Contes chinois, précédés d’une Esquisse pittoresque de la Chine/Les deux Frères

PALAIS IMPÉRIAL DE HOO-KEW-SHAN (Les deux Frères)

Les
deux Frères



L Le mandarin Tsou, intendant général de la magnifique villa impériale de Hoo-Kew-Shan, avait deux fils qui, quoique nés de la même mère, se ressemblaient aussi peu de figure que de caractère. L’aîné, Kia-tan, difforme de taille, presque boiteux, le teint flétri, l’œil éteint, était d’un naturel si doux et si aimant, montrait tant d’intelligence, qu’on oubliait bientôt sa laideur. Le second, Wang-po, moins âgé de deux ans, était le plus joli enfant du monde ; ses grands yeux bleus avaient un charme indéfinissable. Mais, comme triste compensation, il était d’un caractère détestable, et ses mauvaises qualités ne faisaient que s’accroître par la folle complaisance de ses parents. Jamais enfant n’avait été gâté avec plus d’insouciance : tout lui était permis ; pour lui, jamais de reproches ni de punitions, toujours des compliments et des plaisirs. La sévérité de Tsou ne s’exerçait qu’à l’égard du pauvre Kia-tan, qui supportait avec une résignation exemplaire la colère de ses proches, et même les mauvais traitements. Sa mère surtout, Hoa-sse (fleur attendue), qui eût dû lui faire oublier par ses caresses la disgrâce de la nature, le traitait avec froideur, et montrait pour lui une aversion profonde ; la belle mandarine était honteuse d’avoir mis au monde un enfant aussi laid ; elle oubliait ses bonnes qualités, et ne voyait que son horrible figure et sa démarche grotesque.

Kia-tan semblait cependant ne pas s’apercevoir de la partialité outrageante de ses parents, et il était toujours empressé à rendre à son frère des services que celui-ci recevait avec hauteur. Cette douceur et cette résignation frappaient d’étonnement tous ceux qui voyaient les deux frères, et quelques membres de la famille crurent devoir parler au mandarin en faveur de son fils aîné. Tsou répondit qu’il était maître chez lui, et traita Kia-tan avec plus de dureté. Les beaux habits, les joujoux, les friandises, les bonnes conserves d’oranges de Canton ou de Fo-Kien, étaient pour le cadet. L’aîné, couvert d’un simple habit de toile, ne partageait les plaisirs de son frère que de temps en temps et comme par pitié.

Cette haine odieuse, inexplicable, de Tsou et de Hoa-sse contre leur fils aîné, ne fit que développer les mauvais penchants de Wang-po. Voyant que ses parents et leurs domestiques cédaient à tous ses caprices, tandis qu’ils abreuvaient son frère d’humiliations, il en vint à le détester et à le traiter en esclave ; son orgueil et son irascibilité augmentèrent encore devant le calme et la douceur de sa pauvre victime. Les deux frères prenaient leurs récréations dans un jardin, dont une partie leur avait été laissée pour qu’ils le cultivassent à leur gré. Vous pensez bien que le jardin de Wang-po était le plus beau ; un domestique s’en occupait exclusivement, et les plates-bandes regorgeaient de camélias, de jasmins doubles, de pivoines, et de ces belles roses connues sous le nom de roses de la Chine. Kia-tan n’avait qu’un petit coin de terre qu’il cultivait assidûment, et dans lequel il plantait les arbustes et les fleurs qu’on voulait bien lui donner. Un jour il avait eu une grande joie ; un de ses oncles lui avait fait cadeau d’un quey-wha : c’est une espèce d’arbre dont les feuilles ressemblent au laurier, et qui porte de gros bouquets de petites fleurs d’un parfum délicieux et des couleurs les plus riantes. Cet arbre était devenu très-grand, et ses fleurs se renouvelaient quatre fois par an. Wang-po avait reçu le même présent ; mais son quey-wha était mort de langueur. Il ne voyait donc qu’avec un dépit mal caché le bel arbre de son frère ; et un jour que celui-ci lui avait offert un bouquet, il l’avait jeté à terre et foulé aux pieds.

Chaque matin, le pauvre Kia-tan courait à son jardin, et contemplait avec joie son arbre à fleurs qu’il arrosait et qu’il soignait de mille façons. Jugez de sa douleur et de sa colère lorsqu’il aperçut un jour trois longs clous enfoncés dans le bas du tronc, et maladroitement recouverts de feuilles et de terre : on avait voulu faire mourir son quey-wha chéri ! Il se releva, les larmes aux yeux et les poings fermés. Son frère était à quelques pas, le regardant sournoisement tout en cueillant des fleurs. Un horrible soupçon vint à l’esprit de Kia-tan… mais non, c’était impossible ! comment son frère eut-il poussé si loin la méchanceté ?… Cependant l’air confus et embarrassé de Wang-po ne lui laissa aucun doute. Alors la tête en feu, la poitrine haletante, il poussa un cri terrible, et se précipita d’un seul bond sur le méchant enfant. Son frère, d’une constitution très-faible, accablé d’ailleurs par le poids de ses remords, se jeta à ses genoux, avouant sa lâcheté et demandant pardon. Kia-tan était en délire, il n’entendait rien. Déjà il levait la main pour infliger à Wang-po une correction bien méritée, lorsque voyant la pâle et douce figure de l’enfant inondée de larmes, il baissa la tête et se prit à pleurer. Wang-po se releva, et, lui sautant au cou, il l’embrassa avec effusion, implorant de sa générosité qu’il voulût bien oublier sa méchante action. L’arbre mourut, et les parents reprochèrent avec amertume à Kia-tan sa négligence et sa paresse ; lui, était heureux. Son beau quey-wha n’existait plus ; mais son frère l’avait embrassé !

Soit par suite du remords que lui causait sa lâcheté, soit par crainte de la colère de son frère dont il avait appris à connaître pour la première fois la force redoutable, Wang-po vécut pendant quelque temps avec lui en bonne intelligence ; il lui proposa même un matin de venir dans un étang du palais pêcher aux oiseaux. C’est une pêche originale, assez usitée en Chine. On dresse une espèce d’oiseaux, semblables au cormoran, à prendre du poisson. À un signal donné, qui consiste à frapper l’eau avec les rames, ces oiseaux s’élancent, dans la rivière, saisissent le poisson et le rapportent, dans le bateau ; ils ont le cou serré par un anneau, qui les empêche d’avaler leur proie. Lorsqu’ils trouvent un gros poisson trop difficile à saisir, ils se mettent plusieurs ensemble, et finissent par s’en emparer.

Kia-tan accepta avec joie l’offre de son frère, et tous les deux se placèrent séparément dans une barque avec plusieurs de ces oiseaux de proie. Ils pêchèrent ainsi une bonne partie de la matinée ; mais Wang-po avait mal choisi son endroit, ou bien ses oiseaux étaient mal exercés, car il prit à peine cinq à six petits poissons, tandis que son frère rapportait à la maison un grand panier plein du produit de sa pêche. Les mauvais instincts de Wang-po se réveillèrent. Jaloux du bonheur ou de l’adresse de Kia-tan, il marchait en avant, la tête baissée, l’air sombre, méditant des projets de vengeance, tandis que son bon frère lui offrait de partager le panier de poissons. Arrivés auprès de leur mère, Wang-po se jeta dans ses bras en pleurant, Hoa-sse lui demanda la cause de son chagrin, nulle réponse. Le père survint ; mêmes cris de désespoir, même silence. Enfin il dit en sanglotant que son frère, qui l’a accompagné à la pêche, lui a volé tous ses poissons par dépit de sa maladresse. Kia-tan, stupéfait d’une pareille audace, restait immobile, la bouche béante et pâle de colère ; il était encore plus laid que de coutume. À peine l’enfant favori eut-il cessé de parler, que le père, se tournant vers l’aîné :

— Misérable, s’écria-t-il, c’en est trop. Tu as donc l’esprit aussi difforme, aussi dégradé que ton corps. Va, je te maudis ; sors à l’instant, et ne reparais plus en ma présence.

Le pauvre Kia-tan, atterré par ces paroles et suffoqué par la douleur, ne répondit rien, mais en sortant, comme il passait devant son frère, il lui lança un regard inexprimable. Ce n’était pas de la colère, c’était tout à la fois de la pitié et de la résignation. Wang-po resta écrasé sous ce regard, qui lui reprochait avec tant d’amertume son infâme conduite. Il n’eut pas le courage de faire amende honorable, mais se jetant de nouveau dans les bras de sa mère, il la supplia avec tant d’instances de pardonner à son frère que ce lui-ci obtint sa grâce. La démarche hypocrite du méchant enfant fut vantée partout avec emphase, et les parents ne tarissaient pas sur le compte du pauvre innocent qui rendait le bien pour le mal.

Ainsi s’écoula l’enfance des deux fils du mandarin Tsou, l’un en butte à l’aversion la plus profonde, l’autre toujours l’objet d’une idolâtrie ridicule. À la fin de leurs études, ils passèrent les examens qui conduisent aux carrières civiles, et furent admis dans l’ordre des mandarins ; mais Kia-tan, malgré son savoir, resta relégué dans les rangs inférieurs ; sa laideur physique semblait lui être fatale, et il en subissait à son insu la maligne influence. D’un caractère morose qu’expliquaient les mauvais traitements qu’il avait endurés pendant ses jeunes années, il n’osait se produire dans le monde et en arrivait parfois à douter de son propre mérite. Aussi faisait-on peu attention à lui ; tout réussissait au contraire au brillant Wang-po. Son extérieur séduisant, sa facilité d’élocution et surtout un grand esprit d’intrigue le poussèrent rapidement dans la voie des dignités et des honneurs ; il ne manquait d’ailleurs pas de capacité, car le talent s’unit malheureusement trop souvent aux plus mauvaises qualités. Après avoir rempli divers postes importants, il reçut le titre de grand maître de la doctrine (ta-hio-sse), qui est le grade honorifique le plus élevé, et fut appelé aux fonctions de gouverneur général de la belle province de Hou-Quang. Dissimulant ses défauts et cachant ses vices à tous les yeux avec une adresse merveilleuse, il avait acquis auprès de l’Empereur et parmi le peuple une réputation de probité à toute épreuve. Ses parents, dont l’aveuglement n’avait point cessé, parlaient de lui avec enthousiasme, et ce fut partout un concert d’éloges lorsqu’il fit nommer à la place de trésorier général de sa province, Kia-Tan, qui passait, sinon pour un méchant homme, du moins pour un frère peu affectueux et d’un caractère peu sociable.

Arrivé au poste le plus important qu’il pouvait ambitionner, Wang-po s’abandonna à tous ses mauvais instincts, mais en sauvant avec soin les apparences ; il joignait l’hypocrisie à l’infamie. Aussi ne fut-il même pas soupçonné, lorsque des visiteurs impériaux écrivirent au second tribunal de Pékin que le plus grand désordre régnait dans les finances de la province dont il était gouverneur. Il manifesta une vive indignation et déclara qu’il était coupable de n’avoir pas dénoncé plus tôt le trésorier général, dont les concussions n’étaient malheureusement que trop réelles ; mais les liens du sang, ajoutait-il, l’ont emporté sur le devoir. Kia-tan, malgré ses dénégations, fut traduit devant le tribunal des châtiments ou des peines ; il se défendit avec un ton de conviction qui émut les juges, mais les preuves les plus accablantes pesaient sur le malheureux. Le véritable coupable, Wang-po, avait pris ses mesures avec tant, d’adresse, il avait corrompu un si grand nombre de témoins, que tout se réunit pour établir la culpabilité de son frère. Celui-ci, qui n’avait pas même à se reprocher de la négligence dans ses fonctions, ne tarda pas à découvrir la vérité et vit avec douleur d’où partait le coup qui le frappait si cruellement. Il pouvait parler, et peut-être se fut-il sauvé, mais il fallait perdre son frère ; il lui pardonna encore une fois.

Kia-tan, déclaré coupable de concussion et de dilapidation dans les fonds de l’État, fut condamné à mort ; il entendit son arrêt avec sa résignation habituelle ; la vie lui était désormais à charge. Mais Wang-po, satisfait d’avoir échappé aux poursuites qui pouvaient l’atteindre, recula devant un nouveau crime, et n’osa pas se faire le meurtrier de son frère. Il affecta un violent désespoir, et pendant une audience de l’Empereur, il se jeta aux pieds du prince et implora sa clémence :

— Votre Majesté, dit-il, m’a comblé de faveurs ; je viens solliciter encore une grâce de son inépuisable générosité, Mon malheureux frère, entraîné par son goût pour le plaisir, a oublié ses devoirs ; il a follement dépensé l’argent destiné aux services publics ; il est coupable, il doit être puni. Mais l’Empereur m’obligera-t-il à signer l’arrêt de mort de mon frère ? C’est moi qui l’ai fait nommer aux fonctions de trésorier général. J’ai eu grand tort, sans doute, de ne pas surveiller sa conduite ; mais Votre Majesté, qui m’a pardonné, voudra bien ne pas exercer contre Kia-tan toute la rigueur des lois. Je le lui demande, en pleurant, au nom de mes anciens services, au nom de mes glorieux ancêtres.

L’Empereur hésita longtemps, car le crime de concussion est sévèrement puni en Chine, lorsqu’il est bien prouvé. Il se laissa enfin fléchir par les larmes hypocrites de Wang-po.

— Je consens, dit-il, à ne pas faire exécuter le jugement qui condamne votre frère, à mort, quoique cette indulgence soit d’un très-mauvais exemple. C’est une nouvelle preuve de l’affection que je vous porte et du cas que je fais de votre mérite. Je commue la peine de mort prononcée contre Kia-tan en un exil de dix ans. Allez ; oubliez un frère qui est la honte de votre famille, et continuez à servir l’Empereur et l’État avec le même zèle.

Lorsqu’on vint apprendre à l’ancien trésorier la commutation de sa peine, les courtisans vantèrent beaucoup la générosité de l’Empereur, et surtout les bons sentiments de Wang-po, qui avait intercédé en sa faveur avec tant de persistance et de dévouement, au risque d’encourir la disgrâce du souverain. L’infortuné Kia-tan sourit amèrement, et leva les yeux au ciel, comme pour en appeler au pouvoir suprême contre la prétendue justice des hommes. Trois jours après, il reçut une bastonnade de cent coups de bambou vis-à-vis la splendide résidence de Wang-po, en présence d’une foule immense qui l’accablait de malédictions et plaignait hautement le vice-roi d’avoir un tel frère ; puis il fut chargé de chaînes, et il partit pour l’exil sous bonne escorte. Par un triste hasard, il fut obligé de passer près du château impérial de Hoo-Kew-Shan. En voyant ces lieux où s’était écoulée son enfance, le pauvre prisonnier ne put retenir ses larmes ; Tsou et Hoa-sse reposaient dans la même tombe à quelques pas de là ; il voulut aller s’agenouiller devant leurs restes mortels, et, le front courbé dans la poussière, il demanda leur bénédiction, leur pardonnant tout le mal qu’ils lui avaient fait par suite de leur aveugle affection pour son frère, et implorant pour celui-ci leur appui et leur secours. Ce pieux devoir rempli, il reprit le chemin de l’exil ; mais à peine avait-il fait quelques pas, qu’un brillant cortège vint à passer : c’était Wang-po qui se rendait au palais auprès de l’Empereur. À la vue de son frère chargé de chaînes, l’infâme pâlit, et détourna la tête.

— Va, lui dit Kia-tan d’un ton mélancolique, mais sans amertume, va, poursuis ta route et sois heureux, si tu peux encore l’être. Depuis que nous sommes sur cette misérable terre, tu n’as pas cessé de faire mon malheur, mais je ne te maudis pas ; je ne puis oublier que tu es mon frère. Adieu pour jamais !


Les environs de Vou-Chang, capitale de la province de Hou-Quang, étaient-fort animés. On célébrait, en présence du gouverneur général, la fête de la Vache, qui a lieu ordinairement dans les premiers jours du printemps. Tous les gens de la campagne, portant ou traînant les instruments du labourage, escortent avec des musiciens et des histrions une grande vache en terre cuite, dont les cornes sont dorées. Derrière cette figure gigantesque est un enfant qui a un pied chaussé et l’autre nu, et qui frappe l’animal d’un bâton, comme pour le faire, avancer : c’est, dit-on, le symbole de la diligence et du travail. Après avoir parcouru les champs, le cortège se présente devant le gouverneur ; on brise la figure de terre, et on tire de ses flancs une multitude de petites vaches d’argile qu’on distribue aux principaux spectateurs. Le gouverneur adresse au peuple une allocution sur les bienfaits de l’agriculture, et la fête se termine par des danses et des jeux.

Le vice-roi de Hou-Quang, après avoir assisté à une partie de la cérémonie, se mit en route pour une de ses résidences de campagne. À peine s’était-il éloigné du lieu de la fête, qu’une troupe de gens bien armés enveloppa son cortège. Ses gardes furent tués ou mis en fuite, et il se trouva exposé sans défense à la fureur des assassins, qui l’entouraient en criant :

— Mort au tyran ! depuis trop longtemps il nous opprime et nous dépouille. — L’Empereur, abusé, repousse nos réclamations ; eh bien ! faisons-nous justice nous-mêmes !

Wang-po, car c’était lui que menaçait cette multitude furieuse, se défendit avec courage ; mais il était blessé, et il allait succomber sous le nombre, quand un homme, couvert de haillons, la barbe inculte et le visage flétri par la misère, sortit tout à coup d’un épais taillis, et se précipitant devant le gouverneur, repoussa ceux de ses ennemis qui le pressaient de plus près :

— Misérables ! s’écria-t-il d’une voix menaçante, vous me tuerez avant d’arriver à mon frère.

Les assaillants, d’abord déconcertés par l’apparition de ce nouvel adversaire, revinrent à la charge, et le renversèrent d’un coup mortel. Wang-po allait éprouver le même sort, lorsque des troupes arrivèrent et mirent en fuite les insurgés. On releva le pauvre mendiant, et quel ne fut pas l’étonnement de tous en reconnaissant Kia-tan ! Il rouvrit ses yeux obscurcis par l’approche de la mort, et s’adressant à Wang-po :

— Tout était fini entre nous, dit-il, mais à peine le temps de mon exil terminé, je n’ai pu résister au bonheur de revoir la patrie. J’allais prier sur la tombe de nos parents, lorsque, entendant des cris et le cliquetis des armes, j’accourus aussitôt. J’ai été assez heureux pour te sauver, je meurs content. Frère, voilà comme je me venge.

Wang-po était abîmé dans la plus profonde douleur ; des larmes s’échappèrent de ses yeux, et il porta à sa bouche la main de son frère expirant.

Les funérailles de Kia-tan eurent lieu avec une grande pompe, et quelque jours après, Wang-po se retira dans un couvent de bonzes, et y passa le reste de ses jours : on attribua cette retraite à la douleur qu’il éprouvait de la perte d’un frère chéri. Au moment de mourir, il écrivit à sa famille et à l’Empereur une longue lettre, dans laquelle il racontait son histoire et celle de Kia-tan ; il se reprochait ses crimes, et il espérait avoir désarmé par les austérités de la fin de sa vie la colère céleste ; il terminait en demandant que le nom de son frère, réhabilité, fut placé dans la salle des Ancêtres. Ses dernières intentions furent respectées, et le peuple, vivement louché des malheurs de Kia-tan, fit élever un monument à la mémoire de l’infortuné mandarin, à la place où il avait succombé en défendant les jours de Wang-po. Ce monument porte le nom du Pay-leou des deux frères.