Cléon à Eudoxe/Avertissement de l’auteur



AVERTISSEMENT
DE L’AUTEUR.



La précipitation du Libraire, à faire paroître la premiere Edition de cet Ouvrage, ne m’ayant pas permis, mon cher Eudoxe, de la revoir dans le tems, avec tout le soin qui convenoit, il y est resté, comme vous l’avez apperçu, plusieurs négligences.

L’Edition que voici est plus correcte. Vous la trouverez, outre cela, augmentée, indépendamment d’une Table très ample que j’y ai jointe, où sont entremêlées diverses remarques qui la rendent beaucoup plus étenduë, que ne l’auroit comporté une Table toute simple.

J’aurois pû différer de quelque tems, cette Edition, pour en prendre occasion de faire face, quoique seul, à une foule de Preux-Chevaliers ou Réparateurs de torts, qui, dit-on, préparent de furieuses lances pour m’assaillir. Mais j’ai promis à Messieurs les Chirurgiens, & à leurs Partisans, de ne jamais leur repliquer, quelque chose qu’ils fassent, je n’ai pas dessein de manquer à ma parole.

Parmi ces Preux-Chevaliers ou Réparateurs de torts, il en est un, nommé dans le monde, l’Arbalêtrier, parce qu’il se vante, assure-t’on, de ne pas se servir seulement de la lance, comme les autres, mais de manier adroitement l’arbalêtre, pour atteindre de plus loin.

Il se promet, à ce qu’on prétend, de me cribler de traits ; mais s’il ne m’en décoche pas de mieux forgés que ceux qu’il a jusqu’ici décochez contre la Faculté, contre tous les Médecins, & nommément contre moi, (qui ne méritois pas, au reste, son attention, non plus qu’à présent) je ne dois pas trembler.

Tout ce qui m’étonne, c’est que lui & ses Confreres, étant assurés, comme ils le sont, que je ne prendrai jamais ni la lance ni l’arbalêtre, ou autres armes contre eux, ils attendent si long-temps à se montrer. Mais qu’ils se montrent ou non, qu’ils se cachent derriere le buisson[1], ou qu’ils paroissent à découvert, ils ne m’engageront pas plus d’une maniere que de l’autre, à leur répliquer : Vous sçavez ce mot, mon cher Eudoxe, & je l’adresse à chacun d’eux.

Verbo Mordaci, ne dicam Rabioso, si me petieris, ô Panni, sive clam, sive aperte, aut omnino silueris, id erit perinde mihi.



  1. Voyez seconde Partie pag. 374. à la note.