Chronique de la quinzaine - 14 janvier 1882

Chronique n° 1194
14 janvier 1882


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier 1882.

Jusqu’ici, ce qui s’est passé depuis l’avènement du nouveau ministère, depuis deux mois bien comptés, n’a été qu’un préliminaire, et, si l’on nous permet le mot, la préface d’une œuvre qui avait à se dessiner, à se dégager d’une certaine confusion. Tout s’est réduit, pendant ces deux mois, sans parler de la courte session de décembre, à quelques déclarations sommaires, à des arrangemens d’entrée au pouvoir, à des choix de personnel plus ou moins contestés, à des incertitudes d’opinion, à des explosions de surprise ou de mauvaise humeur et à des polémiques bruyantes. Aujourd’hui, la période des préliminaires est finie; c’est l’œuvre même, c’est l’action décisive qui va sérieusement commencer. C’est la vraie campagne qui s’engage avec l’ouverture du parlement, avec une chambre des députés qui n’a pas eu encore bien le temps de se reconnaître, un sénat qui vient d’être renouvelé et un ministère qui n’a pas décidément grandi depuis ces deux mois, qui, placé entre les deux assemblées, a sa politique à préciser et à expliquer, sa position et son ascendant à reconquérir. Il n’y a plus à reculer désormais. Idées de gouvernement, programme de révision constitutionnelle, réformes administratives, militaires ou financières, tout doit se traduire en projets et en votes. Le chef du cabinet, M. Gambetta, réussira-t-il à se débarrasser des interpellations qui l’attendent, à faire accepter la révision constitutionnelle telle qu’il la comprend, à dominer ses adversaires, à rallier ses amis récalcitrans, à sortir victorieusement, en un mot, des confusions amassées autour de lui? N’aura-t-il, au contraire, passé au ministère que pour ajouter en deux mois un chapitre de plus à cette éternelle histoire de la grandeur et de la décadence d’un prétendant ambitieux et déçu? C’est là vraiment la question qui s’agite dans les conversations, dans les polémiques de tous les jours, en attendant qu’elle soit débattue et tranchée à la pleine lumière des débats parlementaires qui vont s’ouvrir. La situation est, certes, curieuse à observer, et elle est surtout étrange par le genre de difficultés que M. le président du conseil est arrivé si vite à se créer, par la nature de l’opposition qu’il rencontre, par les incohérences de partis qui se dévoilent, par les conséquences que peut avoir le dénoûment, quel qu’il soit, des prochaines luttes du parlement.

Cette situation difficile et extrême qui apparaît aujourd’hui, c’est assurément M. le président du conseil qui a le premier contribué à la créer et qui n’a pas tardé à l’aggraver par son humeur dominatrice, par ses habitudes de prépotence personnelle. La première faute de M. Gambetta a été dans la manière dont il a formé son cabinet, et s’il a composé son cabinet comme il l’a fait, c’est qu’il a cru manifestement que sa présence au pouvoir, son nom, son importance, répondaient à tout. Il était président du conseil, le reste importait peu, ce n’était plus qu’un détail insignifiant. Il s’est passé la fantaisie de satisfaire des amitiés, de multiplier les ministères en déplaçant les services, de donner la marine à M. Gougeard, les finances à M. Allain-Targé, qui plie sous le fardeau, les cultes à un ennemi de tous les cultes, M. Paul Bert, qui a entrepris de compléter le concordat en le détruisant. C’était montrer du premier coup la plus singulière défaillance de sens politique. M. le président du conseil, il est vrai, a cru rétablir un certain équilibre et rehausser son gouvernement en allant chercher dans tous les camps des hommes de mérite pour les plus hautes fonctions. Il n’a pas craint d’appeler M. le général de Miribel au poste de chef d’état-major de l’armée, d’envoyer M. de Chaudordy comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg, de placer M. Weiss à la direction politique des affaires étrangères, et il y avait certes quelque courage dans ces choix. Si cette distribution des fonctions de l’état eût été le résultat d’une politique pratiquée avec suite, avec une impartiale élévation d’esprit, elle aurait eu, sans nul doute, une sérieuse et rassurante signification. Malheureusement, il est trop clair que ce n’était là encore qu’une fantaisie, et M. le président du conseil en est bientôt arrivé à ne contenter personne. Il n’a sûrement pas désintéressé les esprits libéraux qui auraient pu être satisfaits de le voir suivre une politique d’intelligente impartialité, et il n’a réussi qu’à indisposer, à irriter nombre de ses amis qui, pour le coup, se sont crus positivement trahis en voyant des fonctions dérobées aux républicains.

Ce n’est pas tout, et ce n’est même pas la faute la plus sérieuse de M. le président du conseil. L’erreur la plus grave de M. Gambetta a été de croire qu’il pouvait sans danger porter au gouvernement les idées, les procédés, la politique du chef d’opposition, qu’il n’avait qu’à parler pour faire accepter notamment et la réforme du sénat et le rétablissement du scrutin de liste, et tout ce qu’il avait inscrit dans ses programmes. Il n’a pas eu le courage de reconnaître que ce qu’il avait de mieux à faire pour le moment, c’était de gouverner le mieux possible, de ne rien précipiter et d’attendre tout au moins les élections sénatoriales qui allaient s’accomplir. Il s’est cru engagé, et il a voulu marcher quand même. Qu’est-il arrivé? Les élections se sont faites, et la révision, que rien ne nécessitait avant le 8 janvier, paraît plus que jamais sans objet aujourd’hui; elle n’est qu’une fantaisie de plus. M. Gambetta se donne l’air de vouloir réformer le sénat au moment même où le jeu naturel des institutions lui donne une majorité au Luxembourg et atteste l’inutilité de la révision. Avec le scrutin de liste qu’il veut à tout prix inscrire dans la constitution, il semble, d’un autre côté, se préparer une arme, suspendre la menace d’une dissolution éventuelle sur une chambre des députés qui a été élue par le scrutin d’arrondissement, qui est à peine née d’hier et qui n’a pas envie de mourir. Ses réformes, que rien ne motivait, ni un intérêt public, ni même un intérêt de parti bien entendu, ne sont point des réformes: ce sont des changemens inutiles ou peut-être dangereux, imaginés, suggérés par l’esprit de mobilité bien plus que par un esprit sérieusement politique. M. le président du conseil, en tout cela, n’a point agi en homme de gouvernement; il est resté un chef d’opposition, un agitateur marchant à l’aventure sans s’inquiéter de la réalité des choses, allant sans le vouloir et sans y songer au-devant de ces résistances, de ces difficultés qu’il voit s’élever autour de lui, qui deviennent aujourd’hui un de ses embarras et une de ses faiblesses.

Oui sans doute, depuis deux mois, M. Gambetta a passablement gaspillé sa fortune ministérielle et son crédit par ce qu’il a fait ou par ce qu’il n’a pas fait. Il n’a pas été l’homme de gouvernement qu’on attendait; il s’est montré à la fois présomptueux et indécis. Il a imprudemment soulevé des problèmes qu’il pouvait se dispenser de remuer et qu’il n’est pas sûr de résoudre avec avantage. Loin d’étendre son influence, il a fini au contraire par exciter une certaine impatience un peu dans tous les camps. On ne sait plus quelle est sa politique, on ne sait pas où il va et où il nous conduit, — c’est le mot répété tous les jours. Soit, M. Gambetta a jusqu’ici médiocrement usé du pouvoir; mais enfin, il faut être juste, il n’est pas le seul auteur de l’état présent des choses, de cette sorte de crise indéfinissable où l’on se débat aujourd’hui, et, pour des spectateurs désintéressés, les lamentations des républicains qui accusent maintenant leur chef, qui menacent de se tourner contre lui, sont tout au moins curieuses. Qu’on parle sans détour ; pour ces adversaires d’un nouveau genre, le crime du chef du cabinet est justement peut-être ce qu’il a fait de mieux. Ce qu’on ne peut lui pardonner, c’est d’avoir eu le courage de se dégager pour un moment des préjugés exclusifs de parti et d’avoir osé choisir pour de grandes positions des hommes réputés suspects. Voilà le terrible grief ! C’est depuis cette nomination de M. de Miribel, de M. de Chaudordy, de M. Weiss, que la guerre a commencé, pour s’envenimer et se compliquer de jour en jour. Après tout cependant ce n’est qu’un incident qui n’a pas mis la paix publique en péril! Sauf cela, est-ce que la plupart des républicains qui se montrent si animés aujourd’hui contre le ministère n’ont pas leur responsabilité dans la politique, même dans quelques-uns des actes de M. le président du conseil? Est-ce qu’ils n’ont pas été les premiers à pousser M. Gambetta au pouvoir, à le représenter comme le ministre nécessaire, presque providentiel de la république? Ils l’ont encouragé et suivi jusque dans ses entraînemens et dans ses fautes. Ils ont maintenant l’air de se plaindre d’une révision constitutionnelle qui aurait pu être évitée, qu’ils commencent à juger inutile ou prématurée; ils oublient seulement que cette révision, ils l’ont acceptée, ils l’ont inscrite dans leurs programmes électoraux, comme s’ils l’approuvaient; et ils ont sanctionné depuis par leurs votes les déclarations ministérielles qui leur promettaient la réforme du sénat. Ils semblent tout surpris que le chef du cabinet se montre résolu à faire passer le scrutin de liste dans la constitution réformée; mais qui donc a pu se méprendre un seul instant et ne pas voir que c’était là le principal, sinon l’unique objet de M. le président du conseil? Il y a deux mois que, sans rien savoir, nous avons dit nous-même que M. Gambetta donnerait probablement tout le reste de la révision pour le scrutin de liste, et il est au moins étrange que des hommes de parlement aient l’air de ne pas se douter de ce qu’ils font, qu’ils paraissent s’ébahir d’une proposition à laquelle ils devaient être préparés. S’ils désapprouvaient cette politique de la révision et du scrutin de liste, qui est assurément plus grave par sa portée et par ses conséquences que la nomination de M. de Miribel, ils n’avaient qu’à le déclarer nettement d’avance; ils n’avaient qu’à unir leurs efforts à ceux des libéraux, des modérés républicains qui ont refusé de s’engager, qui ont protesté dès le premier jour par leurs réserves. S’ils avaient agi ainsi en hommes sérieux, ils auraient, selon toute apparence, découragé le gouvernement; ils l’auraient vraisemblablement arrêté dans la voie scabreuse où il allait s’aventurer.

Les républicains qui gémissent aujourd’hui et récriminent contre le chef du cabinet n’en ont rien fait. Ils ont accepté d’être les complices d’une politique certes peu rassurante. Ils ont laissé se préparer sous leurs yeux des réformes constitutionnelles que le gouvernement a l’intention de limiter, nous le voulons bien, mais qui, en définitive, peuvent dépasser toutes les prévisions, le jour où un congrès souverain se trouvera réuni. Ils ont tout laissé faire de peur de paraître résister à un prétendu progrès démocratique, et la conséquence, la voilà : c’est une situation extrême où tout est poussé à bout, où il faut absolument que quelqu’un se soumette ou se démette encore une fois. Au point où en sont les choses, l’alternative est aussi nette qu’inquiétante. Si, malgré des mouvemens évidens de mauvaise humeur et des velléités de résistance, la majorité se décide à tout accepter, le scrutin de liste comme tout le reste, c’est le parlement qui se soumet, et on ne voit pas bien comment, en dépit de toutes les promesses, on pourrait éviter une dissolution prochaine, une réélection des deux chambres dans les conditions nouvelles. Si la majorité, piquée dans son orgueil, se laisse aller à la résistance, refuse d’inscrire le scrutin de liste dans la constitution, c’est M. le président du conseil qui se déclare obligé de se retirer. Il ne dissimule pas qu’il attache sa fortune ministérielle à ces projets de révision portés aujourd’hui même à la chambre, qu’il est prêt à abandonner le pouvoir si on lui refuse ce qu’il demande comme un acte de confiance. Il se démettra, et il est trop clair qu’un nouveau ministère n’aurait pas une existence facile avec M. Gambetta redevenu chef de parti dans la chambre, retrouvant dans l’opposition la popularité et l’ascendant. Que M. le président du conseil se retire ou que la chambre se soumette, dans les deux cas c’est la chance de crises nouvelles dont la France n’avait certes pas besoin, qu’elle ne demandait pas, fût-ce pour avoir cette réforme constitutionnelle et ce scrutin de liste, qui l’ont laissée, jusqu’ici, il faut l’avouer, assez indifférente.

Mieux eût valu, assurément, détourner du pays ces chances de crises souvent périlleuses, tout au moins fatigantes, et rien n’eût été plus facile s’il y avait eu plus d’esprit politique dans la chambre, si le gouvernement, à son tour, avait montré plus de maturité, plus d’empire sur lui-même. Qu’y avait-il de plus simple que la position de M. Gambetta au moment où il est arrivé au pouvoir? On attendait trop de lui, c’est possible, et c’est toujours un danger d’éveiller des espérances qu’on ne peut satisfaire, d’avoir autour de soi une certaine opinion factice qui s’attend à de l’imprévu. M. le président du conseil, dans tous les cas, entrait au gouvernement avec une mesure suffisante d’autorité et de crédit pour rester maître de ses résolutions. Il n’avait qu’à former un ministère plus sérieux d’abord, à laisser provisoirement sommeiller toutes ces questions constitutionnelles qu’aucune nécessité pressante n’imposait, et à rester le chef actif, sérieux d’un gouvernement occupé des affaires qui intéressent le pays, des finances, des traités de commerce qui sont en suspens, de l’armée qui attend une réorganisation, une direction. Avec cela M. le président du conseil aurait eu peut-être là une existence ministérielle moins retentissante; il aurait pu durer, puisqu’il avait une majorité dans les deux chambres, et pour un homme politique sérieux, c’est quelque chose de durer, de ne pas passer comme un ouragan aux affaires, de ne pas s’exposer à se voir emporté dans une bourrasque après deux mois. Avant de s’engager dans ses grandes aventures, M. Gambetta, pour son propre intérêt, aurait mieux fait de méditer ce que M. Guizot disait, il y a bien longtemps déjà : « Pour se faire pardonner le pouvoir, il faut le garder assez longtemps; de petites et fréquentes vicissitudes, dans une grande situation, ont pour la masse des spectateurs quelque chose de déplaisant et presque d’ennuyeux. Elles diminuent celui qui les accepte quand elles ne le décrient pas. » Malheureusement, à voir tout ce qui se passe encore aujourd’hui, ces agitations, ces incohérences, ces conflits entre le chef du cabinet et les partis surexcités, on est plus que jamais tenté de se demander si les républicains, ceux qui se donnent pour des républicains privilégiés, ne portent pas en eux-mêmes une sorte d’inaptitude à durer, à exercer un gouvernement régulier.

C’est leur faiblesse et leur malheur : ils sont toujours les premiers à ébranler le régime de leur choix, à recommencer les agitations quand la république paraît s’asseoir. Ils parlent sans cesse de faire un gouvernement, de former un parti de gouvernement, et ils sont toujours prêts à favoriser ce qui détruirait tous les gouvernemens. L’instabilité constitutionnelle les attire. Ils ne peuvent se défendre d’un certain goût pour les incidens anarchiques, pour tout ce qui met la désorganisation dans les services publics, dans l’armée, dans la magistrature, dans les finances, et les ministres qu’ils chargent de les représenter au pouvoir craignent par-dessus tout de paraître résister à leur parti. On vient bien de le voir encore une fois dans les récentes élections sénatoriales à propos de cette candidature de M. le commandant Labordère, qui a été imaginée par les radicaux et sur laquelle le gouvernement n’a pas osé avoir une opinion. M. Labordère a donc été élu sénateur par les Parisiens, qui ne manquent jamais une si belle occasion. Il a été élu après avoir quitté son régiment pour venir faire des discours dans les réunions publiques, après s’être laissé représenter comme le candidat de la protestation contre les chefs de l’armée, comme le modèle du soldat refusant au besoin d’obéir. Il ne sera sûrement pas, d’après ce qu’il a dit et écrit, un savant législateur de plus; il reste un spécimen de l’esprit de désorganisation militaire, un triste produit de l’invasion de la politique dans l’armée. Il reste à savoir ce que peut être ce sénateur radical aux quatre galons, dans un régiment où il ne semble pas qu’il ait encore cessé de compter, et comme il n’y a pas deux mesures, ce qui est vrai de M. Labordère l’est tout aussi bien de M. le gouverneur de Saint-Cyr, qui, lui aussi, a été élu sénateur. La candidature de M. le commandant du premier bataillon de l’armée française a fait moins de bruit, il est vrai ; elle ne s’est pas présentée comme une protestation contre d’autres chefs militaires. Ce n’est pas moins l’acte d’un officier quittant son service pour courir les chances électorales, s’enrôlant dans un parti, souscrivant à des programmes, et allant chercher dans un scrutin le droit de contrôler et de juger le premier de ses supérieurs, le chef de l’armée lui-même. Si M. le gouverneur de Saint-Cyr, qui ne s’était pas révélé comme un personnage politique, avait une vocation parlementaire si marquée, que ne quittait-il d’abord l’école, dont la direction nécessite une application de tous les instans? Quelle est aujourd’hui sa position? quelle autorité peut-il avoir pour recommander à des jeunes gens qui seront demain des officiers de ne pas s’occuper de politique, de ne point aller aux messes royalistes ou aux banquets radicaux? Franchement tout cela est du désordre. Que des chefs militaires vieillis dans l’armée entrent dans une assemblée, rien de mieux, ils sont une lumière et un conseil. Des officiers en activité doivent rester à leur service, ou ils n’ont qu’à donner leur démission, et M. le ministre de la guerre serait dans son rôle en rappelant ce devoir à ceux qui seraient tentés de l’oublier.

Oh ! assurément, à l’heure où nous sommes, il y aurait beaucoup à faire pour revenir à de plus saines traditions, et M. le comte d’Haussonville, dans la brochure qu’il vient de publier sous le titre d’un Programme de gouvernement, peut justement poser cette question : « Où sommes-nous et qu’y aurait-il à faire? » M. d’Haussonville, dans ces pages instructives, énumère avec autant de droiture que de netteté toutes les déviations qui se sont accomplies depuis quelque temps dans la politique extérieure, dans la politique intérieure, dans les finances, et il en conclut naturellement qu’il faudrait s’arrêter, qu’il faudrait revenir au patriotique programme des premières années qui ont suivi les désastres de la France. C’est une œuvre laborieuse, difficile sans doute, digne cependant de tenter tous les esprits libéraux et modérés dévoués à leur pays sous la république comme sous tout autre régime.


Les affaires de l’Europe, de leur côté, ne sont certes pas à l’abri des accidens. Ce que l’année nouvelle réserve de surprises à l’Orient comme à l’Occident, on ne le sait pas, et ce qu’il y a de plus simple, de plus pratique pour la diplomatie, c’est de tâcher de faire face aux incidens à mesure qu’ils surgissent, ou de les prévenir quand c’est encore possible. L’Angleterre et la France auront elles réussi à prévenir des complications par l’acte significatif qu’elles viennent d’accomplir d’un commun accord à Alexandrie ? Ce qui est certain, c’est que l’Egypte est pour le moment un des points de l’Orient où les surprises sont redevenues possibles, et que les deux puissances engagées par des intérêts égaux, par le contrôle qu’elles exercent en commun, ont voulu prendre leurs précautions à temps et à propos contre l’imprévu.

Voici déjà quelque temps, à vrai dire, que ces affaires égyptiennes menacent de devenir une difficulté des plus graves. Elles sont entrées dans une phase aussi confuse que périlleuse par cette insurrection militaire qui s’est reproduite à plusieurs reprises et qui, en fin de compte, il y a quelques mois, s’est imposée au pouvoir affaibli du nouveau khédive, Tewfik-Pacha. Quelques colonels, dont le principal, Arabi-Bey, est un aventurier aussi résolu qu’ambitieux, ont réussi à établir une sorte d’influence soldatesque en se donnant pour les représentans et les porte-drapeaux de ce qu’ils appellent le « parti national. » Un moment on a cru obtenir des chefs une apparence de soumission en leur accordant une partie de ce qu’ils demandaient, en appelant au pouvoir Cherif-Pacha, en convoquant une assemblée des notables, qui est depuis quelques semaines réunie au Caire. Le fait est que la sédition est restée organisée, toujours menaçante, et, récemment encore, un journal anglais publiait une lettre qui ne venait pas précisément, comme on l’a dit d’abord, du chef le plus entreprenant de l’insurrection, d’Arabi-Bey lui-même, mais qui était du moins la traduction fidèle de ses idées, l’exposé des revendications du « parti national. «Chose importante! dans le programme, les intérêts du parti national « restaient confiés à l’armée, seule puissance dans le pays qui puisse et qui veuille protéger les libertés naissantes... » Tant que les notables n’auront pas fait leur œuvre d’affranchissement, « les chefs militaires continueront à faire leur devoir de tuteurs armés du peuple sans armes... » Voilà qui est clair et ce qu’il y a de plus caractéristique, c’est que, depuis, le chef des « tuteurs armés du peuple, » Arabi-Bey lui-même, a été appelé comme sous-secrétaire d’état au ministère de la guerre. En d’autres termes, c’est la sédition militaire prenant possession du pouvoir, dominant jusqu’au bout le faible vice-roi et se chargeant sans doute aussi de conduire l’assemblée des notables en sa qualité de guide et de tutrice du« parti national. » C’est plus ou moins le rétablissement d’une sorte de domination des mameluks à Alexandrie et au Caire. Le gouvernement égyptien s’est hâté sans doute de faire dire en Europe qu’il n’y avait rien de grave, que toutes les difficultés étaient écartées. Il est malheureusement trop clair qu’avec tout cela, l’Egypte reste livrée à toutes les chances de troubles intérieurs, et les troubles intérieurs de l’Egypte ont cela d’inquiétant qu’ils appellent les complications extérieures; ils ont pour conséquence l’intervention avouée ou déguisée de tous ceux qui ont un intérêt dans les affaires de cette partie de l’Orient, — à commencer par la Porte elle-même.

La Porte n’a pas tant tardé à tourner ses regards vers Alexandrie. Ce n’est point d’aujourd’hui qu’elle cherche le moyen d’attester d’une façon plus directe son droit de suzeraineté, de ressaisir une autorité plus complète sur l’ancien pachalik de Mehemet-Ali. Rejetée des Balkans, elle croit trouver des dédommagemens au Caire, et dans les nouveaux conseils turcs, ce n’est là encore qu’une partie de l’action que la Porte voudrait pouvoir nouer dans tout le monde musulman, à Tunis indirectement, à Tripoli et ailleurs. C’est vraisemblablement avec l’espoir de trouver à Berlin un certain appui pour ses projets que le sultan envoyait récemment une ambassade extraordinaire et qu’il introduit de plus en plus les influences allemandes, les fonctionnaires allemands dans l’administration militaire, financière de son empire. Des agitations nouvelles en Égypte lui sembleraient une occasion favorable pour des interventions qu’il désire, que la diplomatie ottomane a essayé plus d’une fois de faire accepter. Ce que la Turquie n’a pas obtenu jusqu’ici, elle ne désespère pas de l’obtenir si les circonstances devenaient plus pressantes, et le gouvernement de la Porte n’est point d’ailleurs le seul qui se soit inquiété dans ces derniers temps de ce qui se passe au Caire. Il n’est point douteux que d’autres cabinets du continent se sont préoccupés de l’état précaire de l’Égypte, du danger des insurrections militaires, de la faiblesse du khédive. On dit même que, dans certaines chancelleries, on aurait eu la pensée de provoquer une négociation entre tous les gouvernemens, de faire appel à une délibération européenne. C’est là justement, sans doute ce qui a décidé la France et l’Angleterre, qui sont plus engagées que toutes les autres puissances dans ces affaires égyptiennes, qui ont des intérêts plus directs à sauvegarder, et dont le protectorat après tout existe déjà sous la forme d’un contrôle financier reconnu. L’Angleterre et la France, on le comprend, ont tenu à devancer toute tentative de la Porte ou des autres cabinets en même temps qu’elles ont voulu donner un avertissement salutaire aux agitateurs, aux chefs de mouvemens militaires qui pourraient essayer de faire des révolutions dans la vallée du Nil. C’est, en définitive, le sens de la communication diplomatique par laquelle les cabinets de Londres et de Paris ont officiellement informé le khédive qu’ils étaient prêts à l’appuyer contre les difficultés de nature à entraver la marche des affaires publiques, qu’ils ne reconnaissaient pour l’Égypte que le régime consacré par les firmans des sultans, accepté par les puissances européennes. Au demeurant, c’est une déclaration toute conservatoire, la confirmation pure et simple de ce qui existe, et les autres cabinets ne peuvent demander rien de plus.

La question ne risquerait de se compliquer que si le dernier acte de la diplomatie anglo-française restait sans effet et si la situation intérieure de l’Égypte s’aggravait assez pour qu’une intervention plus directe, plus décisive, devînt nécessaire. La note délibérée entre Paris et Londres semblerait indiquer que les deux cabinets ont tout prévu, que les périls intérieurs ou extérieurs auxquels le khédive pourrait être exposé « trouveraient la France et l’Angleterre unies pour y faire face. » En d’autres termes, la force appuierait au besoin la démonstration diplomatique. Ce serait assurément un acte qui aurait ses inconvéniens, auquel on ne se décidera sans doute qu’à la dernière extrémité; mais, dans ce cas même, dût-il se produire, l’intervention des deux puissances serait nécessairement combinée de telle façon qu’elle offrirait toute garantie à l’Europe, qu’elle n’aurait d’autre objet que l’indépendance de l’Égypte dans les conditions où elle a été constituée. Ce qu’il y a de rassurant et d’utile provisoirement dans cette affaire, c’est l’entente de la France et de l’Angleterre, entente qui est toute diplomatique jusqu’ici, mais qui pourrait prendre un autre caractère ; et si les deux cabinets ont pu se mettre d’accord sur une question toujours délicate, pourquoi n’arriveraient-ils pas à s’entendre dans cette négociation d’un traité de commerce qui paraît avoir moins de chances que la négociation au sujet de l’Egypte? Les journaux anglais sont souvent pleins de vaines récriminations ; les journaux français, de leur côté, répondent par d’autres récriminations. Ce n’est point, à coup sûr, le meilleur moyen d’aider les gouvernemens. Est-ce qu’entre deux nations comme la France et l’Angleterre, il n’y a pas assez d’intérêts communs pour créer une intelligence permanente, pour maintenir ou faire revivre cette alliance occidentale, qui a eu ses beaux jours, qui serait pour la paix de l’Europe une garantie plus efficace que toutes les alliances essayées et abandonnées tour à tour?

Le grand maître des alliances en Europe, M. de Bismarck, semble depuis quelque temps assez mystérieux, assez silencieux dans sa diplomatie. Il n’est pas inactif, il laisse ses combinaisons se développer d’elles-mêmes dans une situation générale qui est en partie son œuvre. Son unique pensée, on le voit bien, est de se servir de tout, de multiplier pour ainsi dire les défenses autour de l’empire qu’il a créé, et dans cette tâche nouvelle qu’il poursuit depuis quelques années, il déploie plus de ressources que dans les premières phases de sa carrière de conquérant. Ce qu’il a gagné avec une audace de joueur, il s’occupe à le mettre en sûreté par tous les calculs d’une savante et forte diplomatie que les scrupules n’embarrassent pas. Est-il aussi habile ou sera-t-il aussi heureux dans la politique intérieure qu’il prétend appliquer en Allemagne? C’est une question qu’on est tenté de se faire toutes les fois qu’on voit ce puissant et indomptable esprit soulever des problèmes presque insolubles ou se créer des difficultés contre lesquelles bien d’autres se sont brisés. Pendant quelques années, tant qu’il a cru y trouver un avantage pour sa politique du moment, il s’est servi des libéraux; aujourd’hui, soit par un réveil de son vieux naturel, soit par crainte des propagandes révolutionnaires, il revient à tout un système coordonné de réaction, et comme pour mieux attester ce retour, le voilà renouvelant à l’improviste une manifestation qui ramène brusquement à ce qu’on appelle « l’époque des conflits, » à ces années 1862, 1863 où il entrait en lutte ouverte contre le parlement prussien. Il n’a jamais été très tendre pour les parlemens, le terrible chancelier; il les a supportés quelquefois, quand ils étaient de son avis; d’habitude, il les traite lestement, et il vient de le prouver une fois de plus par le rescrit impérial et royal qui a paru aux premiers jours de l’année, qui n’est en définitive qu’une déclaration de guerre au pouvoir des assemblées. L’empereur Guillaume, sous le contre-seing du chancelier, dit hautement son fait au pouvoir parlementaire, qu’il veut ramener à un rôle modeste. Le souverain n’hésite pas à avertir encore une fois les chambres que seul il règne et il gouverne, que tout ce que fait le gouvernement émane de lui et que, si ses actes sont contre-signés par un membre du cabinet, cela n’implique nullement une responsabilité ministérielle de nature à éclipser la personne royale. En d’autres termes, l’empereur réclame pour la couronne un pouvoir à peu près absolu, laissant aux chambres le droit de donner des conseils ou de prononcer des discours, et chemin faisant il rappelle à tous les fonctionnaires, députes ou autres, qu’ils doivent leur concours au gouvernement dans tous les cas, particulièrement dans les élections. C’est certainement la plus hautaine revendication d’autorité qui ait été faite depuis longtemps, et il est à remarquer que le roi Guillaume, en paraissant s’adresser aux chambres prussiennes, s’adresse aussi en réalité au parlement de l’empire. Avec cette interprétation de la constitution, si elle est acceptée, il faut convenir que les assemblées n’ont plus qu’une existence médiocre en Allemagne.

Ce qu’il y a de plus curieux, c’est qu’on ne voit pas bien ce qui a pu motiver cet éclat du dernier rescrit impérial. Il peut y avoir dans les chambres des difficultés, des discussions plus ou moins laborieuses, et même, si l’on veut, des votes repoussant quelques-uns des projets du gouvernement; il n’y a pas de conflit sérieux, et aucune circonstance récente n’a pu exciter les ombrages du pouvoir souverain. Ce n’est cependant pas sans raison que M. de Bismarck a pu conseiller le dernier rescrit, et le plus vraisemblable est que le chancelier, mécontent des résistances qu’il rencontre, a voulu être armé d’avance pour une prochaine dissolution du parlement. Les dernières élections, qui ne datent que de quelques mois, ne lui ont pas donné l’appui qu’il désirait, et il veut absolument une majorité dévouée pour voter ses lois économiques et sociales, ses mesures de pacification religieuse, tout ce qui résume sa nouvelle politique conservatrice. Évidemment, il paraît décidé à recourir aux élections, et il n’a jamais caché, d’ailleurs, qu’il se croyait le droit de dissoudre le parlement jusqu’à ce qu’il eût sa majorité! C’est un jeu d’homme puissant, popularisé par le succès, reconnu nécessaire; il reste à savoir si ce jeu ne risque pas d’être un jour ou l’autre meurtrier pour celui qui se le permet et pour la monarchie elle-même.


CH. DE MAZADE.

LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La première quinzaine de 1882 a vu s’accomplir une œuvre de salut pour le marché français. La spéculation, en multipliant les exagérations pendant tout le second semestre de l’année qui vient de se clore, avait inspiré les plus légitimes inquiétudes. En dépit de la cherté croissante de l’argent et de l’élévation anormale des taux de report, elle avait porté certaines valeurs à des prix que ne pouvaient justifier ni la situation présente, ni les perspectives les plus brillantes de l’avenir. Tous les calculs fondés sur l’abaissement du loyer des capitaux et sur le changement naturel et logique du taux de capitalisation des titres mobiliers, se trouvaient faussés ; car la hausse continue des grandes valeurs se poursuivait, au moment même où les rentes, entraînées dans un courant contraire, subissaient une dépréciation de plus en plus large et où s’accusaient de toutes parts des symptômes d’un retour à un prix plus élevé de l’argent.

La comparaison des cours au 31 décembre 1882 avec ceux de la fin de 1881 faisait ressortir, avec une netteté saisissante, tout ce que ce double mouvement présentait d’illogique et d’irrégulier. En effet, tandis que certains titres avaient plus que doublé de prix, sans que la progression du revenu eût suivi un développement parallèle, les rentes françaises, les obligations des chemins de fer et du Crédit foncier, en un mot, les valeurs de premier ordre, à revenu fixe, avaient sensiblement baissé. Les capitalistes s’éloignaient des placemens sûrs pour se jeter dans la spéculation pure. La situation était devenue fort périlleuse en ce sens qu’il pouvait arriver un jour où les capitalistes reporteurs, effrayés de la hausse constante des valeurs à reporter et des risques qu’une chute soudaine pouvait faire encourir aux préteurs, refuseraient leurs concours à la spéculation et obligeraient celle-ci à se liquider brusquement. Or chacun pouvait aisément prévoir que si la liquidation forcée surgissait à la suite d’un refus complet de crédit, elle devenait par cela même impossible. La liquidation de janvier n’a pas indiqué que ce péril fût encore imminent. Les reports se sont tenus à des taux très élevés, mais l’argent n’a pas fait défaut. La crise a éclaté cependant, et il faut se féliciter qu’elle ait pour ainsi dire devancé les prévisions ou les craintes ; elle causera moins de ruines et sera de moins longue durée ; elle ne laissera point derrière elle de traces ineffaçables et préparera pour les affaires, en 1882, un terrain infiniment plus solide et plus résistant.

La place de Paris aurait pu soutenir encore quelque temps l’allure singulière que lui avait fait prendre la spéculation. Mais, à Lyon, les folies commises depuis quelques mois avaient dépassé tout ce qu’il était possible de prévoir. Les bénéfices énormes réalisés avec les titres de l’Union générale et des sociétés de son groupe avaient grisé les Lyonnais. Ils ont voulu gagner plus encore et surtout plus vite, en se portant sur d’autres titres auxquels on prédisait la même fortune; ils spéculaient sur le Suez, sur la Banque ottomane, sur le Crédit provincial et ses diverses créations, finalement sur la Banque de Lyon et de la Loire. On a vu les actions de cette société, à peine créées et libérées seulement de 125 francs, s’élever jusqu’à 1,500 et 1,600 francs. La Banque de Lyon et de la Loire voulut malheureusement suivre l’Union générale sur son terrain en Autriche ; elle pensa obtenir la concession d’une Banque maritime et en fit grand bruit. La concession ne venant pas, on crut à un sinistre, et les titres tombèrent au-dessous du pair.

Cet incident, qui aurait pu et dû rester isolé, a été l’occasion de la grande débâcle. Il ne fut question pendant tout un jour à Paris que du désastre de la place de Lyon; on donnait le nombre des agens en déconfiture, on alignait les centaines de millions perdus par les spéculateurs lyonnais. Dès le lendemain, la vérité était connue; la place de Lyon, fort éprouvée, il est vrai, n’était nullement le théâtre d’un cataclysme ; la Banque de Lyon et de la Loire elle-même se relevait rapidement. Mais le coup était porté; la spéculation à la hausse à Paris s’était subitement décidée à vendre.

On a dit que le syndicat qui avait porté les actions de Suez à 2,500 fr. s’était dissous et que de ses débris s’était formé un syndicat à la baisse, On a dit qu’un établissement de crédit avait une position formidable à la hausse sur la Banque ottomane et que cette position était particulièrement visée par la haute banque. On a dit que les mêmes spéculateurs qui avaient si vainement coalisé leurs forces contre l’Union générale avaient saisi avec joie le prétexte de la crise lyonnaise pour écraser le marché de Paris, dans l’espérance que la ruine générale atteindrait l’Union par contre-coup.

Dans ce roman financier il peut y avoir un fond de vérité. Le fait saillant et capital, c’est que tous les spéculateurs, petits et grands, ont essayé à la fois de se liquider et que naturellement cette grande concurrence de ventes n’a pu que précipiter les cours. Les valeurs ont baissé en proportion des excès de hausse dont elles avaient été l’objet. Celles qui n’avaient pas subi depuis plusieurs mois de variations importantes sur la cote ont été à peine atteintes. Le Suez est tombé de 3,450 à 2,700 environ, la Part civile de 2,750 à 2,000, la Délégation de 1,370 à 1,200, la Part de fondateur de 1,500 à 1,200.

L’Union générale, moins violemment frappée, a reculé de 2,900 à 2,800. Une baisse plus forte de ce titre eût singulièrement accru le désarroi du marché.

Les actions des Chemins étaient aussi cotées trop haut; les acheteurs se sont hâtés de rectifier eux-mêmes la cote en vendant jusqu’à ce que le Lyon eut été ramené de 1,825 à 1,750 et le Nord de 2,400 à 2,250.

Le Crédit foncier, qui vient d’être obligé, parce qu’il ne pouvait plus placer ses obligations au pair, d’abaisser le taux d’émission de ses titres, et d’élever dans une proportion correspondante le taux de ses prêts, a fléchi de 1,775 à 1,720.

La Banque de Paris et des Pays-Bas est revenue de 1,310 à 1,235, la Banque franco-égyptienne de 915 à 815, le Crédit lyonnais de 895 à 850, la Société générale de 845 à 830. La baisse sur tout ce groupe est due plutôt à l’absence de transactions et aux craintes de quelques acheteurs qu’à une surcharge d’engagemens à terme. Ces sociétés sont dans une situation de prospérité qui ne permet pas de croire à une accentuation bien sérieuse de la réaction qu’ont subie leurs titres.

Les valeurs qui se négocient à Londres et à Paris, comme le 5 pour 100 turc, la Banque ottomane, le Rio-Tinto ont vivement reculé. Aux cours actuels, la spéculation anglaise paraît disposée à reprendre ce que les acheteurs trop chargés de Paris jetteraient sur le marché.

Les cours du Gaz n’ont, pour ainsi dire, pas varié pendant la crise, et le syndicat qui a entrepris la hausse de l’action des Omnibus a pu, au milieu de la baisse générale, faire coter le cours de 2,000.

La situation tendue des principaux marchés financiers a donné l’idée de créer encore de nouvelles caisses de banques de reports destinées à faciliter les liquidations.

On annonce la très prochaine création d’un grand établissement de crédit de ce genre qui opérerait à la fois sur les marchés de Paris et de Lyon et aussi sur les principaux: marchés étrangers.


Le directeur-gérant : C. BULOZ.