Code de procédure civile 1806/Partie I, Livre II, Titre XI

France
Partie I, Livre II, Titre XI : Du faux incident civil.
(p. 42-50).

Titre XI.
Du faux incident civil.

214. Celui qui prétend qu’une pièce signifiée, communiquée ou produite dans le cours de la procédure, est fausse ou falsifiée, peut, s’il y échoit, être reçu à s’inscrire en faux, encore que ladite pièce ait été vérifiée, soit avec le demandeur, soit avec le défendeur en faux, à d’autres fins que celles d’une poursuite de faux principal ou incident, et qu’en conséquence il soit intervenu un jugement sur le fondement de ladite pièce comme véritable.

215. Celui qui voudra s’inscrire en faux, sera tenu préalablement de sommer l’autre partie, par acte d’avoué à avoué, de déclarer si elle veut ou non se servir de la pièce, avec déclaration que, dans le cas où elle s’en servirait, il s’inscrira en faux.

216. Dans les huit jours, la partie sommée doit faire signifier, par acte d’avoué, sa déclaration signée d’elle, ou du porteur de sa procuration spéciale et authentique, dont copie sera donnée, si elle entend ou non se servir de la pièce arguée de faux.

217. Si le défendeur à cette sommation ne fait cette déclaration, ou s’il déclare qu’il ne veut pas se servir de la pièce, le demandeur pourra se pourvoir à l’audience, sur un simple acte, pour faire ordonner que la pièce maintenue fausse sera rejetée par rapport au défendeur; sauf au demandeur à en tirer telles indications ou conséquences qu’il jugera à propos, ou à former telles demandes qu’il avisera, pour ses dommages et intérêts.

218. Si le défendeur déclare qu’il veut se servir de la pièce, le demandeur déclarera par acte au greffe, signé de lui ou de son fondé de pouvoir spécial et authentique, qu’il entend s’inscrire en faux; il poursuivra l’audience sur un simple acte, à l’effet de faire admettre l’inscription, et faire nommer le commissaire devant lequel elle sera poursuivie.

219. Le défendeur sera tenu de remettre la pièce arguée de faux, au greffe, dans trois jours de la signification du jugement qui aura admis l'inscription et nommé le commissaire, et de signifier l’acte de mise au greffe dans les trois jours suivans.

220. Faute par le défendeur de satisfaire, dans ledit délai, à ce qui est prescrit par l’article précédent, le demandeur pourra se pourvoir à l'audience, pour faire statuer sur le rejet de ladite pièce, suivant ce qui est porté en l’article 217 ci-dessus; si mieux il n’aime demander qu’il lui soit permis de faire remettre ladite pièce au greffe, à ses frais, dont il sera remboursé par le défendeur comme de frais préjudiciaux; à l’effet de quoi, il lui en sera délivré exécutoire.

221. En cas qu’il y ait minute de la pièce arguée de faux, il sera ordonné, s’il y a lieu, par le juge-commissaire, sur la requête du demandeur, que le défendeur sera tenu, dans le temps qui lui sera prescrit, de faire apporter ladite minute au greffe, et que les dépositaires d’icelle y seront contraints, les fonctionnaires publics, par corps, et ceux qui ne le sont pas, par voie de saisie, amende, et même par corps, s’il y échet.

222. Il est laissé à la prudence du tribunal, d’ordonner, sur le rapport du juge-commissaire, qu’il sera procédé à la continuation de la poursuite du faux, sans attendre l’apport de la minute; comme aussi, de statuer ce qu’il appartiendra, en cas que ladite minute ne pût être rapportée, ou qu’il fût suffisamment justifié qu’elle a été soustraite ou qu’elle est perdue.

223. Le délai pour l’apport de la minute court du jour de la signification de l’ordonnance ou jugement au domicile de ceux qui l’ont en leur possession.

224. Le délai qui aura été prescrit au défendeur pour faire apporter la minute, courra du jour de la signification de l’ordonnance ou du jugement à son avoué; et faute par le défendeur d’avoir fait les diligences nécessaires pour l’apport de ladite minute dans ce délai, le demandeur pourra se pourvoir à l’audience ainsi qu’il est dit article 217.

Les diligences ci-dessus prescrites au défendeur seront remplies en signifiant par lui aux dépositaires, dans le délai qui aura été prescrit, copie de la signification qui lui aura été faite de l'ordonnance ou du jugement ordonnant l’apport de ladite minute; sans qu’il soit besoin, par lui, de lever expédition de ladite ordonnance ou dudit jugement.

225. La remise de ladite pièce prétendue fausse étant faite au greffe, l’acte en sera signifié à l’avoué du demandeur, avec sommation d’être présent au procès-verbal; et trois jours après cette signification, il sera dressé procès-verbal de l’état de la pièce.

Si c’est le demandeur qui a fait faire la remise, ledit procès-verbal sera fait dans les trois jours de ladite remise, sommation préalablement faite au défendeur d’y être présent.

226. S’il a été ordonné que les minutes seraient apportées, le procès-verbal sera dressé conjointement, tant desdites minutes que des expéditions arguées de faux, dans les délais ci-dessus: pourra néanmoins le tribunal ordonner, suivant l’exigence des cas, qu’il sera d’abord dressé procès-verbal de l’état desdites expéditions, sans attendre l’apport desdites minutes, de l’état desquelles il sera, en ce cas, dressé procès-verbal séparément.

227. Le procès-verbal contiendra mention et description des ratures, surcharges, interlignes et autres circonstances du même genre; il sera dressé par le juge-commissaire, en présence du procureur impérial, du demandeur et du défendeur, ou de leurs fondés de procurations authentiques et spéciales: lesdites pièces et minutes seront paraphées par le juge-commissaire, le procureur impérial, par le défendeur et le demandeur, s’ils peuvent ou veulent les parapher; sinon il en sera fait mention. Dans le cas de non comparution de l’une ou l’autre des parties, il sera donné défaut et passé outre au procès-verbal.

228. Le demandeur en faux, ou son avoué, pourra prendre communication, en tout état de cause, des pièces arguées de faux, par les mains du greffier, sans déplacement et sans retard.

229. Dans les huit jours qui suivront ledit procès-verbal, le demandeur sera tenu de signifier au défendeur ses moyens de faux, lesquels contiendront les faits, circonstances et preuves par lesquels il prétend établir le faux ou la falsification; sinon le défendeur pourra se pourvoir à l’audience pour faire ordonner, s’il y échet, que ledit demandeur demeurera déchu de son inscription en faux.

230. Sera tenu le défendeur, dans les huit jours de la signification des moyens de faux, d’y répondre par écrit; sinon le demandeur pourra se pourvoir à l’audience, pour faire statuer sur le rejet de la pièce, suivant ce qui est prescrit article 217 ci-dessus.

231. Trois jours après lesdites réponses, la partie la plus diligente pourra poursuivre l’audience; et les moyens de faux seront admis ou rejetés en tout ou en partie: il sera ordonné, s’il y échet, que lesdits moyens ou aucuns d’eux demeureront joints, soit à l'incident en faux, si quelques-uns desdits moyens ont été admis, soit à la cause ou au procès principal; le tout suivant la qualité desdits moyens et l'exigence des cas.

232. Le jugement ordonnera que les moyens admis seront prouvés, tant par titres que par témoins, devant le juge commis, sauf au défendeur la preuve contraire, et qu’il sera procédé à la vérification des pièces arguées de faux, par trois experts écrivains, qui seront nommés d’office par le même jugement.

233. Les moyens de faux qui seront déclarés pertinens et admissibles, seront énoncés expressément dans le dispositif du jugement qui permettra d’en faire preuve; et ne sera fait preuve d’aucun autre moyen. Pourront néanmoins les experts faire telles observations dépendantes de leur art qu’ils jugeront à propos, sur les pièces prétendues fausses, sauf aux juges à y avoir tel égard que de raison.

234. En procédant à l’audition des témoins, seront observées les formalités ci-après prescrites pour les enquêtes: les pièces prétendues fausses leur seront représentées, et paraphées d’eux s’ils peuvent ou veulent les parapher; sinon il en sera fait mention.

A l’égard des pièces de comparaison et autres qui doivent être représentées aux experts, elles pourront l’être aussi aux témoins, en tout ou en partie, si le juge-commissaire l’estime convenable; auquel cas elles seront par eux paraphées, ainsi qu’il est ci-dessus prescrit.

235. Si les témoins représentent quelques pièces lors de leur déposition, elles y demeureront jointes, après avoir été paraphées, tant par le juge-commissaire que par lesdits témoins, s’ils peuvent ou veulent le faire; sinon il en sera fait mention: et si lesdites pièces font preuve du faux ou de la vérité des pièces arguées, elles seront représentées aux autres témoins qui en auraient connaissance, et elles seront par eux paraphées, suivant ce qui est ci-dessus prescrit.

236. La preuve par experts se fera en la forme suivante:

1.° Les pièces de comparaison seront convenues entre les parties, ou indiquées par le juge, ainsi qu’il est dit à l’article 200, titre de la Vérification des Écritures.

2.° Seront remis aux experts, le jugement qui aura admis l'inscription de faux; les pièces prétendues fausses; le procès-verbal de l'état d'icelles; le jugement qui aura admis les moyens de faux et ordonné le rapport d'experts, les pièces de comparaison losqu'il en aura été fourni; le procès-verbal de présentation d'icelles, et le jugement par lequel elles auront été reçues: les experts mentionneront dans leur rapport la remise de toutes les pièces susdites, et l'examen auqel ils auront procédé, sans pouvoir en dresser aucun procès-verbal; ils parapheront les pièces prétendues fausses.

Dans le cas où les témoins auraient joint des pièces à leur déposition, la partie pourra requérir, et le juge-commissaire ordonner qu’elles seront représentées aux experts.

3.° Seront, au surplus, observées audit rapport les règles prescrites au titre de la Vérification des écritures.

237. En cas de récusation, soit contre le juge-commissaire, soit contre les experts, il y sera procédé ainsi qu’il est prescrit aux titres des Récusations de juges et des Visites d’experts.

238. Lorsque l’instruction sera achevée, le jugement sera poursuivi sur un simple acte.

239. S’il résulte, de la procédure, des indices de faux ou de falsification, et que les auteurs ou complices soient vivans, et la poursuite du crime non éteinte par la prescription d’après les dispositions du Code pénal, le président délivrera mandat d’amener contre les prévenus, et remplira, à cet égard, les fonctions d’officier de police judiciaire.

240. Dans le cas de l’article précédent, il sera sursis à statuer sur le civil, jusqu’après le jugement sur le faux.

241. Lorsqu’en statuant sur l’inscription de faux, le tribunal aura ordonné la suppression, la lacération ou la radiation en tout ou en partie, même la réformation ou le rétablissement des pièces déclarées fausses, il sera sursis à l’exécution de ce chef de jugement, tant que le condamné sera dans le délai de se pourvoir par appel, requête civile ou cassation, ou qu’il n’aura pas formellement et valablement acquiescé au jugement.

242. Par le jugement qui interviendra sur le faux, il sera statué, ainsi qu’il appartiendra, sur la remise des pièces, soit aux parties, soit aux témoins qui les auront fournies, ou représentées; ce qui aura lieu même à l’égard des pièces prétendues fausses, lorsqu’elles ne seront pas jugées telles: à l’égard des pièces qui auront été tirés d'un dépôt public, il sera ordonné qu'elles seront remises aux dépositaires, ou renvoyées par les greffiers de la manière prescrite par le tribunal; le tout sans qu'il soit rendu séparément un autre jugement sur la remise des pièces, laquelle néanmoins ne pourra être faite qu'après le délai prescrit par l'article précédent.

243. Il sera sursis, pendant ledit délai, à la remise des pièces de comparaison ou autres, si ce n’est qu’il en soit autrement ordonné par le tribunal, sur la requête des dépositaires desdites pièces, ou des parties qui auraient intérêt de la demander.

244. Il est enjoint aux greffiers de se conformer exactement aux articles précédens, en ce qui les regarde, à peine d’interdiction, d’amende qui ne pourra être moindre de cent francs et des dommages-intérêts des parties, même d’être procédé extraordinairement, s’il y échet.

245. Pendant que lesdites pièces demeureront au greffe, les greffiers ne pourront délivrer aucune copie ni expédition des pièces prétendues fausses, si ce n’est en vertu d’un jugement; à l’égard des actes dont les originaux ou minutes auront été remis au greffe, et notamment des registres sur lesquels il y aurait des actes non argués de faux, lesdits greffiers pourront en délivrer des expéditions aux parties qui auront droit d’en demander, sans qu’ils puissent prendre de plus grands droits que ceux qui seraient dus aux dépositaires desdits originaux ou minutes: et sera le présent article exécuté, sous les peines portées par l’article précédent.

S’il a été fait par les dépositaires des minutes desdites pièces, des expéditions pour tenir lieu desdites minutes, en exécution de l'article 203 du titre de la Vérification des écritures, lesdits actes ne pourront être expédiés que par lesdits dépositaires.

246. Le demandeur en faux qui succombera, sera condamné à une amende qui ne pourra être moindre de trois cents francs; et à tels dommages et intérêts qu’il appartiendra.

247. L’amende sera encourue toutes les fois que l’inscription en faux ayant été faite au greffe, et la demande à fin de s’inscrire admise, le demandeur s’en sera désisté volontairement ou aura succombé, ou que les parties auront été mises hors de procès, soit par le défaut de moyens ou de preuves suffisantes, soit faute d’avoir satisfait, de la part du demandeur, aux diligences et formalités ci-dessus prescrites; ce qui aura lieu, en quelques termes que la prononciation soit conçue, et encore que le jugement ne portât point condamnation d’amende: le tout, quand même le demandeur offrirait de poursuivre le faux par la voie extraordinaire.

248. L’amende ne sera pas encourue, lorsque la pièce, ou une des pièces arguées de faux, aura été déclarée fausse en tout ou en partie, ou lorsqu'elle aura été rejetée de la cause ou du procès, comme aussi lorsque la demande à fin de s’inscrire en faux n’aura pas été admise; et ce, de quelques termes que les juges se soient servis pour rejeter ladite demande, ou pour n’y avoir pas d’égard.

249. Aucune transaction sur la poursuite du faux incident ne pourra être exécutée, si elle n’a été homologuée en justice, après avoir été communiquée au ministère public, lequel pourra faire, à ce sujet, telles réquisitions qu’il jugera à propos.

250. Le demandeur en faux pourra toujours se pourvoir, par la voie criminelle, en faux principal; et dans ce cas, il sera sursis au jugement de la cause, à moins que les juges n’estiment que le procès puisse être jugé indépendamment de la pièce arguée de faux.

251. Tout jugement d’instruction ou définitif, en matière de faux, ne pourra être rendu que sur les conclusions du ministère public.