Contes épiques/Le Mendiant de son honneur
Le Mendiant de son honneur
Devant Bivar. Le fils et les petits-fils île Diego Laynez parlent entre eux, ignorant encore que le comte Gomez de Gormaz a frappé au visage le chef de leur maison. Un Mendiant monte la côte.
BERMUDO
Vois donc, frère, sur le chemin
Ce mendiant qui tend la main.
Qu’il a l’air triste !
HERNAN
Comme sous de très lourds fardeaux
Il courbe la tête et le dos.
Que Dieu l’assiste !
Le Mendiant s’approche.
Vois ! il défaille à tous moments.
Ses vieilles mains, ses vêtements
Sont noirs de boue.
HERNAN
Il a honte, le pauvre vieux !
Son manteau lui pend sur les yeux
Et sur la joue.
Le Mendiant est devant eux, courbé.
LE MENDIANT
La chanté, Seigneurs, la charité !
RODRIGUEZ
Que te faut-il ? parle, vieil homme.
HERNAN
As-tu faim ? As-tu soif ?
BERMUDO
Veux-tu faire un bon somme ?
HERNAN
Le pain nous rend la force et le vin la gaîté.
BERMUDO
Le sommeil est plein de beaux rêves.
LE MENDIANT
Je n’ai ni soif ni faim. Je dois veiller sans trêves.
La charité, Seigneurs, la charité !
RODRIGUEZ
Que te faut-il ? parle, vieil homme.
HERNAN
Un cheval pour la route ?
BERMUDO
Ou quelque forte somme ?
HERNAN
Un cheval porte vite au gîte souhaité.
BERMUDO
L’argent tente les plus austères.
LE MENDIANT
Je ne voyage point. J’ai de l’or et des terres.
La charité, Seigneurs, la charité !
RODRIGUEZ
Que veux-tu donc, passant étrange ?
HERNAN
Ni le pain, ni le vin ?
BERMUDO
Ni la nuit dans la grange ?
HERNAN
Ni le bel étalon tout de feu moucheté ?
BERMUDO
Ni l’or ou l’argent que l’on compte ?
Le Mendiant jette sa cape et son chapeau. Les jeunes hommes reconnaissent Diego Laynez.
DIEGO LAYNEZ
L’aumône qu’il me faut, c’est la tête du comte !
La charité, mes fils, la charité !