Contes choisis de la famille/Le meilleur souhait

Traduction par un (ou une) anonyme.
Eugène Ardant et Cie (p. 103-106).


LE MEILLEUR SOUHAIT.


Trois joyeux compagnons étaient attablés à l’auberge de l’Agneau, à Kehl, mangeant et buvant ; et tandis qu’ils vidaient une dernière bouteille, ils se mirent bientôt à bavarder à faire tort et à travers, puis enfin à des souhaits. Il fut décidé que chacun formerait un vœu : celui qui émettrait le meilleur souhait, devait être dispensé de payer son écot.

Le premier prenant la parole :

— Je souhaite donc, dit-il, que tous les fossés des fortifications de Strasbourg et de Kehl soient remplis de fines aiguilles, et que chacune de ces aiguilles soit placée entre les doigts agiles d’un tailleur, et que chacun de ces doigts soit occupé du matin au soir pendant une année, à me confectionner des sacs de la capacité d’un hectolitre ; et si alors tous ces sacs se trouvaient pleins de doubles doublons à moi appartenant, je m’estimerais satisfait.

Le second dit à son tour :

— Moi, je voudrais que la cathédrale de Strasbourg tout entière, fût remplie jusqu’à la pointe de son clocher de lettres de change à mon ordre, écrites sur le papier le plus fin, que chacune de ces lettres de change représentât une valeur égale au contenu de tous tes sacs à la fois, et que le tout m’appartînt.

— Et moi, reprit le troisième, je voudrais que vos deux souhaits s’accomplissent, qu’ensuite vous fussiez le plus tôt possible deux grands saints dans le ciel, et que je fusse votre seul héritier.

Ce fut le troisième qui sortit de l’auberge sans payer l’écot.


fin