Code de procédure civile 1806/Partie I, Livre II, Titre VII

France
Partie I, Livre II, Titre VII : Des Jugemens.
(p. 26-31).

Titre VII.
Des Jugemens.

116. Les jugemens seront rendus à la pluralité des voix, et prononcés sur-le-champ: néanmoins les juges pourront se retirer dans la chambre du conseil pour y recueillir les avis; ils pourront aussi continuer la cause à une des prochaines audiences pour prononcer le jugement.

117. S’il se forme plus de deux opinions, les juges plus faibles en nombre seront tenus de se réunir à l’une des deux opinions qui auront été émises par le plus grand nombre; toutefois ils ne seront tenus de s’y réunir qu’après que les voix auront été recueillies une seconde fois.

118. En cas de partage, on appellera pour le vider un juge; à défaut du juge, un suppléant; à son défaut, un avocat attaché au barreau; et, à son défaut, un avoué; tous appelés selon l’ordre du tableau: l’affaire sera de nouveau plaidée.

119. Si le jugement ordonne la comparution des parties, il indiquera le jour de la comparution.

120. Tout jugement qui ordonnera un serment, énoncera les faits sur lesquels il sera reçu.

121. Le serment sera fait par la partie, en personne, et à l’audience. Dans le cas d’un empêchement légitime et dûment constaté, le serment pourra être prêté devant le juge que le tribunal aura commis, et qui se transportera chez la partie, assisté du greffier.

Si la partie à laquelle le serment est déféré, est trop éloignée, le tribunal pourra ordonner qu’elle prêtera le serment devant le tribunal du lieu de sa résidence.

Dans tous les cas, le serment sera fait en présence de l’autre partie, ou elle dûment appelée par acte d’avoué à avoué, et, s’il n’y a pas d’avoué constitué, par exploit contenant l’indication du jour de la prestation.

122. Dans les cas où les tribunaux peuvent accorder des délais pour l’exécution de leurs jugemens, ils le feront par le jugement même qui statuera sur la contestation, et qui énoncera les motifs du délai.

123. Le délai courra du jour du jugement, s’il est contradictoire; et de celui de la signification, s’il est par défaut.

124. Le débiteur ne pourra obtenir un délai, ni jouir du délai qui lui aura été accordé, si ses biens sont vendus à la requête d’autres créanciers, s’il est en état de faillite, de contumace, ou s’il est constitué prisonnier, ni enfin lorsque par son fait il aura diminué les sûretés qu’il avait données par le contrat à son créancier.

125. Les actes conservatoires seront valables, nonobstant le délai accordé.

126. La contrainte par corps ne sera prononcée que dans les cas prévus par la loi; il est néanmoins laissé à la prudence des juges de la prononcer,

1.° Pour dommages et intérêts en matière civile, au dessus de la somme de trois cents francs;

2.° Pour reliquats de comptes de tutelle, curatelle, d’administration de corps et communauté, établissemens publics ou de toute administration confiée par justice, et pour toutes restitutions à faire par suite desdits comptes.

127. Pourront les juges, dans les cas énoncés en l’article précédent, ordonner qu’il sera sursis à l’exécution de la contrainte par corps, pendant le temps qu’ils fixeront; après lequel, elle sera exercée sans nouveau jugement. Ce sursis ne pourra être accordé que par le jugement qui statuera sur la contestation, et qui énoncera les motifs de délai.

128. Tous jugemens qui condamneront en des dommages et intérêts, en contiendront la liquidation, ou ordonneront qu’ils seront donnés par état.

129. Les jugemens qui condamneront à une restitution de fruits, ordonneront qu'elle sera faite en nature pour la dernière année; et pour les années précédentes, suivant les mercuriales du marché le plus voisin, eu égard aux saisons et prix communs de l’année, sinon à dire d’experts, à défaut de mercuriales. Si la restitution en nature pour la dernière année est impossible, elle se fera comme pour les années précédentes.

130. Toute partie qui succombera, sera condamnée aux dépens.

131. Pourront néanmoins les dépens être compensés en tout ou partie, entre conjoints, ascendans, descendans, frères et sœurs ou alliés au même degré; les juges pourront aussi compenser les dépens en tout ou en partie, si les parties succombent respectivement sur quelques chefs.

132. Les avoués et huissiers qui auront excédé les bornes de leur ministère, les tuteurs, curateurs, héritiers bénéficiaires ou autres administrateurs qui auront compromis les intérêts de leur administration, pourront être condamnés aux dépens, en leur nom et sans répétition, même aux dommages et intérêts s’il y a lieu; sans préjudice de l’interdiction contre les avoués et huissiers, et de la destitution contre les tuteurs et autres, suivant la gravité des circonstances.

133. Les avoués pourront demander la distraction des dépens à leur profit, en affirmant, lors de la prononciation du jugement, qu’ils ont fait la plus grande partie des avances. La distraction des dépens ne pourra être prononcée que par le jugement qui en portera la condamnation; dans ce cas la taxe sera poursuivie et l’exécutoire délivré au nom de l’avoué, sans préjudice de l’action contre sa partie.

134. S’il a été formé une demande provisoire, et que la cause soit en état sur le provisoire et sur le fond, les juges seront tenus de prononcer sur le tout par un seul jugement.

135. L’exécution provisoire sans caution sera ordonnée s’il y a titre authentique, promesse reconnue, ou condamnation précédente par jugement dont il n’y ait point d’appel;

L’exécution provisoire pourra être ordonnée, avec ou sans caution, lorsqu’il s’agira,

1.° D’apposition et levée de scellés, ou confection d’inventaire;

2.° De réparations urgentes;

3.° D’expulsion des lieux, lorsqu’il n’y a pas de bail, ou que le bail est expiré ;

4.° De séquestres, commissaires et gardiens;

5.° De réception de caution et certificateurs;

6.° De nomination de tuteurs, curateurs et autres administrateurs et de reddition de compte;

7.° De pensions ou provisions alimentaires.

136. Si les juges ont omis de prononcer l’exécution provisoire, ils ne pourront l’ordonner par un second jugement, sauf aux parties à la demander sur l’appel.

137. L’exécution provisoire ne pourra être ordonnée pour les dépens, quand même ils seraient adjugés pour tenir lieu de dommages et intérêts.

138. Le président et le greffier signeront la minute de chaque jugement aussitôt qu’il sera rendu: il sera fait mention, en marge de la feuille d'audience, des juges et du procureur impérial qui y auront assisté; cette mention sera également signée par le président et le greffier.

139. Les greffiers qui délivreront expédition d’un jugement avant qu’il ait été signé, seront poursuivis comme faussaires.

140. Les procureurs impériaux et généraux se feront représenter tous les mois les minutes des jugemens; et vérifieront s’il a été satisfait aux dispositions ci-dessus: en cas de contravention ils en dresseront procès-verbal, pour être procédé ainsi qu’il appartiendra.

141. La rédaction des jugemens contiendra les noms des juges, du procureur impérial, s’il a été entendu, ainsi que des avoués; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l’exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugemens.

142. La rédaction sera faite sur les qualités signifiées entre les parties; en conséquence, celle qui voudra lever un jugement contradictoire, sera tenue de signifier à l’avoué de son adversaire, les qualités, contenant les noms, professions et demeures des parties, les conclusions et les points de fait et de droit.

143. L’original de cette signification restera pendant vingt-quatre heures entre les mains des huissiers audienciers.

144. L’avoué qui voudra s’opposer soit aux qualités, soit à l’exposé de points de fait et de droit, le déclarera à l’huissier, qui sera tenu d’en faire mention.

145. Sur un simple acte d’avoué à avoué, les parties seront réglées sur cette opposition par le juge qui aura présidé; en cas d’empêchement, par le plus ancien, suivant l’ordre du tableau.

146. Les expéditions des jugemens seront intitulées et terminées, ainsi qu’il a été prescrit par l’acte des constitutions de l’Empire, du 28 floréal an XII.

147. S’il y a avoué en cause, le jugement ne pourra être exécuté qu’après avoir été signifié à avoué, à peine de nullité: les jugemens provisoires et définitifs qui prononceront des condamnations, seront en outre signifiés à la partie, à personne ou domicile, et il sera fait mention de la signification à l’avoué.

148. Si l'avoué est décédé, ou a cessé de postuler, la signification à partie suffira; mais il y sera fait mention du décès, ou de la cessation des fonctions de l’avoué.