Code de procédure civile 1806/Partie I, Livre I

France
Partie I, Livre I : De la Justice de Paix.
(p. 3-12).
Code de Procédure Civile

Première Partie.


Procédure devant les Tribunaux


Livre Premier.
De la Justice de Paix.


Titre Premier.
Des Citations.


Article Premier.

Toute citation devant les juges de paix contiendra la date des jour, mois et an, les noms, profession et domicile du demandeur, les noms, demeure et immatricule de l’huissier, les noms et demeure du défendeur ; elle énoncera sommairement l’objet et les moyens de la demande, et indiquera le juge de paix qui doit connaître de la demande, et le jour et l’heure de la comparution.

2. En matière purement personnelle ou mobilière, la citation sera donnée devant le juge du domicile du défendeur ; s’il n’a pas de domicile, devant le juge de sa résidence.

3. Elle le sera devant le juge de la situation de l’objet litigieux, lorsqu’il s’agira,

1.° Des actions pour dommages aux champs, fruits et récoltes ;

2.° Des déplacemens de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossés et autres clôtures, commis dans l’année ; des entreprises sur les cours d’eau, commises pareillement dans l’année, et de toutes autres actions possessoires ;

3.° Des réparations locatives ;

4.° Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire pour non jouissance, lorsque le droit ne sera pas contesté, et des dégradations alléguées par le propriétaire.

4. La citation sera notifiée par l’huissier de la justice de paix du domicile du défendeur ; en cas d’empêchement, par celui qui sera commis par le juge : copie en sera laissée à la partie ; s’il ne se trouve personne en son domicile, la copie sera laissée au maire ou adjoint de la commune, qui visera l’original sans frais.

L’huissier de la justice de paix ne pourra instrumenter pour ses parens en ligne directe, ni pour ses frères, sœurs, et alliés au même degré.

5. Il y aura un jour, au moins, entre celui de la citation et le jour indiqué pour la comparution, si la partie citée est domiciliée dans la distance de trois myriamètres.

Si elle est domiciliée au-delà de cette distance, il sera ajouté un jour par trois myriamètres.

Dans le cas où les délais n’auront point été observés, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ordonnera qu’il sera réassigné, et les frais de la première citation seront à la charge du demandeur.

6. Dans les cas urgens, le juge donnera une cédule pour abréger les délais, et pourra permettre de citer, même dans le jour et à l’heure indiquée.

7. Les parties pourront toujours se présenter volontairement devant un juge de paix, auquel cas il jugera leur différent, soit en dernier ressort, si les lois ou les parties l’y autorisent, soit à la charge de l’appel, encore qu’il ne fût le juge naturel des parties, ni à raison du domicile du défendeur, ni à raison de la situation de l’objet litigieux.

La déclaration des parties qui demanderont jugement, sera signée par elles, ou mention sera faite si elles ne peuvent signer.

Titre II.
Des Audiences du Juge de Paix et de la Comparution des Parties.

8. Les juges de paix indiqueront au moins deux audiences par semaine : ils pourront juger tous les jours, même ceux de dimanches et fêtes, le matin et l’après-midi.

Ils pourront donner audience chez eux, en tenant les portes ouvertes.

9. Au jour fixé par la citation, ou convenu entre les parties, elles comparaîtront en personne ou par leurs fondés de pouvoir, sans qu’elles puissent faire signifier aucune défense.

10. Les parties seront tenues de s’expliquer avec modération devant le juge, et de garder en tout le respect qui est dû à la justice : si elles y manquent, le juge les y rappellera d’abord par un avertissement ; en cas de récidive, elles pourront être condamnées à une amende qui n’excédera pas la somme de dix francs, avec affiches du jugement, dont le nombre n’excédera pas celui des communes du canton.

11. Dans le cas d’insulte ou irrévérence graves envers le juge, il en dressera procès-verbal et pourra condamner à un emprisonnement de trois jours au plus.

12. Les jugemens, dans les cas prévus par les précédens articles, seront exécutoires par provision.

13. Les parties ou leurs fondés de pouvoir seront entendus contradictoirement. La cause sera jugée sur-le-champ, ou à la première audience ; le juge, s’il le croit nécessaire, se fera remettre les pièces.

14. Lorsqu’une des parties déclarera vouloir s’inscrire en faux, déniera l’écriture, ou déclarera ne pas la reconnaître, le juge lui en donnera acte : il paraphera la pièce et renverra la cause devant les juges qui doivent en connaître.

15. Dans les cas où un interlocutoire aurait été ordonné, la cause sera jugée définitivement, au plus tard, dans le délai de quatre mois du jour du jugement interlocutoire : après ce délai, l’instance sera périmée de droit ; le jugement qui serait rendu sur le fond, sera sujet à l’appel, même dans les matières dont le juge de paix connaît en dernier ressort, et sera annullé, sur la réquisition de la partie intéressée.

Si l’instance est périmée par la faute du juge, il sera passible des dommages et intérêts.

16. L’appel des jugemens de la justice de paix ne sera pas recevable après les trois mois, à dater du jour de la signification faite par l’huissier de la justice de paix, ou tel autre, commis par le juge.

17. Les jugemens des justices de paix, jusqu’à concurrence de trois cents francs, seront exécutoires par provision, nonobstant l’appel, et sans qu’il soit besoin de fournir caution : les juges de paix pourront, dans les autres cas, ordonner l’exécution provisoire de leurs jugemens, mais à la charge de donner caution.

18. Les minutes de tout jugement, seront portées par le greffier sur la feuille d’audience, et signées par le juge qui aura tenu l’audience et par le greffier.

Titre III.
Des Jugemens par défaut, et des Oppositions à ces Jugemens.

19. Si, au jour indiqué par la citation, l’une des parties ne comparaît pas, la cause sera jugée par défaut, sauf la réassignation dans le cas prévu dans le dernier paragraphe de l’article 5.

20. La partie condamnée par défaut pourra former opposition, dans les trois jours de la signification faite par l'huissier du juge de paix, ou autre qu’il aura commis.

L’opposition contiendra sommairement les moyens de la partie, et assignation au prochain jour d’audience, en observant toutefois les délais prescrits pour les citations : elle indiquera les jour et heure de la comparution, et sera notifiée, ainsi qu’il est dit ci-dessus.

21. Si ie juge de paix sait par lui-même, ou par les représentations qui lui seraient faites à l’audience par les proches, voisins ou amis du défendeur, que celui-ci n'a pu être instruit de la procédure, il pourra, en adjugeant le défaut, fixer pour le délai de l’opposition le temps qui lui paraîtra convenable ; et dans le cas où la prorogation n’aurait été ni accordée d’office ni demandée, le défaillant pourra être relevé de la rigueur du délai, et admis à opposition, en justifiant, qu’à raison d’absence ou de maladie grave, il n’a pu être instruit de la procédure.

22. La partie opposante qui se laisserait juger une seconde fois par défaut, ne sera plus reçue à former une nouvelle opposition.

Titre IV.
Des Jugemens sur les Actions possessoires.

23. Les actions possessoires ne seront recevables qu’autant qu'elles auront été formées dans l’année du trouble, par ceux qui, depuis une année au moins, étaient en possession paisible, par eux ou les leurs, à titre non précaire.

24. Si la possession ou le trouble sont déniés, l’enquête qui sera ordonnée ne pourra porter sur le fond du droit.

25. Le possessoire et le pétitoire ne seront jamais cumulés.

26. Le demandeur au pétitoire ne sera plus recevable à agir au possessoire.

27. Le défendeur au possessoire ne pourra se pourvoir au pétitoire qu’après que l’instance sur le possessoire aura été terminée ; il ne pourra, s’il a succombé, se pourvoir qu’après qu’il aura pleinement satisfait aux condamnations prononcées contre lui.

Si néanmoins la partie qui les a obtenues était en retard de les faire liquider, le juge du pétitoire pourra fixer, pour cette liquidation, un délai, après lequel l’action au pétitoire sera reçue.

Titre V.
Des Jugemens qui ne sont pas définitifs, et de leur Exécution.

28. Les jugemens qui ne seront pas définitifs, ne seront point expédiés quand ils auront été rendus contradictoirement et prononcés en présence des parties; dans le cas où le jugement ordonnerait une opération à laquelle les parties devraient assister, il indiquera le lieu, le jour et l’heure, et la prononciation vaudra citation.

29. Si le jugement ordonne une opération par des gens de l’art, le juge délivrera à la partie requérante, cédule de citation pour appeler les experts ; elle fera mention du lieu, du jour, de l’heure, et contiendra le fait, les motifs et la disposition du jugement, relative à l’opération ordonnée.

Si le jugement ordonne une enquête, la cédule de citation fera mention de la date du jugement, du lieu, du jour et de l’heure.

30. Toutes les fois que le juge de paix se transportera sur le lieu contentieux, soit pour en faire la visite, soit pour entendre les témoins, il sera accompagné du greffier, qui apportera la minute du jugement préparatoire.

31. Il n’y aura lieu à l’appel des jugemens préparatoires, qu’après le jugement définitif, et conjointement avec l’appel de ce jugement ; mais l’exécution des jugemens préparatoires ne portera aucun préjudice aux droits des parties sur l’appel, sans qu’elles soient obligées de faire à cet égard aucune protestation ni réserve.

L’appel des jugemens interlocutoires est permis avant que le jugement définitif ait été rendu.

Dans ce cas, il sera donné expédition du jugement interlocutoire.

Titre VI.
De la Mise en cause des Garans.

32. Si, au jour de la première comparution, le défendeur demande à mettre garant en cause, le juge accordera délai suffisant en raison de la distance du domicile du garant : la citation donnée au garant sera libellée, sans qu’il soit besoin de lui notifier le jugement qui ordonne sa mise en cause.

33. Si la mise en cause n’a pas été demandée à la première comparution, ou si la citation n’a pas été faite dans le délai fixé, il sera procédé, sans délai, au jugement de l’action principale, sauf à statuer séparément sur la demande en garantie.

Titre VII.
Des Enquêtes.

34. Si les parties sont contraires en faits de nature à être constatés par témoins, et dont le juge de paix trouve la vérification utile et admissible, il ordonnera la preuve et en fixera précisément l’objet.

35. Au jour indiqué, les témoins, après avoir dit leurs noms, profession, âge et demeure, feront le serment de dire vérité, et déclareront s’ils sont parens ou alliés des parties et à quel degré, et s’ils sont leurs serviteurs ou domestiques.

36. Ils seront entendus séparément, en présence des parties, si elles comparaissent ; elles seront tenues de fournir leurs reproches avant la déposition, et de les signer : si elles ne le savent ou ne le peuvent, il en sera fait mention : les reproches ne pourront être reçus après la déposition commencée, qu’autant qu’ils seront justifiés par écrit.

37. Les parties n’interrompront point les témoins : après la déposition, le juge pourra, sur la réquisition des parties, et même d’office, faire aux témoins les interpellations convenables.

38. Dans tous les cas où la vue du lieu peut être utile pour l’intelligence des dépositions, et spécialement dans les actions pour déplacement de bornes, usurpations de terres, arbres, haies, fossés ou autres clôtures, et pour entreprises sur les cours d’eau, le juge de paix se transportera, s’il le croit nécessaire, sur le lieu, et ordonnera que les témoins y seront entendus.

39. Dans les causes sujettes à l’appel, le greffier dressera procès-verbal de l’audition des témoins : cet acte contiendra leurs noms, âge, profession et demeure, leur serment de dire vérité, leur déclaration s’ils sont parens, alliés, serviteurs ou domestiques des parties, et les reproches qui auraient été fournis contre eux. Lecture de ce procès-verbal sera faite à chaque témoin, pour la partie qui le concerne ; il signera sa déposition, ou mention sera faite qu’il ne sait ou ne peut. Le procès-verbal sera, en outre, signé par le juge et le greffier. Il sera procédé immédiatement au jugement, ou au plus tard à la première audience.

40. Dans les causes de nature à être jugés en dernier ressort, il ne sera point dressé de procès-verbal ; mais le jugement énoncera les noms, âge, profession et demeure des témoins, leur serment, leur déclaration s’ils sont parens, alliés, serviteurs ou domestiques des parties, les reproches, et le résultat des dépositions.

Titre VIII.
Des Visites des lieux et des Appréciations.

41. Lorsqu’il s’agira, soit de constater l’état des lieux, soit d’apprécier la valeur des indemnités et dédommagemens demandés, le juge de paix ordonnera que le lieu contentieux sera visité par lui en présence des parties.

42. Si l’objet de la visite ou de l’appréciation exige des connaissances qui soient étrangères au juge, il ordonnera que les gens de l’art, qu’il nommera par le même jugement, feront la visite avec lui, et donneront leur avis : il pourra juger sur le lieu même sans désemparer. Dans les causes sujettes à l’appel, procès-verbal de la visite sera dressé par le greffier, qui constatera le serment prêté par les experts. Le procès-verbal sera signé par le juge, par le greffier et par les experts ; et si les experts ne savent ou ne peuvent signer, il en sera fait mention.

43. Dans les causes non sujettes à l’appel, il ne sera point dressé de procès-verbal ; mais le jugement énoncera les noms des experts, la prestation de leur serment, et le résultat de leur avis.

Titre IX.
De la Récusation des Juges de Paix.

44. Les juges de paix pourront être récusés, 1.° quand ils auront intérêt personnel à la contestation ; 2.° quand ils seront parens ou alliés d’une des parties, jusqu’au degré de cousin-germain inclusivement ; 3.° si, dans l’année qui a précédé la récusation, il y a eu procès criminel entr’eux et l’une des parties ou leurs conjoints, ou leurs parens et alliés en ligne directe ; 4.° s’il y a procès civil existant entre eux et l’une des parties, ou leurs conjoints ; 5.° s’ils ont donné un avis écrit dans l’affaire.

45. La partie qui voudra récuser un juge de paix, sera tenue de former la récusation, et d’en exposer les motifs par un acte qu’elle fera signifier, par le premier huissier requis, au greffier de la justice de paix, qui visera l’original. L’exploit sera signé, sur l’original et la copie, par la partie ou son fondé de pouvoir spécial. La copie sera déposée au greffe et communiquée immédiatement au juge par le greffier.

46. Le juge sera tenu de donner au bas de cet acte, dans le délai de deux jours, sa déclaration par écrit, portant, ou son acquiescement à la récusation, ou son refus de s’abstenir, avec ses réponses aux moyens de récusation.

47. Dans les trois jours de la réponse du juge qui refuse de s’abstenir, ou faute par lui de repondre, expédition de l’acte de récusation et de la déclaration du juge, s’il y en a, sera envoyée par le greffier, sur la réquisition de la partie la plus diligente, au procureur impérial près le tribunal de première instance, dans le ressort duquel la justice de paix est située : la récusation y sera jugée en dernier ressort dans la huitaine, sur les conclusions du procureur impérial, sans qu’il soit besoin d’appeler les parties.