Chronique du 6 décembre 1873

29 novembre 1873

6 décembre 1873

13 décembre 1873

CHRONIQUE

Le ballon de Natal. — Tous les journaux politiques ont traduit, sans se permettre la moindre réflexion, un paragraphe du Daily-News annonçant la découverte, à Natal, des débris d’un aérostat du siège de Paris.

La trouvaille aurait été faite sur les bords du Tugela, rivière qui coule sur la frontière nord-ouest de la colonie et qui la sépare de la grande tribu indépendante des Zolu, la plus puissante des nations Cafres, mais il est impossible de lire cet article sans s’apercevoir que l’auteur a écrit un récit fantastique, et qu’il n’a pas même eu la prétention de tromper ses lecteurs. En effet, il termine par donner une espèce de chanson qui aurait été trouvée à bord du ballon de Paris, et qui est composée en l’honneur de M. Shepstone, le secrétaire des affaires indigènes. Au moment où l’article a paru dans le Mercury, ce personnage venait de faire une expédition, sur les bords du Tugela, afin d’installer le nouveau roi des Zolu, qui parait être devenu feudataire ou tributaire du gouvernement anglais.

Pour achever d’ôter toute espérance à nos lecteurs, nous ajouterons que l’article du Mercury raconte qu’on a découvert des dépêches microscopiques. Or il est notoire que les dépêches par ballon monté étaient manuscrites, les dépêches microscopiques étaient réservées aux pigeons.

Un journal spécial, rendant compte de cet événement supposé, ajoute qu’il faudra, dans le cas où il se trouverait confirmé, modifier l’opinion qu’on est habitué à se faire sur la durée du temps que les ballons abandonnés à eux-mêmes peuvent rester en l’air.

Il est clair que cette appréciation est erronée. Un ballon abandonné à lui-même ne peut fournir une longue carrière ni ses débris non plus. Il faut de toute nécessité que l’aéronaute soit parvenu vivant dans le voisinage du lieu où l’on a découvert les débris de son aérostat.

Le canard du Natal-Mercury est si grossier qu’il est étonnant que la presse s’y soit laissé prendre avec une crédulité vraiment naïve.
W. de F.

Importation et exportation des céréales. — L’administration des douanes vient de faire connaître le mouvement des importations et des exportations pendant les huit premiers mois de l’année 1873, c’est-à-dire du 1er janvier au 31 août ; voici les chiffres qui se rapportent aux céréales.

Importation   Quintal métrique   Valeur en argent
Blé 
917 400 27 980 700
Farine de blé 
89 100 4 143 150
Seigle 
8 500 165 750
Maïs 
390 900 7 427 100
Orge 
409 600 6 963 200
Avoine 
437 400 7 435 800
Total 
54 115 700
Exportation        
Blé 
912 522 30 631 965
Farine de blé 
804 857 38 633 136
Seigle 
1 099 308 22 530 279
Maïs 
39 625 792 500
Orge 
823 471 15 645 949
Avoine 
214 528 3 968 768
Sarrasin 
65 913 1 120 521
Total 
113 323 118

Réduisant en blé les farines à raison de 70 kil. de farine par 100 kil. de blé, on trouve à l’importation 125 000 quint. mét. de blé, soit 169 332 hectol. de 75 kil., et à l’exportation 1 149 795 quint. mét. de blé, soit 1 533 000 hect. de 75 kil. ; par conséquent, les exportations ont dépassé les importations de 1 024 795 quint. mét., soit 1 363 727 hectol. de 75 kil. Les exportations de céréales ont donné dans leur ensemble un chiffre rond de 113 millions de francs ; les importations ont produit 34 millions ; par conséquent, le chiffre des exportations est supérieur de 79 millions de francs à celui des importations. Du 1er septembre 1872 au 1er septembre 1873, c’est-à-dire pendant la campagne qui vient de s’écouler, les importations de blés se sont élevées 1 426 000 quint. mét. ayant une valeur de 46 millions et les farines à 105 200 quint. mét. valant 4 920 000 francs. Les exportations de blés ont atteint pendant la même période 3 018 601 quint. mét. de blés d’une valeur de 104 310 080, et celles des farines 1 249 726 quint. mét. Cet argent, qui est entré l’année dernière dans nos caisses par les exportations, devra en sortir cette année pour combler le déficit. On pense que nos importations de 1873-74 coûteront quatre fois plus que n’ont rendu les exportations en 1872-1873.

Troncs d’arbres pétrifiés dans le Colorado. — A 50 kilomètres dans l’ouest de Pike’s Peak, se trouvent les fameuses pétrifications du Colorado. Sur un espace d’un kilomètre carré, on voit treize troncs convertis en pierres ; tous, à l’exception d’un seul, ont été dégradés par la curiosité des chercheurs. Celui-ci était évidemment un arbre d’une dimension gigantesque. Il est placé au pied d’une saillie de rochers pittoresques. Le tronc s’élève à environ 1 mètre du sol et il a au moins 3 mètres de diamètre. Quoiqu’il ait conservé le grain et la couleur du bois, c’est une masse de pierre solide ; le cœur de l’arbre est d’un magnifique poli. La pétrification est lisse et dure, elle ressemble aux pierres à aiguiser ; elle est un peu plus cassante, mais on peut très-bien s’en servir pour donner du tranchant à un rasoir ou à un canif. Du côté où le soleil avait rendu le bois sec et noir, avant qu’il fut pétrifié, la couleur et les fissures presque imperceptibles du bois ont été parfaitement conservées. Quelques éclats du tronc semblent avoir été pourris avant la transformation en pierre, ils présentent une apparence remarquable ; c’est bien de la pierre dure, mais les extrémités paraissent éraillées, comme une tige de rotin que l’on aurait mâchée ; elles sont si filamenteuses et si souples, que l’on pourrait s’en servir presque comme d’un pinceau. La plupart de ces arbres étaient des pins ; cependant on suppose que le plus gros était un cyprès. La gomme ou la résine fournies, lorsqu’ils étaient à l’état d’arbres, a aussi subi les effets de la pétrification ; elle étincelle au soleil comme des gouttes légères de rosée ; lorsqu’on brise quelques morceaux de ces pierres, on découvre à l’intérieur de larges plaques de résine pétrifiée qui forment au milieu du bois une espèce de marqueterie qui scintille comme de l’argent poli.

Le thermomètre métallique de l’impératrice de Russie. — Le célèbre directeur de l’Observatoire du Vésuve vient de construire un nouveau thermomètre, d’après la demande qui lui en a été faite par l’impératrice de Russie. Il s’agissait de fabriquer un appareil destiné à annoncer, par un signal, les changements de températures, du milieu où il est plongé. M. Palmieri a imaginé un système de thermomètre métallique fort ingénieux, qui, avant d’être envoyé à Saint-Pétersbourg, va être exposé dans une des salles de l’Académie des sciences de Naples. Aussitôt que la température change, on est prévenu par une sonnerie qui se met en mouvement. L’appareil est d’une si grande sensibilité que l’indicateur est presque toujours en action. Grâce à une disposition particulière, on peut en outre connaître les températures maxima et minima dans un temps déterminé. Le thermomètre du professeur Palmieri va être placé dans la voiture de voyage de l’impératrice de Russie, où l’on pourra facilement obtenir désormais, une température égale. Voilà un raffinement de confort tout à fait impérial, mais il n’en est pas moins fort ingénieux.

Vénus prise pour une comète. — On a fait remarquer, il y a déjà quelque temps, que la prétendue comète visible le matin n’était autre que Venus, alors dans une période de grand éclat. Il n’est point inopportun d’ajouter que ce n’est pas la première fois que la même erreur est commise à Paris. Elle le fut en 1759, au mois d’août, alors qu’on attendait le retour de la comète de Halley, événement prédit pour cette année et qui se réalisa. Vénus se montrant le soir, des milliers de spectateurs se rendaient sur les quais et sur la terrasse des Tuileries afin de l’observer et croyant regarder la comète. Pour détromper le public il fallut un avis de l’Académie des sciences.

Les nuages artificiels contre la gelée des vignes. — Dans notre numéro du 8 novembre, nous avons rapporté les expériences si intéressantes de M. Fabre de Rieunègre sur les nuages artificiels et les moyens de les produire. M. Roussel, de Nice, vient d’adresser au Journal de l’agriculture une note dans laquelle il dit que pour faciliter l’exécution pratique des moyens préservatifs contre les gelées printanières, il signale à M. Fabre de Rieunègre l’emploi de thermomètres métalliques, grossièrement construits pour cet usage, suspendus en plein air et qui pourraient soit par une détente et une allumette, mettre directement le feu aux amas de matières combustibles, soit au moyen d’un fil et d’une communication électrique, signaler aux intéressés l’abaissement de la température et le danger qui menace les récoltes. Dans les deux cas, les moyens préservatifs ne seraient employés qu’à coup sûr, on éviterait une surveillance pénible et on pourrait agir à propos et sans peine. Un simple ressort à boudin en fil de fer ou d’acier, gradué à zéro, pourrait servir de thermomètre métallique avertisseur des gelées.