Chronique de la quinzaine - 31 mai 1901

Chronique n° 1659
31 mai 1901


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mai.


Les Chambres ont repris leur session interrompue par les vacances de Pâques, et n’ont pas montré de prime abord une grande ardeur à se remettre au travail. La Chambre des députés donne des marques non équivoques de lassitude et de découragement. De toutes les promesses que ses membres avaient multipliées au temps où ils n’étaient encore que candidats, bien peu seront finalement tenues : le temps ferait défaut désormais, quand même la confiance des premiers jours serait encore intacte, et assurément elle ne l’est pas. En moins de trois années, l’usure de la Chambre a été très grande, et il est de plus en plus probable qu’elle maintiendra, ou plutôt qu’elle laissera toutes choses en l’état jusqu’au jour où le suffrage universel, intervenant dans nos affaires, y apportera peut-être cet élément nouveau qu’on a cessé d’attendre de l’initiative du parlement. L’impuissance actuelle de celui-ci et la préoccupation que lui causent les élections prochaines expliquent tout ce qui se passe, et l’expliqueront sans doute chaque jour davantage.

Dès son retour, la Chambre a eu à élire sa commission du budget. M. le ministre des Finances avait déposé devant elle un projet de budget qui est peut-être, dans les circonstances présentes, le moins mauvais possible : quant à en faire un de bon, il n’y faut pas songer. Le caractère prudent de celui de M. Caillaux vient de ce qu’il ne contient aucune de ces grandes réformes dont on avait tant parlé pendant la période électorale, et dont l’impôt sur le revenu était la pièce maîtresse. Il n’en est même pas question dans le projet. Plusieurs députés se proposent de combler cette lacune sous forme d’amendement. On leur accordera volontiers quelque satisfaction de principe, et ce ne sera pas la première fois ; puis les choses continueront de marcher comme devant. Ce n’est pas à la veille de se séparer que la Chambre pourrait faire une réforme qui serait une véritable et très profonde révolution fiscale. elle a eu d’ailleurs la main assez malheureuse en fait de réformes, et le médiocre succès de celle qu’elle a introduite dans le régime des boissons n’est pas de nature à encourager de sa part une récidive. Depuis le commencement de l’année, on constate un déficit de cinq millions par mois environ dans le rendement de nos impôts, ce qui permet de craindre, pour l’ensemble de l’exercice, un déficit d’une soixantaine : et il n’est pas douteux que ces déceptions ne soient dues en grande partie à la loi sur les boissons. C’est d’ailleurs l’explication qu’en donne le gouvernement lui-même. On fera bien de s’en tenir là : après avoir fait une réforme, il faut attendre quelque temps avant de recommencer. C’est l’avis du ministère ; espérons que ce sera celui de la Chambre. La commission du budget qu’elle a nommée est, en effet, ultra-ministérielle. elle l’est à un point qui n’avait pas été atteint jusqu’ici. La Chambre avait toujours eu quelque propension, après avoir donné en séance publique une majorité au cabinet, à prendre sa revanche au scrutin secret dans ses bureaux. Cette fois, non. Les républicains modérés ou progressistes étaient en majorité dans l’ancienne commission ; ils sont en minorité dans la nouvelle. M. Mesureur a succédé à M. Cochery au fauteuil présidentiel. Les radicaux-socialistes occupent à eux seuls les deux tiers de la place, et pour la première fois un socialiste-révolutionnaire, M. Sembat, est entré enseignes déployées dans la commission et a été chargé d’un rapport. Le rapporteur général, désigné dès le premier jour et avant tout débat, est M. Merlou, radical-socialiste, déjà rapporteur de la commission de l’impôt sur le revenu, et chargé de l’enterrer sous le nom d’impôt de statistique. En tout autre moment, la composition de la commission, du budget nous effraierait davantage : aujourd’hui, ce n’est qu’une manifestation. Il en résultera sans doute peu de chose. Mais, à mesure que les élections approchent, on constate de la part de la Chambre un progrès de plus en plus marqué dans le sens des opinions extrêmes. Les effets qu’il fallait attendre de la présence au pouvoir d’un cabinet à base radicale-socialiste se réalisent de plus en plus. Nous sommes emportés dans un mouvement dont l’accélération devient vertigineuse. Hier encore, les radicaux condamnaient insolemment les républicains modérés à disparaître : ils y sont condamnés à leur tour, non moins insolemment, par les socialistes. La seule chance de survie qu’on leur laisse est de faille adhésion au programme de Saint-Mandé et de se confondre dans le parti. Tels sont les premiers symptômes de la campagne électorale qui se prépare, et nous aurons à y revenir : mais nous ne voulons parler aujourd’hui que de la situation parlementaire.

En attendant le budget, la Chambre discutera la loi sur les retraites ouvrières : c’est un engagement, non encore rempli, des élections dernières. L’œuvre est louable dans ses intentions, mais fort mal présentée dans le projet de la commission, qui a le grave inconvénient, entre beaucoup d’autres, d’ouvrir une source de dépenses nouvelles, et de dépenses illimitées. Si l’on parvenait à limiter ces dépenses, en donnant à la participation de l’État le caractère d’un abonnement fixé une fois pour toutes et qui ne serait pas dépassé, on échapperait peut-être à la principale objection qui frappe les esprits prévoyans. Voilà pour la Chambre : avant la séparation du 14 juillet, il faut qu’elle ait voté les quatre contributions directes, et elle se fait un point d’honneur d’avoir voté également la loi sur les retraites ouvrières. Sa tâche est donc bien définie. Quant au Sénat, il a été saisi de la loi sur les Associations, et il a nommé la commission chargée de l’étudier ; mais la discussion n’en viendra probablement pas avant les vacances. La composition de la commission est ce qu’on pouvait prévoir d’après celle du Sénat lui-même. Sur dix-huit membres, douze sont favorables au projet et six y sont contraires : c’est donc une majorité de deux tiers dans le sens de la loi, majorité qui correspond assez exactement à celle de l’Assemblée. On ne doit pas compter sur le Sénat pour repousser la loi, ni même pour l’amender sensiblement ; peut-être est-il permis de compter sur lui pour la faire traîner. Une circonstance imprévue l’y aidera sans doute : c’est la rentrée subite de M. de Lur-Saluces, condamné de la Haute-Cour, mais condamné par contumace, qui avait interposé la frontière entre ses juges et lui, et qui l’a repassée en sens inverse pour se mettre à leur discrétion. Il va donc falloir réunir de nouveau la Haute-Cour, et recommencer un procès qui, en vérité, n’Intéresse plus personne, et le Sénat moins que qui que ce soit.

De maladroits amis de M. de Lur-Saluces ont poussé d’abord, à son retour, des cris de guerre contre le gouvernement. Ils ont annoncé avec fracas que ce n’était pas du procès de M. de Lur-Saluces qu’il s’agissait, mais de celui de la République tout entière, et qu’on le verrait bien. Mais rien ne prouve que M. de Lur-Saluces ait eu des intentions aussi belliqueuses, et le silence qu’il garde permet d’en douter. Il ne fait rien pour provoquer autour de lui une agitation bruyante. S’il avait jadis uni son sort à celui des autres accusés, le gentiment général est qu’il aurait été acquitté, car les charges qui pesaient sur lui étaient si légères, qu’on ne pouvait pas l’accuser avec vraisemblance d’avoir mis la République en péril. Mais comment préjuger ses intentions actuelles ? Il ne les a fait connaître encore à personne. S’il était vrai qu’il eût voulu provoquer un grand mouvement d’opinion autour de lui, il a déjà pu s’apercevoir à quel point il se serait trompé. L’équipée récente de M. Déroulède a épuisé tout l’intérêt d’une affaire qui a été très artificielle depuis son origine. Le gouvernement, qui en avait besoin alors pour se poser en sauveur, ne peut en retirer désormais aucun nouveau bénéfice, et l’opinion a cessé de s’en émouvoir. La Haute-Cour se réunira au milieu d’une Indifférence à peu près générale : les radicaux-socialistes eux-mêmes ne prennent pas l’incident au sérieux.

Mais qu’est-ce à dire, sinon que l’apaisement commence à se faire, ou plutôt qu’il s’est fait autour des questions qui nous ont si vivement agités il y a dix-huit mois ? Tout cela parait lointain et s’efface, sinon dans les mémoires, au moins dans les cœurs. Que n’a-t-on profité de cet état des esprits, et que n’en profite-t-on encore pour faire l’amnistie ? Si on l’avait faite plus tôt, l’incident Lur-Saluces ne se serait pas produit, et tout le monde y aurait gagné. Et, si l’on répond à cela que cet incident ne cause aucune gêne véritable, et qu’il est tout au plus ennuyeux, c’est une raison de plus pour conclure que l’heure a sonné de jeter sur le passé le voile officiel de l’oubli, puisque l’oubli réel s’est fait tout seul. Telle est, à notre sens, la seule leçon à tirer de la rentrée de M. de Lur-Saluces en France et du peu d’impression qu’elle a produit ; mais cette leçon sera-t-elle comprise ? On jugera donc le contumace. Qu’il soit condamné ou acquitté, personne à coup sûr n’y attachera la moindre importance politique. A quoi donc peut servir le procès ? A faire perdre une semaine au Sénat, voilà tout. Cela, d’ailleurs, ne rehaussera le prestige, ni de la haute assemblée, ni du gouvernement, ni de l’opposition. Quand un feu d’artifice a été tiré, une fusée oubliée part quelquefois tout à coup et fait à peine tourner la tête à la foule qui s’en allait.


M. le comte Goluchowski, ministre des Affaires étrangères d’Autriche-Hongrie, a fait à Vienne, devant la Délégation hongroise, son exposé annuel de la situation. Il est toujours intéressant de l’entendre ; mais, cette année, l’intérêt a été plus grand encore que d’habitude, tant à cause du nombre et de la variété des questions auxquelles a touché le ministre, que du caractère pessimiste de ses déclarations.

On sent du mécontentement et de l’inquiétude dans le langage du comte Goluchowski, et ni l’un ni l’autre de ces sentimens n’y est dissimulé. Nous sommes loin de la satisfaction qu’il manifestait encore l’année dernière. Alors, le ciel était clair et sans nuages ; aucun point suspect ne se montrait à l’horizon ; et si, un jour ou l’autre, il devait y en apparaître, l’accord loyal conclu en 1897 entre l’Autriche-Hongrie si la Russie devait facilement et rapidement les dissiper. Ce qu’était au juste cet accord, on ne le disait pas ; mais on le présentait comme assez fort pour vaincre toutes les difficultés qui pourraient se présenter. Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi ; il en est même tout autrement. Le comte Goluchowski déclare sans ambages que l’entente austro-russe n’est pas une panacée. Utile sans doute dans bien des cas, elle ne saurait suffire à tous, et on peut prévoir telle circonstance où elle n’empêcherait pas un éclat. Ce sont les termes mêmes dont s’est servi le ministre. Au reste, l’entente n’a, à aucun degré, le caractère d’un traité quelconque, encore moins d’un traité d’alliance. Rien n’a été écrit ; tout s’est passé en conversations. On a reconnu de part et d’autre qu’aucun incident ne pouvait surgir dans les Balkans qui ne fût de nature à être réglé à l’amiable par l’Autriche et par la Russie. On était sûr de s’entendre toujours pour cela ; on ne paraît pas l’être aujourd’hui au même degré. Pourquoi ? Est-ce à cause de la nature des incidens qui se sont produits et qui peuvent se produire encore ? Ne serait-ce pas plutôt à cause des nouvelles dispositions des esprits à Vienne et à Saint-Pétersbourg ? Dans un cas comme dans l’autre, les déclarations du ministre austro-hongrois présentent une certaine gravité. Sans doute, tout est pacifique dans les intentions du comte Goluchowski ; la politique de son gouvernement l’a été de tout temps et n’a pas cessé de l’être ; malgré cela, on pourrait relever dans ses paroles quelques notes presque stridentes. « L’Autriche-Hongrie, a-t-il dit en parlant des Balkans, tout en ne prétendant à aucune extension de ses territoires, ne pourrait pas souffrir d’entreprises contre l’état de choses actuel, ni permettre de changemens préjudiciables à ses intérêts, ou menaçans pour sa situation de grande puissance. Cela restera toujours le point saillant de sa politique orientale. L’Autriche-Hongrie n’hésiterait pas à s’opposer de toute son énergie à tout favoritisme : il n’y a aucun doute à ce sujet. » Il n’y a aucun doute, soit ; mais de quel favoritisme le comte Goluchowski a-t-il voulu parler ?

A parler franchement, la situation s’est modifiée depuis l’année dernière dans les Balkans, mais non pas d’une manière favorable à l’Autriche-Hongrie : de là vient sans doute l’accent de mauvaise humeur du comte Goluchowski, Ces modifications ne sont pourtant pas le résultat d’une action politique bien profonde : le hasard y a eu, la plus grande part, mais l’effet seul importe et non pas la cause. La Serbie, que le roi Milan avait courbée sous l’hégémonie autrichienne, a échappé à ce joug. Si nous parlons de joug, c’est que toutes les tendances de l’opinion en Serbie étaient du côté de la Russie, et qu’il a fallu une pression extrêmement dure de la part du roi Milan pour tourner dans un autre sens la politique du pays. Il ne s’est pas donné la peine d’y mettre beaucoup d’habileté, c’est-à-dire deménagemens ; la force lui a suffi. Le personnage, pour ce motif et pour quelques autres encore, était devenu odieux ; sa politique l’était avec lui.

Comment, par quoi a-t-elle été brisée ? Par un sentiment très vif que le jeune roi Alexandre a éprouvé pour Mme Draga Maschin. Il l’a épousée malgré la double opposition de son père et de sa mère, si profondément désunis en toute autre circonstance, et merveilleusement d’accord dans celle-ci, bien que pour des motifs différens. L’émancipation du roi a été celle du royaume. Le royaume, comme le roi, a cédé bientôt à son inclination naturelle. La mort de Milan a dégagé la Serbie de toute préoccupation que pouvait lui causer un retour d’influence et de despotisme, toujours à craindre de la part d’un homme encore jeune, entreprenant et sans scrupules. Milan a emporté dans la tombe les derniers vestiges de sa politique, et la Serbie s’est orientée de plus en plus résolument du côté de Saint-Pétersbourg. On ne saurait reprocher à la Russie de s’être livrée à aucune intrigue pour faire tourner les événemens à son avantage : elle s’est contentée d’en profiter comme tout autre l’aurait fait à sa place. Quand le jeu vient spontanément, on n’a pas l’habitude de le repousser. L’empereur Nicolas n’a eu qu’à se montrer bienveillant et affable envers le roi Alexandre et sa femme. Il a été le premier à les féliciter de leur union, et à témoigner à la nouvelle reine les égards qui lui étaient dus, mais que tout le monde ne lui rendait pas. La manière dont elle était montée sur le trône fournissait à la malveillance des prétextes faciles : elle n’en a été que plus sensible, et le roi l’a été avec elle, à l’empressement obligeant que leur témoignait l’empereur de Russie. C’est lui qui a donné et imposé le ton qu’il convenait de prendre envers la cour de Serbie, et ces choses-là ne s’oublient pas. Néanmoins, le parti hostile à la reine n’a pas désarmé ; il a continué d’agir en dessous avec beaucoup d’activité et de vigueur, lançant contre la femme les accusations les plus propres à porter le trouble dans la conscience de son mari. La fatalité s’est mise de la partie : elle a travaillé contre la reine Draga avec plus de violence encore que ses pires ennemis. Ceux-ci disaient dès le premier jour que la malheureuse ne serait jamais mère et ne donnerait pas d’héritier à la dynastie. Sa grossesse, promptement annoncée, semblait démentir ces affirmations inspirées par la haine. Tout s’annonçait bien. L’empereur Nicolas avait accepté d’être le parrain de l’enfant, si c’était un garçon. On a découvert tout d’un coup que la grossesse de la reine était une illusion qu’elle s’était faite, et qu’elle avait communiquée à son entourage : ses ennemis ont déclaré aussitôt que c’était une feinte, et qui devait se terminer par une supposition d’enfant. Il y a eu déjà bien des scandales autour du trône de Serbie, mais ce dernier aurait dépassé tous les autres. Le roi Alexandre a fait preuve de beaucoup de sang-froid ; il a entouré la reine de sa confiance et de son affection. L’empereur de Russie a continué de conformer sa politique aux sentimens exprimés par le jeune roi. La révolution de palais qu’on avait pu craindre à Belgrade ne s’est pas produite, et l’amitié de la Russie s’est manifestée avec une constance inébranlable. Au milieu de ces dures épreuves, les plus pénibles que le couple serbe pouvait traverser, l’empereur Nicolas s’est montré attentif et bon, et les liens qui s’étaient formés entre les deux pays n’ont pu qu’en être plus étroitement resserrés.

Les événemens de la vie privée, surtout lorsqu’il s’agit de personnes royales, peuvent, comme on le voit, influer beaucoup sur la vie publique. Leurs conséquences s’étendent même souvent bien au delà des limites d’une cour. Parmi les petits royaumes et principautés des Balkans, il en est deux qui, depuis qu’ils existent, ont attiré plus particulièrement l’attention de l’Autriche et de la Russie : ce sont la Serbie et la Bulgarie. L’Autriche et la Russie se sont toujours efforcées d’étendre leur influence au moins sur l’un des deux, et de le maintenir dans leur orbite politique. On peut presque dire que la situation est normale dans les Balkans lorsque la Serbie se rattache à la Russie et la Bulgarie à l’Autriche, à moins que ce ne soit le contraire ; mais, lorsque la Serbie et la Bulgarie se rattachent en même temps à un seul des deux grands empires, l’autre se trouve dans une situation d’infériorité dont il souffre, et qui l’amène quelquefois à se plaindre tout haut, comme l’Autriche vient précisément de le faire par la bouche un peu amère du comte Goluchowski. S’il y a un équilibre européen, il y a aussi un équilibre balkanique, et on peut croire qu’il est rompu, ou du moins troublé dans cette hypothèse. Il l’est d’autant plus, lorsque c’est autour d’elle que la Serbie et la Bulgarie gravitent politiquement, que la Russie a encore un autre point d’appui dans la péninsule, le Monténégro. On se rappelle que l’empereur Alexandre III a dit un jour qu’il n’avait qu’un ami au monde, et que c’était le prince de Monténégro. Client ou champion de la Russie, le prince de Monténégro a donné dans toute sa carrière l’exemple d’une fidélité sans défaillance : il n’a fait d’ailleurs qu’y gagner, et, poussé par un vent favorable, il semble s’acheminer doucement, mais sûrement, vers une couronne royale qui remplacera un jour sa couronne princière, devenue trop étroite à son gré. Il a fait dans ce sens un pas significatif lorsqu’il s’est donné à lui-même le titre d’Altesse royale : on peut croire qu’il n’a pas l’intention d’en rester là. Quoi qu’il en soit, les circonstances ont si bien servi la politique russe qu’à Belgrade, à Sofia et à Cettigné, elle est aujourd’hui prépondérante ; et, bien qu’elle soit sincèrement pacifique, autant, certes, que peut l’être celle de l’Autriche elle-même, il est naturel qu’on en éprouve à Vienne quelque préoccupation, ou même quelque impatience. Reconnaissons d’ailleurs que les allures de la Bulgarie, dans ces derniers temps, a plutôt confirmé que dissipé ces appréhensions.

Le comte Goluchowski s’est exprimé avec sévérité sur le compte de la Bulgarie. Il n’a rien dit sur la Serbie, et s’est contenté de lui souhaiter le plus grand succès dans ses réformes intérieures, en exprimant au surplus l’espoir qu’elle éviterait tout ce qui serait de nature à porter préjudice à ses bonnes relations avec l’Autriche-Hongrie, et à refroidir la bienveillance de cette dernière à son égard. Il y a sans doute un avertissement dans ces paroles, mais il s’applique à l’avenir, tandis que celui que le comte Goluchowski a adressé à la Bulgarie s’applique au passé. La Bulgarie a d’ailleurs inspiré des inquiétudes à tout le monde par l’activité désordonnée de son comité macédonien, activité turbulente en effet, et qui a pris quelquefois des formes criminelles, puisque plusieurs assassinats ont été commis, notamment à Bucarest. Le fait date déjà de quelques mois, mais on comprend qu’il ait causé une vive indignation au gouvernement roumain, qui s’en est plaint avec beaucoup de hauteur et a menacé de prendre des mesures énergiques, si le gouvernement bulgare n’arrêtait pas lui-même une propagande révolutionnaire capable d’user de pareils moyens. Il en est résulté pendant quelque temps, — et le comte Goluchovski l’a rappelé, — une tension assez forte dans les rapports de Bucarest et de Sofia : peut-être même a-t-on été à la veille d’une rupture, et se serait-elle produite, si les puissances n’avaient pas fait entendre au gouvernement bulgare un langage extrêmement sérieux. Aucune d’entre elles n’est disposée, du moins en ce moment, à favoriser une agitation quelconque dans les Balkans. La Russie, qu’on aurait pu soupçonner de quelque arrière-pensée, est trop occupée en Extrême-Orient pour provoquer en Europe des complications nouvelles. Elle a, comme les autres puissances, donné à Sofia des conseils de prudence et de réserve, et cela sur le ton nécessaire pour être entendue et comprise.

Dans quelle mesure le gouvernement bulgare a-t-il toléré, nous ne voulons pas dire encouragé l’action révolutionnaire du comité macédonien, il est difficile de le préciser : mais le comte Goluchowski n’a pas dépassé la mesure en disant qu’on avait été un peu coupable à Sofia et qu’on s’y était montré trop faible. Ce reproche, a-t-il dit, ne saurait être épargné au gouvernement bulgare. Pendant quelques semaines, on a pu se demander si le printemps n’amènerait pas, comme cela est arrivé quelquefois, des troubles insurrectionnels dans les Balkans. Heureusement il n’en a rien été. Les conseils des puissances et l’accent avec lequel ils ont été donnés ont frappé le prince Ferdinand : il a pris enfin une attitude suffisamment ferme à l’égard du chef même du comité macédonien, qu’il a fait arrêter et enfermer. Le comte Goluchowski s’en est montré satisfait pour le présent, mais il n’est pas tout à fait rassuré pour l’avenir. Si la Macédoine est l’objet d’un grand nombre de compétitions, on ne peut nier que l’état intérieur du pays ne soit par lui-même de nature à encourager les tentatives du dehors. La Porte n’a fait aucune des réformes aux- quelles elle s’était engagée au Congrès de Berlin. Les fera-t-elle jamais ? Est-elle même capable de les faire ? Elle s’est contentée, comme l’a dit le comte Goluchowski, de rétablir l’ordre par la force là où le comité macédonien l’avait compromis ou troublé ; mais, a-t-il ajouté, « cela ne suffira sans doute pas pour amener un apaisement durable. » Il a raison. La Macédoine n’est pas une proie facile à prendre, ne fût-ce qu’à cause du nombre de ceux qui sont prêts à s’en charger chacun à l’exclusion des autres, mais c’est une proie extrêmement tentante, à cause de la mauvaise administration dont elle souffre. Le péril est écarté pour le moment : il renaîtra un jour ou l’autre.

Le comte Goluchowski n’a rien dit de la récente entrevue qui a eu lieu entre le roi Charles de Roumanie et le roi Georges de Grèce, et cela étonne d’autant plus qu’elle a eu lieu à Abbazia, c’est-à-dire en Autriche. Que les deux princes aient choisi les eaux autrichiennes pour s’y donner rendez-vous, à égale distance, mais à distance assez considérable de leurs royaumes respectifs, il n’y a peut-être pas lieu d’attribuer à ce fait une signification exagérée. Il n’en est pas moins certain que, sinon sur l’initiative directe, au moins sous le couvert discret de l’Autriche, le roi Charles et le roi Georges, médiocrement d’accord naguère, ont opéré entre eux un rapprochement opportun. La réserve du comte Goluchowski à ce sujet permet de croire qu’on n’a pas voulu à Vienne, ni peut-être à Bucarest et à Athènes, donner trop d’importance à l’événement ; pourtant il en a une, et il faut sans doute y voir une tentative pour rétablir une sorte d’équilibre entre le groupement balkanique dont nous avons déjà parlé et celui que formeraient à leur tour la Roumanie et la Grèce. La Roumanie, qui a souffert sur son propre territoire des intrigues sanglantes du comité macédonien, n’est d’ailleurs pas disposée, on peut le croire, à laisser la principauté voisine augmenter considérablement son territoire et sa population. Quant à la Grèce, elle est un des prétendans à la Macédoine, le pays d’Alexandre et d’Aristote, comme on dit à Athènes, et, lorsqu’un autre compétiteur étend la main sur un morceau qu’elle convoite pour son propre compte, elle s’inquiète et s’émeut. Le rapprochement de la Bulgarie et de la Grèce est donc aujourd’hui très naturel ; mais suffit-il pour rétablir l’équilibre rompu ? Cela dépend, en somme, des puissances qui sont derrière la Grèce et la Bulgarie. Y a-t-il l’Autriche et l’Allemagne ? Là est toute la question. Si elles y sont, comme cela est probable, du moins ne veulent-elles pas se montrer, et le silence du comte Goluchowski semble indiquer qu’elles préfèrent ne pas le dire. Les grandes puissances jouent sur l’échiquier balkanique avec les petites qui leur servent de pions ; mais, si elles permettent quelquefois d’entrevoir le mouvement de leur main, le plus souvent elles le cachent, laissant au monde le mérite assez facile de le deviner. L’Autriche aime d’autant mieux rester en ce moment sur la réserve que sa situation intérieure est assez troublée. Peut-être même y a-t-il lieu d’être plus frappé de ce qu’il y a eu d’énergique dans quelques-unes des déclarations du comte Goluchowski que de ce qu’il y a eu de prudent dans certaines de ses réticences.

Le pays où son langage paraît avoir produit le plus d’impression, et elle n’y a pas été très bonne, est l’Italie. Il y a deux motifs à cela : le premier est la manière dont le ministre austro-hongrois, à la veille du renouvellement des traités de commerce, a subordonné les intérêts commerciaux aux intérêts politiques ; le second est qu’en dépit de toute affirmation contraire, il existe depuis longtemps, mais aujourd’hui surtout, une rivalité sourde entre l’Italie et l’Autriche en Albanie. Le comte Goluchowski, au milieu des préoccupations de l’heure présente, préoccupations qu’il n’a rien fait pour dissimuler, a chanté un hymne pompeux en l’honneur de la Triple-Alliance. Là est le port à ses yeux, là est le salut. Si tant de choses l’affligent et l’inquiètent, la Triple-Alliance le rassure, et il la met dès lors au-dessus de tout. Quelques esprits, en Autriche même, commencent à se demander si elle est vraiment cette panacée infaillible qui sert et qui suffit à tout : la même question se pose à un plus grand nombre encore en Italie.

Nous ne nous faisons aucune illusion ; ici et là, ces esprits ne constituent qu’une petite minorité ; mais enfin ils existent, ils pensent, ils parlent, et on est bien obligé d’en tenir quelque compte. A Rome, ils s’intéressent beaucoup aux conditions dans lesquelles seront renouvelés les traités de commerce. Si nous nous laissions aller à l’ironie de nos souvenirs, nous rappellerions que, lorsqu’il s’est agi, de l’autre côté des Alpes, de conclure un arrangement commercial avec nous, on nous disait très fièrement que le commerce et la politique étaient et devaient rester indépendans l’un de l’autre. Les mêler en quelque mesure, fi donc ! C’était d’une âme peu relevée. Aujourd’hui on parle tout autrement à l’Autriche et à l’Allemagne. On reconnaît, et même on proclame, que les relations commerciales ont une influence inévitable sur les relations politiques : celles-ci ne dépendent pas de celles-là, mais elles s’en ressentent. La thèse, pour être moins sublime, est peut-être plus pratique et plus vraie. Par un juste retour des choses d’ici-bas, le comte Goluchowski parle maintenant des traités de commerce à peu près comme l’Italie nous en parlait naguère, et l’Italie en éprouve de l’irritation. « Ce serait favoriser une théorie dangereuse, a déclaré doctrinalement le ministre austro-hongrois, que de vouloir faire dépendre les alliances politiques, qui poursuivent des buts plus hauts, d’une solution absolument satisfaisante des questions commerciales. » Le comte Goluchowski n’hésite pas à affirmer, et cette fois l’éloquence l’emporte un peu loin, que ces « instigations systématiques, » si elles ne rencontraient pas d’opposition auprès des masses populaires, pourraient favoriser « ces gens remuans auxquels l’état de choses actuel de l’Europe est désagréable à voir pour des motifs bien connus. » En conséquence il y fait courageusement opposition. « On doit, dit-il, éclairer l’opinion publique, afin de persuader le peuple que, malgré la grande importance des affaires commerciales, et le devoir qu’a chaque gouvernement de les protéger, une alliance politique ne peut être une compensation suffisante à un traité de commerce. Les alliances ne sont pas conclues par complaisance : elles correspondent à des intérêts supérieurs. Il serait donc imprudent d’entrer dans des combinaisons d’alliance parce qu’elles assurent un avantage dans le domaine de la politique commerciale : de même on ne peut les repousser parce qu’elles ne donnent pas une satisfaction absolue au point de vue économique. » Ces déclarations seront sans doute très bien accueillies en Allemagne : le comte de Bulow saura désormais qu’il n’a pas trop à se gêner avec l’Autriche-Hongrie, et qu’il peut donner à ses dépens des satisfactions assez larges aux agrariens de Prusse. Mais, à Rome, on goûte beaucoup moins cette manière de parler, ou, pour mieux dire, on ne la goûte pas du tout. Les journaux trouvent que le comte Goluchowski en a pris un peu à son aise, et qu’en somme l’avantage ou l’honneur d’être admis dans la Triple- Alliance ne dispense pas de pourvoir encore à d’autres besoins. Au reste, les intérêts politiques de l’Italie se trouvent-ils si bien de l’alliance avec l’Autriche ? Nous avons dit que la rivalité des deux pays était de plus en plus active dans la mer Adriatique. Un congrès albanais se réunissait récemment à Naples et le roi Victor-Emmanuel en acceptait la présidence nominale. L’Italie et l’Autriche ont les yeux également fixés sur ce coin de territoire ottoman. Heureusement, il y a entre elles la Triple-Alliance ; mais cette fois encore on peut se demander si la Triple-Alliance est une panacée et si elle pourra indéfiniment empêcher tout éclat. C’est une question qu’il faut laisser à l’histoire prochaine le soin de résoudre.

En résumé, le comte Goluchowski témoigne d’une confiance très diminuée dans la tranquillité des Balkans, et dans les garanties que peut donner à l’Autriche-Hongrie son entente de 1897 avec la Russie. Il jette sur l’ensemble de la situation un œil un peu inquiet, et ne déguise pas cette inquiétude, convaincu sans doute qu’il vaut mieux donner un avertissement, même un peu sévère, lorsqu’il en est temps encore. Au reste, il aperçoit, infiniment au-dessus des difficultés présentes et futures, un labarum sauveur, qui est la Triple-Alliance, et cela paraît le tranquilliser. Tel a été son discours : il en a prononcé de plus optimistes et de plus rassurans.


FRANCIS CHARMES.

CORRESPONDANCE


Nous avons reçu de M. Joseph Reinach la lettre suivante :


Paris, 5 mai.

Monsieur le Directeur,

Parlant d’une conférence que j’ai faite, en effet, en 1884, à la loge Alsace-Lorraine, votre éminent collaborateur, M. Goyau, reproduit ce passage d’une revue maçonnique : « Le frère Reinach a jeté par-dessus bord les ralliés au parti gambettiste. »

Je lis, pour la première fois, cet extrait d’une feuille qui m’est inconnue ; il ne saurait m’être indifférent de le voir reproduit dans la Revue des Deux Mondes et commenté par M. Goyau.

Je suis sûr de n’avoir jamais prononcé la phrase imbécile qui m’est objectée. On ne parlait point de ralliés en 1884, et l’expression : parti gambettiste, n’était pas du vocabulaire des amis de Gambetta.

J’ai publié, précisément en 1884, mon histoire du Ministère Gambetta. Lisez-y, je vous prie, le chapitre intitulé : Les nominations, l’édit de Nantes des partis. Vous y trouverez mon opinion sur les hommes que Gambetta a appelés à de hautes fonctions, bien qu’ils ne fussent pas des républicains d’origine.

Je m’honore d’être resté, jusqu’à sa mort, l’ami du grand écrivain, du clairvoyant patriote qu’était J.-J. Weiss. Il me sera permis de rappeler que mes articles de la République française n’ont été étrangers ni au retour du général de Miribel à la tête de l’État-Major, ni au retour en France de cet autre soldat, M. le duc d’Aumale, que Gambetta se proposait d’envoyer à Moscou pour y représenter la République au sacre de l’empereur de Russie.

Ai-je besoin d’invoquer le droit de réponse pour vous prier de reproduire cette lettre ? Il me suffira de faire appel à votre loyauté et à votre courtoisie.

Recevez, monsieur le Directeur, l’assurance de mes sentimens très distingués,


JOSEPH REINACH.


Voici la réponse de M. Goyau :

M. Reinach se défend, dans sa lettre, d’avoir prononcé en loge une « phrase imbécile. » Qu’il veuille bien nous relire ; nous ne lui attribuons aucune phrase. Nous « laissons la parole au chroniqueur : » ce sont nos propres expressions ; et le chroniqueur, qui se tenait sur les colonnes de la loge, résume la portée de la conférence en prêtant à M. Reinach une attitude et un geste : il nous le montre « se déshabillant sous le cordon maçonnique, » et « jetant par-dessus bord les ralliés au parti gambettiste. » Le chroniqueur, non plus que nous-même, n’impute à M. Reinach une phrase textuelle ; mais avec ses souvenirs, ses impressions, ses métaphores, avec son tour d’esprit personnel — pourquoi parler ici d’imbécillité ? — il rend compte d’un « morceau d’architecture » qui lui a semblé piquant et imprévu.

Il est fâcheux, en vérité, que la rigueur du secret maçonnique nous ait dérobé le texte même de ce morceau. Nous l’avons vainement cherché dans le recueil des Travaux de la loge Alsace-Lorraine. Mortifiant alors notre habituel désir de remonter aux textes, il nous fallut nous contenter des indiscrétions d’un auditeur, indiscrétions éminemment maçonniques, imprimées dans un organe jadis fort estimé, le Bulletin maçonnique de la grande loge symbolique écossaise.

Ces indiscrétions, les voici, intégralement reproduites : « Dans la longue allocution qu’il a prononcée, le F.-. Reinach a fait preuve d’un courage réellement digne d’un sort plus heureux. Se déshabillant complètement sous le cordon maçonnique, et se mettant nu comme la Vérité, il a jeté par-dessus bord les ralliés au parti gambettiste ; en cela faisant cause commune avec nombre d’auditeurs qui s’obstinent à les tenir pour la honte de la République. Tous, plus ou moins, — surtout plus, — ont été heureux d’enregistrer l’aveu de notre F.-. Reinach quand il a dit que Gambetta s’était appliqué à s’attacher des créatures prêtes à tout pour avoir des places, par crainte de voir ces créatures s’en aller quémander les faveurs des monarchistes. Et quand il a ajouté que son ex-patron prétendait que le meilleur moyen d’avancer était démarquer le pas sur place, peut-être tous les bravos qui retentirent ne sauraient-ils être mis à l’actif de cette façon de voir par l’actionnaire de la République française. Certes, après le discours du F.-. Reinach, nous pouvons sans crainte défier tout F.-., si entaché d’opportunisme qu’il soit, de serrer la main à un grand fonctionnaire quelconque sans arrière-pensée. Et cela n’a pas laissé que de nous peiner vivement, en raison des liens de fraternité qui unissent tous les maç.-.. En effet, le secret maç.-. n’est pas si complètement gardé qu’il n’en transpire quelque chose au dehors de nos temples, et nous nous demandons quelle figure va bien pouvoir faire notre F.-. Reinach quand il rencontrera un de ces ralliés qu’il a si bien châtiés. Oh ! comme il semblait, durant tout ce discours, que le grand orateur que nous pleurons, soulevant la pierre de sa tombe, était venu demander pardon des fautes que son patriotisme lui fit commettre, s’excusant de la nomination de celui-ci parce qu’il le croyait bon général, ou de celui-là parce qu’il eût pu se faire acheter ailleurs. Si nous ne nous trompons, La Fontaine a parlé du cas du F.-. Reinach dans sa fable du Pavé de l’Ours, mais nous pouvons nous tromper. D’ailleurs le F.-. Reinach a été fort applaudi, car il a su, en terminant, toucher la fibre patriotique si sensible à l’Alsace-Lorraine. »

Tel est le document.

Le mot de « ralliés, » celui de « parti gambettiste, » sont suspects à M. Reinach ; il s’est en ces dernières années trop exercé dans la critique des textes pour que nous le sui\ions sur ce terrain. A quoi bon, d’ailleurs ? Cette façon de science ne saurait prévaloir contre un fait. Le Bulletin que nous citons se trouve à la Bibliothèque Nationale sous la cote 8° H, 594, car, il y a quinze ans, les périodiques maçonniques n’étaient pas encore soustraits à la formalité du dépôt légal. Le passage que nous en avons extrait se peut lire dans le numéro de janvier 1885, pages 305 et 306.

Avons-nous besoin d’ajouter que nous n’avions point attendu l’invite de M. Reinach pour lire son remarquable livre sur le Ministère Gambetta ? Dans l’article même dont il s’occupe, aux pages 150 et 152, nous y avons fait plusieurs emprunts.

Nous avons longuement insisté, dans cet article, sur la largeur d’esprit, sur la hauteur de vues, qui amenèrent Gambetta, en maintes circonstances, à préférer les intérêts réels de la défense nationale aux intérêts factices d’une prétendue défense républicaine ; les lignes que nous adresse M. Joseph Reinach nous en sont une preuve nouvelle ; que cette preuve soit la bienvenue.


GEORGES GOYAU.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.