Contes inédits (Poe)/Poésies/Pour Annette

Traduction par William Little Hughes.
Contes inéditsJules Hetzel (p. 309-314).

POUR ANNETTE


I

Grâce au ciel, la crise, le danger est passé ! La lente maladie a suivi son cours, et la fièvre qu’on nomme « Vivre » est vaincue enfin.


II

C’est pitié, je le sais, de rester aussi faible. Je gis là, étendu de mon long, incapable de mouvoir un muscle ; mais qu’importe ! je me sens mieux au sortir de l’épreuve.


III

Si calme est le repos que je goûte dans mon lit, qu’un spectateur me pourrait prendre pour un mort, — pourrait frissonner à ma vue, me croyant mort.


IV

J’ai fini de geindre et de gémir, de soupirer et de sangloter ; trêve aussi à ces affreux battements de cœur : — Oh ! ces affreux, trop affreux battements de cœur !


V

Le malaise, la nausée, l’impitoyable douleur ont cessé avec la fièvre qui me troublait le cerveau, — avec la fièvre qu’on nomme « Vivre, » qui me brûlait le cerveau.


VI

Et la plus terrible de mes souffrances s’est calmée. — Oh ! de toutes les tortures, c’est la pire, que cet ardent désir de s’abreuver au fleuve bitumineux de la Passion maudite : j’ai bu d’une eau qui apaise toute soif ;


VII

D’une eau dont le murmure endort comme un chant de berceuse, et dont la source se trouve à quelques pieds sous terre, dans une caverne creusée à très-peu de distance sous terre.


VIII

Ah ! que personne n’ait la sottise de dire que mon séjour paraît sombre et mon lit trop étroit ; car jamais homme n’a dormi sur un lit différent, — et pour vraiment dormir, il vous faudra prendre place dans un lit tout pareil.


IX

Mon esprit, délivré du supplice de Tantale, jouit d’un doux repos, oubliant ou ne regrettant pas ses roses d’autrefois, — ses anciennes agitations, ses myrtes et ses roses.


X

Car voilà qu’immobile sur sa couche, il croit sentir autour de lui un parfum moins mondain de violettes, — un parfum de romarin entremêlé de violettes, — de fougère et de belles violettes puritaines.


XI

Grâce à cet heureux sommeil, il se baigne dans maint rêve de la constance et de la beauté d’Annette. — Il reste noyé dans un bain des tresses d’Annette.


XII

Elle m’embrassa tendrement, avec amour elle me caressa ; puis je m’endormis peu à peu sur son sein, — je tombai dans une profonde léthargie en roulant du ciel de son sein.


XIII

La lumière éteinte, elle m’enveloppa chaudement, et pria les anges de me garder de tout mal. — Elle pria la Reine des anges de me protéger contre le mal.


XIV

Et je goûte une paix si tranquille, étendu sur ma couche (confiant dans l’amour d’Annette), que vous me croyez mort ; et je dors si satisfait, étendu sur ma couche (avec l’amour d’Annette dans mon cœur), que vous me croyez mort, — que vous frissonnez à ma vue, me croyant mort.


XV

Mais mon cœur a plus d’éclat qu’aucune des nombreuses étoiles du ciel, car l’image d’Annette y scintille ; la splendeur de l’amour de mon Annette, — le souvenir des yeux brillants de mon Annette le font rayonner.