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V. — RELIGION

Nous abordons maintenant la religion à laquelle l’étude des êtres surhumains servait naturellement de préface. On peut distinguer dans une religion diverses parties : les croyances qui la constituent, le principe qui lui sert de base, la morale qui en découle, les pratiques qu’elle prescrit pour le culte. Nous n’avons pas l’intention d’étudier à fond ces différents points : nous voulons seulement toucher quelques-uns d’entre eux.


§ 16. — CROYANCES VULGAIRES

Il serait difficile de tirer de nos récits un corps complet de croyances. Mais il est aisé de voir qu’ils supposent partout l’adhésion non discutée aux croyances et aux enseignements du brahmanisme. La guerre des dieux et des Dânavas leurs adversaires, le barattement de la mer, le triomphe de Vishnu sont rapportés et proclamés. Nârâyana (qui est Vishnu) est adoré une seule fois. Devî est invoquée dans l’introduction par Bhoja qui a trouvé le fameux trône, et, dans le récit 32, par Vikramâditya qui obtient d’elle la cessation de la famine. Cette Devî est identifiée à Parameçvari, qui suppose Parameçvara. Parameçvara se confond avec Içvara dont la vénération est recommandée plusieurs fois. Tous ces noms se rapportent à Çiva. Nous trouverions donc dans nos contes Vishnu et Çiva, ce qui suppose une sorte de conciliation entre les deux divinités rivales. Mais les divinités ne sont ni fréquemment, ni clairement citées ; les récits du trône n’ont point un caractère bien accusé, soit dans le sens du çivaïsme, soit dans le sens du vishnuïsme. Ils s’occupent peu des grandes divinités du Panthéon brahmanique, ils aiment mieux s’attacher à de menues divinités qui peut-être ne sont guère plus réelles (je parle en me plaçant au point de vue hindou) que les noms de lieux et les autres particularités notées dans les différents contes, mais qui du moins, nous paraissent représenter fidèlement les objets de l’adoration populaire. Car nous n’avons point à faire ici aux leçons officielles du brahmanisme ; il s’agit de contes composés pour la foule. Or, elle doit y retrouver, sous une forme mythique qui semble la transporter dans un monde de fantaisie, l’image de ses préoccupations habituelles. Peu importe que telle divinité citée dans les contes n’existe pas plus que le lieu où son autel est censé établi, pourvu qu’elle ressemble à telle divinité dont le lecteur indigène a pu visiter la résidence. Or nous croyons que nos 32 récits nous dépeignent assez fidèlement ce culte populaire.