Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 33

Ernest Leroux (p. 195-198).


LE LIÈVRE CULTIVATEUR[1]


Le lièvre avait l’intention de planter du mil. Il va trouver séparément l’éléphant et l’hippopotame et leur demande s’ils veulent cultiver un champ avec lui. Ils acceptent. L’éléphant dit qu’il travaillera pendant la journée ; l’hippopotame préfère travailler la nuit. Le lièvre dit au premier qu’il cultivera pendant la nuit, et au second qu’il cultivera le jour, mais en réalité il ne fait rien. Les deux grands travaillent, et en voyant le travail fait par l’autre, chacun d’eux croit que c’est le lièvre qui l’a fait.

Enfin le mil est mur. Le lièvre dit à l’éléphant : « Nous allons mettre une grande corde par terre et tirer chacun de notre côté : celui qui entraînera l’autre gardera tout le mil ». L’éléphant accepte. Il va dire la même chose à l’hippopotame, qui accepte aussi. Il prend alors une grande corde, en donne un bout à l’hippopotame qui est dans l’eau, et l’autre à l’éléphant qui est dans la brousse : il y a une journée de marche entre les deux. Les deux grands tirent. L’éléphant dit : « Comment un petit animal comme le lièvre peut-il tirer si fort ? ». De son côté l’hippopotame pleure parce qu’il a honte de ne pouvoir entraîner le petit lièvre. Ils tiraillent pendant un jour. Le lièvre est au milieu et les regarde faire.

Les grands s’aperçoivent que ce n’est pas le lièvre qui tire et laissent la corde à terre. Ils se réunissent et se demandent ce que cela signifie : ils voient que le lièvre les a trompés et qu’il n’y a pas de leur faute. L’hippopotame défend au lièvre de boire au fleuve : l’éléphant lui défend d’aller brouter dans la brousse. Le lièvre se cache. Un jour de grand vent, il se couvre d’une peau de bouc et fait semblant de boiter. Il passe sur le bord de l’eau. L’hippopotame l’appelle et lui demande s’il a vu le lièvre : il répond : « C’est le lièvre qui m’a mis dans cet état : il m’a cassé une patte et abîmé le dos : il est comme fou ». L’hippopotame effrayé lui crie : « Dis au lièvre que je lui permets de boire au fleuve et de prendre tout le mil. » Le lièvre va ensuite du côté de l’éléphant, qui lui demande s’il a vu le lièvre. Il lui répond comme à l’hippopotame. L’éléphant lui dit : « Dis au lièvre que je lui permets d’aller manger dans la brousse et qu’il peut prendre toute la récolte ». Le lièvre coupe alors le mil et le met dans son kro-kro[2].



  1. Ce récit et les deux suivants m’ont été racontés par Oumarou Maïga, laptot du Niger, originaire du Djerma
  2. Grenier à grains