Chronique de la quinzaine - 31 décembre 1881

Chronique n° 1193
31 décembre 1881


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.

Toutes les fois qu’on est ramené par l’invincible cours des choses à cette heure indécise et fuyante de la fin d’une année, du commencement d’une année nouvelle, on ne peut se défendre d’une certaine émotion. On se sent partagé entre ce passé d’hier qui déjà se dérobe, qui a eu ses illusions, ses excès, ses luttes stériles, ses mécomptes, et cet avenir de demain qui, lui aussi, aura sans doute ses déceptions, devant lequel il faut cependant s’interdire les défiances et les découragemens, puisque cet avenir, c’est la destinée de la France. On est brusquement replacé par cette heure insaisissable qui sépare deux années en face d’une double question : quel chemin a-t-on parcouru ? par quelles œuvres s’est signalée cette période qui s’achève ? — Quel chemin va-t-on parcourir ? Comment procédera-t-on pour détourner du pays les périls que peut lui réserver l’inconnu ?

À vrai dire, cette année qui se clôt aujourd’hui n’a pas une trop brillante histoire. Elle se résume à peu près tout entière en quelques faits caractéristiques dont la responsabilité appartient à un ministère qui venait de se reconstituera la fin de 1880, qui, après avoir eu pour chef M. de Freycinet, passait sous la présidence de M. Jules Ferry. Cette année 1881, elle a commencé en pleine campagne contre les congrégations religieuses. Elle a vu aussi l’expédition tunisienne, cette expédition qui pouvait sans doute être nécessaire dans un intérêt de sécurité, mais qui a été engagée et poursuivie de telle façon qu’elle a mis la confusion dans nos finances comme dans notre armée, laissant en définitive un embarrassant héritage. Elle a vu enfin, cette année 1881, les élections générales, des élections qui n’avaient rien d’inattendu, qui n’étaient que l’application la plus simple des règles constitutionnelles, mais qui ont été combinées avec un tel esprit d’ordre qu’on a en un moment ce spectacle singulier d’une chambre nouvelle venant du monde avant que l’ancienne chambre eût cessé de vivre. Quand le ministère a eu accompli en pouvoir faible ces divers actes d’une médiocre carrière, quand il a eu présidé et à l’expulsion définitive des moines, et à l’expédition de Tunisie, et aux élections générales, il avait fait son étape; il était à bout de vie, il est tombé sous le poids de sa propre impuissance, ou, si l’on veut, il est tombé devant plus fort que lui, devant la prépotence reconnue du moment. Le ministère Ferry a duré un peu plus d’une année. Aujourd’hui, après cette année écoulée, c’est M. Gambetta qui a pris le pouvoir, qui est entré un peu en maître aux affaires, moins préoccupé de trouver des coopérateurs que des serviteurs. Et maintenant, à son tour, que va faire M. Gambetta? Quels sont ses secrets et ses moyens pour parcourir, avec l’autorité et le succès qu’il se promet sans doute, cette carrière nouvelle qui s’ouvre devant lui? C’est là justement qu’est la question, et à voir comment tout s’enchaîne et se presse, comment la marche des choses s’embarrasse è chaque instant, cette question ne laisse pas d’être compliquée. La vérité est que, de ministère en ministère, depuis quelques années, depuis que le régime républicain est établi sans contestation et sans partage, on va à l’aventure, cédant aux pressions des partis, s’abandonnant à un courant qu’on ne maîtrise plus. On est allé si loin qu’à l’heure qu’il est, il n’est plus peut-être bien facile de s’arrêter, de se ressaisir en quelque sorte, de chercher à remettre un certain ordre dans les idées et dans le gouvernement. On en est là, ai seuil de cette aimée 1882 qui commence.

Le mal n’est point d’aujourd’hui ni d’hier sans doute ; il date de plus loin, il s’est étendu et aggravé par degrés, jour par jour, et c’est une puérilité des satisfaits, des complaisans du nouveau régime de ne voir que des mécontens moroses, des ennemis de la république dans tous ceux qui n’ont cessé de signaler avec une indépendante sincérité ce mal envahissant des idées fausses et désorganisatrices, Il ne s’agit nullement de l’existence de la république, qui n’est point mise en doute. Ce qui est en question, ce qui est positivement redoutable, c’est une certaine politique qui, sous une couleur républicaine, n’est qu’une politique de parti ou de secte, qui s’est imposée plus ou moins à tous les ministères depuis l’inauguration de la présidence nouvelle et qui en définitive tend à tout désorganiser. Oh ! sans doute, il peut y avoir des hommes qui, surtout depuis leur avènement aux affaires, commencent à sentir que les choses ne peuvent pas marcher ainsi, et il est même aujourd’hui de mode dans un certain monde officiel de se donner de la gravité, de répéter que le moment est venu de refaire un gouvernement, de relever l’autorité légitime de l’état. Faire un gouvernement sérieux, rien de mieux à coup sûr. On oublie seulement trop souvent que c’est là une œuvre qui a ses conditions, qu’on ne fait pas de l’ordre avec du désordre, qu’on ne reconstitue pas un gouvernement avec toutes les idées, avec des complaisances pour toutes les agitations, pour toutes les réformes chimériques déguisées sous ce nom de progrès, — surtout avec les inspirations exclusives et intéressées de l’esprit de parti. C’est là cependant en qu’on fait depuis quelques années. On prétend réorganiser en désorganisant. On veut raffermir l’administration, ce qui équivaut sans doute à demander avant tout aux administrateurs les lumières, l’aptitude, l’équité impartiale, — et on commence par s’informer de l’orthodoxie des opinions; ces jours derniers encore, dans l’administration financière, on recommandait de surveiller « l’attitude politique » des fonctionnaires. Le résultat est inévitable : au lieu de fortifier l’administration, on l’affaiblit en la réduisant à n’être qu’un instrument de parti. On prétend réformer la magistrature, et pour réformer la magistrature on commence par la détruire, par la rendre au moins suspecte, au risque d’affaiblir l’idée même de la justice. On s’occupe beaucoup de l’armée, qu’on veut toujours puissante, nous en convenons ; malheureusement, on s’occupe de l’armée pour la soumettre à de perpétuels remaniemens, pour faire la guerre à ses chefs ou pour semer l’indiscipline dans ses rangs. Il s’est même trouvé un instant un ministre militaire pour se prêter à toutes ces fantaisies, pour se faire le complice de la désorganisation de l’armée, et les conséquences de cet étrange système n’ont pas tardé à se dévoiler: elles ont éclaté dans les préparatifs incohérens de l’expédition tunisienne. C’est la triste logique de cette œuvre de destruction qui s’accomplit depuis quelques années, qui s’étend un peu atout et qui n’est possible qu’à la faveur de la connivence de ceux qui n’auraient pas dû s’y prêter.

Beaucoup de républicains qui se plaignent ou s’étonnent des difficultés qu’ils rencontrent aujourd’hui ne s’aperçoivent pas, en effet, qu’ils recueillent ce qu’ils ont semé. Ils ont passé leur vie à livrer toutes les nécessités de gouvernement aux suspicions de l’opinion, à désarmer l’état de ses plus simples prérogatives, à déconsidérer l’autorité sous toutes ses formes, à favoriser les indisciplinés de l’armée, à encourager, à patronner souvent toutes les diffamations contre les fonctionnaires, contre les serviteurs publics, et ils sont maintenant exposés à se trouver en présence des déplorables résultats de cette politique de désorganisation dont le pays est, après tout, la victime. Ils peuvent comprendre que les idées fausses portent fatalement leurs fruits un jour ou l’autre, et ces fruits sont parfois réellement amers. Ce que cette politique peut produire, on vient de le voir, on le voit encore à l’heure qu’il est, d’une manière saisissante, par deux incidens qui marquent assez malheureusement cette fin d’année. Le premier de ces incidens est ce bizarre et douloureux procès qui s’est déroulé il y a quelques jours devant la cour d’assises de Paris. Un homme qui a servi le pays avec une énergique fidélité dans les circonstances les plus difficiles, dans la position la plus ingrate, notre ministre à Tunis, M. Roustan, s’est vu tout à coup l’objet de toute sorte de diffamations répandues contre lui en France même. N’aurait-il pas mieux valu laisser tomber ces indignes imaginations? C’était vraisemblablement ce qu’il y avait de plus sage. Le dernier ministère n’en avait pas jugé ainsi, et c’est sous son inspiration ou par son ordre que notre ministre à Tunis s’est décidé à demander justice contre les diffamateurs.

Qu’est-il arrivé cependant? Trois jours durant, devant un jury, au milieu d’une affluence de curieux attirée par l’espoir du scandale, on a fouillé dans les replis les plus secrets de la vie d’un homme. On a fait appel à toutes les indiscrétions, à toutes les divulgations, sans découvrir rien de sérieux contre cet homme qui demandait justice et qui s’est vu transformé en accusé. On n’a rien découvert, et en fin de compte pourtant, après que toutes les accusations et tous les commérages ont pu se produire, c’est la diffamation qui a été innocentée : le diffamé en a été pour ses frais ! Le jury a probablement voulu donner une leçon au pouvoir ; il a cru spirituel de se donner l’air de frapper dans l’agent obéissant ceux qui ont commandé l’expédition de Tunis. Le gouvernement, il est vrai, n’a pas voulu se tenir pour battu par un jugement fait pour réjouir tous les ennemis de notre influence en Orient, et M. le président du conseil s’est décidé à maintenir M. Roustan dans son poste de représentant de la France à Tunis. Fort bien ! mais enfin ce sont des républicains qui ont engagé cette guerre de dénigrement contre un fonctionnaire, et l’absolution des diffamateurs ne reste pas moins comme un encouragement pour ceux qui voudront recommencer. Acquittement ou condamnation d’ailleurs, ce n’est pas même la vraie question, il y a une autre moralité dans une affaire de ce genre. Voilà un homme qui pendant vingt-cinq ans aura servi le pays fidèlement dans des postes lointains et souvent pénibles, qui aura eu plus d’une fois à déployer toute son énergie, à engager sa responsabilité pour la défense désintérêts nationaux. Naturellement il est obligé d’user au besoin des moyens qu’il a sous la main ; de l’aveu de tous cependant il est resté honnête, sans fortune, uniquement occupé de son devoir d’agent de la France, — et un jour vient où, sur la foi d’on ne sait quelles dénonciations obscures ou intéressées, il est exposé à être offert en spectacle devant un prétoire, à voir son nom traîné dans toutes les polémiques, ses plus simples actions dénaturées par l’esprit de parti. Est-ce par cette manière de payer le dévoûment qu’on se figure recruter pour les plus difficiles services du pays des fonctionnaires intelligens, actifs et utiles? S’il devait en être ainsi, la première pensée des agens employés au loin serait bientôt de ne jamais se compromettre, de ne point engager leur responsabilité pour les intérêts nationaux, d’éviter enfin les affaires le plus possible, au risque de laisser décliner l’influence française au milieu de toutes les compétitions ardentes. On aurait bien gagné et la république serait bien servie, si, dans tous les postes compromettans où il y a des intérêts français à défendre nos représentans en étaient chaque matin à craindre d’être dénoncés dans un journal de Paris et d’avoir à intenter, avec le même succès que M. Roustan, des procès en diffamation devant le jury de la Seine !

Veut-on voir à l’œuvre sous une autre forme cet esprit de désorganisation ? C’est cet autre incident du jour, c’est cette candidature sénatoriale improvisée à Paris en faveur d’un officier supérieur de l’armée, M. le commandant Labordère. M. le commandant Labordère sera élu ou ne sera pas élu sénateur de Paris, ce n’est pas là le point le plus important. Ce qui est bien autrement grave, quel que soit le résultat du scrutin du 8 janvier, c’est la signification de cette candidature. Pourquoi a-t-on choisi M. Labordère? Ce n’est point, à coup sûr, pour le jugement et le tact dont il a fait preuve dans les lettres qu’il vient d’écrire. Ce n’est pas non plus pour son aptitude parlementaire, il convient lui-même, avec une certaine affectation de modestie, « qu’il lui manque bien des choses pour être à la hauteur du mandat que les électeurs sénatoriaux songent à lui confier. » Il avoue qu’il entrerait dans un monde où bien des choses lui seraient étrangères et qu’il ne peut promettre aux Parisiens « un mandataire digne de voir son nom uni à ceux de Victor Hugo et de Barodet. « De sorte que M. Labordère, qui met sans façon sur la même ligne M. Victor Hugo et M. Barodet, paraît pour le moins aussi novice dans l’art d’apprécier les hommes qu’il est incompétent en politique, comme il le déclare lui-même. Cela ne l’empêche pas, il est vrai, de défiler tout aussitôt un chapelet de réformes ultra-révolutionnaires, depuis la suppression du sénat jusqu’à la séparation de l’église et de l’état, de se proclamer radical, socialiste « ami des misérables. » Ce qui est parfaitement sensible après cela, c’est que la confusion règne dans cet esprit mal équilibré. Ce n’est point évidemment pour son programme et pour es lettres que le chef de bataillon socialiste a été élevé à la dignité de prétendant au sénat par les radicaux de Paris. Pourquoi donc l’a-t-on choisi? Ah ! c’est là le secret. M. Labordère est un officier qui, au mois de décembre 1877, refusait l’obéissance à ses chefs dans un service commandé, sous prétexte qu’on voulait « l’associer à un crime, » et son élection au sénat serait ni plus ni moins aujourd’hui une leçon donnée au gouvernement, comme l’élection de M. Barodet a été autrefois une leçon donnée à M. Thiers; ce serait une protestation contre la nomination de M. le général de Miribel au poste de chef d’état-major de l’armée qu’il occupait déjà en 1877. Ceci commence à devenir clair.

Ainsi, voilà un officier de l’armée improvisé candidat sénatorial par quelques intransigeans à l’imagination troublée et acceptant sans plus de façon la candidature des mains de ces intransigeans. Il écrit des lettres passablement baroques qui courent partout, qui sont publiées en dépit des règlemens militaires. En affectant de respecter ses chefs, il fait comme s’ils n’existaient pas. Il suggère les moyens d’obtenir de M. le ministre de la guerre une permission pour qu’il puisse venir comparaître, — probablement avec son uniforme de chef de bataillon, dans les réunions électorales. Il se laisse complaisamment affubler, lui, simple officier, de ce rôle de prétendant au sénat choisi à titre de protestation contre un acte du chef de l’armée. Ce que le gouvernement propose, il le combat; d’un seul coup il passe à la commune, il se range parmi les ennemis des pouvoirs constitutionnels, et il s’est fait assurément une place aussi difficile dans l’armée, où il vivait obscurémefnt, que dans cette république régulière où il demande à entrer sous la bannière du radicalisme le plus extrême. Ce n’est pas le candidat de l’indiscipline, dit-on; qu’est-ce donc alors? Si M. le commandant Labordère a pu un jour refuser l’obéissance à ses chefs à l’occasion de faits dont il n’était pas juge, qu’il se permettait d’interpréter sans les connaître, pourquoi ses soldats n’auraient-ils pas également le droit de lui demander compte de ses ordres? Si, par hasard, il a été employé à l’expulsion manu militari des communautés religieuses, qu’aurait-il pu répondre à ceux de ses subordonnés qui auraient refusé de marcher sous prétexte qu’on voulait les « associer à un crime? » Si M. Labordère, qui apparemment a son service dans son régiment, peut faire des programmes radicaux, écrire des lettres, demander à paraître dans les réunions électorales, pourquoi son capitaine, son sous-lieutenant, le sergent-major d’une de ses compagnies n’en feraient-ils pas autant? Si, enfin, tous les membres de la famille militaire, depuis le général jusqu’au simple sous-officier, se mettent à se présenter aux élections, à protester les uns contre les autres, à faire des programmes socialistes, opportunistes ou royalistes, ce qu’il y aurait de plus simple serait d’effacer du budget ce chiffre de près de 600 millions qui pèse sur le pays, qui serait parfaitement inutile, — car ce jour-là il n’y aurait plus d’armée!

Heureusement, jusqu’ici, l’exemple de M. le commandant Labordère est isolé ou peu suivi; mais il suffit pour dévoiler ce mal de la désorganisation qui nous menace, qui se manifeste de temps à autre dans sa choquante crudité. M. le ministre de la guerre, à qui son prédécesseur à laissé de la besogne, a déjà montré de l’indépendance et de l’énergie dans ses choix, dans la défense de ses actes devant le parlement. Il a laissé voir qu’il ne craignait pas la responsabilité, en rappelant au conseil supérieur de la guerre des hommes comme M. le maréchal Canrobert, M. le général Chanzy, M. le général de Galiffet, en replaçant M. le général de Miribel à la tête de l’état-major, — sans penser à M. Labordère. Il n’hésitera sûrement pas devant tout ce qui peut raffermir la discipline et le bon esprit de l’armée. Seulement M. le général Campenon, dans son ministère, ne suffit pas; il a évidemment besoin de se sentir appuyé. C’est en un mot toute une œuvre de gouvernement autant qu’une œuvre militaire, et ici justement revient cette question supérieure de la direction des affaires, telle que M. le président du conseil la comprend, telle qu’elle peut apparaître à travers les actes contradictoires d’un ministère qui n’a que six semaines d’existence.

Tout est là, en effet, et M. le président du conseil ne peut s’y méprendre. Il sait, à n’en pas douter, qu’il joue une grosse partie pour lui-même comme pour la république qu’il représente aux affaires, comme pour le pays qui l’attend à l’œuvre. Assurément M. Gambetta est arrivé au pouvoir dans les conditions les plus favorables, ayant assez de popularité et d’ascendant pour tenter ce que d’autres n’oseraient pas. Tout dépend de la manière dont il se dégagera de cette confusion qui a été la première faiblesse d’un ministère médiocrement composé. M. Gambetta a sans doute montré, lui aussi, qu’il ne redoute pas la responsabilité, Il n’est point étranger, cela va sans dire, aux choix de M. le ministre de la guerre. Il n’a point hésité, pour sa part, à replacer M. Roustan à Tunis, au lendemain d’un procès par lequel on croyait l’avoir atteint lui-même. Il n’a pas craint d’envoyer M. de Chaudordy comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg, en même temps qu’il a envoyé M. de Courcel comme représentant de la France à Berlin. Il a fait quelques autres nominations assez inattendues qui ont provoqué plus d’un commentaire, et qui, dans tous les cas, prouvent que le chef du cabinet est sans préjugés. Il étonnera peut-être encore le monde, il n’y regarde pas de si près, soit. Malheureusement, avec tous ces choix que démentent d’autres choix, qui, en se contredisant, finissent par n’avoir plus de sens, on ne sait plus bien où l’on va. Ce serait là le plus vain et le plus trompeur des systèmes si tout se réduisait à une sorte de ralliement de quelques hommes. M. Gambetta, cela est certain, se ferait la plus singulière des illusions s’il espérait trop d’une distribution plus ou moins habile des fonctions, s’il croyait pouvoir se tirer d’affaire en se créant, d’un côté, des amis ou des cliens par des faveurs et en ménageant, d’un autre côté, les partis les plus avancés par sa politique, par la révision constitutionnelle, par des réformes auxquelles il n’attache peut-être pas lui-même un grand prix. Le résultat le plus sensible de ce système est de laisser l’opinion indécise jusqu’à ce moment de la session prochaine où l’on pourra mieux voir et ce que veut réellement M. le président du conseil et le degré d’appui qu’il trouvera dans le parlement.

Cette année qui finit, elle n’a été sans doute ni pour la France ni pour l’Europe une année de grands événemens. Elle n’aura pas moins eu pour plus d’un pays de l’Europe comme pour la France ses heures critiques, ses confusions, ses incidens dramatiques, et en fin de compte, elle laisse une situation peut-être assez difficile, compliquée de toute sorte de questions intérieures ou extérieures mal réglées. Elle a été pour l’Angleterre l’année d’une nouvelle crise irlandaise, de ces agitations qui sont loin d’être apaisées, avec lesquelles le cabinet de M. Gladstone en est encore à se débattre, dont il n’a pu avoir raison jusqu’ici ni par les mesures libérales du Land-Act ni par les répressions. Elle a été pour la Russie l’année des attentats nihilistes, du meurtre de l’empereur Alexandre II, de cette crise révolutionnaire ou sociale que rien ne peut dompter, qui reste une sinistre énigme et l’embarras croissant du nouveau règne. Non sans doute cette année, dont la dernière heure sonne aujourd’hui, n’aura pas été facile pour les plus grandes puissances qui ont de laborieuses affaires intérieures, et si dans les rapports généraux de l’Europe elle n’a point été marquée par des guerres ou par de dangereuses ruptures, on peut dire cependant qu’il reste bien des incertitudes, bien des problèmes obscurs. Le monde va un peu à l’aventure au milieu des difficultés qui lui font un périlleux cortège d’année en année. A toutes les questions plus ou moins saisissables qui se reproduisent à tout propos, qui intéressent l’ordre international, verra-t-on se joindre d’ici à peu une question nouvelle, cette question semi-religieuse, semi-diplomatique de Rome et de la papauté ? Ce redoutable problème qui semblait sommeiller jusqu’à ces derniers temps va-t-il se réveiller encore une fois? Le fait est qu’il y a là quelque chose qui n’est pas clair. A entendre tout ce qui se dit en Italie comme en Allemagne, à voir tout ce qui se passe, on croirait entrer dans une phase nouvelle des affaires de Rome où le chef de la catholicité et l’Italie se retrouveraient en présence, où le chancelier de Berlin, lui aussi, aurait son mot à dire, son influence à exercer. Le pape, l’Italie et M. de Bismarck, c’est entre ces trois personnages que semble s’agiter une question à la vérité encore assez obscure.

De quoi s’agit-il réellement? Jusqu’à quel point, dans quelle mesure la question est-elle engagée? Ce qui n’est point douteux, c’est que depuis quelque temps, il y a un changement sensible, qui s’explique peut-être par le caractère du nouveau chef de l’église autant que par des circonstances imprévues. Tant que le dernier pape a vécu enfermé au Vatican, la protestation était sa seule diplomatie; c’était aussi sa dignité, la dignité d’un pontife éprouvé par le malheur. Pie IX n’a cessé de protester envers et contre tous. Il a protesté contre les Italiens; il a protesté contre l’Allemagne et contre la Russie, pour les traitemens que ces deux puissances infligeaient aux catholiques. Il a gardé jusqu’au bout dans toute son exaltation le sentiment du pontificat, fortifié et excité par vingt-cinq années d’épreuves. C’était une âme impétueuse et naïve. Son successeur, le pape Léon XIII, s’est trouvé être un politique plein de mesure et de finesse. Temporisateur prudent et habile, il a su ménager son autorité, attendre les circonstances, éviter ou adoucir les conflits, renouer des relations avec des puissances intéressées à la paix religieuse, et le résultat de cette politique pratiquée avec autant de sagacité que de suite a été de refaire en peu de temps pour ainsi dire la situation du pontificat. Par son habile modération, Léon XIII, le nouveau « prisonnier du Vatican, » s’est créé une force de plus dans ses revendications comme dans ses résolutions, et c’est précisément ce qui donne plus de portée aux manifestations récentes par lesquelles il a cru devoir s’élever contre la position qui lui est faite à Rome. Les Italiens, par leurs imprudences, ont malheureusement donné dans ces derniers temps au chef de l’église plus d’une occasion de se plaindre. Il y a quelques mois, la translation des cendres de Pie IX a été le prétexte de scènes aussi pénibles que déplacées, qui ont eu du retentissement dans plus d’un pays catholique, et ce n’est pas le seul fait de ce genre. Léon XIII s’est donc plaint vivement. Il a insisté avec amertume sur la condition à laquelle il se trouvait réduit et qu’il a représentée comme u devenant de jour en jour plus intolérable. » Faut-il en conclure que le pape serait disposé à donner prochainement une sanction à ses paroles en quittant Rome, en allant chercher un asile en Allemagne, à Fulda ou ailleurs? On l’a dit, on le répète encore. Il est fort possible que Léon XIII tienne à ce qu’on sache bien que lui, le plus modéré des pontifes, il n’hésiterait pas à partir si on lui rendait le séjour du Vatican trop difficile.

Tout semble indiquer cependant qu’il est décidé à épuiser tous les moyens avant d’en venir là, et ce qui laisse peut-être entrevoir la pensée du chef de l’église, c’est une brochure qui a paru, tout récemment, au lendemain des derniers discours pontificaux, qui a été, dit-on, inspirée par le Vatican, et qui a pour titre le Pape et l’Italie. Qu’on le remarque bien, cette brochure ne ressemble nullement à une déclaration d’incompatibilité entre la papauté et l’Italie. Elle n’admet pas, il est vrai, comme possible la continuation de ce qui existe par la soumission du pape aux faits accomplis, par une « conciliation » chimérique du chef de l’église et du roi, résidant ensemble à Rome. Elle admet encore moins l’intervention des armées étrangères pour défaire ce qui a été fait, elle évite même de relever dans son intégrité la question de la souveraineté temporelle, de l’ancien état pontifical. Ce qu’elle représente comme possible et réalisable, c’est « une réconciliation » du pape et de l’Italie sans appel aux armées étrangères, sans violences, par la force des choses, par le sentiment d’un intérêt bien entendu qui conduirait les Italiens à choisir une autre capitale, et faisant une application nouvelle d’un mot souvent prononcé, elle parle à son tour d’une « papauté indépendante et libre dans une Italie libre et indépendante. » En d’autres termes, c’est une proposition de paix accompagnant les discours par lesquels Léon XIII s’est efforcé récemment de démontrer que la loi des garantie-; n’était qu’un vain palliatif, qu’elle ne pouvait suffire pour protéger la dignité et la liberté du chef de l’Église. Que les Italiens refusent de se rendre à ces suggestions, c’est bien évident. Ils sont à Rome, ils veulent y rester; ils n’admettent pas même la discussion sur ce point qui touche à leur orgueil national. Ils ne sont pas moins émus de ces manifestations pontificales qui ont eu un si grand retentissement. Les Italiens réfléchis et sages comprennent bien que l’Italie, par des raisons intérieures autant que par des considérations européennes, est la première intéressée à retenir le pape à Rome. Ils défendent autant qu’ils le peuvent la loi des garanties, et ils se montrent justement inquiets de tout ce qui pourrait remettre en doute une situation qu’ils croyaient avoir définitivement conquise; mais ce qui est fait surtout pour les émouvoir, pour leur donner à réfléchir, c’est la manière même dont cette question s’est reproduite, parce que, d’un seul coup, ces derniers incidens leur ont révélé la position d’isolement dans laquelle l’Italie s’est placée.

Chose curieuse, en effet! c’est au moment où les Italiens employaient tous les moyens pour entrer dans l’alliance austro-allemande, pour conquérir les faveurs du chancelier de Berlin, c’est à ce moment que le pape a renouvelé ses revendications, et si le pape, qui est un habile politique, a parlé comme il l’a fait, c’est qu’évidemment il s’est cru encouragé, c’est qu’il a jugé l’heure favorable, c’est qu’enfin il a compté sur quelque appui. Cet appui, plus ou moins réel, plus ou moins décisif, ne peut lui venir sérieusement que de l’Allemagne, de sorte que M. de Bismarck, placé entre l’Italie et le pape, semblerait pour le moment avoir fait son choix. Il serait avec le Vatican plutôt qu’avec le Quirinal. Les Italiens n’ont pu s’y méprendre; ils ont senti aussitôt ce qu’il y avait de grave, d’assez pénible pour eux dans cette position passablement équivoque où ils se sont placés avec leur voyage platonique à Vienne, avec leurs démarches encore plus inutiles à Berlin. Ils ont eu beau essayer de déguiser, en fins diplomates qu’ils sont, un désappointement assez naturel et prendre leur revanche par toute sorte de théories transcendantes sur les intentions présumées, sur les profonds calculs de M. de Bismarck : le fait clair et net, c’est qu’ils ont brigué une alliance qu’ils n’ont pu obtenir, c’est qu’ils ont cherché un appui qu’ils n’ont pu trouver, et que, pendant ce temps, ils ont vu reparaître à l’improviste une question qui les touche dans une de leurs parties faibles, qui leur a fait sentir leur isolement en Europe. Ils en sont là, un peu embarrassés du leur position singulière entre le pape et l’Allemagne.

Est-ce à dire que M. de Bismarck se soit réellement constitué le protecteur du saint-siège, qu’il ait fait entrer dans ses projets un rétablissement, même partiel, de la souveraineté temporelle du chef de l’église catholique ? Ce serait probablement aller trop loin et voir dans la diplomatie du puissant chancelier plus qu’il n’a voulu y mettre ; mais ce qui est suffisamment apparent, c’est que M. de Bismarck, poursuivant en cela un dessein profondément médité, tient à faire sa paix avec le saint-siège, et cette paix une fois faite, il est clair que la situation internationale du souverain pontife s’en trouverait singulièrement fortifiée. Un ambassadeur d’Allemagne auprès du Vatican serait une garantie qui aurait certainement sa valeur. En allant fixement à son but comme il paraît le faire, M. de Bismarck n’agit pas par un sentiment d’hostilité contre les Italiens. Ce qu’il poursuit, il le fait dans l’intérêt de sa politique intérieure, toute monarchique et conservatrice, pour laquelle il veut s’assurer des appuis dans le parlement, et il le fait aussi dans l’intérêt de son alliance avec l’Autriche. Évidemment, entre Vienne et Berlin, les intentions à l’égard de Rome sont aujourd’hui les mêmes ; elles sont toutes favorables, et, selon toute apparence, les Italiens n’auraient pour l’instant quelque chance de pénétrer dans l’alliance austro-allemande qu’en modifiant leur politique religieuse. De tout cela résultera-t-il un jour ou l’autre quelque négociation européenne au sujet de la situation du souverain pontife ? Ce n’est point impossible ; pour le moment cependant, on ne distingue rien de semblable. Ce qu’il y a de certain, c’est que si M. de Bismarck paraît fort occupé de ses affaires intérieures, il ne laisse pas sa diplomatie sommeiller, et ses négociations avec Rome ne sont pas l’unique objet de son activité. L’autre jour, un ambassadeur extraordinaire du sultan recevait à Berlin un accueil exceptionnel, et, d’un autre côté, l’influence allemande règne à Constantinople. Tout ce qui est allemand est en singulière faveur auprès du sultan. Ainsi, au même instant, M. de Bismarck noue savamment tous ses fils diplomatiques. Il fait sa paix religieuse avec Rome sans s’inquiéter de ce qu’en diront les Italiens ; il a une alliance intime à Vienne ; il a la prépondérance à Constantinople. Il a partout, en Orient et en Occident, ses moyens d’action assurés, organisés. Tout ce qu’on peut désirer, c’est que cette immense puissance s’emploie à maintenir et à prolonger la paix de l’Europe.


CH. DE MAZADE.

LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE


La crainte de la liquidation de fin décembre a pesé sur les transactions de la Bourse de Paris, pendant toute la dernière quinzaine de l’année, et a déterminé un mouvement de réaction assez vif sur les rentes et sur la plupart des valeurs. Au dernier moment, c’est-à-dire à la veille de la réponse des primes, les appréhensions ont paru s’atténuer, et la spéculation à la hausse, dont les convictions avaient été quelque peu ébranlées par les prédictions les plus sinistres sur l’imminence d’un effondrement, a repris courage. Les prix des valeurs se sont relevés, et il semble que la liquidation du 2 et du 3 janvier ne différera en rien de celles qui l’ont précédée. Les acheteurs subiront tous les sacrifices qui leur seront imposés ; l’argent sera très exigeant, mais ne fera point défaut; les caisses de reports serviront un intérêt des plus respectables à leurs déposans, et les capitalistes avisés auront pu obtenir un emploi temporaire à 10 pour 100, même sur de bonnes valeurs.

A Londres aussi, on avait conçu de vives inquiétudes au sujet de la liquidation qui s’est effectué du 27 au 30; un moment, la situation a été critique; les acheteurs de certaines valeurs ne pouvaient trouver à se faire reporter, même à 25 pour 100. Les grandes banques sont venues au secours de la place, et aussi tôt l’argent est retombé au prix déjà bien raisonnable de 8 à 10 pour 100, Les spéculateurs du Stock-Exchange ont-ils au moins tenu compte de l’avertissement significatif qui venait de leur être donné? Dès le lendemain, la hausse reprenait son élan de l’autre côté du détroit, et c’est en grande partie sur ce revirement du marché anglais que notre propre marché s’est raffermi dans la journée du 30.

La baisse des rentes françaises, et notamment du 5 pour 100, a été l’objet de nombreux articles dans la presse politique pendant cette quinzaine. L’influence qu’exerce aujourd’hui sur les tendances de l’opinion publique la hausse ou la baisse des valeurs mobilières, par suite de la diffusion infinie des placemens, est telle que les politiciens n’ont pu voir le 5 pour 100 fléchir au-dessous de 115 francs sans se croire obligés d’expliquer ce fait par des raisons méthodiquement déduites, soit de la situation politique en général, soit des exagérations condamnables de la spéculation.

Sans attacher plus d’importance qu’elles n’en méritent à des hypothèses de ce genre, on doit reconnaître que toutes les raisons alléguées pour expliquer la baisse du 3 pour 100 se fondent pour ainsi dire dans une raison unique, la cherté du prix que les spéculateurs ont été obligés de payer pendant plusieurs mois pour conserver leurs positions.

La crise des reports est bien plus intense sur les valeurs que sur les rentes. Mais les acheteurs consentent à tous les sacrifices parce qu’ils retrouvent dans la plus-value des cours une compensation plus que suffisante. Que cet état de choses ne puisse se prolonger longtemps, le fait est de toute évidence. Mais il n’y a pas à craindre qu’il aboutisse à un cataclysme général. Les valeurs ont dans la haute banque de puissans appuis. Le jour où des retours en arrière paraîtront absolument nécessaires, ils s’effectueront sans trouble profond sur le marché, et les seules victimes seront les imprudens qui n’auront pas craint de considérer les cours actuels de certains titres comme pouvant servir de point de départ à de nouvelles razzias de bénéfices.

On espère généralement que l’argent se détendra un peu en janvier par suite de l’accroissement considérable de disponibilités qui se produit habituellement dans le premier mois de l’année. On ne saurait s’attendre toutefois à une modification bien sensible, pendant les trois mois qui vont suivre, du taux officiel du loyer de l’argent. On dit que la question de la réduction du taux de l’escompte à 4 pour 100, posée dans le dernier conseil de la Banque de France et résolue par la négative, sera de nouveau agitée dans les premières semaines de 1882. Ce qui est certain, c’est qu’à Londres les directeurs de la Banque d’Angleterre ne paraissent nullement disposés à diminuer le taux de l’es- compte avant la reconstitution de la réserve à son niveau normal.

Le 5 pour 100 a fléchi d’abord rapidement de 115 fr. 50 à 114 francs. Sur ce cours, une lutte très vive s’est engagée ; la position a été tour à tour perdue et reprise par les acheteurs; finalement, elle reste en leur possession ; les opérations de reports effectuées par anticipation ont fait coter des cours variant de fr. 70 à fr. 65. Le 3 pour 100 ancien et les deux amortissable.-; ont suivi le 5 pour 100 dans le mouvement de baisse.

Le dividende semestriel de la Banque de France a été déclaré le 26 courant. Quel les spéculateurs ont paru déçus de ne le voir fixé qu’au chiffre de 135 francs, et des réalisations ont fait fléchir l’action à 5,620 francs. La reprise ne s’est pas fait attendre. On a coté hier 5,800 francs. Les bénéfices continuent à dépasser 1 million de francs par semaine.

Les cours des actions des établissemens de crédit ont été très discutés. La Banque de Paris a été ramenée de 1,330 à 1,300 francs et n’a pu qu’avec peine se maintenir à ce dernier cours. Le Crédit foncier a fléchi de 1,820 à 1,760 francs, puis s’est relevé à 1,785 francs. L’Union générale avait dépassé, le 15 courant, le cours de 3,000 francs. Mais les acheteurs ayant eu à subir un report de 120 francs environ, des liquidations volontaires se sont produites, et cette valeur a été ramenée à 2,700 francs. Nous la retrouvons à 2,975 francs hier. On sait que c’est le mois prochain que doit être opérée la transformation des titres actuels libérés de 125 francs seulement en titres entièrement libérés.

La Société générale a reculé d’une vingtaine de francs à 825, la Banque franco-égyptienne de 30 à 40 francs à 910. La plupart des valeurs nouvelles. Crédit de France, Crédit de Paris, Banque romaine, Banque commerciale et industrielle, Banque centrale du commerce et de l’industrie, etc., ont été maintenues à flot par les syndicats financiers qui les avaient créées ou lancées.

Le Suez a reculé de 3,480 à 3,150. On parlait de livraisons de titres qui allaient rendre la liquidation de cette valeur impossible. Les acheteurs ont répondu en portant de nouveau l’action à 3,350 et la Part civile au-dessus de 2,600. Le Gaz s’est maintenu difficilement à 1,600 ; on a poussé jusqu’à 1,875 l’action des Omnibus, bien que l’examen de toutes les questions se rattachant à la fusion projetée de cette société avec les compagnies des Tramways sud et nord ait été encore une fois ajourné par. le conseil municipal. Le Chemin de fer du Nord a été fort recherché au-dessus de 2,200; le Lyon, le Midi et l’Orléans ont été plutôt délaissés. Des spéculateurs aventureux ont poussé le Panama jusqu’à 620; c’était dépasser le but, s’il s’agissait seulement d’assurer le paiement régulier des 125 francs appelés en janvier; car beaucoup de porteurs de titres ont profité de cette hausse inespérée pour vendre et se dégager ainsi du souci du versement.

Il s’est livré à Londres et à Paris une grande bataille sur l’Extérieure espagnole. Ce titre, après avoir atteint 32, a été refoulé à 29 1/2 et est tenu en ce moment à 30 3/8. Les haussiers se croient certains de la victoire après la liquidation.

Le sultan a donné sa signature à l’arrangement intervenu entre la Porte et ses créanciers dans les diverses contrées de l’Europe. Le régime nouveau de la dette turque va être inauguré en janvier 1882. Comme nous l’avions fait pressentir, la Banque ottomane a été la première à recueillir les avantages de l’heureuse solution obtenue à Constantinople. Les actions de cet établissement ont monté de près de 100 francs depuis la signature de l’iradé.

Le 5 pour 100 italien, très délaissé, n’a pu que se maintenir au-dessus de 90 francs, et l’Égyptienne unifiée, après avoir fléchi à 350, s’est relevée à 360, cours auquel elle avait été compensée à la dernière liquidation.


Le directeur-gérant : C. BULOZ.