Chronique de la quinzaine - 30 septembre 1874

Chronique n° 1019
30 septembre 1874


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre 1874.

Il faut bien passer ce temps d’automne et occuper ces loisirs que l’assemblée, en libérale souveraine, s’est généreusement accordés, qu’elle a par la même occasion donnés à tout le monde de la politique. Les pouvoirs publics sont en voyage ou vont à la chasse. M. le garde des sceaux, qui a la chance de recevoir des aubades dans l’Ardèche, promène autour de lui un regard satisfait et déclare à ses compatriotes que tout est pour le mieux sous le meilleur des régimes. Les hommes d’état au repos font des discours en province dans les comices de canton, mêlant l’agriculture et la politique. La commission de permanence, qui de temps à autre va troubler les solitudes de Versailles, attend de se réunir pour reprendre la grave affaire de l’exhibition des portraits de M. le comte de Chambord, qui donne du souci à M. le ministre de l’intérieur et sur laquelle les légitimistes sont décidés à engager la question de cabinet, s’il le faut. Les journaux enfin vivent de bruits, de redites, de polémiques fatiguées et de nouvelles du matin qui sont souvent démenties le soir. Ce n’est point un tort de faire ce qu’on peut ou de ne rien faire en vacances. Malheureusement, dans cette vie monotone, toujours incertaine au fond, comme dans les luttes ardentes d’hier qui renaîtront demain, il y a un trait frappant pour tous ceux qui réfléchissent. On dirait parfois, à voir comment tout suit son cours ou recommence, qu’il ne s’est rien passé il y a quelques années, que rien n’est changé, que la France n’a point été un instant plongée dans la cuve d’airain. On semble oublier que lorsqu’on a subi certaines épreuves, lorsqu’un pays a traversé des crises qui l’ont laissé mutilé, ébranlé jusqu’au plus profond de son être, il y a des conséquences inévitables. On oublie tout pour revenir le plus vite possible aux goûts, aux habitudes, aux passions ou aux frivolités d’autrefois.

De ces malheurs sans exemple qui ont brusquement bouleversé le cours des destinées de notre pays, on s’en souvient assurément, comme on se souvient d’une tempête de l’an passé. On se livre à des développemens brillans, on a de l’éloquence quand on peut, et l’autre jour, à Étrepagny, dans cette petite ville de Normandie si cruellement éprouvée par la guerre, maintenant réédifiée par le travail, M. le duc de Broglie a sûrement fait entendre le langage du patriotisme ému, éclairé et guidé par la raison. Des discours, c’est encore le beau côté. Dans la pratique, tout change ou plutôt tout se reproduit. Les routines refleurissent dans les administrations. Les réformes imposées par les circonstances, on les ajourne ou bien on les poursuit avec distraction, souvent avec un esprit qui les rend stériles. Les passions de partis, plus que jamais réveillées et entretenues par l’incertitude universelle, se jettent sur toutes les questions d’intérêt public pour les obscurcir et les rabaisser. Les disputes de mots remplacent les choses sérieuses. Les rivalités personnelles, les subtilités de tactique, les habiletés de stratégie, voilà la grande affaire dans un pays qui attend au moins une direction de ceux qui sont chargés de le conseiller ou de le gouverner. C’est malheureusement ainsi, et on ne se dit pas que ce qui à la rigueur était possible dans les jours heureux ne l’est plus ou est déplacé dans les jours d’épreuves, qu’après les crises violentes il y a des nécessités nouvelles devant lesquelles on est tenu d’avoir une autre manière de penser et de se conduire. On ne s’aperçoit pas de la disproportion profonde qui existe entre la réalité des choses et ces antagonismes vulgaires, ces égoïstes querelles de partis, ces combinaisons fuyantes, ces commérages qui se donnent pour de la politique, qui n’ont d’autre effet que de tenir tout en suspens au moment où tout serait à faire pour le bien du pays.

Vous croyez peut-être que le plus pressé serait de préparer les élémens sérieux de cette organisation dont on parle tant, de combiner des institutions précises et fortes ? Pas du tout, il s’agit de disserter, de faire de l’esprit, et de ne pas oublier surtout son intérêt de parti ; il s’agit de savoir si on aura le septennat « ouvert » ou « fermé, » si ce septennat sera la « préface de la monarchie, » ou la « préface de l’empire, » ou s’il ne sera la préface de rien du tout. — Vous vous figurez sans doute que la France a aujourd’hui assez d’affaires sérieuses pour ne point s’intéresser à tous les bavardages, à toutes les inventions d’oisifs, et que ce n’est pas le moment de diminuer ceux qui ont été les plus éminens représentans du pays, de les poursuivre de dénigrantes polémiques ? C’est une illusion. L’important est de surveiller M. Thiers, de le suivre partout où il va et même où il ne va pas, au château de Vizille, chez M. Casimir Perler, ou en Italie, de raconter comment il se comporte avec les gendarmes qu’il rencontre sur son chemin, — et M. le préfet de Lyon doit positivement avoir du temps à perdre pour se mêler de ces sortes de choses. Au besoin on comptera le nombre de personnes qui sont allées recevoir l’ancien chef de l’état, on raillera les marques de respect dont il est l’objet ; on va même jusqu’à traiter M. Thiers en radical allant chercher la popularité et les ovations pour éclipser les hommages rendus à M. le président de la république dans ses voyages. C’est avoir bien peu de mémoire et oublier bien vite qu’il y a trois ans à peine l’homme que l’esprit de parti poursuit de ses traits recevait le pays sanglant des mains de l’ennemi, et qu’il le rendait deux ans après délivré de l’occupation étrangère. Combattez la politique de M. Thiers, si vous le voulez, sachez respecter en lui le grand serviteur du pays dans les mauvais jours et ne laissez pas croire surtout que sa popularité peut être un danger ou un sujet d’ombrage pour ceux qui lui ont succédé. — Quoi encore ! Peut-être pensez-vous que la France reste dans une situation assez difficile en Europe pour avoir besoin d’une grande réserve, et qu’il y a des points vifs auxquels on ne doit toucher qu’avec d’extrêmes ménagemens ? Détrompez-vous. Les questions les plus délicates sont livrées chaque jour au vent des discussions. S’il s’agit de l’Italie, M. de Bismarck est derrière, et si la France attache quelque prix à vivre en bonne amitié avec la nation italienne, c’est qu’elle est livrée par notre diplomatie à l’Allemagne. S’il s’agit de l’Espagne, c’est encore M. de Bismarck, et c’est évidemment pour obéir à M. de Bismarck que nous ne soutenons pas les carlistes. Les partis ne voient pas que, s’il y avait du vrai dans ce qu’ils disent, ils joueraient avec les humiliations du pays. Ils mettent un triste calcul à remuer des blessures qu’ils devraient respecter ; ils font du bruit là où ils devraient se taire, et c’est là justement ce que nous appelons oublier la situation faite à la France, n’avoir pas le sens de la seule politique possible, salutaire, la politique de la réserve, des efforts réparateurs, du dévoùment aux seuls intérêts nationaux, de l’application constante à cette réorganisation, qui reste encore un programme à peine ébauché.

À vrai dire, c’est un peu le mal d’une situation indécise, de cette incertitude qui, en se prolongeant, laisse place à toutes les espérances et à tous les calculs, à toutes les imprévoyances et à tous les subterfuges de l’esprit de parti. Le gouvernement ne peut pas tout pour guérir le mal, puisque c’est l’assemblée qui a créé cette situation et qui la maintient, puisqu’il est lui-même souvent assez embarrassé dans la confusion. S’il ne peut pas tout, s’il n’a ni l’organisation ni les institutions qu’on lui a promises, il a du moins assez d’autorité pour suppléer autant que possible à ce qui manque par une certaine netteté de direction, par une certaine unité de vues et d’action. Que M. le ministre de l’intérieur fasse supprimer ou suspendre des journaux par les préfets, qu’il envoie lui-même des avertissemens ou des menaces, ce n’est pas précisément en cela que consiste la netteté de direction ; c’est quelquefois un moyen d’ajouter à l’obscurité : cela prouve tout simplement que l’état de siège est un système commode pour empêcher de dire ce qu’on ne veut pas entendre. Le gouvernement a paru assez souvent depuis quelques mois vouloir adopter comme programme une politique de trêve, d’union nationale, de pacification par le concours des « hommes modérés de tous les partis. » Cette parole récemment prononcée par M. le maréchal de Mac-Mahon n’a point été dite évidemment sans intention ; mais comment l’entend-on dans le gouvernement lui-même ? comment est-elle interprétée par ceux qui sont le plus rapprochés du gouvernement ?

L’autre jour, le garde des sceaux, M. Tailhand, a payé sa bienvenue à ses compatriotes de l’Ardèche en leur racontant un apologue qui n’est pas précisément neuf, mais qui a sa moralité. M. Tailhiand, dans un mouvement d’imagination, a dit à ses auditeurs que nous étions sur un vaisseau qui, après avoir été longtemps battu par la tempête, « a failli un jour rentrer au port. » Ce malheureux vaisseau a rencontré des vents contraires qui l’ont rejeté en pleine mer : il ne faut pas cependant perdre confiance. Grâce à la fidélité et au dévoûment de l’équipage, grâce surtout au courage et à l’énergie du capitaine, « le navire rentrera triomphalement au port, » ce qui veut dire en d’autres termes que la France a failli arriver à la monarchie, il y a un an, qu’elle ne l’a pas pu par des circonstances contraires, mais que le gouvernement se propose de l’y ramener. C’est l’interprétation d’un ministre. Autre explication : tout récemment, dans un banquet agricole, M. le préfet des Vosges, un représentant du gouvernement, a entrepris à son tour d’éclairer la question en définissant le septennat. La définition n’éclaircit peut-être rien ; mais M. le préfet des Vosges a aussitôt ajouté qu’il y avait de vrais et de faux amis du maréchal, — sans doute des amis du premier et du deuxième degré, comme on disait sous l’empire, — que « les amis du maréchal ne peuvent pas être ceux qui ont voté contre l’organisation du septennat, qui votent chaque jour contre ses ministres, et qui combattent les candidatures conservatrices. » Ailleurs on parle plus net encore et on dit : le maréchal a été élu par le parti conservateur, il doit gouverner exclusivement par et pour le parti conservateur, sinon, non ! — Fort bien ; mais alors que devient l’appel de M. le président de la république aux « hommes modérés de tous les partis ? » Voici trois explications : l’une assure que le septennat est la « préface de la monarchie, » l’autre qu’il est le monopole du parti conservateur indépendamment de la monarchie, la troisième qu’il est le gouvernement des modérés de tous les partis. Des hommes comme M. Dufaure, comme M. Casimir Perler, qui recevait l’autre jour M. Thiers à Vizille, sont-ils des démagogues ? doivent-ils être exclus des rangs des modérés, des conservateurs, des amis du maréchal, parce qu’ils ont voulu dès l’origine voter cette organisation constitutionnelle qu’il demandait, que la droite lui a refusée jusqu’ici ? Et voilà où l’on en vient ! On arrive à ne rien définir, à ne rien éclaircir, à laisser flotter cette pensée de direction qui serait si nécessaire, qui seule pourrait décider, presser la réalisation de cette sage parole, le gouvernement des hommes modérés de tous les partis dans les conditions actuelles organisées, précisées et fortifiées. Qu’en résulte-t-il ? C’est que cette incertitude réagit sur tout, sur les élections législatives qui viennent de se faire ou qui se préparent, comme sur les élections prochaines des conseils-généraux. Par une conséquence qui n’a rien d’extraordinaire, la politique s’introduit avec ses troubles, avec ses contradictions passionnées, jusque dans ces modestes élections de conseillers-généraux, où il ne devrait y avoir en jeu que des considérations d’intérêt local, et la chose est d’autant plus grave qu’il y a cette année 1,400 membres des assemblées départementales à réélire. Ce sera évidemment jusqu’à un certain point une manifestation qui pourra avoir sa valeur. D’un autre côté, les élections politiques elles-mêmes sont l’image de la confusion des esprits ; elles deviennent l’occasion des alliances les plus étranges, des combinaisons les plus bizarres, les plus obscures et les moins décisives. C’est à peu près inévitable. Il y a du moins un point de la France, Nice, où toutes les préoccupations de parti devraient se taire, où les hommes de toutes les nuances d’opinions politiques devraient s’entendre pour n’élire que des Français fidèles à la place des députés qu’on va remplacer et qui représentaient une pensée plus ou moins déguisée du démembrement national. Non, la France ne peut oublier de sitôt que tout est changé, et si elle l’oubliait dans ses affaires intérieures, elle le sentirait à ce qu’il y a de difficile, de délicat, dans sa situation en Europe, au milieu de toutes ces questions qui se succèdent, auxquelles elle s’est intéressée et qui lui rappellent trop quelquefois la différence des temps. La France n’était point étrangère, il y a huit ans, à un certain article d’un certain traité de Prague qui, en mettant fin à la guerre de la Prusse contre l’Autriche, suite de la guerre de l’Autriche et de la Prusse contre le Danemark, réservait le droit des populations du Slesvig du nord. Ces populations, particulièrement danoises et provisoirement retenues par la Prusse, devaient être consultées sur leur condition définitive ; elles devaient dire si elles voulaient passer à l’Allemagne avec le duché tout entier ou si elles voulaient rester attachées au Danemark. Il n’est point douteux que l’article existe encore, puisqu’il n’a pas été abrogé, et qu’on peut l’invoquer, puisqu’il n’a jamais été exécuté ; mais bien des choses se sont passées depuis 1866. La France a eu d’autres questions de frontières à vider, l’Autriche n’a pas cru nécessaire de réclamer pour si peu, le Danemark n’était pas en position de se montrer bien pressant, et la Prusse, jugeant que ce qui avait été bon à prendre était bon à garder, est restée en possession des districts du Slesvig dont le sort avait été réservé.

La Prusse a procédé en souveraine incontestée et définitive. Oui, sans doute, le chancelier de l’empire austro-hongrois, M. le comte Andrassy, est probablement assez peu disposé à mettre sa diplomatie en mouvement pour l’exécution du traité de Prague ; M. le duc Decazes, de son côté, a peut-être d’autres soucis ; mais le Danemark, si modeste qu’il soit, n’a aucune raison de passer condamnation sur des droits qui ont été et qui restent au moins éventuellement reconnus. Les populations n’ont aucun motif de se montrer satisfaites d’une domination qui les blesse dans leur sentiment national, et, comme les œuvres de la force portent en elles-mêmes le germe d’inépuisables malaises, d’embarras toujours nouveaux, la Prusse, après huit ans, se trouve encore aujourd’hui en face d’une certaine agitation, non-seulement dans les districts contestés, mais dans la partie du duché définitivement annexée ; à l’agitation, la Prusse oppose la rigueur. Elle continue par la dureté administrative l’assimilation commencée par la conquête ; elle expulse des Danois sous les plus futiles prétextes. Elle exerce des vexations irritantes qui naturellement, au lieu de calmer l’agitation, ne font que raviver tous les griefs, en embarrassant peut-être le gouvernement de Copenhague lui-même, et de là renaît ce qu’on peut appeler encore une fois la question du Slesvig. À vrai dire, ces malheureuses populations si honnêtement, si obstinément fidèles à leur nationalité se voient placées dans une condition cruelle. Si elles restent calmes, si elles se taisent, on interprète leur silence et on dit : Vous voyez, tout est fini, le Slesvig est allemand et veut rester allemand. Le traité de Prague a été une concession faite à des circonstances qui n’existent plus, une œuvre d’une application inopportune et impossible, il n’y a plus à en parler. — Si les populations résistent pacifiquement de toute la force de leur instinct national, si elles s’agitent et protestent contre la violence qui leur est faite, on commence par sévir, puis on se retranche dans sa dignité, on dit qu’on ne cédera pas à la pression populaire, qu’il n’y a rien à examiner pour le moment. Depuis huit ans, le moment n’est pas venu.

Que faire ? la partie n’est certes point égale entre la toute-puissante Allemagne et ces 200,000 Danois, eussent-ils l’appui moral du cabinet de Copenhague, intéressé lui-même à une solution qu’il désire sans pouvoir l’obtenir. La question est sans issue, à moins que M. de Bismarck n’ait sa solution à lui, sa manière d’exécuter le traité de Prague par la combinaison qu’on lui a prêtée. Le chancelier de Berlin aurait eu, dit-on, l’idée d’offrir au cabinet de Copenhague de lui rendre le Slesvig à la condition que le Danemark entrât dans l’empire d’Allemagne, comme la Bavière et la Saxe. Ce serait positivement un moyen hardi d’avoir d’un seul coup un peuple de matelots, des ressources maritimes et les clés de la Baltique. S’il a eu cette pensée, M. de Bismarck n’a point sans doute tardé à voir les diflicultés qu’il allait rencontrer. Tout petit qu’il est, le Danemark a de belles alliances. Une fille du roi est mariée au prince de Galles, et l’Angleterre, si partagée qu’elle soit dans ses affections entre Berlin et Copenhague, n’aurait probablement pas aidé au succès de la combinaison. Une autre fille du roi de Danemark, la princesse Dagmar, est mariée au prince héritier de Russie, au czarevitch, et la Russie, en outre, n’aurait pas manqué de se demander si, par amitié pour l’Allemagne, elle devait s’exposer à voir un jour ou l’autre ses flottes enfermées dans Cronstadt. N’y eût-il pas ces alliances de famille, l’intérêt politique le plus évident, le plus pressant ferait à la Russie, à l’Angleterre, une obligation d’entourer de leur sollicitude une indépendance que le Danemark, par lui-même, ne serait pas disposé à livrer. Certainement aux ouvertures directes ou indirectes qui ont pu ou qui pourraient lui être faites, le Danemark a dû répondre ou répondrait par le refus le plus absolu. Il tient à sa dignité de nation modeste, mais vaillante et honorée.

On a beau avoir l’air de se ménager contre lui des prétextes et lui faire un crime de songer à fortifier Copenhague : on a beau répéter que le temps des petits états est passé, que le Danemark sera obligé de suivre la loi commune, que dans les conditions actuelles il ne peut pas avoir une politique indépendante : l’Europe, qui a vu déjà de si étranges révolutions d’équilibre, n’est peut-être pas mûre encore pour celle-là. M. de Bismarck, tout prompt qu’il soit à satisfaire les appétits germaniques, est trop avisé pour brusquer de telles choses, pour violenter ouvertement un petit peuple qui même dans sa défaite a forcé l’Allemagne à le respecter, qui représente encore pour l’Europe bien des conditions de sécurité, qui enfin a tout pour lui, le droit, les sympathies universelles, et entre ces sympathies celles de la France ne sont pas les dernières. M. de Bismarck laissera discuter sur le Slesvig pendant que l’empereur Guillaume va dans le port de Kiel lancer des navires destinés, selon son langage, à porter le nom allemand sur les mers lointaines. C’est déjà bien assez dans une affaire qui reste un des élémens de la politique européenne, un des premiers jalons de ces événemens des dix dernières années, dont les conséquences ne sont point épuisées, par lesquels tout a été changé et aggravé.

Des difficultés, il y en a pour tout le monde, quoi qu’on en dise ; il y en a particulièrement pour la France, qui a tout à faire ou à refaire, qui a sa politique à dégager des contradictions, des incohérences accumulées par les événemens. Sans être facile, ce serait encore une œuvre patriotiquement simple, si à chaque instant les partis n’étaient pas occupés à tout obscurcir et à tout envenimer, au risque de nous créer une situation impossible, de donner des armes contre nous, de troubler ce travail par lequel la France a tout à la fois son équilibre intérieur à retrouver, ses traditions, ses relations dans le monde à renouer. On y arrivera sans nul doute parce qu’il le faut, parce que c’est une nécessité nationale ; l’essentiel est de savoir ce qu’on veut, ce qu’on peut et ce qu’on doit faire pour s’épargner au moins les complications inutiles et n’avoir que les embarras qu’on ne peut pas éviter. Les rapports de la France et de l’Italie ont heureusement triomphé jusqu’ici de toutes les passions de partis, même peut-être de bien des excitations ennemies. Ils ont repris depuis quelque temps aux yeux de tout le monde ce caractère de cordialité qui, on peut le dire, est dans la nature des choses et dans l’intérêt des deux pays. C’est le résultat des efforts communs des deux gouvernemens, qui ont su s’inspirer d’une pensée supérieure de confiance et de bonne amitié. Ils ont laissé crier ceux qui étaient intéressés à les diviser, ils ont compris qu’entre l’Italie et la France il y avait des liens naturels, traditionnels, que tout devait resserrer et fortifier au lieu de les affaiblir. Est-ce que ces rapports peuvent être à la merci d’un incident subalterne, de la présence d’un vieux bâtiment dans les eaux italiennes ? Est-ce qu’il y aurait une question de l’Orénoque qui se serait réveillée dans ces derniers temps ? Comment peut-il y avoir encore une question de l’Orénoque ? Si elle existe, ce qu’il y a de mieux c’est d’en finir, c’est de débarrasser les rapports des deux pays d’une équivoque sans portée, bonne tout au plus à ramener un petit embarras périodique et à servir aux banales déclamations des partis. Il faut aller droit au fait. La France a laissé, il y a quatre ans, dans le port de Civita-Vecchia un vieux navire par un acte de suprême déférence pour le chef de l’église qui cessait d’être souverain temporel. Elle a laissé l’Orénoque à la disposition exclusive de notre ambassadeur auprès du saint-siège, en même temps qu’elle reconnaissait le roi Victor-Emmanuel couronné à Rome, établi désormais au Quirinal. En d’autres termes, par une combinaison singulière un bâtiment français est resté dans les eaux italiennes, placé uniquement sous l’autorité de celui de nos représentans qui n’a aucun rapport avec la souveraineté italienne. Que cette situation fût irrégulière, ce n’est point douteux ; elle n’a pu se prolonger qu’avec des ménagemens extrêmes, par l’esprit de modération et de conciliation des deux gouvernemens. Le cabinet de Rome, par considération, et nous osons dire par sympathie pour la France, s’est abstenu de toute réclamation directe et officielle ; il a gardé une grande réserve, et il avait raison dans son propre intérêt, puisque la présence du navire français était l’attestation la plus frappante de la liberté du saint-père, puisqu’il était clair que, si le pape voulait quitter Rome, il le pouvait, et que, s’il ne partait pas, c’est qu’il voulait rester au Vatican. Le gouvernement français de son côté n’a rien négligé pour que la présence de l’Orénoque gardât uniquement et exclusivement le caractère tout moral d’une marque de déférence personnelle. S’il y a eu des difficultés venant de zèles intempérans ou peu intelligens, elles ont été aussitôt assoupies. Elles peuvent cependant renaître sans cesse, elles n’échappent pas au gouvernement italien, elles pèsent sur le gouvernement français lui-même. La conclusion est que la politique la plus sage est de supprimer la cause de ces difficultés possibles et dont on n’est pas toujours maître, surtout lorsqu’il y a de part et d’autre des passions qui s’agitent autour de ministères dépendant jusqu’à un certain point des mobilités de l’opinion.

Parlons franchement, A quoi sert cet Orénoque vieillissant dans les eaux italiennes ? Il est, dit-on, à la disposition du saint-père pour le recevoir si les circonstances le forçaient à quitter Rome ; mais le pape est au Vatican, le roi Victor-Emmanuel règne à Civita-Vecchia, et entre les deux villes il y a vingt lieues de terre italienne. Qu’on prévoie tout ce qu’on voudra. Si c’étaient des circonstances révolutionnaires qui vinssent assaillir le saint-père au Vatican, si on avait à le délivrer d’une véritable captivité, dont on ne fait pas apparemment peser le soupçon sur le roi Victor-Emmanuel, à quoi servirait l’Orénoque ? Si le pape n’est captif que comme il l’est aujourd’hui, s’il peut partir et s’éloigner librement, comme cela n’est point douteux, l’Orénoque ou tout autre bâtiment français est à sa disposition au premier signal, qu’il soit à Toulon ou à Civita-Vecchia. La France n’a pas besoin de laisser un navire dans une situation irrégulière pour assurer sa déférence et sa protection au souverain pontife. Le gouvernement le sait bien ; ceux qui cherchent à détourner une résolution de nature à dégager notre pays le savent tout aussi bien. S’ils insistent si vivement, ce n’est pas seulement pour avoir la satisfaction d’offrir un asile au saint-père, dont la sûreté n’est point en péril, c’est parce que l’Orénoque est à leurs yeux une dernière protestation contre la présence du roi Victor-Emmanuel à Rome. La marque de dévoûment au saint-siège ne leur suffirait pas, si elle n’était en même temps, ou avant tout, un acte d’hostilité contre l’Italie et une dernière réserve pour l’avenir. Entretenir la division entre la France et l’Italie dans l’espoir de servir la cause des restaurations légitimistes et cléricales, c’est leur préoccupation la plus vive, ils ne le cachent pas. Que des partis qui ont les yeux fermés sur tout poursuivent cette coupable politique, ils ne sont que des partis. La diplomatie française ne peut évidemment avoir cette pensée ; elle ne peut, sous une forme quelconque, par une réticence quelconque, s’associer à une protestation contre un état de choses qu’elle a reconnu. Cette insistance même donne au rôle de l’Orénoque une signification que notre gouvernement désavoue à coup sûr et qui ne le met pas moins dans une position fausse, en éveillant d’un autre côté les préoccupations du gouvernement italien qui peut avoir, lui aussi, à contenir des insistances d’opinion dans un sens opposé. Les deux cabinets ont invinciblement le même intérêt à ne pas laisser subsister un si périlleux malentendu. Pour l’un et pour l’autre, la nécessité d’une mesure décisive, prochaine, est, si nous ne nous trompons, dès ce moment admise ; elle se dégage de la situation.

De quelle manière et sous quelle forme l’acte peut-il s’accomplir ? Franchement, dès que le principe semble admis, le moyen le plus simple et le plus net serait le meilleur. Il n’y aurait qu’à rappeler l’Orénoque de sa longue et inutile station devant Civita-Vecchia, en se bornant à déclarer, ce qui ne peut être mis en doute, que la France tient toujours un navire à la disposition du saint-siège, si le pape se décidait à quitter Rome, ce qui est encore plus douteux. La France le pourrait d’autant mieux qu’elle agirait aujourd’hui spontanément, librement ; elle ferait un acte d’amitié à l’égard de l’Italie, elle répondrait sans contredit à un désir du cabinet de Rome, sa résolution n’aurait point été provoquée par une démarche officielle qui n’a jamais été faite jusqu’ici. Tout se passerait simplement, sans apparence d’effort et de réserve. Y a-t-il des combinaisons par lesquelles on pourrait se proposer de suppléer à la présence de l’Orénoque, qui déjà ne servait à rien ? En fait de garanties, la plus sûre est encore l’engagement solennel pris par l’Italie de respecter, de faire respecter l’indépendance spirituelle du pontificat et la liberté personnelle du saint-père, les deux seules choses qu’on puisse songer à sauvegarder désormais. Au-delà ou en dehors de cette garantie, toutes les combinaisons risqueraient fort d’être peu comprises, de ressembler à des demi-solutions qui auraient l’inconvénient d’être probablement peu efficaces et peut-être de ne contenter personne. L’essentiel est de ne pas se laisser détourner du vrai but, de ne pas subordonner la direction supérieure, nécessaire de notre politique, à des arrangemens qui ne conduiraient à rien, qui ne feraient que diminuer le prix et affaiblir l’effet d’une résolution sérieuse.

Que M. le ministre des affaires étrangères, qui a déjà déployé un zèle prévoyant et avisé dans une situation difficile, que M. le duc Decazes ne s’y méprenne pas : il a en ce moment une occasion décisive ; il a entre les mains un moyen d’enlever aux partis une question dont ils abusent contre le pays et de fixer nos relations, notre politique au-delà des Alpes dans des conditions aisées et profitables. S’il espère par des palliatifs désarmer les passions de parti et de secte, il peut être tranquille, il ne réussira pas. Qu’il fasse revenir l’Orénoque par étapes, qu’il le mette à Villefranche au lieu de le ramener tranquillement à Toulon, qu’il imagine des arrangemens pour tâcher de tout concilier, pour paraître continuer encore à distance une mission protectrice à l’égard du saint-siège, on ne lui en saura aucun gré. On ne lui demande pas de transiger, on lui demande de traiter l’Italie en ennemie, de laisser, à côté du roi révolutionnaire qui est à Rome, la protestation vivante d’une force française, de s’ériger en gonfalonier de l’église en face de l’usurpation ! M. le duc de Bisaccia, qui a été à Londres un si brillant ambassadeur de high life, avant d’être heureusement remplacé par un vrai diplomate, M. le comte de Jarnac, qui pourra suivre sérieusement nos affaires avec l’Angleterre, M. le duc de Bisaccia se chargera certainement d’aller représenter cette politique à Rome, de mettre les Italiens à la raison et même de faire arriver l’Orénoque dans les eaux du Tibre, sous le château Saint-Ange ! Si M. le duc Decazes ne se déclare pas l’ennemi de l’Italie, il aura beau s’évertuer, il n’apaisera pas les ressentimens de la droite, qui éclatent déjà rien que sur le soupçon d’une négociation ; il n’aura pas mieux réussi que s’il avait rappelé purement et simplement l’Orénoque, de sorte que les sacrifices qu’il ferait par esprit de ménagement seraient faits en pure perte.

D’un autre côté, qu’on y réfléchisse. Au-delà des Alpes existe un gouvernement sensé, conciliant, avec lequel notre cabinet a les meilleurs rapports, qui représente au pouvoir une opinion considérable, l’opinion de l’immense majorité de l’Italie, portée par toutes ses sympathies vers la France. Le ministre des affaires étrangères notamment, un esprit des plus prudens, des plus élevés, M. Visconti-Venosta, conduit depuis longtemps la diplomatie italienne avec autant de sûreté et de prévoyance pour son pays que d’égards pour nous. Aujourd’hui des élections vont avoir lieu pour le renouvellement de la chambre des députés. Dans ces élections, cette triste affaire de l’Orénoque jouera nécessairement un certain rôle ; elle sera exploitée, on s’en fera une arme contre le ministère, contre le parti modéré que représente le ministère. Un acte d’amitié par le rappel spontané et opportun d’un navire inutile produirait sans doute au contraire une heureuse impression ; il serait aux yeux de l’Italie le prix d’une politique de modération et de cordialité avec la France. Oui, qu’on y réfléchisse bien : est-il prudent de laisser les élections italiennes se faire sous le poids d’une question nationale non résolue, d’une question que le ministère lui-même peut être tenté de relever pour se prémunir contre des entraînemens d’opinion, ou dont peut profiter au scrutin une opposition connue pour ses sentimens anti-français ? Qui donc peut recueillir l’avantage de tout cela ? On sait bien qu’il y a dans le monde des politiques d’une certaine importance qui ne demandent pas mieux que de tirer parti de nos hésitations, d’ajouter à nos embarras, d’isoler la France, d’exciter contre elle les défiances, les animosités ou les susceptibilités ; on n’ignore pas que ces politiques sont à l’œuvre en Italie comme ailleurs. Le seul moyen qu’ait la France, c’est de ne point donner des armes contre elle, de garder au moins les amis qu’elle peut avoir si aisément, d’en acquérir de nouveaux si elle peut, et c’est en agissant ainsi, en sachant se décider à propos, qu’elle peut maintenir sa dignité là où elle serait en jeu. Dussent les légitimistes pointus refuser pour cela au ministère un vote qu’ils ne semblent guère disposés à lui accorder, le gouvernement n’aurait pas pour sûr acheté trop cher à ce prix le maintien, la consolidation des rapports de confiance et d’amitié entre la France et l’Italie.

C’est autre chose en Espagne, bien que ce soit au fond un peu la même question, puisqu’il s’agit toujours de choisir entre une politique libérale et la cause de l’absolutisme, qui combat sous le drapeau carliste. L’Espagne libérale est à Madrid, cela n’est point douteux, et la France n’a fait que se conformer à ses traditions comme à ses intérêts en reconnaissant le gouvernement de Madrid avec les autres puissances de l’Europe, qui l’ont reconnu à peu près simultanément. Seule la Russie s’est abstenue, et on a même parlé d’une lettre que l’empereur Alexandre aurait écrite au prétendant don Carlos, ce qui ressemblerait à une singulière dissonance dans le concert diplomatique du moment. Toujours est-il que le général Serrano, — car c’est lui et lui seul qui est reconnu comme chef du pouvoir exécutif d’un régime qu’on ne désigne pas, — toujours est-il que le chef du gouvernement espagnol a reçu déjà l’ambassadeur d’Allemagne, M. le comte d’Hatzfeld, et le ministre d’Autriche, M. le comte Ludolf, qui ont été les premiers arrivés. Le représentant de l’Angleterre ;, M. Layard, est récemment passé à Paris se rendant au-delà des Pyrénées. Notre nouvel ambassadeur, M. de Chaudordy, vient de partir à son tour. Il y a quelques jours déjà que l’ambassadeur d’Espagne en France, M. le marquis de La Vega y Armijo, a été reçu de son côté en audience officielle par M. le président de la république. Voilà donc le général Serrano reconnu selon toutes les formes et introduit parmi les pouvoirs réguliers, recevant les représentans de l’Europe et ayant partout ses ambassadeurs. Parce que l’Allemagne avait pris l’initiative de cette manifestation diplomatique, ce n’était pas évidemment un motif pour que la France hésitât dans son choix, et eût l’air de rester sous le poids d’une connivence secrète ou publique avec une cause dont le succès serait plus dangereux pour elle que pour tout le monde. Elle a eu raison de ne point s’arrêter à des incidens, même à des marques de malveillance ou de défiance, et ce qu’elle a reconnu, c’est sans doute un chef de gouvernement, mais c’est surtout et avant tout l’Espagne libérale ayant à se débattre contre une formidable insurrection, réduite à disputer son existence au milieu des fureurs d’une guerre civile implacable. Entre cette Espagne et la France, il y a de vieux liens de sympathies et d’intérêts que ne peuvent détruire ni affaiblir les événemens.

Ces vieilles sympathies, la France ne les désavoue certainement pas. D’où vient donc que l’Espagne ou plutôt un certain monde espagnol qui s’agite autour du gouvernement n’a que des récriminations, des violences de langage contre la France ? Un jour c’est parce que nous ne nous hâtons pas de reconnaître le gouvernement, un autre jour c’est parce que notre ambassadeur n’arrive pas assez vite, puis c’est pour un préfet ou un chef carliste qui aura passé la frontière. Un moment en vérité on aurait dit un système organisé de polémiques violentes et provocatrices. Si cela eût continué, les journaux de Madrid n’auraient pas laissé de rendre délicate la position de M. l’ambassadeur d’Espagne à Paris, M. le marquis de La Vega y Armijo a sûrement trop d’esprit et de courtoisie pour avoir eu la pensée des démarches qu’on lui a fait le compromettant honneur de lui attribuer. Ces nuages sont passés ou passeront comme bien d’autres, et entre les deux pays il restera ce qui a toujours existé, une alliance naturelle, nécessaire, que tous les protectorats ne pourraient remplacer pour l’Espagne. De quoi peut-on se plaindre à Madrid ? Si le gouvernement du général Serrano n’est point encore venu à bout des carlistes, ce n’est point assurément la faute de la France, et ce ne sont pas les navires allemands rôdant sur la côte de Biscaye qui réduiront le prétendant à mettre bas les armes. Les Espagnols ont beaucoup mieux à faire que de se plaindre, ils ont à réorganiser l’Espagne libérale dans des conditions de fixité et d’indépendance. C’est le meilleur moyen de préparer la défaite du prétendant dont le drapeau flotte encore sur les montagnes de la Navarre.


CH. DE MAZADE.



Le Pirate malais, par le baron de Wogan.
Voyage au pays des bayadères, par M. Louis Jacolliot, Paris 1874.


Le temps n’est plus où les récits de voyages lointains étaient lus avec cette curiosité désintéressée que peuvent inspirer des contes de fées, où le lecteur ne se disait jamais qu’il lui serait possible d’y aller voir. Grâce à la vapeur, il s’attache pour nous à ces sortes de récits un intérêt plus direct et plus sérieux ; si les contrées les plus reculées ont perdu le charme mystérieux des choses placées hors de notre portée, en revanche nous savons que d’un moment à l’autre elles pourraient jouer un rôle dans notre existence, réagir sur nous à distance, et qu’il nous importe de les connaître. Aussi la vogue est-elle aux livres de voyages, et on les recherche d’autant plus qu’ils renferment plus de détails sérieux et de renseignemens pratiques. Parmi les touristes français dont les relations se lisent avec le plus d’agrément, nous citerons M. le baron de Wogan et M. L. Jacolliot. M. de Wogan, ancien officier de spahis, l’auteur des Six mois dans le Far-West, vient de faire paraître un nouveau récit aussi attachant que ses précédens ouvrages. Le Pirate malais renferme des narrations de combats homériques, des histoires de chasse, des peintures de mœurs sauvages, tout cela raconté avec une verve spirituelle qui entraîne et vous donne pour ainsi dire l’intuition des choses. À son tour, M. Jacolliot, dans ses Voyages au pays des bayadères et au pays des perles, nous fait connaître l’Inde et l’île de Ceylan sous des aspects nouveaux et parfois inattendus. Il entre dans des détails fort curieux sur les mystères des pagodes, sur les étranges fêtes religieuses célébrées par les brahmanes, sur les rapports des colons européens avec le bas peuple indigène. En parcourant ces récits, où l’on est frappé d’un accent de vérité et de sincérité, on ne peut s’empêcher de constater combien l’influence du contact des peuples civilisés est longue à se faire sentir sur ces races de l’extrême Orient, L’Inde et la Chine, l’Australie et le Japon, tous ces pays qui nous apparaissaient autrefois comme au travers d’un brouillard sont désormais presqu’à nos portes ; mais en abrégeant les distances on ne fait pas tomber les barrières morales qui séparent les races, et le sentiment de la solidarité des hommes est bien lent à naître.


Le directeur-gérant, C. BULOZ,