Contes des mers du sud/La Graine de Mac Coy

Contes des mers du sud
Traduction par Paul Gruyer et Louis Postif.
Contes des mers du sudHachette (p. 11-53).

CONTES DES MERS DU SUD


LA GRAINE DE MAC COY

Le trois-mâts le Pyrénéen, avec ses flancs de fer profondément enfoncés dans l’eau, sous le poids de la cargaison de blé qu’il portait, roulait paresseusement sur ses ancres, au large de l’île : escarpée de Pitcairn, qui fait partie de l’archipel océanien des Pomotou.

Un indigène, venu de terre dans une minuscule pirogue à balancier, rallia le navire et, par une échelle de corde qu’on lui lança, monta prestement à bord.

En franchissant la lisse et en sautant sur le pont, il lui sembla voir devant lui un vague et presque imperceptible brouillard, une sorte de pellicule légère qui recouvrait les choses et en troublait le contour.

Était-ce une illusion de ses yeux, qu’il s’essuya, ou bien une réalité ? Il songea qu’il se faisait vieux et qu’il était temps pour lui de se commander une paire de lunettes à San-Francisco, à la première occasion qui s’offrirait.

Il promena son regard autour de lui, puis le leva vers la mâture. Rien d’anormal n’apparaissait et il se demanda pourquoi le navire sur lequel il se trouvait avait hissé le signal de détresse.

Une maladie contagieuse s’était-elle déclarée à bord ? Ou, pour une cause inconnue, le trois-mâts était-il à court d’eau douce et de vivres ?

Il serra la main que, sans une parole, lui tendait le capitaine, dont les traits tirés et les yeux anxieux trahissaient, quel qu’il fût, le grave souci.

Au même instant, il perçut une odeur étrange, une odeur de pain brûlé, ou quelque chose d’approchant, qu’il ne pouvait définir.

Puis il aperçut non loin de lui un matelot agenouillé, au visage non moins ravagé que celui du capitaine, et qui était en train de calfater avec de l’étoupe les interstices du plancher du pont.

Sous le marteau avec lequel frappait l’homme, qui devait être le charpentier du bord, une mince fumée s’éleva, décrivit une spirale bleuâtre, puis s’évanouit dans l’air.

En même temps, l’insulaire sentit, sous les épaisses callosités de ses pieds nus, une sourde chaleur.

Il vit encore tout l’équipage, qui s’était groupé autour de lui, le fixer avec des yeux suppliants.

Il avait maintenant compris la nature du désastre qui s’était abattu sur l’infortuné navire.

Il promena sur le groupe des matelots, comme une apaisante bénédiction, le regard liquide de ses yeux bruns et, d’une voix douce, pareille au roucoulement d’une tourterelle, il demanda au capitaine :

« Depuis combien de temps brûlez-vous ? »

Le capitaine toisa l’insulaire, qui était vêtu d’un pantalon de coutil et d’une chemise de coton, et coiffé d’un chapeau de paille.

Et il s’irrita, intérieurement, de cette douceur quasi céleste, qui semblait narguer son angoisse atroce.

« Depuis quinze jours, répondit-il brièvement. Qui es-tu ?

— Je m’appelle Mac Coy, pour vous servir.

— Je veux dire que tu es, sans doute, le pilote que l’on m’envoie ?

— Ici, capitaine, nous sommes tous pilotes et je connais à fond toutes les eaux de l’archipel.

— Nous perdons notre temps en vaines paroles. Ce que je veux, c’est parler, dans le plus bref délai, à l’une des notabilités de l’île.

— Alors, capitaine, mieux que n’importe qui je serai votre affaire », affirma, avec compassion, la voix angélique. « Que désirez-vous de moi ? »

Le capitaine crispa nerveusement ses sourcils. Cette tendre et câline suavité, quand son navire était sous lui une fournaise ardente, l’exaspérait. Il serra le poing, comme pour en assener un coup sur son interlocuteur.

Il se contint néanmoins.

« Qui es-tu donc ? interrogea-t-il.

— Je suis le principal magistrat de Pitcairn, le gouverneur de l’île. Et j’ai tenu à venir en personne à votre appel. »

Un homme de haute taille, aux larges épaules, au visage défait et au menton non rasé, s’était approché.

À cette surprenante déclaration, il éclata d’un rire sardonique.

Quoi ? ce vagabond à peau brune, au chapeau de paille usé, au pantalon troué, à la chemise sans boutons, qui découvrait une poitrine velue et grisonnante sur laquelle descendait une longue barbe hirsute, était le gouverneur de Pitcairn !

Chez n’importe quel fripier, deux shillings auraient suffi à l’habiller plus décemment.

« Je veux bien vous croire sur parole, reprit le Capitaine. Mais une question encore. Êtes-vous parent de l’ancien Mac Coy de la Bounty ?

— C’était mon arrière-grand-père.

— Ah ! Très bien… Mon nom, à moi, est Davenport. »

Et montrant l’autre homme, aux larges épaules :

« Voici mon second, Mr Konig.

« Maintenant, parlons utilement. Nous brûlons, je vous lai dit, depuis deux semaines. D’un moment à l’autre, l’enfer va se déchaîner et le navire exploser.

« C’est pourquoi j’ai mis le cap sur Pitcairn. Mon dessein est d’échouer le bateau le plus tôt possible, et d’en sauver la coque, pendant qu’il en est temps encore.

— Alors, capitaine, déclara Mac Coy, vous avez fait un mauvais calcul.

« Vous auriez dû suivre jusqu’à l’atoll[1] de Mangareva. Il y a là une grève superbe, dans un lagon intérieur, dont l’eau est aussi calme qu’un étang de moulin.

— C’est possible, observa le second. Mais nous sommes ici. Il faut agir sans tarder. »

Mac Coy secoua gentiment la tête.

« Agir, c’est bientôt dit. Mais Pitcairn ne possède pas la moindre plage où pouvoir échouer un navire. Pas même un simple mouillage.

— Vous êtes un farceur, riposta le second.

« Oui, un fieffé farceur ! » répéta-t-il, plus énergiquement, tandis que le capitaine lui faisait signe de modérer son langage. « Ce n’est pas à moi qu’on raconte de pareilles balivernes.

« Où garez-vous donc vos propres bateaux, votre brick, votre cotre, n’importe quoi, qui vous sert à naviguer ? Hein ? Répondez un peu… »

Mac Coy se prit à sourire. Et ce sourire était aussi doux que son parler. C’était un enveloppement caressant, qui trahissait la sérénité de son âme, la quiétude immense qu’il voulait faire partager à la hargne du second,

« Nous n’avons ici, modula-t-il, ni brick, ni cotre, ni aucun bateau tant soit peu important.

« Nous ne possédons que de simples pirogues, que nous hissons avec des cordes, sur la falaise.

— Je voudrais le voir pour le croire, grogna le second. Comment en ce cas, commercez-vous avec les autres îles de l’archipel et entreprenez-vous la moindre course un peu lointaine ?

« À cela encore il faut répondre.

— C’est bien simple. Nous restons chez nous.

« Longtemps, le brick de la Mission nous rendit de précieux services. Il ne vient plus maintenant et nous dépendons des navires de passage, qui ont San-Francisco pour port d’attache ou qui nous arrivent du Cap Horn.

« Nous en voyons, certaines années, une demi-douzaine. Parfois un an s’écoule, et même plus, avant qu’un seul apparaisse.

« Le vôtre est le premier qui, depuis sept mois, nous rend visite.

— Voilà qui est bougrement étonnant !

— C’est ainsi, cependant. »

Le capitaine Davenport s’interposa.

« Trêve à ces discussions… dit-il Qu’estimez-vous que, pour nous, il y ait à faire, Mr Mac Coy ? »

Mac Coy promena ses yeux bruns, caressants comme ceux d’une femme, des rivages abrupts de Pitcairn aux hommes de l’équipage, qui attendaient, aussi anxieux que leur capitaine, la décision qui tomberait de ses lèvres.

Mais il ne se pressait pas. Il réfléchissait, lentement et sagement, avant de formuler sa réponse.

« Mangareva, prononça-t-il enfin, est, comme je vous l’ai dit, le seul endroit où vous puissiez aller, Vous y trouverez, pour échouer votre navire, un lit de sable magnifique.

« C’est à trois cents milles d’ici. N’hésitez pas. »

Le capitaine et le second s’entre-regardèrent avec désespoir.

« Mais il vous faut, continua Mac Coy, attendre quelque peu pour vous mettre en route,

« La brise est faible en ce moment et ne vous permettrait pas de lutter contre un fort courant, que vous ne tarderiez pas à rencontrer et qui vous éloignerait infailliblement du but désiré,

« Le vent fraîchira, vers minuit. Voyez, vers la pointe Sud-Est de Pitcairn, cet amas de petits nuages et ces traînées dans le ciel.

« C’est de ce côté que s’élèvera le vent favorable.

— Soit pour Mangareva ! » approuva le capitaine Davenport, tandis que le second secouait la tête, mal convaincu.

« Venez avec nous dans la chambre des cartes, afin que nous précisions ensemble notre direction. »

Les trois hommes gagnèrent l’étroite cabine et y pénétrèrent.

L’atmosphère y était étouffante, empoisonnée de gaz délétères, invisibles et irrespirables.

Mac Coy sentit la sueur lui jaillir du corps et ses yeux s’injecter de sang.

Il avait la sensation d’être dans un four surchauffé qui allait le dessécher comme un brin d’herbe dans une boîte d’allumettes d’où les flammes allaient jaillir.

Comme il levait un de ses pieds et en frottait la face intérieure contre son pantalon, le second se mit à rire sauvagement.

« C’est ici, rugit-il, l’antichambre de l’enfer… C’est l’enfer même que vous avez sous les pieds !

— Il fait chaud, évidemment ! » s’écria Mac Coy, malgré lui et tout en s’essuyant la figure de son mouchoir d’indienne.

« Voici Mangareva… » dit le capitaine Davenport, en se penchant sur la-table et en indiquant du doigt un petit point noir, marqué sur le papier blanc.

« Mais, entre Pitcairn et Mangareva, se trouve une autre île. Pourquoi, plutôt, ne pas s’y rendre, puisqu’elle est plus proche ?

— Je la connais, répondit Mac Coy, sans daigner abaisser son regard sur la carte. C’est l’Île du Croissant,

« C’est un atoll, inhabité et haut seulement de deux ou trois pieds au-dessus de l’eau. À son centre est un lagon, complètement fermé. Point de passe pour y pénétrer.

« C’est à Mangareva qu’il vous faut aller. »

Le capitaine Davenport eut un geste las, sortit de l’étouffoir de la chambre des cartes et, coupant court à une objection nouvelle, que mâchonnait le second :

« Veuillez, dit-il, Mr Konig, mander l’équipage. »

Sur l’ordre qu’ils en reçurent, les matelots s’en vinrent vers l’arrière du navire, en se hâlant de leur mieux et en traînant sur le pont, avec effort, leurs semelles roussies,. :

Leur épuisement transparaissait dans chacun de leurs mouvements.

Le cuisinier et le steward s’étaient joints à l’équipage, l’oreille tendue,

Lorsque, du haut de la dunette, le capitaine Davenport eut expliqué la situation et annoncé sa décision de mettre le cap sur Mangareva, une clameur s’éleva, faite de cris gutturaux, inarticulés, de paroles irritées et de blasphèmes. Une voix aiguë domina un instant de tumulte et cria :

« Sacrédié ! Voilà quinze jours que nous brûlons, vivants, sur ce damné fourneau !

« Et le capitaine prétend se remettre en route, quand la terre est là, devant nous, regardez ! »

Tous les yeux se tournèrent, avides, vers pics verdoyants de Pitcairn.

« Vous le voyez par vous-même, dit à Mac Coy le capitaine Davenport. Ils ne veulent pas aller plus loin. Ils en ont assez, de naviguer sur leur cercueil ardent.

« Je vais jeter le navire à la côte et il s’y brisera, voilà tout ! » |

Suave comme un souffle de printemps, s’éleva, à son tour, la voix de Mac Coy.

« Un peu de courage, mes amis, disait la voix. Soyez raisonnables. C’est moi qui ai conseillé à votre capitaine de gagner Mangareva.

« Avec le vent propice, qui soufflera d’ici l’aurore, vous y serez rapidement portés. Vous arriverez au port dans les vingt-quatre heures.

« Je vous parle pour votre bien à tous. »

Les grognements, les jurons et les blasphèmes s’apaisèrent, tandis que Mac Coy demandait au capitaine Davenport :

« Avez-vous des vivres en quantité suffisante ?

— Nous crevons tous de faim ! fut la réponse. Depuis deux jours, je n’ai pris qu’un biscuit de mer et une cuillerée de saumon de conserve.

« Nous n’osons pas pénétrer dans la cambuse, que nous avons dès le début solidement barricadée, ainsi du reste que presque tout l’intérieur du navire, dans l’espoir d’étouffer le feu.

« Nous nous sommes, depuis, partagé le peu de nourriture que contenait l’office. »

La fumée, cependant, devenait plus épaisse sur le pont, et maintenant elle voilait presque Pitcairn. Le charpentier calfatait sans trêve.

« J’aurais, reprit le capitaine Davenport, après quelque hésitation, une requête à vous adresser.

« Je ne possède pas de carte détaillée de Mangareva. Sur la carte générale que nous avons consultée ensemble, l’île, vous l’avez vu comme moi, n’est figurée que par un point imperceptible.

« Je puis avoir des difficultés pour trouver l’entrée de la passe qui conduit au lagon. Accepteriez-vous de venir avec nous et de piloter le navire ? »

Aussi impassible que si une invitation à dîner lui était offerte, Mac Coy acquiesça :

« J’irai avec vous.

— Et si le navire explose en cours de route ?

— Tenez vos canots prêts. Si la catastrophe que vous redoutez se produisait, nous y trouverions un refuge et ce sont eux qui nous déposeraient sans dommage à Mangareva.

— Je vous remercie. »

De la dunette, le capitaine Davenport harangua de nouveau l’équipage.

« Ce monsieur qui est là près de moi, déclara-t-il, est l’honorable Mr Mac Coy, le gouverneur de Pitcairn, en personne.

« Il accepte de nous accompagner. C’est, pour nous tous, une importante garantie. Quel que soit le risque que nous courions, il le partage volontairement.

« Il convient donc de lui faire confiance et de ne pas rechigner devant ce dernier effort. »

Les hommes se concertèrent entre eux à voix basse, sans grognements intempestifs, et l’unanimité fut vite acquise.

Ils poussèrent en avant le jeune garçon à la voix pointue qui, au nom de ses camarades, cria avec enthousiasme :

« S’il y va, parbleu ! nous irons aussi. »

Mac Coy se tourna d’un air triomphant vers le capitaine Davenport et, dans un roucoulement de colombe, laissa tomber :

« Tout s’arrange à merveille, vous le voyez. Mais il faut que j’aille à terre, tout d’abord. »

Le capitaine Davenport sursauta.

« Aller à terre ! protesta-t-il. Et pourquoi faire ? Vous en avez pour trois heures, avec votre pirogue ! Et autant pour revenir !

— Nous sommes d’accord. Il est six heures du soir et je ne pourrai aborder avant neuf heures. Une autre heure me sera nécessaire pour réunir mes administrés.

— Réunir vos administrés, lorsque mon navire brûle sous moi ! Voilà qui ne me paraît pas indispensable. »

Mac Coy ne s’emporta point, et, paisible comme une mer d’été, répondit :

« Votre navire brûle, capitaine, je le comprends bien. Et c’est pourquoi j’accepte de vous accompagner à Mangareva.

« Mais de cela même je dois demander l’autorisation à mon peuple. C’est la coutume, chaque fois que le gouverneur s’absente, d’agir ainsi.

« Mes gens ont le droit de voter oui ou non. Soyez, d’ailleurs, sans inquiétude. Ils ne me refuseront pas la permission en question.

— Vous en êtes sûr ?

— Je n’en doute pas une minute.

— Alors, à quoi bon aller les consulter ?

— C’est l’usage. Et puis, en ma qualité de gouverneur de l’île, je dois prendre, dans l’intérêt de mes administrés, un certain nombre de mesures indispensables.

— S’il ne faut, comme vous le dites, que vingt-quatre heures pour gagner Mangareva, votre absence ne sera pas bien longue.

— Évidemment. Mais on ne sait jamais. Il faut compter avec l’imprévu. Jadis, je m’en souviens, il advint à mon père de quitter Pitcairn pour trois mois, pensait-il. Il revint au bout d’un an.

« Vous manquez de vivres, au surplus, et Je puis vous amener avec moi, demain matin, deux pleines pirogues de bananes séchées.

« Supposez, comme vous le craignez, que le navire saute en cours de route. Vous aurez au moins, dans vos canots, quelques provisions en réserve.

« Au revoir, capitaine. »

Il tendit la main au capitaine Davenport, qui la prit et l’étreignit dans la sienne. Il semblait s’y cramponner, comme un naufragé à une bouée de sauvetage.

« Qui me prouve, murmura-t-il, que vous reviendrez ?

— Oui, appuya le second. Voilà ce qu’il conviendrait de savoir. Comment pouvons-nous connaître s’il ne songe pas simplement à se défiler ? »

Mac Coy ne répondit pas. Il se contenta de regarder les deux hommes avec son insondable bienveillance, qui ne laissait place à aucune suspicion.

Le capitaine Davenport lâcha la main de l’insulaire. Mac Coy promena une dernière fois, sur l’équipage haletant, la bénédiction de ses prunelles, puis passant par-dessus la lisse, il descendit dans sa pirogue.

Un peu avant l’aurore, le capitaine Davenport distingua sur la mer deux pirogues, qui se dirigeaient vers le Pyrénéen.

De nouveau, Mac Coy grimpait bientôt sur le pont brûlant.

Il apportait avec lui, selon sa promesse, plusieurs ballots de bananes sèches, chacun d’eux soigneusement enveloppé de feuilles.

§ Dès que le tout eut été hissé à bord, Mac Coy s’écria joyeusement :

« Maintenant, capitaine, levez vos ancres et donnez de la toile. Le vent est excellent et nous pourrons pousser droit vers Mangareva.

« Ainsi vous sauverez votre cher navire. Quand la terre sera en vue, je prendrai la barre et le piloterai. »

Le trois-mâts se mit en marche, laissant derrière lui Pitcairn.

« À combien, demanda Mac Coy, estimez-vous la vitesse du navire, si ce vent continue à souffler ?

— À onze nœuds environ.

— Onze nœuds. À cette allure, nous apercevrons Mangareva demain matin, entre huit et neuf heures.

— « À dix heures, à onze au plus tard, j’amènerai sur le sable le Pyrénéen. Et tous vos ennuis seront finis. »

— Si persuasive était la conviction de Mac Coy qu’il semblait presque au capitaine Davenport que cet heureux moment était déjà arrivé.

Et comme le vent soufflait plus fort de minute en minute, il annonça avec ravissement :

« J’ai dit onze nœuds. Le loch, voyez vous-même, Mr Mac Coy, en marque douze. »

Toute la journée, avec sa cargaison de feu ardent, le Pyrénéen déchira la mer écumante.

— À la tombée de la nuit, par prudence, les voiles de cacatois et de perroquet furent ferlées, et le navire continua dans l’obscurité, parmi le rugissement des vagues, sa course à peine ralentie. C’était merveilleux.

Une détente s’était produite, tant dans l’esprit du capitaine Davenport que dans celui du second.

L’équipage s’était pareillement rassuré. Une voix s’éleva de l’avant et entonna une joyeuse chanson de marin. Cinq minutes après tous les hommes chantaient.

Le capitaine Davenport fit apporter ses couvertures sur la dunette, les y étendit et s’y allongea.

« J’avais depuis bien des jours oublié ce qu’est le sommeil, dit-il à Mac Coy. Je tombe d’épuisement.

« Vous me réveillerez, si c’est nécessaire. »

Le jour n’était pas encore levé quand il sentit quelqu’un qui, doucement, lui tirait le bras.

Il se redressa brusquement, encore engourdi d’un lourd sommeil.

Le vent tambourinait son chant de guerre dans le gréement et un mur sauvage flagellait le navire. Le roulis le couchait alternativement sur son flanc droit et sur son flanc gauche, et le pont était balayé à chaque coup.

Le capitaine Davenport entendit Mac Coy lui crier il ne savait quoi.

Étendant le bras, il le saisit par l’épaule et l’attira contre lui, de façon à coller son oreille contre la bouche qui parlait.

La voix lui parvint plus nettement, mais encore étrangement assourdie, comme si elle venait de très loin.

« Il est trois heures, disait Mac Coy. Nous devons avoir parcouru dans les deux cent cinquante milles. L’île du Croissant doit être quelque part, devant nous, à une trentaine de milles environ.

« Elle ne porte aucun feu qui la signale, Nous risquons d’aller nous cogner dessus. Notre perte, comme celle du navire, est certaine en ce cas.

_ Que pensez-vous que nous devions faire ? Mettre à la cape ?

— Oui. Mettre à la cape jusqu’au jour. Ce n’est qu’un retard de quelques heures. »

L’ordre en fut jeté aux atomes humains, se débattant contre la mort, que portait le navire.

Tirant sur les manœuvres, ils se mirent à carguer et le Pyrénéen, qu’assaillait à l’extérieur la fureur de la mer, qu’assiégeait intérieurement celle du feu, se ballotta sur les vagues.

« Cette rafale que nous subissons, expliqua Mac Coy au capitaine Davenport, est tout à fait paradoxale. Mais les vents, cette année, sont d’une surprenante inégalité.

« Les alizés, notamment, sont refoulés de leur direction coutumière par des souffles plus puissants. »

Il agita sa main dans la nuit, vers un insondable infini, et continua :

« De violents ouragans se déchaînent certainement, à l’heure actuelle, j’ignore en quel endroit. Nous en subissons le contrecoup. Mais ce sera pour nous peu de chose, je puis vous l’affirmer. »

À l’aube, la rafale s’était, en effet, calmée et le vent était redevenu normal.

Mais un nouveau danger se révélait, La mer s’était couverte d’une brume nacrée, que transperçaient seuls les rayons solaires et qui bouchait complètement l’horizon.

Le pont de la goélette fumait plus que la veille et la gaieté de l’équipage s’était évanouie.

On entendait pleurnicher le mousse. C’était sa première traversée et la peur de la mort lui serrait le cœur.

Le capitaine Davenport errait sur le pont, comme une âme en peine, mordant sa moustache et fronçant nerveusement ses sourcils.

Mac Coy, pour son petit déjeuner, était tranquillement en train de se régaler de bananes frites, qu’il arrosait d’une potée d’eau.

« Que pensez-vous de la situation ? » interrogea le capitaine Davenport,

Mac Coy termina sa dernière banane, but un coup à son pot, qu’il vida, et hocha la tête.

« Ma foi, capitaine, répondit-il sans se troubler autrement, autant courir que brûler.

« Le pont est de plus en plus chaud. C’est, pour mes pieds nus, un vrai désagrément. N’auriez-vous pas une paire de souliers à me prêter ? »

On donna de nouveau de la toile et le Pyrénéen, filant dix nœuds, reprit sa course.

La mer demeura grosse quelque temps encore, puis s’apaisa.

Le capitaine Davenport, accompagné de Mac Coy et du second, grimpa dans la hune de misaine, pour s’efforcer de découvrir la terre. Mais la brume nacrée ne s’éclaircissait toujours pas.

Tous les hommes scrutaient également des yeux

l’atmosphère opaque et splendide, pour y chercher cette terre bienheureuse.

Chacun d’eux était à son poste, prêt à donner, pour la manœuvre finale, ce qui lui restait de force.

Une autre heure s’écoula. Rien, toujours rien n’apparaissait.

« Et si nous manquons Mangareva ? » demanda brusquement à Mac Coy le capitaine Davenport.

« Nous laisserons courir. C’est tout ce que nous pouvons faire. Nous finirons bien par arriver quelque part.

« Théoriquement, notre direction était bonne. Mais, parmi les Pomotou, il faut toujours compter avec les courants, sous l’influence desquels dévient les navires. Tel a été notre cas.

« C’est pourquoi, d’ailleurs, ces îles furent longtemps nommées « l’Archipel Perfide ».

Le capitaine Davenport, le second et Mac Coy redescendirent sur le pont et regagnèrent la dunette.

« Je causais, un jour, à Sydney, dit Mr Konig, avec un vieux marin qui avait passé sa vie à commercer dans ces diables d’îles.

« Il me contait que l’assurance y est, pour les voiliers, de dix-huit pour cent.

— Tout à fait exact, approuva Mac Coy, avec un sourire, Encore beaucoup de compagnies demandent-elles vingt pour cent… quand elles acceptent l’assurance. »

Les trois hommes se dirigèrent vers la chambre des cartes.

Mais dès qu’ils y furent entrés, les vapeurs empoisonnées les chassèrent dehors, toussant et haletant.

La carte, qu’ils avaient emportée avec eux, fut déroulée.

« Voici, dit le capitaine Davenport, l’île Mœrenhout. Elle est à cent milles environ devant nous.

— Mauvais endroit ! commenta Mac Coy. Il y a bien une grève sur laquelle nous pourrions échouer la goélette.

« Mais il y a aussi, autour de cette île, une série de récifs avec lesquels nous jouerions gros Jeu. Mauvais endroit ! Mauvais endroit !

— Nous en courrons le risque ! » déclara le capitaine Davenport.

La voilure fut diminuée dès l’après-midi, afin d’éviter de dépasser l’île pendant la nuit.

L’aube se leva, radieuse, avec un resplendissant soleil des tropiques.

L’alizé du Sud-Est était passé à l’Est et chassait devant lui le Pyrénéen à une allure de huit nœuds.

Le capitaine Davenport fit le point et annonça à l’équipage que Mæœrenhout n’était plus qu’à une distance de dix milles.

Mais le Pyrénéen couvrit les dix milles. Il en couvrit dix autres. Et les vigies, postées dans la mâture, ne virent que la mer nue, inondée de lumière.

« C’est impossible ! hurla, de la dunette, le capitaine Davenport. La terre est là, quelque part ! Vous dormez là-haut ! Ou êtes-vous aveugles ?

— Nous avons pu, observa Mac Coy, dériver dans l’obscurité. Calmez-vous, capitaine. Il ne sert à rien de s’emporter. Toujours cette même traîtrise des courants. »

Le capitaine Davenport regardait autour de lui, comme un fou.

Finalement, il reprit son sextant et, en compagnie du second, refit son point.

« Pas d’erreur ! cria-t-il, quand il eut terminé ses calculs. « 21,55 Sud » et « 136,02 Ouest »

« Que trouvez-vous, Mr Konig ?

— « 21, 55… », parfaitement. Mais ma longitude diffère quelque peu de la vôtre… « 136, 48 ». Pour minime qu’elle soit, la différence est appréciable. »

Le capitaine Davenport se contenta de hausser les épaules avec un silence si méprisant pour les rectifications de chiffres du second, qu’en son for intérieur Mr Konig en blasphéma de dépit.

« Continuez dans la même direction ! » ordonna au timonier le capitaine Davenport, qui s’en retourna ensuite à ses calculs et les recommença.

Il se remit à chiquer sa moustache, ses lèvres et son crayon. La sueur lui coulait du visage. Il regardait ses chiffres d’un air hébété, comme il eût_ fait en face de fantômes.

Soudain, d’un geste nerveux, impulsif et brutal, il froissa dans ses poings crispés le papier griffonné, le jeta par terre et l’écrasa sous son talon.

Mr Konig, qui l’observait, pensa sans doute, à part lui, que le capitaine Davenport avait reconnu son erreur et, détournant la tête, il se prit à sourire,

Le capitaine Davenport s’appuya du coude contre la chambre des cartes et, une demi-heure durant, il demeura là, immobile et muet, à contempler la mer,

Puis il reprit la carte et y promena son regard.

« Mr. Mac Coy, dit-il enfin, je vois indiqué, vers le Nord-Ouest, à quarante milles de distance, d’autres îles, les îles Actéon. Quelles sont-elles ?

— Elles sont quatre, répondit Mac Coy. Ce sont des îles basses.

« Tout d’abord, au Sud-Est du groupe, c’est Matoueri. Pas d’habitants. Pas d’accès au lagon central.

« Vient ensuite Tenarounga. Il y eut là, autrefois, une douzaine d’habitants. Y sont-ils encore ou sont-ils partis, ce qui est possible ? Je l’ignore. Pas d’accès au lagon pour un navire comme le vôtre. Un tout petit chenal, avec une brasse d’eau, capable de recevoir une simple pirogue.

« Véhaouga et Théoua-raro sont les deux autres. Nul accès au lagon. Pas d’habitants.

« Ce sont les plus basses du groupe, où aucun lit sortable n’existe pour le Pyrénéen. L’y échouer, c’est sa destruction totale, inévitable.

— Ecoutez cela ! vociféra le capitaine, Davenport hors de lui. Pas d’habitants ! Pas d’accès au lagon ! À quoi, bon Dieu ! ces îles servent-elles ? »

Il se tut un instant, consulta la carte, puis aboya de nouveau, comme un terrier qu’on irrite :

« Eh bien, en voici encore des îles ! Toute une collection, au Nord-Nord-Ouest… Quelle est pour nous la meilleure, Mr Mac Coy ? »

_ Mac Coy réfléchit tranquillement, dédaigna de consulter la carte et se contenta d’interroger sa mémoire.

Il connaissait à fond toute cette poussière d’îles, comme l’habitant d’une ville en connaît les monuments, les boulevards et les rues.

« Des récifs, dit-il, des hauts-fonds, les lagons obstrués et rien d’autre.

« À une centaine de milles ou un peu plus, dans cette direction, vers l’Ouest-Nord-Ouest, nous rencontrons Papakéna et Vanavana.

« La première de ces deux îles est déserte et j’ai oui dire que les habitants de la seconde avaient émigré à l’île Cadmus. De toute façon, pas d’entrée aux lagons de l’une ni de l’autre. Puis voici encore, plus à droite, Ahounouï. Pas d’entrée au lagon. Pas d’habitants.

— Quarante milles au-delà, je vois marquées ;

— deux nouvelles îles… » SEE plaintivement le capitaine Davenport.

Mac Coy branla la tête.

« Oui, Paros et Manouhoungi. Pas d’accès au lagon. Pas d’habitants.

« Trente-cinq milles au-delà, il y a encore Nengo-Nengo, qui se trouve dans le même cas.

« Mais il en va tout autrement avec l’île Hao. Voici qui fera, on ne peut mieux, notre affaire. Le lagon mesure trente milles dans sa longueur, avec une largeur de cinq milles. Et n’importe quel navire y peut pénétrer.

« Les habitants sont nombreux et il y a de l’eau douce, »

Il se tut. Le capitaine Davenport, courbé sur la carte, avec son compas, proféra une plainte étouffée et murmura :

« Existe-t-il, plus proche de nous que l’île Hao, une autre île avec un lagon accessible au Pyrénéen ?

— Non, capitaine.

— C’est un parcours de trois cent quarante milles.

« Je ne veux pas, conclut-il en martelant ses paroles, en affronter la responsabilité. J’ai charge de vies humaines.

« J’échouerai donc le Pyrénéen sur les Actéon. Advienne que pourra ! C’est dommage pourtant, un si beau navire », ajouta-t-il avec un poignant regret dans la voix.

L’alizé du Sud-Est continuait à souffler, Mais le ciel s’était couvert à nouveau et l’océan, avec la blancheur de ses lames courtes, était pareil à un damier.

« D’ici une heure, dit à Mac Coy le capitaine Davenport, nous serons arrivés. Alors vous prendrez la barre et échouerez le navire sur celle des îles qui a la chance d’être habitée. »

Le soleil ne reparut plus et, au bout d’une heure, aucune terre ne se montra.

Mais, derrière le navire, un violent courant de marée en déviait le sillage.

« Toujours la raison, capitaine, observa en riant Mac Coy, pour laquelle l’assurance est de dix-huit pour cent dans ces parages.

« Personne ne sait où il va, je vous l’ai dit, avec ces damnés courants. Vous n’êtes pas le premier, croyez-moi, à qui advient pareille aventure.

— Mais de combien, à votre estime, le courant actuel nous a-t-il détournés de notre route ?

— Je n’en sais rien, capitaine. C’est très compliqué. Aucune solution pratique, au surplus, qu’aller de l’avant., »

À ce moment, un pâle rais de soleil perça les nuages et le Pyrénéen, dont le pont fumait et luisait sous la lumière grise, continua sa course à la mort, peignant la mer pour y chercher les îles Actéon, que les vigies ne parvinrent pas à découvrir,

À la tombée de la nuit, Mac Coy s’en fut consulter la boussole et assura au capitaine Davenport,

qui en fut un peu réconforté (et Dieu sait s’il en avait besoin), que le navire courait droit vers l’île Hao.

Le lendemain matin l’alizé soufflait de l’Est, avec une parfaite régularité, et, non moins régulièrement, le Pyrénéen filait ses neuf nœuds.

Le capitaine Davenport et le second firent chacun le point et cette fois tombèrent d’accord sur leurs calculs, qu’ils renouvelèrent à midi, avec un succès identique.

« Encore vingt-quatre heures et nous serons à l’île Hao, affirma le capitaine Davenport. C’est miracle comme le pont de mon pauvre navire tient bon !

« Il avait heureusement été calfaté de neuf, à notre départ de San-Francisco. Mais il ne résistera pas éternellement. »

Puis :

« Regardez ceci, Mr Mac Coy ! » s’écria-t-il, tout effaré.

Une épaisse et longue spirale floconneuse se tordait tout le long du mât d’artimon. Arrivée à son faîte, un coup de vent la balaya et elle s’effaça dans le ciel.

Alors, seulement, la mâchoire crispée du capitaine Davenport se desserra.

« Pour une pareille émission de fumée, dit-il, qui a dépassé en volume et en densité toutes celles qui se sont produites jusqu’ici, la pression intérieure doit devenir terrible.

« Il faut, pourtant, tenir encore jusqu’à demain. »

Mais, le lendemain, ni à l’aube, ni à midi, ni au cours du jour, ni au coucher du soleil, l’île Hao ne se profila.

Par contre, une grosse mer commença à venir de l’Ouest. Le baromètre dégringolait d’heure en heure.

— La voilure fut réduite aussi rapidement que purent travailler les deux bordées réunies.

Les hommes n’obéissaient plus qu’en grognant et en rechignant. La sueur ruisselait sur leurs visages et sur leurs bras nus. La lenteur voulue de leurs mouvements constituait à la fois une protestation et une menace.

Tous pantelaient et haletaient, en quête d’air respirable. Le vent, en effet, était tombé. L’atmosphère était humide et poisseuse comme de la colle.

Si lamentable était le capitaine Davenport que Mac Coy s’approcha de lui, pour le consoler. :

« Quelque cyclone, expliqua-t-il, qui sévit fort loin d’ici. C’est lui qui pèse sur le baromètre et nssoulève la mer. Il n’y a pas lieu de s’effrayer. »

Mais le capitaine Davenport, sa tête entre ses mains, refusait de se laisser consoler. Il ne répondit pas.

Un gémissement sonore déchira l’air silencieux. C’était le mousse qui le poussait.

Le capitaine Davenport se redressa, comme mû par un ressort, et, avec une violence qui confinait à la folie, s’écria :

« Toi, là-bas, ferme ça, pour commencer »

Le mousse, épouvanté, jeta un cri aigu de terreur.

« Mr Konig, continua le capitaine Davenport, voulez-vous aller faire taire le môme, et rapidement, d’un bon coup de manche à balai ? »

Ce fut Mac Coy qui se dirigea vers l’enfant et, pour le calmer, tendrement le dorlota.

La mer, comme l’avait prévu Mac Coy, s’apaisa au cours de la nuit, et vers le matin le vent se remit à souffler. L’équipage reçut l’ordre de redonner de la toile.

Mais l’île Hao s’était évaporée, on ne sait où.

Le ciel demeura couvert et faire le point fut impossible.

À midi, le cri de : « Brisants à l’avant ! » fut lancé par une des vigies.

En dépit des efforts du timonier, le navire refusa d’obéir au gouvernail. Un furieux courant le dressait dans la direction du récif, qui était constitué par une roche basse, noire et déchiquetée, sur laquelle les vagues déferlaient incessamment et où les oiseaux de mer eux-mêmes n’auraient pu trouver un refuge.

Le Pyrénéen l’échappa de peu. Il vint jusqu’à une centaine de mètres de la roche ; puis, de lui-même, s’en éloigna rapidement.

Le courant qui l’avait amené avait brusquement changé de direction.

« Ce sont des eaux maudites, maudites, maudites… », balbutiait le capitaine Davenport, pâle comme la mort.

« Jusqu’à ce jour, j’ignorais tout des Pomotou. Quand le capitaine Moyendale, après y avoir perdu son navire, me contait, sur leur archipel et sur son régime maritime, des histoires horrifiantes, je riais de lui, derrière son dos.

« Oui, Dieu me pardonne, j’ai ri de lui.

« Et comment, s’il vous plaît, Mr. Mac Coy, se nomme ce morne récif ?

— Je ne sais pas, capitaine.

— Pourquoi ne le savez-vous pas ?

— Parce que jamais, auparavant, je ne lavais vu. Parce que jamais je n’en avais, non plus, entendu parler.

« Aucune carte ne le signale. La topographie de ces parages laisse fort à désirer.

— En sorte que vous ne pouvez dire exactement où nous sommes ?

— Pas plus que vous, capitaine. »

À quatre heures de l’après-midi, les vigies signalèrent, sur l’horizon, des cocotiers. Les arbres semblaient sortir de l’Eau. Un peu plus tard, se dessina la terre plate d’un atoll.

« Je sais maintenant où nous sommes, déclara Mac Coy en baissant sa jumelle.

« Ceci est l’île Résolution, capitaine. Nous nous trouvons à quarante-cinq milles au-delà de l’île Hao.

— Alors tenez-vous prêt à échouer là le navire. »

La phrase fatidique retomba des lèvres de Mac Coy :

« Pas d’accès au lagon, que pour des pirogues.

« Maintenant, toutefois, que nous avons repéré notre position, nous pouvons sans inconvénient aucun courir vers Barclay-de-Tolley, qui possède un havre excellent.

« Avec cette brise, nous y serons immanquablement à neuf heures, demain matin. »

Le capitaine Davenport consulta la carte et pesa le pour et le contre.

Mac Coy coupa court à ses hésitations.

« Si, Capitaine, nous échouons ici le navire, nous serons contraints de faire de toute façon, dans les canots, le voyage de Barclay-de-Tolley. »

Le capitaine Davenport se résigna et, comme l’avait promis Mac Coy, Barclay-de-Tolley, avec ses cocotiers, apparut sur l’horizon le jour suivant, à l’heure indiquée.

Mais le vent était tombé, un courant malencontreux tirait vers l’Ouest le navire, et des heures durant le Pyrénéen essaya vainement de rallier l’île.

Le capitaine Davenport lui-même, le second, Mac Coy, le cuisinier et le stewart, afin de galvaniser l’équipage, aidèrent à la manœuvre.

Tout fut inutile et Barclay-de-Tolley s’évanouit comme un rêve.

Du coup, les hommes déclarèrent qu’ils n’iraient pas plus loin. Leur résolution était prise, et bien prise, d’abandonner le navire, qui allait sauter d’un moment à l’autre, de mettre les canots à la mer et d’y prendre place.

Le vent et les courants les emporteraient ils ne savaient où ? Peu leur importait ! Et s’ils devenaient la proie des requins, Ce serait encore une fin meilleure que celle qui les attendait.

Ils se préparaient à agir comme ils disaient et ils se dirigeaient vers les portemanteaux auxquels étaient suspendues les embarcations.

Le capitaine Davenport et Mr Konig tentèrent en vain de s’interposer. Ils furent bousculés sans vergogne.

Les deux officiers mirent revolver au poing et le sang allait certainement couler, lorsque résonna l’ineffable voix de tourterelle.

« Mes chers amis, disait-elle, je vous prie, je vous supplie de patienter encore un peu.

« Nous avons maintenant, échelonné devant nous en arc de cercle, tout un chapelet d’îles, avec des atterrages de premier ordre.

« Voulez-vous leurs noms ? C’est Makémo, à soixante-quinze milles Sud-Ouest, Son lagon, auquel conduit un profond chenal, mesure trente milles de long.

« Puis, encore un peu plus à l’Ouest, à quelques milles de Makémo, c’est l’île Kation. Ou bien, vers l’Est, c’est Raraka et Fakarava.

« Il est matériellement impossible que, dans les vingt ou trente heures, un courant de marée, quels que soient les vents, ne nous amène pas à l’une de ces îles.

« J’ignore à laquelle, je vous le dis en toute franchise. Mais la chose a peu d’importance. Le principal est que le Pyrénéen, et vous avec lui, soyez sauvés. »

Les matelots écoutaient, bouche bée, la voix chantante qui leur rappelait, souvenirs lointains, les berceuses oubliées dont leurs mères, jadis, avaient bercé leur enfance.

Les sombres cryptes de leurs âmes s’en illuminèrent une dernière fois, en dépit du feu d’enfer qui rugissait sous le pont,

Ils ne répondirent rien, mais s’écartèrent les uns des autres, d’un mouvement machinal, et regagnèrent isolément, qui le poste d’avant, qui la place que leur assignait leur emploi.

« Vous les avez littéralement ensorcelés… », glissa le second à l’oreille de Mac Coy, en grimaçant un sourire.

« Bah ! ces garçons ne sont pas méchants. Leur cœur est bon, Mais ils en ont vu de dures et ont peiné ferme. Ils continueront jusqu’au bout.

— Moi non plus, baragouina le capitaine Davenport, je ne céderai pas. Ces Pomotou m’ont trompé et bafoué d’une façon honteuse. Je refuse de m’avouer vaincu.

« Je conduirai mon navire jusqu’en Chine, s’il le faut, afin de lui trouver un bon lift, pour l’échouer.

« Vieux, vous m’entendez bien ?

— Je vous entends bien et je vous approuve, capitaine, assura Mac Coy. Et, jusqu’au bout, je demeurerai avec vous. »

Quand la nuit tomba, la situation était devenue à peu près intenable.

Les hommes cherchaient en vain le sommeil et le pont était si brûlant qu’ils se hissaient dans les agrès.

Les vapeurs empoisonnées filtraient de partout et rampaient comme de mauvais esprits. Elles s’insinuaient dans les narines et dans la gorge, déterminant d’inextinguibles accès d’éternuements et de toux.

Les étoiles clignotaient indolemment, à peine distinctes, sous la voûte obscure du ciel. La pleine lune, qui se levait à l’Orient, rasait de sa lumière les fumerolles qui, en myriades de touffes, de filaments et de tissus arachnéens, se tordaient et s’entrelaçaient en longues guirlandes, sur le navire même et le long des mâts.

Le capitaine Davenport, tout en frottant ses yeux, qui lui-piquaient, s’en vint rejoindre Mac Coy, sur des basses vergues du mât d’artimon où il était juché, et, à brûle-pourpoint, lui demanda :

« Dites donc, vieux, contez-moi un peu, voulez-vous, ce qu’il advint exactement de cet équipage de la Bounty, lorsque le bateau se fut échoué à Pitcairn.

« C’est une vieille histoire dont je n’ai jamais bien connu les détails. Il y eut, je crois, dans l’île des troubles graves auxquels blancs et indigènes furent mêlés.

— Oui, de grands, de très grands troubles, approuva Mac Coy. Quoique je n’en aie, cela va de soi, jamais rien connu que par oui-dire. Voici, du moins, ce qu’on m’en a raconté :

« La Bounty, vous le savez, était un navire anglais, Son équipage était composé de fort méchantes gens, qui, tous, plus ou moins, étaient promis à la potence.

« Et ils avaient avec eux des femmes, qui étaient toutes des Tahitiennes.

« Dans ces conditions, de graves ennuis étaient inévitables avec la population de Pitcairn, encore à demi sauvage.

« Un des matelots, pour commencer, perdit sa femme. Elle tomba de la falaise en chassant les oiseaux de mer, et se tua.

L’homme, alors, prit la femme de l’un des indigènes. Tous les habitants de Pitcairn en furent fort irrités et, en représailles, ils égorgèrent par surprise une partie de l’équipage.

« Les survivants voulurent, cela va de soi, venger leurs camarades et beaucoup d’insulaires furent massacrés.

« Les femmes de l’île s’en mélèrent. Les unes prirent parti pour leurs pères, leurs fils ou leurs maris ; les autres, pour les blancs.

« C’est ainsi que Timiti fut tué par derrière, par sa femme, tandis que celle-ci lui peignait les cheveux. Car elle voulait un blanc pour mari.

« Pour le même motif, la femme de Tulalou tua son mari, tandis qu’il dormait paisiblement dans une caverne.

« Puis les Tahitiennes tuèrent aussi, par jalousie, un grand nombre de femmes de l’île.

« Tout le monde tuait tout le monde. De ces malheureux Dieu avait détourné sa face.

« Au bout de deux ans, aucun navire n’étant venu pendant ce temps recueillir et rapatrier les naufragés, il ne restait plus que quatre blancs survivants : Young, John Adams, Quintal et, Mac Coy, qui était mon arrière-grand-père.

« Quintal était une vraie brute. Un jour, simplement parce que sa femme n’avait pas pris assez de poisson pour le dîner, il lui trancha l’oreille d’un coup de dent.

— Une jolie collection ! commenta Mr Konig.

— Que voulez-vous ? répondit Mac Coy. Les mœurs n’étaient pas autrefois ce qu’elles sont aujourd’hui.

« Je reprends mon histoire.

« Mon arrière-grand-père ne fut pas tué comme les autres. Mais il se tua lui-même. Il avait confectionné un alambic, où il fabriquait de l’alcool avec les racines de la plante ti.

« Son principal bonheur consistait à boire sans désemparer, en compagnie de Quintal, qui était son intime ami. L’un et l’autre étaient toujours ivres.

« Si bien qu’il fut atteint du delirium tremens. Au cours d’une crise, il s’attacha au cou une grosse pierre et se jeta à la mer.

— « La femme de Quintal, celle dont il avait tranché l’oreille, se noya, elle aussi. Volontairement ou non, on ne sait pas.

« Alors Quintal s’en fut trouver John Adams et lui demanda de lui donner sa femme. Il présenta à Young la même requête. Ce qui lui ferait deux femmes.

« Adams et Young avaient grand-peur de Quintal, Ils savaient que, s’ils refusaient, ils seraient tués. En sorte qu’ils le tuèrent ensemble, à coups de hache.

« Puis Young mourut, John Adams fut le seul de l’équipage de la Bounty qui survécut.

« Et voilà ! C’est, capitaine, à peu près tout ce que je puis conter des fâcheux événements dont vous me parlez et dont la tradition m’a transmis le récit.

— C’est, fichtre ! suffisant.

— Dieu, je vous l’ai dit, avait de ces malheureux détourné sa face. »

— Le capitaine Davenport se passa la main sur le front et une lueur folle lui traversa tout à coup le cerveau.

— Le Mac Coy qu’il avait devant lui était le rejeton de l’ancien Mac Coy de la Bounty, la graine authentique de l’antique forban qui avait mille fois mérité la corde et conçut, à Pitcairn, sa future lignée dans le sang.

Alors… alors, n’était-ce pas par un jeu sadique que depuis des jours et des jours l’homme auquel il s’était confié le trimbalait ainsi sur l’océan, avec son navire en feu, faisant sans cesse miroiter à ses yeux le bienheureux asile d’une terre toujours fuyante ?

La supposition paraissait, à la réflexion, peu vraisemblable, puisque Mac Coy avait volontairement exposé sa propre vie dans cette aventure. Et pourtant !

Quoi qu’il en fût, le capitaine Davenport s’était buté à cette idée et ne pouvait plus la chasser de son cerveau. IL y avait dans les tribulations sans nom qu’il subissait, quelque infernale diablerie,

Et, s’il avait osé, il se serait jeté aux genoux de Mac Coy, il les aurait pressés dans ses bras et, devant cet homme énigmatique et toujours souriant, qui semblait simple comme un enfant, dont la voix était douce comme celle d’une femme, il se serait humilié jusqu’à demander grâce et pitié.

L’aurore montra, une fois de plus, des cocotiers qui semblaient surgir des flots.

« C’est le point extrême de Makémo que nous apercevons, dit Mac Coy. Vous constaterez par vous-même, capitaine, que je ne vous avais pas trompé.

« Et tenez. Voici, vers la droite, Kation, nettement visible…

« Mais le vent est insuffisant pour nous permettre, avec le courant frénétique qui nous en-traîne, de rallier l’une ou l’autre de ces îles.

— « Ne nous frappons pas, capitaine, et laissons-nous porter. »

Le pont du Pyrénéen chauffait davantage encore. Les grosses semelles des souliers des hommes se racornissaient et ne suffisaient plus à leur protéger les pieds. Pour se rendre d’un point à un autre du navire, ils étaient obligés de courir.

Parallèlement augmentait l’âcreté de la fumée. Les yeux s’injectaient de sang et, comme s’il eût été composé de tuberculeux, tout l’équipage toussait, crachait et s’étranglait.

Dans l’après-midi, le capitaine Davenport qui, sans nulle élégance, marchait à cloche-pied, fit du pont une dernière inspection.

« C’est maintenant, dit-il à Mr Konig et à Mac Coy, une affaire d’heures. »

Par son ordre, les canots furent parés et équipés. Les derniers paquets de bananes sèches y furent placés, ainsi qu’une boussole et les instruments nécessaire à faire le point.

Quand le soleil commença à décliner sur l’horizon, chacun à bord regardait son voisin avec des yeux creux et une face spectrale. Il n’était personne qui ne parût stupéfait de voir le Pyrénéen encore entier et de se trouver encore en vie, parmi ses frères de misère.

« Terre ! » cria la vigie postée au faîte du grand mât. Mac Coy se hissa rapidement jusqu’à l’homme et, quand il fut redescendu, déclara, sans se départir de son calme coutumier :

« C’est Fakarava. Le vent, qui augmente juste à point, et le courant nous y portent en plein. »

Au bout d’une heure, les cocotiers et la terre basse de l’atoll, qui blanchissait sous les lames, étaient visibles du pont. Le Pyrénéen s’en rapprochait, à toute allure.

Bientôt le rivage parut s’ouvrir, montrant la passe qui conduisait au lagon central, vaste étendue d’eau calme, qui miroitait au crépuscule.

Tel était, à ce moment, le frémissement du navire, sous la pression de la fournaise qu’il enserrait dans ses flancs, si imminente paraissait la catastrophe attendue, que le capitaine Davenport commanda de mettre à la mer les deux plus : grands des trois canots.

Cependant rien encore n’arriva et, après un dernier tour de roue, le Pyrénéen, piloté par Mac Coy, qui se tenait à l’avant, embouqua la passe, sans accident.

« Eh bien quoi, qu’y a-t-il ? demanda au bout d’un instant le capitaine Davenport. Nous n’avançons plus. »

Mac Coy, qui était venu le rejoindre sur la dunette, sourit.

« Rien d’étonnant à cela, capitaine. C’est l’heure du reflux. La mer se retire en partie du lagon et se précipite dans le chenal où nous sommes, à une vitesse de sept à huit nœuds.

« Quand le reflux aura prix fin, nous avancerons de nouveau, car nous avons le vent en plein dos. Pour le moment, il balance heureusement la force du courant et nous empêche, au moins, de reculer. »

Au bout d’une heure, le navire avait à peine gagné sa propre longueur.

Mais, comme l’avait prédit Mac Coy, le Pyrénéen reprit peu à peu sa marche en avant.

Soudain, une longue langue de flamme jaillit du milieu du pont, qui avait cédé, et monta le long du grand mât, dont les cinq voiles s’embrasèrent.

En une seconde, l’immense déploiement de toile s’envola dans le ciel, où il s’évanouit dans une nappe de feu.

Pris de panique, les hommes, timonier compris, se précipitèrent dans les canots.

« Prenez votre temps ! leur disait Mac Coy. Tout va bien. Et veuillez ne pas oublier le mousse. Descendez avec vous le gamin. Ne le brutalisez pas, je vous prie.

— Konig, dit le capitaine Davenport, prenez le commandement des deux embarcations. Je garde la troisième pour Mr. Mac Coy et pour moi. Je ne quitterai le navire qu’à la dernière extrémité. »

Demeuré seul avec Mac Coy le capitaine Davenport se saisit de la roue abandonnée et le Pyrénéen poursuivit sa route.

« Pourvu, grogna le capitaine Davenport, que ce qui nous reste de toile ne brûle pas !

— J’ai bon espoir, répondit Mac Coy. Nous touchons au but. »

Comme il achevait sa phrase, un autre jet de flammes s’élança le long du mât d’artimon, en lécha les voiles comme pour les happer, mais rata son coup et s’éteignit sans causer de dommage appréciable.

Seuls flambèrent quelques bouts de cordages, enduits de goudron. L’un d’eux tomba en plein sur la nuque du capitaine Davenport qui, comme un homme piqué par une abeille, saisit le brandon d’un geste impétueux et l’arracha de sa peau, entamée déjà.

Le Pyrénéen pénétra enfin dans le lagon. C’est à peine si le capitaine Davenport pouvait encore tenir les poignées de la roue entre ses mains, où se formaient des ampoules et qu’il frottait, de temps à autre, contre son pantalon.

La barbe de Mac Coy commençait à griller elle aussi, et dégageait une forte odeur de roussi.

Une nouvelle ruée de flammes fusa près des deux hommes, qui rapidement se courbèrent vers le mât d’artimon : cette fois, toutes ses voiles s’embrasèrent et furent, en un instant, dévorées.

« Cela, dit Mac Coy, n’a plus maintenant d’importance. L’élan du navire est suffisant, »

Quelques minutes après, en effet, le Pyrénéen toucha. Son avant se souleva et il racla doucement de fond de sable du lagon, écrasant sous sa quille le corail fragile dont celui-ci était parsemé.

Sous le choc, si moelleux qu’il eût été, une pluie de débris incandescents s’abattit des mâts sur le pont du navire.

Le Pyrénéen avança encore un peu et toucha une seconde, une troisième fois, puis s’immobilisa.

Dans les tourbillons de flammes et de fumée, le troisième canot fut mis à la mer.

« Capitaine », dit Mac Coy, en s’effaçant pour laisser passer son compagnon, « descendez le premier.

— Vous d’abord ! » cria le capitaine Davenport, en poussant Mac Coy par les épaules et en le faisant presque culbuter par-dessus la lisse.

L’un suivant l’autre, les deux hommes, en proie à d’horribles souffrances et se tortillant le long de la corde à laquelle leurs mains se crispaient, se laissèrent glisser dans l’embarcation.

Les avirons mordirent l’eau et le canot s’éloigna comme une flèche dans la direction du rivage.

« Eh bien ! capitaine », murmura Mac Coy en tournant la tête et en regardant derrière lui, « ne vous avais-je pas promis, pour votre navire, un lit superbe et de tout repos ?

— Oui, parlons-en, un lit admirable…, riposta le capitaine Davenport.

« Il n’y a qu’un malheur, c’est que mon navire est perdu !

— Que voulez-vous, capitaine ? J’ai fait pour le mieux. »

Le canot, que les deux premières embarcations avaient rejoint, atteignit sans encombre le rivage et sa grève de sable blanc, au-delà de laquelle se disséminaient, dans un bouquet de cocotiers, une demi-douzaine de paillotes.

Une vingtaine d’habitants contemplaient, les yeux écarquillés, le volcan flottant qui avait fait irruption dans la paix de leur île.

Tandis que Mac Coy et le capitaine Davenport mettaient pied à terre, une explosion formidable ébranla l’atmosphère.

C’était le Pyrénéen qui sautait.

« Et maintenant, dit Mac Coy de sa voix soyeuse, il va falloir que je m’occupe de retourner à Pitcairn. »

  1. Un « atoll » est une île annulaire, formée par des coraux et dont le centre est occupé par une masse d’eau, qu’on appelle un « lagon ». Le lagon communique d’ordinaire avec la mer par une « passe » ou canal naturel, plus ou moins navigable.