Librairie Ollendorff (p. 183-189).


III

DERNIER DÉFI


Un mois s’est écoulé depuis la rencontre de Mme de Longpré et de Gonzague, et si ce dernier a commencé la bataille en faisant mettre le feu à la foire Saint-Germain à l’heure où il savait Lagardère et Aurore dans son enceinte, la catastrophe n’a pas tourné à son profit.

En effet, c’est sous les décombres de la foire incendiée, au milieu des cadavres sans nombre qui servaient de muets témoins à cet épouvantable sinistre que, dans la cave voûtée de la loge attribuée aux arquebusiers, avaient été retrouvés réunis et tous sains et saufs Lagardère, ses prévôts et les deux femmes pour lesquelles il travaillait depuis si longtemps.

À l’aurore de la royauté de Louis XV, Philippe d’Orléans, se rendant au petit lever de l’enfant devenu son maître par suite de sa majorité, avait émerveillé le jeune souverain en lui contant la fabuleuse odyssée du comte de Lagardère.

Il lui avait demandé la permission de laisser la justice du comte s’exercer contre le misérable dont l’audacieuse vengeance avait porté le deuil dans toute la France.

Mme de Longpré avait été retrouvée parmi les morts. Un poignard lui traversait le cœur : ce devait être celui de son infernal amant. Mais le prince italien vivait, lui, il n’avait pu quitter Paris et s’était réfugié rue Montmartre, à l’Hôtel de Mantoue, chez le sieur de Lamotte. Flor l’avait appris de Mme Mélanie Liébault, femme du prévôt de Chartres, qu’un hasard providentiel avait fait descendre à cet hôtel.

Avec l’assentiment du roi, Henri de Lagardère, ses prévôts et quelques archers vinrent cerner la maison occupée par ceux qui étaient désormais des criminels de droit commun. Mais quand, après plusieurs sommations, les portes furent ouvertes, ce fut en vain que l’hôtel fut fouillé de la cave aux combles.

Il ne restait plus trace ni de Gonzague, ni des siens.

Les roués, le factotum et leur maître s’étaient retirés en passant par une ouverture secrète qui donnait sur la ruelle des Mutins.

Le lendemain, dès l’aube, l’animation la plus vive régnait dans toute la partie de la rue Montmartre avoisinant l’Hôtel de Mantoue. Commères et boutiquiers s’interrogeaient de porte à porte, se chuchotaient les événements de la nuit et commentaient les faits de mille façons. Le centre de cette agitation était la façade même de l’hôtel où les curieux se pressaient en rangs serrés au point d’obstruer la chaussée et d’interdire toute circulation.

S’arrachant les rares mèches de cheveux dont il était encore possesseur et geignant sur son infortune, le sieur de Lamotte se faufilait parmi les groupes harcelé de questions auxquelles il ne suffisait pas à répondre.

Soudain il cessa ses lamentations et demeura bouche bée, les yeux écarquillés, il venait de reconnaître Berrichon, envoyé aux informations par maître Cocardasse, son chef de file.

— Quoi ?… vous ici ?… s’écria-t-il.

— Paix !… lui glissa rapidement Jean-Marie en l’entraînant de force vers l’hôtel et refermant derrière eux la porte pour se mettre à l’abri de la curiosité populaire.

« Vous venez de l’échapper belle, bonhomme, reprit-il d’un ton sévère, votre inconscient bavardage pouvait pour le moins vous mener tout droit au Châtelet.

— Vous en parlez à votre aise, exclama l’hôte, mais voilà ma maison déconsidérée, perdue pour longtemps. Personne ne voudra venir loger dans un coupe-gorge.

— Vous serez dédommagé, l’ami, affirma son interlocuteur en frappant sur son gousset dont sortit un son métallique. Parlons un peu raison, s’il vous plaît.

— Que désire savoir Votre Seigneurie ? interrogea l’hôtelier soudain radouci.

— Peu de chose… Tout d’abord, je ne suis pas seigneur et me nomme Berrichon tout court : cela suffit… Voyons le reste : les gredins logés chez vous hier soir y sont-ils revenus cette nuit ?

— Non, et j’ai grand’peur de ne jamais les voir revenir solder leur note… Le commerce va si mal, pourtant, monsieur, et ce n’est pas des aventures comme celle d’hier au soir…

— Trêve de jérémiades, s’il se peut, interrompit Jean-Marie en lui glissant dans la main quelques pièces d’or dont le contact eu pour effet soudain de changer en protestations de dévouement la mauvaise humeur du bonhomme. Puis il ajouta :

— Je ne suis pas venu pour cela seulement… Vous allez me promettre de me faire prévenir immédiatement à l’hôtel de Nevers au cas où ces gens reparaîtraient ici… S’il vous arrivait de ne pas tenir compte de cette prière, il vous en cuirait à coup sûr, monsieur de Lamotte.

— Je le ferai, monsieur Berrichon, je le ferai, je suis tout entier à vos ordres.

— Il suffit… Ne l’oubliez pas et au revoir.

Dès la porte fermée, les badauds s’étaient dispersés ou avaient été bavarder un peu plus loin. Jean-Marie put sortir de l’hôtel sans encombre et rejoindre les deux maîtres d’armes qui l’attendaient sur la place des Victoires.

— Les coquins ont déguerpi pour ne pas revenir, leur dit-il, il va falloir encore les chercher ailleurs.

Lagardère, auquel on rapporta cette nouvelle, n’en fut pas surpris. La démarche de Berrichon rue Montmartre, d’ailleurs, n’avait d’autre but que de dédommager l’hôtelier des pertes subies au cours du siège de la précédente nuit. Il n’en fallait pas moins reprendre de nouvelles recherches durant lesquelles le temps passerait, les jours s’ajouteraient aux jours, laissant subsister cette énervante situation.

Toute sa vaillance s’émoussant dans ces escarmouches, Henri était près de perdre courage. Après de si nombreuses tentatives où il avait joué sa vie, la question n’était pas résolue, ne le serait pas tant que la cause même du mal n’aurait pas disparu.

Ce matin-là, il était profondément triste. En le voyant passer ainsi, le front penché, Aurore se souvint des jours lugubres d’Espagne où il était prêt à mourir ; où, devant le prêtre, il parlait de l’emmener avec lui dans l’autre monde, tandis qu’elle lui répondait : « Ami Henri, je n’ai pas peur de mourir et je veux bien aller avec toi. »

Des années avaient passé depuis lors : elle avait grandi, aimé, l’autel les attendait tous deux, et la même barrière, c’est-à-dire le même homme, se dressait toujours devant eux, sans qu’il fût possible de l’anéantir.

Aurore, se lamentant de voir souffrir son fiancé, était prête à lui dire comme jadis :

— Ami Henri, je n’ai pas peur de mourir. Si nous ne pouvons être unis l’un à l’autre, le bonheur semblant ne pas vouloir de nous, allons-nous-en de ce monde, la main dans la main.

Flor, toujours aux aguets, s’aperçut dans quel abîme de tristesse allait sombrer leur cœur. C’était à elle, la vaillante, dont l’amour s’attisait encore de la longue attente, c’était à elle à ranimer le flambeau, à stimuler les courages.

Pour atteindre ce but, rien ne valait, à son avis, un pieux pèlerinage à la chapelle funéraire de Philippe de Lorraine. Lagardère y puiserait de nouvelles forces pour l’exécution de son serment ; Aurore y sentirait se raffermir sa volonté et Mme de Nevers y trouverait la patience nécessaire pour attendre l’échéance. Tous s’en reviendraient l’âme plus haute et plus fière, espéreraient davantage en la justice de Dieu.

— Les morts parlent quand ils le veulent, leur dit l’ancienne gitana. Le duc Philippe a parlé naguère pour confondre Gonzague… Je vous réponds qu’aujourd’hui vous entendrez sa voix, vous disant de reprendre courage.

— Vous avez raison, mon enfant, lui répondit Mme de Nevers, en la pressant contre sa poitrine. Écouter ceux qui ne sont plus, est fortifiant à l’âme ; leur obéir, c’est s’assurer la victoire… Mes enfants, allons prier au tombeau du duc Philippe de Nevers !

Une heure après, un carrosse s’arrêtait auprès de l’église Saint-Magloire et quatre femmes en descendaient. Mme de Nevers et sa fille, doña Cruz et Mme Liébault. Lagardère, Chaverny et leurs compagnons habituels avaient marché aux portières, encadrant la voiture.

Aurore pâlit en revoyant le lieu où elle était venue en robe de mariée, attendre son fiancé, marchant au supplice. En une seconde, mille souvenirs doux et terribles vinrent assaillir son esprit ; elle se demanda si tout ce qui s’était passé depuis n’était pas un cauchemar ; si comme jadis, elle n’allait pas, prosternée au pied de cet autel, entendre les murmures lointains de la foule accompagnant le condamné à mort. Elle ne se souvint plus de ce qui avait eu lieu, de son enlèvement par Gonzague, des tortures physiques et morales supportées en Espagne, et plus tard, à Paris, depuis son retour ; elle oublia sa joie d’avoir été sauvée, reconquise, d’avoir retrouvé Henri et sa mère et, dans une minute atroce, elle revécut l’heure douloureuse qui s’était écoulée pour elle dans cette même église Saint-Magloire, où elle n’était pas revenue depuis lors et dont elle allait à nouveau fouler les dalles.

Henri la vit chanceler, prête à s’abattre sur les marches et il étendit son bras pour la soutenir. Alors seulement à ce contact, sentant le visage du bien-aimé tout près du sien, elle put lire dans ses yeux et jusqu’au fond de son cœur ; elle se ressaisit, regarda la croix de pierre sculptée au portail, le Christ qui avait souffert encore plus qu’elle. Alors lentement, au bras du comte, elle monta les degrés, le front auréolé maintenant d’un rayon d’espérance.

Elle marcha droit jusqu’au pied de l’autel, là où elle s’était agenouillée jadis, où les larmes qui avaient coulé de ses yeux étaient faites du plus pur sang de son cœur.

À côté d’elle, sur le pavé nu, la veuve de Nevers meurtrissait ses genoux et offrait sa douleur en holocauste pour que son mari fût vengé et sa fille heureuse. Flor priait pour tous et pour elle-même, et Mme Liébault implorait le ciel, confiait à Dieu seul le secret de son cœur.

Derrière les autres femmes, un genou à terre et le front courbé, s’inclinaient ceux qui avaient mission de les défendre.

Si Cocardasse et Passepoil avaient depuis longtemps oublié toute prière, ils n’en avaient pas moins conscience, en voyant Lagardère se prosterner devant Dieu, de l’existence même de ce Dieu. Et dans leur âme simple, ils lui demandaient à leur façon le bonheur de ceux à qui ils s’étaient donnés corps et âme.

Mais si Dieu avait sa part, le diable avait aussi la sienne. Un cul-de-sac sans nom, sur lequel donnait l’ancienne Folie-Gonzague, — au temps où Gonzague avait le droit d’en avoir une, — reliait l’une des entrées latérales de l’église avec la rue Saint-Magloire.

On passait rarement dans ce lieu, même de jour, et il était facile de s’y embusquer, à l’abri du mur du cimetière, sans grand risque d’être vu.

Or, au moment même où Mme de Nevers, sa fille et ses amis franchissaient le portail de l’église, la petite porte qui donnait accès dans le jardin de la Folie-Gonzague tourna doucement sur ses gonds. Philippe de Mantoue, et son factotum, se glissant avec précaution, franchirent l’étroit espace qui les séparait du mur et le longèrent tout au long, jusqu’à la brèche pratiquée plus loin pour laisser passer la procession des reliques de Saint-Gervais.

En cet instant, si l’on eût pu fouiller des yeux à travers le feuillage et par-dessus le mur de la Folie, on eût vu cinq hommes, l’épée nue à la main, prêts à porter secours à leur maître s’il en était besoin.

Car Gonzague se montrait à présent de la dernière audace ; l’approche d’un dénouement devenu imminent l’incitait à tout oser et à braver le danger. Délogé de l’Hôtel de Mantoue, se sentant à la fois traqué par Lagardère et par la police de M. de Machault, qui elle aussi lui avait tendu des embûches évitées avec peine, il était semblable à l’animal aux abois dont la dernière ressource est de mourir sans se défendre, ou de lutter désespérément jusqu’à l’agonie.

Aussi, agissant maintenant avec une sorte de dédain des plus élémentaires précautions, — mais en réalité avec une habileté très grande, — avait-il réintégré cette maison qui était sienne, bien persuadé qu’on le chercherait partout ailleurs avant de le supposer là.

De sa Folie, il avait entendu venir le carrosse ; il avait vu ses adversaires rentrer, dans l’église, et songé que c’était peut-être le diable qui lui envoyait ainsi Lagardère et Aurore pour les tuer au pied de l’autel.

Pouvait-il être retenu par la sainteté du lieu ? Certes non ! il n’en était plus à s’arrêter à un sacrilège. Cependant, il n’osa pas attaquer de face ses ennemis, les jugeant trop nombreux et trop braves ; sa tactique était de frapper lâchement par derrière, d’assassiner et non de se battre.

Cela lui permit toutefois de se féliciter de son choix et d’étudier les mesures à prendre à l’avenir pour la tentative suprême.

— Je ne serais pas étonné, dit-il en ricanant à ses roués, que le mariage ait lieu dans quelques jours et que ce soit là une sorte de répétition de la cérémonie prochaine… Palsambleu !… il y aura au mariage de Lagardère des témoins qu’il n’aura pas choisis !

Cette pensée d’un guet-apens décisif à organiser pour un jour prochain l’incita donc à ne rien tenter à l’heure présente. Cependant, sa témérité avait tellement besoin de se manifester par un acte quelconque qui servirait de dérivatif à son état nerveux, qu’il ne résista pas au désir de signaler au moins sa présence par une menace.

Il prit du papier, griffonna quelques mots à la hâte et sans calculer le danger, il se glissa, ainsi que nous l’avons vu, dans l’étroit passage conduisant à l’église.

Il ne voulut pas se demander combien de temps il lui faudrait pour accomplir son projet, et la pensée ne lui vint pas que Lagardère pourrait surgir tout à coup et le surprendre.

Bien à contre-cœur, Peyrolles le suivait.

Il était livide et n’eût pas plus tremblé s’il eût vu devant lui se dresser l’échafaud et la hache levée attendant pour retomber qu’il eût mis lui-même sa tête sur le billot. Il s’arrêtait à chaque pas pour prêter l’oreille, le moindre bruit venant du côté de l’église faisait passer un frisson dans ses moelles. Gonzague, au contraire, allait si vite qu’il avait peine à le suivre ; un instant il songea à le laisser s’avancer seul.

Or ce lâche entre tous les lâches avait une sorte de point d’honneur : il ne voulait pas quitter son maître. Par exemple, le motif de cet attachement eût pu paraître singulier à beaucoup et Gonzague lui-même ne se fût jamais douté que si son fidèle factotum s’attachait toujours avec tant d’énergie à ses pas, c’est qu’il comptait bien profiter de sa mort et piller pour son compte l’hôtel de Gonzague, lorsque l’épée de Lagardère aurait fait justice.

Car il faut bien le dire, l’intendant ne doutait pas de la victoire finale du comte, mais, le moment venu, il espérait bien lui-même faire faux bond.

Philippe de Mantoue escalada le mur du cimetière, se glissa le long des fourrés, franchit avec une telle agilité les endroits découverts que cette fois pourtant Peyrolles n’osa plus le suivre et se blottit entre le mur et un buisson d’arbustes.

Les roués, de leur observatoire, suivaient anxieusement les mouvements du prince, prêts à tout, car cette folle entreprise allait à coup sûr provoquer une tragédie sanglante.

Ils frissonnèrent quand Gonzague contourna l’église et qu’ils ne le virent plus.

Les minutes pendant lesquelles il disparut à leurs yeux leur parurent longues comme des siècles ; elles furent plus longues encore pour l’intendant dont les dents claquaient.

Philippe de Mantoue repassa auprès de lui sans le voir, tant il s’était fait petit pour se cacher ; son maître d’ailleurs ne songeait plus à lui et quand il eut regagné la porte de sa maison, il faillit la lui fermer au nez. Peyrolles réussit à se glisser, eut encore la force de pousser le verrou derrière lui et s’assit sur le sol, pâle comme un cadavre.

Gonzague alors se dissimula derrière les branches, remit son épée au fourreau et attendit. Il ne tremblait pas, lui, ses lèvres étaient plissées par l’ironie, non par la peur.

Aurore reparut sur le seuil aux côtés de sa mère. Toutes deux semblaient réconfortées par la prière. Elles descendirent lentement les degrés, suivies de tous les leurs. Philippe de Mantoue les vit défiler devant lui, muets et recueillis, pour se diriger à petits pas vers le tombeau de Philippe de Nevers, sa victime à lui.

Peu s’en fallut qu’un ricanement ne s’échappât de ses lèvres, mais il se contint et, par un mouvement involontaire, il porta la main à la garde de son épée. D’instinct, quand il apercevait son adversaire, il pensait à se défendre.

Encore une fois, il n’osa pas, ou ne voulut pas ; sa main retomba au long de son corps. Son visage même redevint impassible dès que le dernier de ses adversaires eut disparu derrière l’église, comme lui-même l’avait fait tout à l’heure ; mais pour quelqu’un qui savait lire sur ses traits, il était visible qu’au dedans de lui-même il savourait une joie féroce.

Lagardère avait offert son bras à la mère d’Aurore, prévoyant le choc qu’elle allait ressentir au cœur devant le tombeau de son mari.

L’image de Philippe de Lorraine-Elbeuf, duc de Nevers, cuirassée et les mains jointes, un lion couché aux pieds, dormait de son éternel sommeil de pierre, attendant qu’on vînt lui dire : « Ta mort est vengée !… » Ceux qui l’avaient connu vivant s’inclinèrent en l’apercevant.

Sa veuve s’agenouilla sur le sol, baisa les degrés de marbre et Aurore se prosterna auprès d’elle.

Lagardère chercha des yeux le visage de la statue pour y retrouver les traits de son ami. Soudain sa main se crispa sur le bras de Chaverny.

— Qu’est-ce que cela ?… dit-il d’une voix sourde.

Le marquis leva les yeux et pâlit.

Navailles et tous les autres suivirent leurs regards.

La colère empourpra leurs visages.

Dans les interstices, ménagés à la visière du casque, un poignard était fiché et la lame traversait un fragment de papier sur lequel une main infâme avait tracé des mots !…

Insultes au mort, sans doute !… Insultes à la veuve, a la fille, à tous ceux à qui était chère la mémoire de Philippe de Nevers !…

Et le ciel n’avait pas croulé. Dieu n’avait pas foudroyé sur place le misérable dont la main scélérate était venue là planter ce poignard et violer la sainteté des tombes.

Un cri de rage allait s’échapper des lèvres de tous ceux qui avaient vu.

Henri, d’un geste, leur ordonna de se taire. Il ne voulait pas que l’épouse abîmée dans sa douleur, que la fille pieuse, connussent la profanation dont leur cœur saignerait et, d’un mouvement rapide, par-dessus leurs têtes, il enleva en même temps l’arme et le papier.

C’était une sorte de défi.

Las de la longueur de la lutte, et voulant en finir, Gonzague lui donnait rendez-vous pour le lendemain même au cimetière Saint-Magloire.

Le comte allait froisser et lacérer ce papier quand, tout à coup, il releva fièrement le front et sembla prendre le ciel à témoin qu’il acceptait le défi.

Chaverny le vit se faire une incision au bras, avec la lame du poignard de Gonzague, et écrire, au-dessous des menaces de celui-ci, deux mots avec son sang : « J’y serai ! »

Puis il planta le tout dans le tronc d’un arbre voisin.