Contes choisis de la famille/L’aïeul et le petit-fils

Traduction par un (ou une) anonyme.
Eugène Ardant et Cie (p. 77-79).


L’AÏEUL ET LE PETIT-FILS.


Il y avait une fois un homme vieux, vieux comme les pierres. Ses yeux voyaient à peine, ses oreilles n’entendaient guère, et ses genoux chancelaient. Un jour, à table, ne pouvant plus tenir sa cuiller, il répandit de la soupe sur la nappe, et même un peu sur sa barbe.

Son fils et sa bru en prirent du dégoût, et désormais le vieillard mangea seul, derrière le poële, dans un petit plat de terre à peine rempli. Aussi regardait-il tristement du côté de la table, et des larmes roulaient sous ses paupières ; si bien qu’un autre jour, échappant à ses mains tremblantes, le plat se brisa sur le parquet.

Les jeunes gens le grondèrent, et le vieillard poussa un soupir ; alors ils lui donnèrent pour manger une écuelle de bois.

Or, un soir qu’ils soupaient à table, tandis que le bonhomme était dans son coin, ils virent leur fils, âgé de quatre ans, assembler par terre de petites planches.

— Que fais-tu là ? lui demandèrent-ils.

— Une petite écuelle, répondit le garçon, pour faire manger papa et maman quand je serai marié…

L’homme et la femme se regardèrent en silence… ; des larmes leur vinrent aux yeux. Ils rappelèrent entre eux l’aïeul qui ne quitta plus la table de famille.