Chronique de la quinzaine - 30 novembre 1897
30 novembre 1897
Nous voudrions ne rien dire d’une affaire sur laquelle nous n’avons, en effet, rien à dire, de cette affaire Dreyfus-Walsin-Esterhazy qui passionne si violemment l’opinion depuis une quinzaine de jours. Mais comment se taire, dans une chronique, lorsque tout le monde parle ? Il faut bien, même dans l’ignorance où nous restons de ce qu’on peut appeler les faits de la cause, constater l’émotion profonde qui s’est produite dans les esprits, et le désarroi dont ils ne sont pas encore revenus. Dreyfus est-il coupable du crime pour lequel il a été condamné ? On doit le penser, ou du moins le tenir pour constant, puisqu’il y a chose jugée. Mais nous vivons dans un temps de critique à outrance, où on a désappris à s’incliner docilement devant les simples raisons d’autorité. Avant de croire, on a besoin de comprendre. Notre esprit est devenu difficile ; il demande des explications et des preuves ; et, si on les lui refuse, il demeure hésitant et perplexe. Or, l’hésitation, dans une question comme celle dont il s’agit, ne va pas sans angoisses. Si Dreyfus est coupable, il a commis le plus grand de tous les crimes, et il n’y a pas dans la justice humaine d’expiation qui y soit égale. On parle de punir la trahison par la peine de mort. La Chambre des députés, le lendemain de la condamnation de Dreyfus, a voté dans ce sens une loi, qui est aujourd’hui pendante devant le Sénat. Un sénateur a même proposé de la mettre à l’ordre du jour de la plus prochaine séance, et de la voter au pied levé. C’est prendre la question par le côté purement matérialiste. Il n’est pas sûr que la peine de mort ne soit pas, dans sa rapidité, plus douce que celle que subit Dreyfus ; mais ce qui est certain, c’est que la suppression d’un homme n’a qu’un intérêt médiocre en pareille matière. Si Dreyfus avait été fusillé, la situation actuelle ne s’en serait pas moins produite. Aucun de ses caractères essentiels n’en aurait été modifié. Et qui sait si la revision du procès n’en aurait pas été rendue plus facile ? En tout cas, ce n’est pas ce qui aurait empêché M. Scheurer-Kestner de concevoir cette première inquiétude qui s’est peu à peu emparée de son esprit tout entier, de sa conscience tout entière, et qui l’a finalement obligé à remonter aux origines de cette ténébreuse alTaire, pour y appliquer toute son intelligence, jusqu’à ce qu’il soit arrivé à une conclusion qui l’ait satisfait. Croit-on que M. Scheurer-Kestner se serait dit : Puisque Dreyfus est mort, la question est morte, elle est enterrée avec lui, il est inutile de s’en occuper davantage ? Les esprits qui ont besoin de la vérité, et qui ne sont pas tranquilles jusqu’à ce qu’ils croient l’avoir atteinte, ne s’arrêtent pas à des considérations d’un ordre aussi subalterne. Il est plus aisé de faire disparaître un homme de la surface de la terre qu’un doute de l’esprit humain.
M. Scheurer-Kestner n’est pas connu du grand public, mais il l’est de tous ceux qui vivent dans le monde politique depuis un quart de siècle. Personne n’a obtenu mieux que lui l’estime générale. Il a pu s’égarer, et il est certainement le premier à le reconnaître, puisqu’il croit que tout un conseil de guerre l’a fait. Des deux côtés, la bonne foi a été absolue. Et c’est bien là ce qui met l’esprit à la torture. Qui donc s’est trompé ? D’un côté, un conseil de guerre composé d’officiers qui, par leur intelligence et leur caractère, sont tous au-dessus du soupçon ; hommes d’honneur, on serait tenté de dire par profession ; doués d’une compétence technique incontestable ; enfin, les juges naturels de Dreyfus. Lui-même les aurait choisis. D’un autre côté, un homme seul, avec toutes les chances d’erreur dont aucun de nous n’est exempt, mais un homme d’un caractère simple et modeste, qui n’a jamais cherché à attirer l’attention sur lui, qui est toujours resté dans le rang alors qu’il lui aurait été facile d’en sortir s’il l’avait voulu, et qui a constamment préféré la considération à l’influence et à la renommée. Si l’on juge d’après les hommes en présence desquels on se trouve, comment se prononcer ? Au reste, il serait bien imprudent de le faire. C’est aux choses mêmes qu’il faudrait demander de la lumière, et les choses, nous ne les connaissons pas. Malgré tous les bruits qui ont couru et qui encombrent les journaux, nous ne savons presque rien de certain. L’abondance des renseignemens ne supplée pas à leur quaUté : elle ne fait qu’y ajouter de la confusion. Personne ne peut dire sur quelles preuves, ou sur quelles présomptions graves, Dreyfus a été condamné ; et personne ne peut dire non plus sur quelles preuves, ou sur quelles présomptions graves, M. Scheurer-Kestner est arrivé à croire à son innocence. Le dossier du conseil de guerre et celui de M. Scheurer-Kestner sont restés également fermés à la curiosité si souvent indiscrète du public. On en connaît quelques parties, quelques bribes, mais l’ensemble échappe. Ne serait-ce pas dès lors le comble de l’imprudence que de conclure précipitamment dans un sens ou dans l’autre ? N’est-il pas plus sage de se réserver et d’attendre ? Pourtant, parmi les faits qui ont été énoncés, il en est un qui a produit une impression d’autant plus vive qu’il n’a pas été contesté ; et s’il continue de ne pas l’être, l’autorité du jugement rendu par le conseil de guerre en restera fatalement infirmée. On a dit qu’une ou plusieurs pièces, ignorées du prévenu et de son défenseur, avaient été communiquées aux juges réunis en chambre du conseil, et que cette communication avait eu sur eux un effet décisif. On voudrait croire que le fait n’est pas exact ; mais, s’il ne l’est pas, pourquoi n’a-t-il pas encore été démenti ? Beaucoup d’autres l’ont été, dans les agences ou dans les journaux officieux, qui avaient assurément une importance moindre. Lorsqu’un ministre ou un gouvernement se trouve en présence d’un cas aussi complexe que celui de Dreyfus, et d’un homme qu’il considère comme aussi suspect, U peut procéder de manières différentes. Un procès à huis clos n’est peut-être pas la plus prudente. Il est toujours dangereux de faire un grand bruit autour d’une grande obscurité. Mais, si l’on procède par les moyens judiciaires, il faut se conformer strictement aux lois particulières qui les régissent. On a ordonné le huis-clos ; soit ; on le fait souvent en vue d’intérêts moins délicats et moins importans que ceux qui étaient ici en jeu. Mais rien ne dispense, dans le huis-clos le plus hermétique, d’employer les formes tutélaires de toute instruction criminelle. Quelles garanties avons-nous, sans cela, contre les chances d’erreur auxquelles tous les juges sont exposés, puisqu’ils sont hommes ? Il n’y a pas de règle plus respectée et plus digne de l’être que celle qui oblige de communiquer en temps utile au prévenu et à son défenseur les charges de l’accusation. Y a-t-on manqué, vraiment, dans le procès de Dreyfus ? Si on l’a fait, une pareille omission suffit pour jeter un trouble nouveau dans les consciences. Et c’est bien parce que le bruit en avait couru, depuis quelque temps déjà, que ce trouble s’est produit. On se taisait parce que, dans une affaire pareille, il ne suffit pas de douter pour avoir le droit de communiquer ses doutes aux autres et d’en faire part au public. Une irrégularité commise dans un procès ne prouve d’ailleurs pas que l’accusé soit innocent ; il est seulement de nature à affaiblir la certitude qu’on voudrait avoir de sa culpabilité. On s’est demandé, — comment ne pas le faire ? — quelle était cette pièce mystérieuse qui aurait été dissimulée à la défense et communiquée seulement au conseil de guerre, et, au milieu des affirmations et des contradictions contraires, l’anxiété a augmenté. C’est à ce moment que M. Scheurer-Kestner a parlé : comment sa voix n’aurait-elle pas eu un immense retentissement ? Qu’il se trompât ou qu’il eût raison, qu’il fût le jouet d’une illusion ou qu’il eût enfin découvert la vérité, l’affaire allait être reprise. Il fallait, cette fois, que la lumière fût faite et qu’elle fût complète. Le cauchemar allait être dissipé.
On l’a cru, et nous voulons toujours croire que cette espérance ne sera pas trompée. Il faut avouer pourtant qu’elle est encore assez loin d’être réalisée. Parmi les incidens dramatiques qui se sont succédé en quelques jours, et dont la série ne paraît pas encore épuisée, il n’y en a pas eu de plus émouvant que celui de la lettre adressée au ministre de la guerre par le frère de Dreyfus. Un autre nom était prononcé pour la première fois ; une accusation formelle et directe était lancée contre un nouvel officier. C’est lui, disait-on, c’est le comte Walsin-Esterhazy qui est l’auteur du bordereau dont on a tant parlé, et dont l’écriture ressemblait à celle de Dreyfus. Soit ; elle ressemblait à celle de Dreyfus ; la majorité des experts a même déclaré qu’elle était la sienne ; mais elle ressemblait encore plus à celle du comte Walsin-Esterthazy, et lui-même l’a reconnu. Gardons-nous d’insister. Les erreurs judiciaires produites par des analogies d’écriture sont nombreuses, et il en est même de célèbres. Toutefois, si la ressemblance qui existe entre l’écriture du bordereau et celle du comte Walsin-Esterhazy n’est pas contre lui une preuve convaincante, elle ne doit pas l’être non plus contre Dreyfus ? Y en a-t-il eu d’autres contre Dreyfus ? Y en a-t-il d’autres contre le comte Walsin-Esterhazy ? Aussitôt que le nom de ce dernier a été livré à la publicité, la publicité s’est exercée sur lui. Sa vie, connue seulement jusqu’ici de quelques personnes, a été mise tout entière au grand jour. Le reportage l’a passée à son crible. Il n’y a désormais aucun inconvénient à dire qu’elle a été peu ordonnée, et ne saurait être proposée en exemple à personne ; mais, certes, ce n’est pas une raison pour que le comte Walsin-Esterhazy soit coupable du forfait dont on l’accuse. Une vie irrégulière ne conduit pas nécessairement à la trahison. On a publié une correspondance qu’aurait écrite le comte Walsin-Esterhazy, et qui est faite pour inspirer l’indignation et l’horreur, si elle est authentique ; mais l’est-elle ? S’il est vrai que Dreyfus ait été jugé et condamné un peu vite, c’est une raison nouvelle pour apporter plus de mesure et de prudence dans l’affaire qui commence. M. Walsin-Esterhazy, après la première émotion qui l’a porté à faire aux journaux quelques confidences inutiles, a pris le parti de se taire, et on ne peut que l’en approuver. Le gouvernement avait nommé un commissaire enquêteur, le général de Pellieux. Dès ce moment, il aurait été désirable que tout le monde se tût et attendit. Mais c’était trop demander aux mœurs contemporaines. A côté de l’enquête officielle, il y en a vingt qui sont ouvertes ; il y en a même davantage ; et ceux qui les poursuivent se sont désignés eux-mêmes pour cette tâche. Aussi quel zèle, et quelle bruyante activité !
Le gouvernement fait son devoir. Une question a été posée, au Palais-Bourbon, à M. le ministre de la guerre : il y a répondu en termes simples, sobres, réservés. Quelques personnes lui ont reproché de n’avoir pas été assez net, assez affirmatif dans un sens ou dans l’autre : s’il l’avait été davantage, les reproches se seraient produits encore plus dfs sans doute et certainement mieux fondés. M. le général Billot a déclaré que rien n’était venu ébranler dans son esprit l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire qu’il tenait Dreyfus pour coupable. Tout le monde, en effet, doit le tenir pour tel jusqu’à preuve du contraire, et cette preuve n’est pas faite. Le gouvernement le doit plus que tout autre, puisqu’il est chargé de l’exécution de la sentence. S’il avait un doute sérieux sur la culpabilité du condamné, ou une présomption non moins sérieuse sur celle d’une autre personne, ce n’est pas à une enquête préalable qu’il aurait dû procéder, mais bien à la revision du premier procès, ou à l’ouverture immédiate d’une seconde instruction. Mais devait-il, comme on le lui a conseillé d’un certain côté, prendre la responsabilité de dire, avant toute enquête, que la dénonciation formelle venue de la famille Dreyfus était fausse ; ou encore que le dossier de M. Scheurer-Kestner ne contenait rien qui valût la peine de retenir l’attention ? Il lui aurait été difficile et sans doute même impossible de conserver longtemps cette attitude. L’opinion, de plus en plus excitée, ne se serait pas contentée d’une nouvelle et toute simple affirmation. Quelle que fût sa pensée secrète sur toute cette affaire, le gouvernement ne pouvait pas l’écarter de son chemin : il devait l’aborder loyalement. L’honneur de l’armée n’est pas intéressé, s’il y a eu un coupable, à ce que ce soit celui-ci ou celui-là. L’honneur du conseil de guerre n’est pas en cause davantage. S’il fallait admettre comme un axiome qu’un conseil de guerre ne se trompe jamais, on devrait commencer par supprimer la loi qui a fixé les causes de revision et déterminé la procédure à suivre en pareil cas. Dira-t-on que la loi est injurieuse pour le conseil de guerre ? Dira-t-on qu’elle a eu tort de regarder une erreur comme possible ? Personne n’ira jusque-là. Mais, en voyant ce qui se passe, l’émotion qui s’est emparée des esprits, les passions qui commencent à s’allumer de part et d’autre, les journaux qui se divisent en deux camps et prennent parti, ceux-ci peur la culpabilité de Dreyfus, ceux-là pour celle du comte Walsin-Esterhazy, sans qu’ils aient d’ailleurs autre chose que des impressions confuses pour se décider ; en voyant surtout tant d’indiscrétions se produire, dont quelques-unes touchent aux détails les plus secrets de notre organisation militaire ou politique ; en présence enfin de cette anarchie morale qui ne saurait se prolonger sans les plus redoutables inconvéniens, on comprend que la conscience publique s’alarme. Certes, ce qui se passe en ce moment est un grand mal, ou, si l’on veut, un grand malheur. Mais pouvait-on l’éviter ? Devait-on même le faire à tout prix ? Au-dessus de toutes les considérations, ne faut-il pas placer celle de l’humanité ? Nous voulons croire que Dreyfus est coupable, puisque le conseil de guerre l’a déclaré. Mais si, par hasard, il ne l’est pas, on frémit de pitié en songeant à ce que cet homme a souffert, et à la torture à laquelle il a été soumis. Il n’y en a pas de plus atroce dans l’enfer de Dante : la pensée ne peut pas en concevoir de plus cruelle. Eh ! oui, assurément, il aurait mieux valu qu’une pareille question n’eût jamais pu se poser ; mais puisqu’elle s’est posée, et imposée, il faut qu’elle soit résolue pour toujours.
Au reste, le mal dont nous parlons est beaucoup moins dans la question elle-même que dans la manière dont nous la traitons. Il est en nous-mêmes. Il est dans la facilité avec laquelle nous perdons notre sang-froid, alors que nous aurions les meilleurs motifs de le conserver. Il est dans l’instinct naturel, dans le génie malencontreux avec lequel nous donnons une tournure dramatique à tout ce qui nous arrive. Nos journaux ont un art inimitable pour entretenir l’attention, pour l’exciter, pour la surexciter de plus en plus. Il faut que chaque jour amène son incident, et chaque jour l’amène. Jamais romancier impressionniste n’a su mieux couper un feuilleton que le hasard des circonstances, aidé par des plumes complaisantes, ne se montre habile, chaque matin ou chaque soir, à laisser l’intérêt en suspens et toujours plus ardemment éveillé. Nous nous donnons ainsi à nous-mêmes, et nous donnons au monde, un spectacle qui attire tous les yeux. Si une affaire du même genre s’était produite ailleurs, on s’y serait intéressé sans aucun doute, et même passionné, mais dans des conditions toutes différentes. La mise en scène n’aurait pas été aussi vaste. Les élémens en auraient été moins variés. On n’y aurait pas mêlé toute l’administration militaire du pays. On n’aurait pas cru, ou paru croire, ou donné à croire que tout était en péril parce qu’il y avait eu un traître dans l’armée. On n’aurait pas répandu jusqu’au fond des dernières bourgades l’impression et comme la sensation matérielle d’une défiance qui n’épargne plus rien, ni les choses, ni les hommes. Des traîtres ! Il y en a eu dans tous les temps et dans tous les pays. On en fait justice et tout est dit. Rien n’est perdu pour cela ; rien n’est sérieusement compromis. Mais notre imagination romanesque et mélodramatique change les proportions des objets, au point d’en faire des épouvantails dont nous finissons, en effet, par être sérieusement épouvantés. Il est vrai que cela ajoute beaucoup à l’intérêt du spectacle, et nous nous y grisons avec une volupté secrète et malsaine, sans songer que d’autres sont là qui regardent et écoutent. À nous entendre, tout en France serait atteint jusqu’à la moelle, et il n’y aurait plus une institution à laquelle on pût toucher, sans s’apercevoir aussitôt qu’elle est gangrenée. Ces conclusions nous révoltent, mais il nous plaît d’être les premiers à les exprimer. Naturellement, les journaux du monde entier les reprennent et les commentent, quelquefois avec complaisance. Pourtant, si tout le mal que nous disons de nous-mêmes était vrai, on aurait de la peine à comprendre la prodigieuse élasticité et en même temps la solidité des ressorts qui nous permettent toujours de nous relever de nos chutes et de nous redresser. Redressons-nous donc et regardons le mal en face : il nous paraîtra moins grand.
Nous serions curieux de voir, pour être à même de comparer, les institutions et les hommes des autres pays soumis à des procédés de déformation du même genre : c’est une étude qu’on se gardera bien de nous donner l’occasion de faire. Quand un scandale vient à éclater en Angleterre, en Allemagne, ou ailleurs, on s’empresse d’y pourvoir, mais surtout de l’étouffer : nous, au contraire, nous n’attendons pas qu’un soit terminé pour en inventer un autre. Il nous manquerait quelque chose, si nous n’en aidons pas constamment un sous la main. Veut-on un exemple de la manière dont on procède à l’étranger en pareille occurrence ? Il n’est pas nécessaire d’aller le chercher loin. L’Allemagne, tout récemment, a eu le procès de Tausch, et, à la lueur des révélations qui s’y sont produites, on a pu apercevoir presque à fond les rouages de la police politique. Si jamais une institution a paru pourrie jusqu’à la dernière molécule, c’est bien celle-là. Ah ! nous aurions fait un beau et long drame avec une pareille affaire ! Les Allemands n’ont eu d’autre idée que de s’en débarrasser au plus vite, et par tous les moyens. Comme ils n’avaient pas pris au début des précautions suffisantes, ils ont arrêté et remis le procès pour le recommencer plus tard dans des conditions plus prudentes. On se rappelle à peine comment U s’est terminé : tout le monde, ou à peu près, a été reconnu innocent, et plus particulièrement ceux qui avaient paru d’abord les plus coupables. Le secrétaire d’État aux affaires étrangères, homme considérable et justement considéré, a été sacrifié, d’ailleurs en sourdine, parce qu’il avait mal contenu la révolte de son honnêteté. Cela n’a paru être ni d’un diplomate, ni d’un homme d’État. En France, on couvrirait de fleurs, au moins pendant quelques jours, un ministre qui se laisserait aller ainsi au penchant d’une belle âme. Après l’Allemagne, voyons l’Angleterre. Il ne faut pas non plus chercher dans l’histoire ancienne de ce pays pour y découvrir quelque grand scandale politico-judiciaire. On l’y trouverait, au surplus, sans beaucoup de peine. Mais, hier encore, n’a-t-on pas eu, après le procès du docteur Jameson, celui de M. Cecil Rhodes ? M. Cecil Rhodes est de la race des Warren Hastings et des Clive : il rend de grands services à son pays, sans s’oublier lui-même. Tout le monde connaît à Londres, bien qu’on aime mieux ne pas en parler, les procédés d’administration, de politique et de guerre dont il use dans l’Afrique australe. Une fois, pourtant, il y a eu explosion, moins encore peut-être parce qu’il s’agissait d’un acte de piraterie pure et simple que parce que le coup avait manqué. Nous ne reviendrons pas sur les détails du procès qui a été fait, au docteur Jameson d’abord, à M. Cecil Rhodes ensuite. On y a aperçu aussi, mais toujours dans la pénombre, des choses singulières que nous n’aurions pas manqué d’évoquer au grand jour. M. Jameson a été condamné à une peine insignifiante. Quant à M. Cecil Rhodes, si on ne l’a pas tout à fait renvoyé avec éloges, U s’en est fallu de bien peu. Sa popularité au Cap, loin de subir la moindre diminution de cette aventure, en a été plutôt consolidée. Nous ne comparons pas des affaires aussi dissemblables que celle de M. Cecil Rhodes, celle de Tausch, et celle enfin qui, chez nous, agite en ce moment l’opinion ; mais on peut encore moins comparer les procédés que, de part et d’autre, on a employés ou qu’on emploie pour les traiter. Chaque peuple a ses défauts : seulement les nôtres ont l’inconvénient de nous faire paraître pires que nous ne sommes. C’est ainsi que nous nous présentons nous-mêmes, et on nous croit volontiers sur parole.
Le général de Pellieux, chargé de faire une enquête sur l’accusation dont le comte Walsin-Esterhazy a été l’objet, l’a ouverte aussitôt. Elle n’est pas encore terminée. Par malheur, la nervosité du public augmente tous les jours. Le champ des certitudes reste très limité ; celui des soupçons va toujours en s’élargissant. Après en avoir mis tant d’autres en cause, on a parlé du lieutenant-colonel Picquart, qui a été autrefois chargé du service des renseignemens au ministère de la Guerre, et qui a été depuis envoyé en garnison en Tunisie pour des motifs encore mal connus. On raconte que le colonel Picquart est arrivé, par l’exercice même de ses fonctions, à se convaincre de l’innocence de Dreyfus, et qu’il s’est empressé d’en faire part à ses chefs, en produisant ce qu’il regardait comme des preuves. S’il en est ainsi, le colonel Picquart a rempli son devoir. On raconte encore qu’il ne s’en serait pas tenu là, qu’il aurait fait les mêmes confidences à d’autres, et qu’il leur aurait également fourni des preuves empruntées à ses dossiers. C’est, en particulier, l’allégation du comte Walsin-Esterhazy : il aurait appris le fait par une ou par plusieurs dames voilées qui lui donnaient des rendez-vous à la nuit tombante. S’il en est ainsi, le colonel Picquart a gravement manqué à ses devoirs professionnels : toutefois, il aurait pu manquer à ses devoirs professionnels et se mettre personnellement dans un mauvais cas, sans avoir trahi la vérité. Il n’avait pas le droit de communiquer à d’autres que ses chefs des renseignemens puisés dans des dossiers officiels ; mais, quand même il l’aurait fait, cela ne prouverait pas que les renseignemens étaient faux. Il y a là deux questions très différentes, qu’il importe de ne pas confondre. Au reste, on ne sait rien de précis sur le colonel Picquart. Il a été rappelé, ou plutôt appelé de Tunis : est-ce à titre de témoin ? est-ce à titre d’accusé ou de suspect ? On a cru d’abord que c’était à titre de témoin ; puis on a appris que, pendant qu’il était en mer, une perquisition a eu lieu dans ses papiers. Nous ne sommes pas assez jurisconsulte pour savoir si cette perquisition, dans les conditions où elle s’est produite, était légale : on affirme généralement le contraire. En tout cas, elle était maladroite. Il aurait mieux valu attendre le colonel pour opérer en sa présence le dépouillement de ses papiers. Mais comment a-t-on perquisitionné chez lui, s’il n’a pas changé de caractère aux yeux du général enquêteur, à moins d’admettre qu’il en est quelquefois des enquêtes militaires comme de ces duels où on tire sur les témoins ? Faut-il donc croire que le colonel soit l’objet d’une information judiciaire ? On ne sait pas encore s’il en sera jamais ainsi pour le commandant Walsin-Esterhazy : cette différence de traitement est de nature à étonner. Mais on aurait trop à s’étonner, si l’on s’étonait de quoi que ce soit, si l’on ne prenait pas le parti de ne s’étonner de rien. Encore une fois, il faut attendre. Tout ce que nous souhaitons, c’est qu’on évite autant que possible les coups de théâtre, lorsqu’ils ne sont pas indispensables, — et la perquisition faite chez le colonel Picquart en son absence ne l’était pas. — Et que penser du prétexte dont on a usé pour tromper la sagacité du concierge ? On lui a dit qu’on cherchait dans la maison une fabrique clandestine d’allumettes. Combien cela est puéril et fâcheux ! L’attitude du gouvernement a été jusqu’ici tout à fait correcte ; les allures du commissaire enquêteur ont été plus fantaisistes. M. le général de Pellieux fera bien de les modifier. Dans une affaire aussi grave, il convient d’agir avec une parfaite rectitude. Les petites ruses n’y sont pas de mise. Tout se passe devant la nation attentive, et par conséquent on ne saurait y apporter trop de simplicité et de gravité. Puisse une lumière éclatante sortir des investigations actuelles ! Finissons-en une fois pour toutes avec cette affaire ! Les gens bien informés avaient jusqu’à ce jour le pressentiment qu’elle n’était pas terminée. Nous voudrions n’avoir plus à en parler, sinon pour dire : — Voilà enfin la vérité ; nul ne saurait s’y méprendre ! — Si le jugement du conseil de guerre est confirmé, qu’il le soit dans des conditions propres à éclairer toutes les consciences. S’il ne l’est pas, qu’on découvre le vrai coupable, et qu’il ne puisse plus y avoir d’incertitude sur son crime. Et cela n’est pas impossible, pourvu qu’on se dégage de toutes les préoccupations étrangères à la cause, qu’on cherche la vérité pour elle-même, et qu’on la poursuive en dehors de toutes les manifestations inutiles qui entretiennent l’opinion dans un continuel état de fièvre et l’égarent sur des pistes trompeuses. Il faut que le mot qui va être prononcé soit sans appel, qu’il soit évidemment le dernier.
Pendant que l’opinion, chez nous, s’émeut peut-être à l’excès pour la question Dreyfus-Walsin-Esterhazy, les autres puissances continuent de s’appliquer à leurs affaires. Un certain nombre d’incidens, dont quelques-uns ne sont pas sans importance, se sont passés en Europe, et en Asie. En Extrême-Orient en particulier, l’Allemagne est intervenue de la manière la plus inattendue et la plus brusque sur le territoire du Céleste-Empire. Elle avait à se plaindre de sévices exercés sur des missionnaires, dont deux avaient été mis à mort. Heureusement pour ses commodités, le fait s’était produit non loin des côtes : mais, s’il s’était produit plus avant dans les terres, les conséquences en auraient peut-être été exactement les mêmes. Un navire allemand a débarqué dans la baie de Kiao-Tchéou des troupes qui se sont emparées sans coup férir du fort qui la domine. Il a suffi pour cela d’une sommation, à laquelle le commandant chinois s’est empressé d’obéir. Que fera maintenant l’Allemagne ? Pensera-t-elle, comme le disait autrefois M. de Bismarck dans son langage dénué de circonlocutions oiseuses, que ce qui est bon à prendre est bon à garder ? Un assez grand nombre de ses journaux sont de cet avis. D’autre part, si le gouvernement du Céleste-Empire lui donne toutes les satisfactions qu’elle a demandées, il lui sera peut-être difficile de conserver plus longtemps un gage en sa possession. Il est vrai que les scrupules, en pareille matière, ne l’ont pas gênée beaucoup dans le passé. L’empereur Guillaume ne rêve que marine et colonies : la tentation sera grande pour lui de rester à Kiao-Tchéou. Un fait récent peut fournir à cet égard une indication qui n’est pas sans intérêt. On sait que l’Empereur a retiré de Crète les troupes qu’il y avait envoyées, et qui s’élevaient bien à une dizaine d’hommes. Le départ de ce contingent minuscule a même produit une certaine impression, parce qu’on s’est demandé si l’Allemagne, en se détachant des autres puissances, avait l’intention de distinguer encore plus sa politique de la leur ; heureusement on a affirmé tout de suite qu’en même temps qu’un navire allemand embarquait les troupes de la Canée, un autre navire allemand partait de Hambourg pour y en conduire de nouvelles. Alors, tout est bien. Mais, où est allé le petit corps expéditionnaire germanique en quittant la Crète, et quel but lui a-t-il été assigné avec une telle urgence qu’il n’a pas même pu attendre d’être relayé ? Il est allé, paraît-il, en Extrême-Orient. On l’a fait partir de la Canée, au lieu de Hambourg, à cause de la proximité plus grande. Il faut croire que l’empereur Guillaume a des desseins considérables dans les eaux chinoises, puisqu’il ne lui paraît pas indifférent d’y envoyer dix hommes de plus, et de leur assurer quelques jours d’avance. La Crète l’intéresse moins, et, à la manière dont y vont les choses, on se l’explique sans peine. Il sera curieux de surveiller ce qui se passe dans l’Extrême-Orient, et de constater les impressions diverses qu’en éprouveront les autres puissances. Jusqu’ici, les impressions anglaises ont été plutôt favorables. Le précédent créé par l’Allemagne n’a pas déplu à Londres, et il n’est pas très difficile de deviner pourquoi.
Nous sommes d’ailleurs dans une période d’énergie. Ce n’est pas seulement l’Allemagne qui vient d’en faire montre à l’égard de la Chine ; l’Autriche a suivi cet exemple à l’égard de la Turquie, à moins qu’elle ne l’ait donné la première. Quand les puissances sont incorporées dans le concert européen et opèrent avec lui, en réalité elles opèrent infiniment peu, et il est quelquefois difficile de mesurer leur action, tant elle est insensible. Elles se mettent à six pour ne rien faire. Mais quand l’une reprend possession d’elle-même et agit en son nom personnel, elle retrouve toute la liberté, toute la vivacité de ses mouvemens, et elle en use, et elle obtient des résultats. Un agent du Lloyd autrichien avait été maltraité à Mersina. Le gouvernement austro-hongrois a demandé des réparations : on n’a pas fait la moindre difficulté pour les lui promettre, mais, bien entendu, on ne les lui a pas données. La même comédie s’est renouvelée deux fois. Alors le comte Goluchowski a perdu patience, et il a envoyé à son ambassadeur à Constantinople, le baron de Galice, l’ordre de présenter un ultimatum au gouvernement ottoman : si satisfaction n’était pas accordée à une date fixe et toute prochaine, Mersina serait bombardé par des naAdres autrichiens. Immédiatement satisfaction a été accordée. Les autorités musulmanes coupables de malveillance envers l’agent du Lloyd ont été l’objet d’une révocation. Le pavillon autrichien a été salué par autant de coups de canon qu’on a voulu. Enfin, la menace du comte Goluchowski a produit tout l’effet qu’il était permis d’en attendre, c’est-à-dire tout l’effet qu’il s’était proposé. Voilà encore un précédent dont on trouverait des exemples dans l’histoire, mais qui semblait abandonné par l’Europe et tombé en désuétude. L’Autriche-Hongrie a eu le mérite de le renouveler. Sans doute, elle n’y courait pas grand risque ; mais encore fallait-il s’en aviser et s’y décider.
On ne s’y attendait probablement pas à Constantinople. L’Autriche-Hongrie fait partie de la triple alliance, et, à ce titre, elle a le plus souvent combiné sa politique avec celle de l’Allemagne : or, l’empereur Guillaume est le meilleur ami d’Abdul-Hamid. Cette fois, pourtant, l’Autriche n’a consulté que ses intérêts, ou sa dignité. Elle n’a demandé l’adhésion de personne, et elle a agi dans la plénitude de son indépendance, ce qui lui a réussi. Le fait vaut la peine d’être signalé. Le comte Goluchowski, dans le récent et très remarquable discours qu’il a prononcé devant les Délégations austro-hongroises, a fait un exposé et comme un tableau de sa politique. Il a eu un grand succès, non seulement devant ses auditeurs, mais en Europe. Sa première affirmation a été naturellement en faveur de la triple alliance : l’Autriche y a toujours été, et elle y reste toujours fidèle. C’est là un pivot inébranlable. Mais l’avantage des pivots est qu’on peut, tout en y restant attaché, tourner dans les sens les plus divers. L’Autriche-Hongrie se tourne volontiers aujourd’hui du côté de la Russie. Le comte Goluchowski a consacré la plus importante, et certainement la plus saillante partie de ses déclarations, à parler du rapprochement qui s’est fait entre l’Autriche et la Russie, rapprochement plein de confiance de part et d’autre, et qui parait devoir durer. Il y a, pour la France, dans le discours du ministre des Affaires étrangères austro-hongrois, une phrase très obligeante, et que nous estimons suffisante ; mais il y en a beaucoup pour la Russie. Le comte Goluchowski a-t-il donc fait avec le comte Mouravief une de ces contre-assurances que M. de Bismarck a rendues célèbres par de retentissantes divulgations ? Non, sans doute ; un des caractères de ces contre-assurances est qu’on en parle le moins qu’on peut ; on les garde pour soi, comme un supplément de garanties, sans en faire montre à côté de son principal allié. Évidemment, le comte Goluchowski n’a rien à cacher. Il s’exprime très ouvertement, sans aucune précaution de langage, sur les rapports plus intimes qui se sont établis depuis quelque temps entre les deux empires austro-hongrois et moscovite. Cette politique paraît dater de la visite que l’empereur François-Joseph a faite il y a quelques mois à l’empereur Nicolas. Les grandes lignes en ont été sans doute tracées dans les entretiens de Saint-Pétersbourg. Elle s’est manifestée, pendant la guerre gréco-turque, par l’action commune des deux gouvernemens impériaux sur les petits royaumes et principautés des Balkans. Leur parfait et loyal accord, conforme d’ailleurs aux vues générales de l’Europe, a contribué pour beaucoup à localiser la guerre, par le conseil donné à la Bulgarie, à la Serbie, au Monténégro, et même aux provinces ottomanes où existaient des fermens révolutionnaires, de rester prudemment en dehors des hostilités. C’est ce qui est arrivé. Toutes les puissances ont tenu le même langage, et chacune d’elles a son mérite dans le résultat obtenu ; mais la proximité plus grande de la Russie et de l’Autriche, aussi bien que le patronage historique que l’une et l’autre exercent sur divers points des régions balkaniques, devaient assurer à leur intervention plus de poids et d’efficacité. C’est là, sans doute, qu’il faut chercher l’origine du rapprochement avoué aujourd’hui entre Vienne et Saint-Pétersbourg. Personne ne peut en prendre ombrage, et nous moins que qui que ce soit. Peut-être le changement de ministère qui s’est produit il y a quelques semaines à Belgrade, et qui a permis à l’influence autrichienne de reprendre en Serbie une place qu’elle avait momentanément perdue, est-il une des conséquences de cet accord. En tout cas, la Russie n’en a manifesté aucun mécontentement. La reprise dans les Balkans d’une politique plus active, une attitude plus ferme et plus résolue à l’égard de la Porte, une aisance plus grande dans tous ses mouvemens, tels sont les résultats assurément heureux pour l’Autriche-Hongrie de la direction que le comte Goluchowski a donnée aux affaires. Et, chose remarquable, son discours, — il a tenu à peu près le même devant la Délégation hongroise d’abord et ensuite devant la Délégation autrichienne, — n’a pas été moins bien accueilli par la première que par la seconde, comme si les vieilles rancunes de la Hongrie contre la Russie commençaient, au bout d’un demi-siècle, à s’émousser par l’action du temps et de circonstances toutes nouvelles.
Quoi qu’il en soit, la triple alliance, tout en se maintenant avec une solidité sur laquelle nous aurions tort de nous faire illusion, ne subsiste qu’à la condition de s’inspirer d’un esprit qui n’est plus tout à fait celui d’autrefois. Si l’Italie y est entrée, c’est moins pour prendre que pour donner des garanties contre nous ; mais depuis la chute de M. Crispi, depuis l’avènement du ministère Rudini-Visconti-Venosta, tout en restant fidèle à ses alliés, elle a modifié d’une manière sensible son attitude à notre égard. Si l’Autriche-Hongrie y est entrée également, c’est à la fois pour prendre et pour donner des garanties contre la Russie. On peut d’autant moins en douter que son traité avec l’Allemagne a été publié : la Russie y est visée nominalement. Mais cela ne l’a pas empêchée de se rapprocher peu à peu de son grand voisin de l’Est, et de s’entendre avec lui sur des intérêts qu’ils déclarent l’un et l’autre n’être pas inconciliables. Ce sont là des phénomènes très significatifs. La triple alliance subsiste à la manière de tant d’autres choses, qui ne durent qu’à la condition de se transformer. N’est-ce pas, d’ailleurs, la condition de la vie elle-même ?
P. - S. — Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que le comte Badeni a donné sa démission et qu’elle a été acceptée par l’Empereur François-Joseph. On a lu plus haut un article sur la décomposition des partis en Autriche, et sur l’anarchie parlementaire qui en résulte. Cette anarchie s’est fait sentir dans la rue sous la forme de commencemens d’émeutes, et il est certainement regrettable que le ministère Badeni ait paru céder à ce genre d’intimidation. On parle de la formation d’un ministère Gautsch, qui sera probablement un ministère de transition, un peu analogue à celui que présidait le comte Kielmansegg avant la constitution de celui qui disparait. Nous aurons à revenir sur cette situation.