Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 34

Ernest Leroux (p. 199-202).


LES RUSES DU LIÈVRE



Le lièvre se trouvait avec tous les autres animaux dans la brousse, près d’un marigot où il était défendu de boire. Il les quitte sans être vu. Les grands animaux décident de boire seulement le soir, et de laisser quelqu’un pour garder le marigot pendant qu’ils seront dans la brousse. Pendant ce temps, le lièvre attache à ses épaules des morceaux de calebasse et des ferrailles. Il rencontre la hyène et lui demande : « Quel est le gardien du marigot ? ». « C’est moi, dit la hyène, il est défendu de boire ». À midi, le lièvre arrive avec son attirail, il salue la hyène, qui ne le reconnaît pas, et lui demande quel est le gardien. La hyène dit que c’est elle. « Ça va bien, dit le lièvre, nous pouvons nous entendre ; si ç’avait été le lion, l’hippopotame, l’éléphant, nous nous serions battus ». La hyène a peur et se sauve : le lièvre boit ; la hyène va trouver les animaux qui lui demandent si quelqu’un a bu. La hyène répond : « Il est venu un être terrible qui m’a fait peur et je me suis sauvée ». « Tu n’es bonne à rien », disent les animaux.

Ils mettent le lendemain l’autruche de garde : elle court autour du marigot. À midi, arrive le lièvre, déguisé comme la veille. Même conversation qu’avec la hyène. L’autruche se sauve, les animaux lui demandent ce qui s’est passé : elle dit : « Un être terrible m’a fait peur ». La biche dit : « Je vais garder le marigot ». Le lion dit : « Je vais moi-même voir ce que c’est, et en arrivant, vous trouverez un mort, moi ou l’être terrible ».

Le lendemain à midi le lièvre arrive : même conversation qu’avec la hyène et l’autruche. Le lièvre descend près de l’eau. Le lion se met près de lui. Le lièvre secoue ses ferrailles et le lion recule jusqu’auprès des arbres qui bordent le marigot. Le lièvre boit, et s’en va. Les animaux reviennent et demandent ce qu’il est arrivé. Le lion dit : « Il est venu un être terrible, qui est plus grand que tout, seul Dieu est plus fort que lui. »

Le lendemain l’éléphant prend la garde, Il arrache tous les arbres. À midi le lièvre vient et salue l’éléphant : même conversation qu’avec les autres animaux. L’éléphant jette à plusieurs reprises un morceau de bois au lièvre, qui saute par dessus chaque fois, et dit : « Je suis venu boire : tu n’es pas assez fort pour m’en empêcher ». Comme l’éléphant avance, le lièvre se sauve en passant dans un arbre, son attirail se détache et tombe. L’éléphant le poursuit, lui jette une branche, l’attrape, le tue, le porte au bord de l’eau. Il appelle tous les animaux et leur dit : « Personne n’a bu de l’eau ».