Contes arabes (Basset)/Notes
NOTES
1. J’ignore quel peut être le nom qui se cache sous Kanim-Madoud ; la ville n’est pas nommée dans les versions persanes.
2. Le Sédjestân ou Séïstân est un pays partagé aujourd’hui entre la Perse et l’Afghanistân, et célèbre dans l’histoire fabuleuse de l’Irân : on y montre les restes de l’écurie du héros Roustem ; au temps du géographe Yaqout, cette province était peuplée de Kharedjites (dissidents) qui se faisaient remarquer par leur probité et leur charité. C’est aux habitants de cette contrée que les Orientaux attribuent l’invention des moulins à vent (cf. Barbier de Meynard, Dictionnaire géographique de la Perse, p. 300). Dans les Mille et une Nuits (éd. Habicht, t. VI, nuit 435), ce pays est nommé, par erreur, Sébestân au lieu de Séïstân, autre forme de Sedjestân. En outre, dans les versions persanes, le Séïstân est donné comme le royaume même d’Azâd-bakht, qui s’étendait depuis l’Hindoustân jusqu’à la mer.
3. Au lieu d’Isfehend, qui porte le texte de Knœs, il faut lire Isfehbed, en persan Ispehbed. Le déplacement d’un point diacritique explique ce changement. Ispehbed signifie général en chef. Sous les Sassanides, ce titre était donné aux gouverneurs de provinces (cf. Maçoudi, Prairies d’or, éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, t II, p. 153) Dans les textes persans, le vizir est appelé Sipehsalar, qui signifie également général, chef d’armée.
4. Pour Azâd-Châh (noble roi), les rédactions persanes ne font mention ni de ce projet ni de ce roi : suivant elles, le vizir, ne pouvant se passer de sa fille, la faisait venir près de lui, lorsqu’elle fut rencontrée par Azâd-bakht.
5. Ce nom, qui ne se rencontre pas dans les versions persanes, est formé des deux mots persans behreh, sort, lot, et gour (arabe, djour), fortune. Le texte persan du Bakhtiar-Nameh, lithographie à Paris, appelle cette princesse Khatoun-Chah.
6. Les versions persanes ne mentionnent pas l’intervention du premier vizir.
7. Dans le texte persan, c’est la reine qui conseille de fuir dans le Kermân.
8. Le Kermân est une des provinces méridionales de la Perse, située entre le Baloutchistân, le Khorassân, le Fars et le golfe Persique. Les légendes persanes font dériver son nom soit de Kermân, arrière-petit-fils de Japhet, fils de Noé, soit d’un certain Bakhté-Guerm, qui lutta avec le roi sassanide Ardéchir (Artaxerxès) Babégân. D’autres traditions attribuent la culture et la civilisation de ce pays à une troupe de philosophes qui y auraient été déportés. Sous les Sassanides, l’impôt payé par cette province était de soixante millions de drachmes. Elle fut conquise par les musulmans sous les khalifes ’Omar I et ’Otsmân. Le Kermân n’eut pas de souverains indépendants, mais sa prospérité fut à son comble tout les Seldjouqides (cf. Barbier de Meynard, Dictionnaire géographique de la Perse, pp. 482-486).
9. Dans les versions persanes, les mille dinars sont remplacés par dix perles formant un bracelet.
10. Le chef des voleurs est nommé Ferroukh-Souvar (Cavalier fortuné) dans les recensions persanes (Lescallier, à tort : Fareksavar) ; et l’enfant, Khodadâd (Dieudonné).
11. Le nom de Kathrou ne se trouve que dans le texte de Knœs, et n’a été porté par aucun roi de Perse ; il n’est d’ailleurs pas plus persan qu’arabe.
12. Les versions persane et ouïgoure donnent au fils d’Azâd-Bakht le nom de Bakhtiar (Fortuné), qui a fourni le titre du roman : Bakhtiar-Namèh ; en outre, elles présentent un récit plus détaillé des aventures du favori : le roi commence par l’attacher au service de ses écuries, une des charges les plus importantes de la cour de Perse (cf. Dubeux, La Perse, p. 461) ; de là, Bakhtiar arrive aux fonctions de trésorier.
13. Comme on l’a vu dans l’introduction, d’après les versions persanes, le roi se contente, le premier jour, de faire enfermer Bakhtiar après son entrevue avec le vizir et l’interrogatoire de la reine. C’est seulement le second jour et après les conseils de mort donnés par le second ministre, que le prisonnier raconte l’histoire du marchand persécuté par le sort. Celle-ci est la première dans toutes les recensions. Les Mille et une Nuits de l’édition de Habicht (t. VI, nuits 440-444, pp. 206-215), le ms. du British Museum et le texte de Knœs placent cette histoire le premier jour. Elle occupe les nuits 441-442 dans la traduction des Mille et une Nuits de Gauthier (tome IV).
14. Cette partie de l’histoire se retrouve, avec quelques modifications, dans un conte des Mille et une Nuits (t. arabe, éd. de Boulaq, in-4o t. I, 83-88) ; aventure du jeune homme qui cherche à vendre un collier de perles appartenant à sa maîtresse, jadis assassinée par une rivale et faussement accusé par un joaillier, qui prétend avoir été victime d’un vol. C’est peut-être à l’histoire du marchand infortuné que Pétis de La Croix a emprunté l’épisode d’Atalmule précipité dans la mer par ses associés, puis dénoncé par eux comme coupable du vol devant le cadi d’Ormus, et sauvé par la déposition des paysans qui l’avaient recueilli (cf. Mille et un jours, lxxxive jour).
15. Le texte des versions persanes de Lescallier, Gauthier, Ouseley et de l’édition de Paris, présente quelques variantes : il place la scène à Basrah, ne mentionne pas la consultation de l’astrologue ; avant même d’avoir constaté le vol, le marchand avoue les détournements au vieillard qui l’a recueilli. À la suite de son expulsion, il reçoit six perles des plongeurs ; les voleurs lui enlèvent celles qu’il a cousues dans son vêtement et non celles qu’il a cachées dans sa bouche : le joaillier qui l’accuse de vol est de mauvaise foi, comme dans le conte des Mille et une Nuits cité plus haut ; le marchand est délivré par le chef des plongeurs qui a voyagé avec le roi dans le Turkistân ; enfin, devenu trésorier, il est dénoncé par un vizir jaloux, mais son innocence est reconnue presque immédiatement après qu’on lui a crevé les yeux. La version arabe, plus simple que les rédactions persanes, fait une plus grande part à la mauvaise fortune. Le texte de Habicht s’accorde avec celui de Knoes. Dans le manuscrit du British Muséum, ce récit est intitulé Histoire du marchand de Perse.
16. Le texte arabe porte Behroun, qu’il faut probablement corriger en Behrévan (Bon esprit). Le nom du vizir n’est pas donné dans les textes persans.
17. Dans toutes les rédactions persanes, ce conte est placé dans la huitième journée, en réponse aux arguments du huitième vizir. Le texte de Habicht, où il occupe les nuits 444-448, et celui du British Museum s’accordent avec l’édition de Knœs. Les deux enfants n’y portent pas de noms, tandis que dans les autres versions, sauf peut-être celle en ouïgour, ils sont appelés Rouzbeh et Behrouz (Jour heureux et Heureux jour). On peut aussi relever quelques différences dans les détails : ainsi le joaillier n’obtient pas la permission de retourner dans sa patrie : il fait venir sa femme et ses deux fils, et c’est en allant au-devant d’eux qu’il rencontre au matin ces derniers, non sur un bateau, mais au bord de la mer, près de l’endroit où, la veille, il a oublié une bourse d’or. Behrouz est adopté par un roi, à qui il succède ; Rouzbeh, devenu plus tard son favori, n’est pas victime de la perfidie des courtisans : il est arrêté par les gardes qui le trouvent armé sur la terrasse du palais, près du roi endormi ; son supplice est différé à cause d’une guerre que Behrouz a à soutenir contre un prince voisin. On remarquera que, pour le fond, cette histoire ne diffère guère de celle qui sert de cadre à ces récits.
18. Le rédacteur anonyme de ce conte a peut-être imité le passage de Kalilah et Dimnah (chap. v, éd. de Boulaq), où Dimnah, par ses calomnies, met en garde l’un contre l’autre le lion et le taureau et sème ainsi la division entre eux. Une aventure semblable arriva sous le règne du Khalife El Motaouakkel, lorsque ses courtisans cherchèrent à perdre dans son esprit Boghâ l’aîné, un des chefs de la milice turke (cf. Maçoudi, Prairies d’or, éd. Barbier de Meynard, t. VI, chap.cxvii. pp. 259-262). On sait qu’une perfidie de ce genre amena l’assassinat de l’empereur Aurélien (Flavius Vopiscus, Vie d’Aurélien, dans l’Histoire auguste, ch. xxxvi).
19. La situation du fils du joaillier, devenu roi et sur le point de tuer son frère qu’il ne connaît pas, se retrouve dans un chant populaire grec : Les deux frères, dont l’un, devenu capitaine de voleurs, tue son frère qui s’est fait muletier (Marcellus, Chants populaires de la Grèce moderne, p. 146). Les reconnaissances de frère et de sœur, d’enfants et de parents, font le sujet de nombreux contes et chansons en russe, en espagnol, en français, en grec, en allemand, etc. Cf. de Puymaigre, Les vieux auteurs castillans, t. II, chap. xii. Dans un conte berbère que j’ai recueilli à Frendah, d’un individu de Bou-Semghoun, qsar du sud oranais, toute une famille, dispersée depuis des années, se retrouve et ne se reconnaît que par le récit fait par chacun de ses aventures.
20. Les aventures d’Abou-Sâber forment dans toutes les rédactions le sujet de la troisième histoire : mais, comme partout, les textes persans diffèrent de l’arabe. Le meurtre du collecteur d’impôts et les ravages du lion y sont mêlés : Abou-Sâber, qui n’est plus qu’un homme pauvre, montre de l’égoïsme plutôt que de la résignation. Lorsqu’il est employé à la construction du palais, c’est lui et non un de ses compagnons d’esclavage qui se casse la jambe ; le tyran meurt d’une colique et non dans une insurrection : il est remplacé par son prisonnier qui seul a pu deviner les trois énigmes dont la solution devait donner le trône. Cet épisode ne laisse pas subsister l’apparente contradiction qui existe entre la conduite d’Abou-Sâber et sa sagesse renommée lorsqu’il enlève deux enfants à des voleurs repentants qu’il fait mettre à mort, et la femme d’un homme qui vient se plaindre à lui ; enfin, lorsqu’il se montre sévère envers un roi détrôné. Les enfants sont ramenés par un marchand à qui le ravisseur les a vendus.
La traduction de Gauthier (nuits 443-444) suit le texte arabe, comme celle des Mille et une Nuits de l’édition Habicht (nuits 448-453). Celles de Lescallier et la version du texte lithographie à Paris s’accordent avec la recension d’Ouseley.
L’histoire d’Abou-Sâber se trouve dans les Onze jours (Die eilf Tage, récit xi).
L’intérêt dramatique est beaucoup moins vif dans ces dernières.
21. Lors de la conquête arabe, les Dihqans (du persan Deh, village, et Khân, seigneur) formaient une sorte de noblesse territoriale bientôt abaissée par les vainqueurs au niveau du reste de la population. Ce nom prit alors la signification de propriétaire foncier et même de villageois. Cependant, aujourd’hui encore, on l’emploie quelquefois dans le sens de chef de village.
22. Le texte arabe de Knœs porte Qaramân, par un qaf ; ce qui s’entendrait alors de la province d’Asie-Mineure, appelée par les Européens Caramanie. Le texte suivi par Gauthier prouve qu’il faut rétablir Kermân, le lieu de la scène étant en Perse comme dans les autres contes.
23. Le 28e exemple conté par Patronio au comte Lucanor est peut-être emprunté à la même source que cet épisode : Rodrigo Melendez de Valdes, ou, suivant les éditions imprimées, Pedro de Melendez, avait coutume de remercier Dieu pour tout ce qui arrivait, estimant, comme Candide, que c’était pour le mieux. Un jour il se cassa la jambe et loua Dieu, bien qu’il ignorât que par là il échappait aux embûches que ses ennemis lui avaient tendues avec l’autorisation du roi (cf. les Œuvres de D. Juan Manuel dans les Prosateurs espagnols antérieurs au xve siècle, p. 385 ; de Puibusque, le Comte Lucanor, pp. 258-265).
24. Au lieu de Zouchâd que porte le texte arabe et qui n’a aucun sens, j’ai rétabli Rouchâd qui signifie en persan visage joyeux.
25. Lescallier nomme ce prince Bahézâd et Gauthier Behézâd, formes incorrectes pour Behzâd, bien né.
26. D’après les versions persane et malaie (Niemann, Blœmlezinguit maleische Geschriften, t. I, p. 54), Behzâd était fils d’un roi de Haleb (Alep). La princesse dont il tombe amoureux est Nikarine, fille du roi de Roum, dont il entend parler par un de ses amis qui a été à Constantinople. Le roi de Haleb est obligé d’écraser son peuple d’impôts pour fournir les 100 lakhs de roupies, demandés pour prix de la main de la princesse. L’impatience de Behzâd le pousse à attaquer une caravane dont le chef lui fournit, quand il l’a reconnu, les moyens de compléter la somme. Le prince est aveuglé par Nicarine, non par sa belle-mère, et après la mort de son père, les gens de Haleb se choisissent un autre roi.
Les versions de Gauthier (n. 442-443), de Lescallier, de l’édition de Paris et d’Ouseley et la version malaie sont les mêmes, avec plus de détails dans la première.
Le texte de Habicht (nuits 453-455) est analogue à celui de Knœs.
27. Le nom du cinquième vizir, Djehrbour pour Djehrpour, qui ne se trouve que dans les textes arabes, signifie en persan fils de la Renommée.
28. Le sens de Dâdbin est « qui discerne le bon droit ». Par erreur, Gauthier le nomme Dâbdin ; Ouseley, Dadéïn, l’édition de Paris et le texte ouïgour, Dâdîn (Jaubert, Notice et extrait de la version turque du Bakhtiar Nameh, p. 15 ; Davids, Grammaire turke, p. 177).
29. Les versions persanes : Gauthier (nuits 445-448), Ouseley, Lescallier et édition de Paris diffèrent des textes arabes et ouïgour. Dans les premières, c’est Kardar qui, désespérant d’obtenir la main de la fille de son collègue, pousse le roi à la demander pour lui-même, comptant la lui enlever par une calomnie. Après que Dâdbin a épousé Aroua et tué son ministre, il part pour une expédition laissant le soin des affaires à Kerdân, mais sans lui confier la garde de la reine. Celle-ci, calomniée près de son mari, n’échappe pas au supplice, grâce aux représentations d’un eunuque, mais par l’intervention du vizir qui espère la retrouver dans le désert. La princesse, recueillie par un chamelier, est reconnue innocente par son mari qui fait périr le ministre calomniateur, après qu’il l’a convaincu du mensonge.
La version ouïgoure donne les mêmes détails que les textes arabes de Knœs et de Habicht (nuits 455-461).
Il existe, en outre, quelques différences secondaires entre les deux recensions ; dans la persane, le royaume de Dâdbin n’est pas nommé, non plus que la fille du vizir, ni son serviteur Abou’lkhéir qui devient un bouffon. L’arabe seul donne le nom de ce dernier.
On remarquera que l’histoire du mariage de Dâdbin avec Aroua est, à peu de chose près, la reproduction de l’histoire du mariage d’Azâd-bakht avec Behrédjour. Le reste du récit, dans le texte persan, est une variante du conte de Geneviève de Brabant.
30. Le Thabaristân est une province du nord de la Perse, située sur le bord de la mer Caspienne. Une tradition fait venir le nom de ce pays des mots persans Thabar (hache) et Zênân (femme), et raconte qu’un roi de Perse ayant déporté, dans cette province montagneuse, alors couverte de forêts, tous les criminels du royaume, ceux-ci demandèrent des haches pour se construire des maisons, et des femmes pour fonder des familles ; d’où Thabar-zénân, et par corruption Thabaristân. La même étymologie, tout à fait dans le goût oriental, s’explique d’une autre façon, par ce fait que chaque habitant, jeune ou vieux, porte continuellement une hache à sa ceinture (Thabaristân, pays des haches). Sous les Achéménides, le chef de cette province se nommait Espehboud (ou Ispehbed) et transmettait le gouvernement à son fils. L’historien national Zahireddin rapporte qu’après le partage des états d’Alexandre, le Thabaristân échut à un descendant des anciens rois : ses descendants régnèrent jusqu’au temps du roi assanide Qobad, fils de Firouz, qui y établit son fils Kelous. Celui-ci y fonda une nouvelle dynastie. La conquête du pays parut si difficile aux Arabes qu’ils se contentèrent longtemps d’une soumission nominale. Ce fut seulement sous le khalifat d’El Mamoun (ixe siècle de notre ère), que les montagnes les plus sauvages, dernier asile de l’indépendance du Thabaristân, furent conquises par Mousa ben Hafs. La ville principale de cette province est Amol, fondée suivant une légende par Djemchid, Faridoun ou Thahomourz (cf. Barbier de Meynard, Dictionnaire géographique de la Perse, pp. 380-387). Dans le texte ouïgour, Dâdbin règne dans le Tataristân (pays des Tatars).
31. Au lieu de Zoukhan et de Kardân (intelligent), les textes persans donnent Kamkar (puissant) et Kardâr (actif), et la version ouïgoure Kerdân et Kourdâr (pour Gourdâr, joyeux ?).
32. Le nom de Kesra (Chosroès, des Grecs) est l’altération arabe du persan Khosrou. Les Orientaux le donnaient à tous les princes sassanides, comme Qaïsar (César) à ceux de Byzance ; Faghfour, au rois de la Chine ; Tobba’, à ceux du Yémen ; Nedjâchi (Negouch), aux souverains d’Abyssinie ; Fera’oun (Pharaon), à ceux d’Égypte. Deux des derniers princes de la dynastie nationale des Ghaznévides portèrent aussi ce nom : Khosrou-Châh, fils de Behrâm-Chah, et Khosrou-Moulk, son fils.
33. C’est la loi du talion, comme elle est indiquée dans le Qorân, Sourate, II, verset 173 : « Ô vous qui croyez, le talion vous est prescrit pour le meurtre : un homme libre pour un homme libre, un esclave pour un esclave, une femme pour une femme, » Cf. aussi les Sourates V, 49, XXII, 113. Il est vrai que Mohammed ajoute {Sour., II, v. 173) : « Celui à qui son frère remet une peine semblable, doit être traité avec humanité et il doit s’acquitter par des bienfaits. »
34. Bahkt-Zémân (en persan. Temps fortuné) est appelé Bakht-Azmâ dans un manuscrit du British Muséum.
35. Ce conte, qui manque dans les versions persanes, occupe les nuits 461-464 de l’édition de Habicht. On pourrait le rapprocher de l’Éducation d’un prince (1763), conte de Voltaire qui avait eu peut-être connaissance des Onze journées de Galland. Chez l’auteur français, c’est par amour pour Amide qu’Alam secoue sa mollesse et se rend digne de remonter sur le trône.
36. En annonçant son intention de faire quoi que ce soit, tout bon musulman ne manque jamais d’ajouter « s’il plaît à Dieu » (In cha Allah). L’oubli de cette précaution fait échouer tous les projets. Les Arabes d’Algérie racontent à l’appui l’histoire suivante : « En énumérant ce que ses forces lui permettaient de faire, le lion dit un jour :
« In cha Allah, s’il plaît à Dieu, j’enlèverai, sans me gêner, le cheval.
« In cha Allah, j’emporterai, quand je voudrai, la génisse, et son poids ne m’empêchera pas de courir. »
Quand il en vint à la brebis, il la crut tellement au-dessous de lui qu’il négligea cette religieuse formule : « S’il plaît à Dieu », et Dieu le condamna pour le punir à ne pouvoir jamais que la traîner. (Daumas, Mœurs et coutumes de l’Algérie, p. 117.)
37. L’histoire de Khodaï-dân (qui connaît Dieu) est évidemment une répétition de celle de Bakht-Zémân.
38. Le nom de Beh-Kemâl est composé du persan Beh, bien, et de l’arabe Kemâl, perfection.
39. Behkerd (bienfaisant) n’est pas nommé dans les versions persanes, qui font de lui un roi de Yémen, et de son esclave, Abraha, le fils du roi de Zanguebar.
40. Les versions persanes de Gauthier (nuits 441-445), d’Ouseley, de Lescallier et du Bakhtiar Nameh n’offrent pas de grandes différences avec les textes arabes de Knœs et de Habicht (nuits 464-466). Dans celui-ci, le roi ni le pays ne sont nommés. Suivant les premières, Behkerd s’embarque à la recherche de son esclave : naufragé sur la côte du Zanguebar, il est accusé d’assassinat parce que les habitants de la maison près de laquelle il a passé la nuit sont égorgés par des voleurs, et que le sang a rejailli sur ses vêtements sans qu’il s’en aperçoive. Il blesse le fils du roi, non en se laissant emporter par sa passion pour la chasse, mais en voulant atteindre un corbeau pour en tirer un présage. Il est condamné, non à être mis à mort, mais, en vertu de la loi du talion, à perdre une oreille. C’est alors que la reconnaissance a lieu.
41. J’ai cru devoir corriger en Nirou (force du bras) le nom de Yatrou que donne le texte de Knœs et qui n’a aucun sens. Cette altération s’explique par le déplacement des points diacritiques. Peut-être, cependant, faudrait-il rétablir Abrahah que donnent les textes persans.
42. Les mutilations sont une des pénalités appliquées en pays musulman, en vertu de cette parole du prophète : « Quant au voleur et à la voleuse, coupez-leur les mains en rétribution de l’œuvre de leurs mains : c’est le châtiment prescrit par Dieu. » (Qorân, Sour. V, v. 42). Toutefois, l’exécution n’a lieu que si l’objet volé a une valeur dépassant 4 dinars (environ 50 francs). Autrement, le vol est puni de la bastonnade. L’amputation des pieds et des oreilles est aussi pratiquée.
43. En Djaghataï, Ilân signifie serpent. Les Turks prenaient souvent des noms d’animaux : Arslan (le lion), Baber (le tigre), Boghâ (le bœuf). Ilân-Châh n’est pas nommé dans les versions persanes.
44. La deuxième partie de cette histoire forme le sujet d’un conte du cycle des Quarante vizirs, où nous le retrouvons sous une forme beaucoup plus simple. Dans le manuscrit turk que j’ai sous les yeux, et d’après lequel je donne la traduction qui suit, comme dans la version allemande de Bernhauer (Die Vierzig Veziere, p. 237), c’est le 39e récit raconté au roi par la reine.
« On rapporte que vivait un grand roi qui avait trois vizirs. Un jour, l’un d’eux eut une discussion avec les deux autres : ceux-ci se retirèrent et allèrent dénoncer au prince leur collègue comme un traître. En outre, ils promirent des ducats d’or à quelques-uns des pages en leur faisant cette recommandation : « Dès que le roi ira reposer, avant qu’il ne sommeille, feignez de croire qu’il dort et saisissez l’occasion : l’un de vous dira, au milieu de la conversation : « aujourd’hui, j’ai entendu tel vizir parler à tel serviteur, il disait telle et telle chose du roi. » — « Moi aussi, reprendra l’autre, j’ai appris la même chose de telle personne qui me l’a fait connaître. » Après cet entretien, les pages répétèrent ces propos devant le prince qui n’était pas encore endormi. Lorsque le roi les eut entendus, il se dit : « Je vois que ce que m’avaient dit mes vizirs que je n’avais pas crus, mes pages l’ont aussi appris. C’était la vérité. » Le lendemain matin, le Châh tira vengeance du troisième ministre. Les autres, satisfaits, donnèrent à leurs complices l’or qu’ils leur avaient promis. Les pages le prirent et se retirèrent à l’écart. Une dispute s’éleva entre eux : « C’est moi qui ai parlé le premier, dit l’un ; ma part doit être plus forte. » — « Si je n’avais rien dit, répliqua l’autre, le roi n’aurait pas ainsi traité ce malheureux. » Cette querelle arriva aux oreilles du prince et, déplorant la perfidie de ses vizirs envers leur infortuné collègue, il se repentit vivement. »
Nous avons là, comme on le voit, une forme plus ancienne de ce conte que dans le Bakhtiar-Nameh. Peut-être l’auteur des « Quarante soirées », dont les Quarante vizirs ne sont que la traduction turke, était-il antérieur à l’époque où fut rédigée l’histoire des Dix vizirs. La version turke, soit qu’on doive l’attribuer à Cheïkh-Zadé, comme le disent Pétis de Lacroix et Behrnauer, ou que celui-ci soit l’auteur de la recension arabe, comme le prétend Belletête, fut faite sous le règne de Mourad (Amurat II, 1421-1451), fils de Mohammed Ier, fils de Bayézid Ier et père de Mohammed El Fatih (Mahomet II), le conquérant de Constantinople.
Dans la version persane, Ilân Châh a dix vizirs au lieu de trois. Lorsque Abou Témâm va demander pour son maître la main de la princesse du Turkistân, les épreuves qu’il a à subir sont moins longues. Le sulthân lui propose seulement de juger par lui-même de la beauté de sa fille, ce que l’ambassadeur refuse. Après qu’Abou Témâm a succombé, par suite des machinations de ces envieux, son cadavre est jeté dans une rivière. Ilân Chah apprend la vérité, non par les remords de ses pages, mais par leur dispute sur le partage de l’or mal acquis, comme dans le récit des Quarante vizirs.
Ce conte est placé dans la quatrième journée des Onze jours (Eilf Tage). Il remplit les nuits 466-471 de l’édition Habicht. C’est la neuvième histoire du manuscrit du British Museum, et la huitième des traductions d’Ouseley, Lescallier et Gauthier. Il forme la quatrième et la cinquième histoire des Onze jours (Die Eilf Tage).
45. Il s’agit, non de la Turquie actuelle, mais du Turkistân qui s’étendait au nord de la Perse, depuis la mer Caspienne jusqu’aux frontières de la Chine. C’est dans le même sens que le ms. du British Museum emploie dans une autre histoire le nom de Tataristân. Dans la version persane de Gauthier, Abou Témâm est envoyé près du khân de Tartarie.
46. D’après une légende musulmane, un crâne à qui Aïsa (Jésus-Christ) avait rendu la vie, raconta la façon dont il mourut et fut livré aux anges chargés de le punir : « Terre, dirent-ils, châtie celui qui s’est montré rebelle envers Dieu. » Alors la terre l’écrasa tellement que tous ses os furent réduits en poussière (Weil, Biblische Legenden der Muselmænner, p. 288).
47. « En quelque lieu que vous soyez, la mort vous atteindra, fussiez-vous dans des tours élevées. » (Qorân, Sourate IV, v. 80).
48. L’idée d’une destinée à laquelle nul ne peut se soustraire et qui, suivant les Grecs, commandait aux dieux eux-mêmes, se retrouve dans les contes de presque toutes les nations. C’est dans le conte égyptien des Deux frères (xve siècle avant notre ère) que nous rencontrons la plus ancienne donnée de ce genre. Les sept Hathors annoncent que la femme créée par les dieux pour Bitiou périra de mort violente (Maspero, Contes égyptiens, p. 12). Dans l’histoire du Prince prédestiné, qui date de la XXe dynastie (xiiie siècle avant notre ère), un prince est placé dans l’alternative de périr par le crocodile ou le chien qu’il avait élevé, s’il échappe au serpent (Maspéro, Contes égyptiens, p. 33). On connaît l’aventure d’Adraste, fils de Crésus, dont une pointe de fer devait causer la mort, et qui est blessé mortellement dans une chasse au sanglier (Hérodote, Histoires, livre I, 36-45). Le sujet du récit de la ixe journée se rapproche plutôt de l’histoire de Laïos et d’Œdipe, ce qui peut s’expliquer en admettant l’origine arienne de ce conte. La littérature arabe elle-même nous offre quelques emprunts faits à la mythologie grecque : la mort d’Imrou’l qaïs, analogue à celle d’Héraclès ; les questions de la Djinnah rappellent celles du sphinx.
Les textes persans ne nomment pas Ibrahim qu’ils donnent pour un roi d’Arabie (Lescallier), roi de Perse (Gauthier, éd. de Paris). C’est son vizir, au lieu des astrologues, qui consulte les astres, et lorsque l’enfant, pour échapper à sa destinée, a été enfermé dans un souterrain, le lion y pénètre en poursuivant un renard, non pour échapper aux chasseurs. Le fils du sulthân est recueilli par un des secrétaires royaux, élevé et placé près du prince qui le prend en affection et en fait son écuyer. Dans un combat où les siens ont le dessous, Ibrahim, par mégarde, est blessé mortellement par celui en qui il reconnaît son fils.
Cette version, beaucoup moins développée que celle des textes arabes, paraît plus ancienne. Les derniers, en effet, semblent avoir fait entrer dans le récit un certain nombre d’épisodes étrangers : l’adoption de l’enfant par les voleurs, sans doute empruntée au cadre général ; l’aventure des trésors a sans doute été aussi ajoutée. L’examen de la version ouïgoure pourrait seul résoudre cette question.
Ce conte est le dernier (9e) des recensions persanes ; il comprend les nuits 471-474 de l’édition Habicht. Peut-être est-ce le même que celui intitulé Beïdad et son fils Behrâd dans le manuscrit du British Museum, qui le place le huitième, de même que l’auteur des Onze jours (Die Eilftage, la prédiction).
49. Cette première partie rappelle la fable de Lafontaine, l’Horoscope (I. VIII, f. xvi).
50. On peut rapprocher de cet épisode celui d’Aladin abandonné par le magicien dans le souterrain où il a trouvé la lampe merveilleuse et l’aventure de trois sorciers du Sous et d’un individu d’Asie, un des contes berbères que j’ai recueillis à Frendah.
51. Les versions persanes n’ont conservé de commun avec le texte arabe que la conclusion de l’histoire. Les aventures de Solaïmân-Châh, de Behléwân, les crimes de ce dernier, les infortunes de Mélik-Châh le jeune sont supprimées. Le roi d’Abyssinie, poussé par un de ses ministres qui lui voit négliger son armée, demande la main de la princesse d’Irâq. Le refus qu’il subit amène une guerre à la suite de laquelle le roi de l’Irâq, vaincu, consent au mariage de sa fille. Celle-ci avait eu précédemment un fils nommé Farekzâd, dont la naissance était demeurée secrète : elle le fait venir en Abyssinie, près de son mari qui l’adopte. Comme dans le conte arabe, la mère et le fils sont surpris : le roi veut faire périr ce dernier, mais sa jeunesse et sa grâce touchent l’exécuteur. Une vieille femme fait connaître la vérité au prince, à l’aide d’un talisman, non d’un cœur de huppe, et Farekzâd est réuni à sa mère et au roi d’Abyssinie.
Ce récit est le 6e (7e journée) dans les versions persanes : il comprend les nuits 448-450 de la traduction de Gauthier, et 474-484 de l’édition de Habicht. C’est la première histoire de l’Eilf Tage (Melekschah und Schah Kadun) et la dixième de tous les textes arabes : Knœs, Habicht et le ms. du British Museum.
52. Behléwân est la transcription arabe du mot persan Pehlévân, qui signifiait primitivement héros, et qui n’a plus aujourd’hui que le sens d’athlète, lutteur.
53. Châh khatoun, princesse, du persan Châh, roi, et du turk khatoun, dame. Ce dernier est devenu à Constantinople cadine.
54. La lune est très fréquemment employée chez les poètes orientaux pour désigner la beauté : une princesse des Mille et une Nuits (Histoire d’Aladin) porte le nom arabe de Bedr-Oul-boudour (la pleine lune des pleines lunes) ; un roi, celui de Qamar Ez-zemân « « (la lune de l’époque) ; le fils d’un vizir, celui de » « Bedr-Ed-din » « (la pleine lune de la religion). Les rhétoriques persanes appellent cette figure » « ighrâb » » (étrangeté). Ainsi, dans ce vers de Saadi.
« Je n’ai jamais vu de lune avec des boucles frisées, je n’ai jamais vu de cyprès (taille fine) vêtu d’une tunique (si ce n’est toi). »
Un autre poète persan, El Mokhtâri, a dit de même :
« Ce serait une lune, si la lune avait la taille d’un cyprès ; ce serait un cyprès, si le cyprès avait un sein de lune. »
Enfin, un descendant de Khosrou Anouchirvân (Chosroès le Grand), le poète Medj Ed din Hamgar a employé la même métaphore :
« En vérité, qui a jamais vu une lune brillante au sommet d’un cyprès droit, si ce n’est ton visage et ta taille. »
(Cf. Garcin de Tassy, Rhétorique et prosodie des lan gues de l’Orient musulman, p. 36 ; Huart, Anîs El’Ochchâq, pp. 95-96.)
D’ailleurs les contes populaires d’Europe, comme ceux d’Orient, nous représentent souvent des enfants beaux comme la lune ou le soleil et, par métaphore, portant la lune ou le soleil sur leur front, et des étoiles sur leur chevelure ou dans leurs mains. Mlle Mary Stokes, dans une note des Indian fairy tales de Maive Stokes {Phulmati Rani, note 2, p. 240) a cité de nombreux exemples de ces comparaisons.
55. Nous avons vu (note 32) que les Arabes et les Persans donnaient le nom de Qaïsar (du grec Καισαρ) à tous les rois de Roum (empereurs de Constantinople). La cour de ceux-ci était, d’ordinaire, l’asile de tous les exilés, dès avant l’islamisme : aussi ces princes jouent-ils un rôle important, non-seulement dans les contes, mais encore dans les traditions historiques des Orientaux.
56. Le farsakh ou farsank, d’où les Grecs ont tiré le nom de parasange, valait, chez les anciens Perses, 30 stades. Aujourd’hui il équivaut environ à 4 milles.
57. Le conteur oublie qu’il a dit un peu plus haut que l’eunuque avait passé deux jours dans le puits en compagnie de Mélik-Châh.
58. On remarquera qu’ici encore la situation de Mélik-Châh, par rapport à Qaïsar et à Châh-Khatoun, est, à peu de chose près, la même que celle du fils d’Azâd-bakht à l’égard de son père.
59. Ce conte manque dans toutes les versions persanes où il est remplacé par une longue conversation entre le roi Azâd-bakht et le chef des voleurs. Dans l’Eilf Tage, il est placé le second (Die Todesurtheil zum Glück). Le manuscrit du British Museum donne une histoire intitulée Berhin-Châh, qui est peut-être la même.
60. Plutarque (Vie de Flaminius, XIV) et Valère Maxime Dits et faits mémorables, I. IV, ch. viii, de la libéralité, § 7) rapportent qu’un fait semblable arriva aux jeux isthmiques lorsque T. Q. Flaminius, après la victoire de Cynocéphale, fit proclamer par un héraut la liberté de la Grèce. Des corbeaux tombèrent dans le stade, étourdis par les acclamations des Grecs. La même aventure se renouvela, lorsque le peuple romain acclama Pompée comme seul chef de la guerre contre les Pirates (Plutarque, Vie de Pompée, XXVI).
61. Le texte porte par erreur Néherdjour.