Connaissance de l’Est/L’heure jaune

Larousse (p. 201).

L’HEURE JAUNE


De toute l’année voici l’heure la plus jaune ! Comme l’agriculteur à la fin des saisons réalise les fruits de son travail et en recueille le prix, le temps vient en or que tout y soit transmué, au ciel et sur la terre. Je chemine jusqu’au cou dans la fissure de la moisson ; je pose le menton sur la table qu’illumine le soleil à son bout, du champ ; passant aux monts, je surmonte la mer des graines. Entre ses rives d’herbes, l’immense flamme sèche de la plaine couleur de jour, où est l’ancienne terre obscure ? L’eau s’est changée en vin ; l’orange s’allume dans le branchage silent. Tout est mûr, grain et paille, et le fruit avec la feuille. C’est bien de l’or ; tout fini, je vois que tout est vrai. Dans le fervent travail de l’année évaporant toute couleur, à mes yeux tout à coup le monde comme un soleil ! Moi ! que je ne périsse pas avant l’heure la plus jaune.