pour les laisser paître ; eux-mêmes chassaient jusqu’au coucher du soleil et revenaient ensuite à leurs campements. Un jour, l’un d’eux était en marche lorsqu’il aperçut les traces d’un ogre, grandes chacune de trois pas, et il se mit à les suivre. Il marcha et trouva l’endroit où il avait déposé sa fiente, grande comme un tas d’orge. Il s’en retourna et revint auprès de ses compagnons.

— J’ai trouvé la trace d’un ogre, dit-il, allons le rejoindre.

— Non, répondirent-ils, nous n’irons pas le rejoindre, car nous ne sommes pas plus forts que lui.

— Accordez-moi quatorze jours, dit le chasseur, si je reviens, vous le verrez ; sinon, emmenez mon chameau avec le gibier.

Le lendemain, il partit et se mit à suivre les traces de l’ogre. Il marchait depuis quatre jours lorsqu’il découvrit une caverne dans laquelle il entra. Dedans se trouvait une belle femme qui lui dit :

— Qui t’amène ici où tu vas être mangé par cet ogre ?

— Mais toi, répondit le chasseur, quelle est ton histoire et comment l’ogre t’a-t-il amenée ici ?

— Il y a aujourd’hui trois jours, répondit-elle, qu’il m’a enlevée ; j’étais la fiancée du fils de mon oncle, c’est alors que l’ogre m’a ravie. Je suis restée dans la caverne ; il m’apporte souvent de la nourriture ; je reste là et il ne me tue pas.

— Par où a-t-il l’habitude d’entrer, dit le chasseur, lorsqu’il revient ici ?

— Voilà son chemin, répondit-elle.

Il chargea son fusil et attendit. Au coucher du soleil, l’ogre arriva. Le chasseur arma la batterie, tira, atteignit l’ogre entre les deux yeux au moment où il s’asseyait. S’approchant de lui, il vit qu’il avait apporté deux hommes pour les faire cuire et les manger. Il passa la nuit avec cette femme dans la caverne. Le lendemain, ils employèrent la journée à extraire l’argent caché, emportèrent ce qu’ils purent et se mirent en route.

Le quatorzième jour, ils arrivèrent où ils avaient laissé leurs compagnons qui attendaient.

— Laissez la viande de la chasse, leur dit-il, et venez ; retournons à la caverne.

Une fois arrivés, ils se mirent à enlever des armes, des vêtements, chargèrent le tout sur leurs chameaux et partirent pour rentrer dans leurs villages.

Arrivés au milieu du chemin, les compagnons voulurent enlever cette femme au chasseur. Une dispute s’engagea ; ils se battirent sur la route, la poudre parla entre eux. Notre homme en tua quatre et continua sa route seul avec la femme, jusqu’à ce qu’ils arrivassent à leur village où ils se marièrent.




  1. G. Mercier, Cinq textes berbères en dialecte chaouia. Paris, 1900, in-8, p. 20-24.