Chronique de la quinzaine - 14 juillet 1839
14 juillet 1839
Dans la marche rapide des évènemens qui se passent sous nos yeux, c’est déjà un fait éloigné que la discussion et le vote du crédit de dix millions destinés à augmenter nos forces navales dans la Méditerranée. Le ministère aura donc très prochainement ces dix millions dans les mains, et il les emploiera, selon leur destination, à solder les équipages et les fournitures de notre marine. Ce chiffre de dix millions, placé en face des dépenses maritimes extraordinaires des autres puissances, suffit pour répondre à tous les orateurs qui s’étaient fait inscrire lors de la discussion de ce crédit. Il est évident, rien qu’à cette demande, que la France se donne une mission très limitée dans l’affaire d’Orient, et c’est, en effet, le rôle qu’elle s’apprête à jouer, selon toutes les apparences.
La question des affaires d’Orient, telle qu’elle se présente aujourd’hui, surtout depuis le vote du crédit de dix millions, se divise en deux parties bien distinctes. L’une était indiquée par le rapport de M. Jouffroy, c’est la partie la plus longue, la plus difficile, et peut-être la partie impossible de cette affaire, quoiqu’elle ait été présentée, par le rapporteur, comme la chose la plus simple et la plus naturelle du monde ; c’est celle qui consiste à lier la France, l’Angleterre, l’Autriche et la Turquie, par un traité d’alliance et de garantie réciproque. Mettre une pareille tâche dans un des bassins de la balance, et dans l’autre le ministère actuel, appuyé sur dix millions, pour l’accomplir, c’est vouloir réaliser un peu plus qu’un miracle, on en conviendra. Heureusement, cette mission dont on voudrait voir se charger notre gouvernement n’est pas l’œuvre d’une dépêche, et il pourra arriver que quelques hommes d’état, d’un talent éprouvé, passant par le ministère des affaires étrangères, travaillent quelque jour à la réaliser. Heureusement, répétons-le, que c’est une affaire de temps, d’habileté et de patience, et qu’il peut s’ouvrir ainsi pour nous quelques chances d’y réussir ; car, si la solution devait être immédiate, nous ne serions pas en mesure de la mener à bien.
De quoi s’agit-il en effet ? De forcer trois puissances à s’entendre pour conserver le statu quo en Orient, quand de ces trois puissances, l’une, l’Angleterre, dissimule mal la nécessité où elle se croit de détruire le statu quo du côté de l’Égypte, et quand une autre, l’Autriche, a adopté un système de revirement et de temporisation qui ne permet pas d’attendre un appui durable ou même momentané de sa part. Pour la troisième, la Turquie, il s’agit de plus encore, il s’agit de l’arracher à une protection qui lui est imposée les armes à la main, et que lui commande de subir un traité qui l’engage deux ans encore. Ajoutons que la lutte où la France trouve des auxiliaires si peu déterminés ou si peu sûrs, aura lieu contre la Russie, qui a pour elle le voisinage, l’activité, l’intelligence et les moyens de corruption ou de séduction qui sont presque toujours infaillibles en Orient. Et c’est quand elle a le poids d’une telle obligation contractée par la France vis-à-vis d’elle-même, commandée par les nécessités les plus pressantes, que la direction des affaires étrangères se trouve, en quelque sorte, dans un état d’impossibilité réelle ! L’Angleterre sait bien ce qu’elle fait quand elle se félicite de l’attitude de la France en cette circonstance ; elle ne peut penser, en effet, que nous cherchions à l’effacer.
Quant à la partie immédiate, et en quelque sorte plus matérielle de la mission de la France en Orient, nous ne doutons pas qu’on ne parvienne à l’accomplir, quelques difficultés qu’elle semble offrir en ce moment. L’état maladif, peut-être désespéré du sultan, est même loin d’être une circonstance aggravante. La disparition d’un prince dont le caractère servait de contrepoids en Orient à celui du pacha d’Égypte, serait assurément fatale à la Turquie ; mais les puissances européennes trouveraient plus facilement des moyens de pacification auprès du successeur du sultan, jeune prince qui n’aurait pas passé, comme son père, par toutes les phases de la lutte qui a lieu depuis plusieurs années entre la Porte et son vassal. On parle de l’accord parfait des trois principales puissances, et même de la Russie, pour maintenir l’état des choses et arrêter les progrès de la guerre. C’est encore un point qui ne nous semble pas douteux pour le moment, et c’est dans la conviction que cet accord momentané existe, que nous croyons à l’efficacité des dispositions de la France. Autrement, nous ne verrions pas comment elle pourrait jeter le rameau de la paix entre les deux adversaires, et empêcher les flottes turque et égyptienne de se rejoindre dans la Méditerranée, comme les armées turque et égyptienne se sont déjà rejointes dans la Syrie. Un simple coup d’œil jeté sur les forces navales des différens états contendans ou pacificateurs en dira plus que toutes nos paroles. Nous ne connaissons pas le nombre et la nature des vaisseaux que l’Autriche peut mettre en ligne dans ces parages ; et pour l’Angleterre, on sait que sa principale escadre, commandée par l’amiral Stopford, est restée jusqu’à ces derniers jours paisiblement à Malte, et semble avoir ordre de ne pas apporter trop d’influence dans cette opération pacifique. Quant aux autres puissances, voici un dénombrement des forces dont elles disposent dans les mers du Levant.
L’escadre turque, partie pour Gallipoli le 17 juin, se composait de deux divisions réunies, formant ensemble vingt-six voiles. En voici le détail : un vaisseau de 140 canons, un de 110, six vaisseaux de 74 à 90 canons, deux frégates de 72, huit frégates de 50 à 60, quatre bricks, deux schooners, plus deux bateaux, à vapeur. Cette flotte porte huit ou dix mille hommes de troupes de débarquement. Deux autres vaisseaux et une frégate doivent avoir fait voile depuis pour rejoindre la flotte.
Les forces égyptiennes, qui avaient été signalées entre Alexandrie et Rhodes le 4 juillet, se composaient de dix vaisseaux de différens rangs, de cinq frégates et dix bâtimens inférieurs. Elles se trouvaient ainsi moins nombreuses que les forces ottomanes.
Les forces navales de la Russie, qui paraît ne pas devoir jouer un rôle actif dans cette coërcition, mais qu’on doit compter, et qu’il est nécessaire de balancer pour exercer une influence réelle, se composent, en tout, de cinq divisions au grand complet. Chaque division consiste en un vaisseau à trois ponts, huit à deux ponts, y compris deux vaisseaux de 84 et six frégates, plus une corvette et deux avisos. Chaque vaisseau de ligne est monté par un équipage de 1,100 hommes, y compris l’état-major, ce qui porte l’effectif de l’armée navale à 50,600 hommes. Deux de ces divisions stationnent dans la mer Noire. Le nombre des hommes qu’elles portent est de 19,800.
Les forces de la France, augmentées de tous les bâtimens armés qui se trouvent dans le port de Toulon, qui ont reçu l’ordre de partir successivement pour le Levant, porteront l’escadre de l’amiral Lalande à huit vaisseaux, trois frégates, quatre corvettes et quatre bricks.
La Turquie a donc une escadre de vingt-neuf voiles, dont dix vaisseaux ; l’Égypte, une flotte de vingt-cinq voiles, dont dix vaisseaux également ; la Russie, vingt-quatre voiles, dont dix-huit vaisseaux ; et la France, dix-neuf voiles, dont huit vaisseaux. En supposant la neutralité la plus absolue de la part de la Russie, la France, si la flotte de Malte n’arrive pas promptement, aura à commander la paix à un ensemble de forces de cinquante-quatre voiles, dont vingt vaisseaux. On voit s’il est important d’augmenter nos forces dans les mers du Levant, et si les dix millions que la chambre a votés à cet effet seront de trop.
La France ne peut donc, pour le moment, vu l’état de ses forces maritimes, agir que par son ascendant moral dans la question d’Orient, et cependant elle seule peut réellement agir, car les puissances avec lesquelles la France marche d’accord, en y comprenant ou non la Russie, ont des intérêts trop compliqués pour hasarder une démonstration nette et vigoureuse. L’escadre britannique était encore, il y a peu de jours, à Malte, et les actes de l’ambassadeur d’Angleterre à Constantinople n’ont pas encore été expliqués de manière à prouver que son gouvernement a sincèrement désiré, dans ces derniers temps, le maintien du statu quo. L’Autriche est trop occupée des avantages de son commerce avec l’Orient par Trieste, et des ressources que lui offre, pour transporter ses marchandises à la mer Noire, le Danube, avec ses cinq cents lieues de cours et ses cent vingt affluens, pour ne pas ménager à la fois la Turquie et la Russie, en restant plus ou moins dans l’attitude neutre qu’elle affectionne. C’est donc la France qui va prendre le rôle actif, c’est elle qui vient s’interposer, avec des forces minimes, entre les deux flottes, c’est elle qui envoie des officiers d’état-major sommer la Porte de retirer ses troupes de la Syrie, et c’est elle encore qui manifeste par la commission de la chambre, approuvée par le ministère, le dessein de former une alliance entre les puissances qui semblent appelées, par leur intérêt, à maintenir l’empire ottoman. La France se charge donc, on peut dire seule, d’arrêter le sultan dans ses desseins contre son vassal, de l’empêcher d’entrer en Syrie ou d’y demeurer, quand il a rassemblé à grands frais toutes ses troupes qu’il a retirées de l’Europe pour les concentrer en Asie. La France fera virer de bord la flotte qu’il a équipée avec une persévérance inouie, surmontant tous les obstacles, et venant lui-même chaque jour encourager les travaux dans les fonderies de canons et les arsenaux. Par une seule signification intimée au chef de l’empire ottoman, elle l’obligera à renoncer au projet en faveur duquel il avait souscrit le traité de commerce avec l’Angleterre, qui livrait à cette puissance tout le trafic de la Turquie, mais qui mettait en opposition les intérêts anglais et ceux du pacha d’Égypte. Le rôle est beau, mais mille antécédens, aussi glorieux que déplorables, nous font craindre que la France n’oublie dans cette affaire qu’un seul soin, celui qu’elle oublie d’ordinaire, le soin de ses intérêts.
Les dernières discussions de la chambre à ce sujet ne nous semblent pas de nature à éclaircir beaucoup cette question, quoique les orateurs les plus éminens, et des orateurs nouveaux d’un talent véritable, aient pris la parole. Nous avons beaucoup entendu parler de généralités et d’équilibre européen ; mais c’est à peine si un orateur a touché la question des intérêts commerciaux, cette question si respectable en Angleterre, en Autriche, en Russie, et qui est, en effet, aujourd’hui la première des questions politiques. On nous a démontré la nécessité de maintenir le statu quo, mais non la nécessité de multiplier nos rapports avec l’Orient, et d’y introduire, par des voies si faciles à établir pour nous, les produits de notre industrie. En un mot, il a été beaucoup trop question de la dignité de la France, mais beaucoup trop peu de sa prospérité, et cependant cette dernière question renfermait la première, car le soin de la protection des intérêts d’une nation entraîne toujours le soin de sa dignité et de son honneur. C’est en ceci que la politique diffère de la morale ordinaire, et la lettre, loin de le tuer, y vivifie l’esprit.
L’Angleterre a de grands intérêts en Orient, nul n’en doute. A-t-on vu le parlement anglais délibérer sur la vie ou la mort de l’empire turc, et la chambre des communes a-t-elle mandé le ministère à propos d’un crédit, pour lui imposer une ligne de conduite ? Nullement. C’est qu’en Angleterre on sait parfaitement que les intérêts matériels doivent diriger la politique anglaise, et il ne peut y avoir les moindres doutes à ce sujet. En Angleterre, la balance du commerce a levé toute incertitude à cet égard, et l’on y sait de quel œil on doit regarder la France, la Russie et l’Autriche, du point de vue où les intérêts anglais se placent en Turquie. Toutefois, comme en France on n’en est pas venu à cette politique pratique, la discussion qui a eu lieu au sujet du crédit de dix millions, quelque vague qu’elle soit en certains points, aura un résultat favorable, non en affermissant le gouvernement dans le dessein de jouer en Orient un rôle qui pourrait nous devenir préjudiciable, mais en montrant que la France est décidée à ne pas supporter l’abandon de ses intérêts politiques ou autres dans cette affaire.
Le discours du président du conseil qui a ouvert cette discussion indiquait en peu de mots la marche suivie par le cabinet. La première nécessité, aux yeux du ministère, était d’éviter un conflit entre le pacha et le sultan, de suspendre les hostilités entre les deux armées si elles avaient commencé. Le ministère annonçait donc qu’après un concert entre les deux gouvernemens, les escadres de France et d’Angleterre avaient été munies d’instructions à cet effet. C’est sans doute par une clause de ce concert que la France a fait les premiers pas, et que deux officiers d’état-major ont été envoyés l’un à Alexandrie et l’autre à Constantinople, pour sommer les deux contendans de s’arrêter. L’escadre anglaise de l’amiral Stopford, composée de treize bâtimens dont six vaisseaux, n’a quitté Malte que le 2 juillet, et il est question d’une bataille livrée en Syrie entre les troupes turques et égyptiennes, le 21 juin. Il est donc évident que l’Angleterre a mis moins d’empressement que la France à intervenir dans le débat oriental, et que sa dignité ni son influence ne se trouveront compromises, si les armées comme les flottes turques et égyptiennes, n’obéissent pas aux sommations pacifiques qui leur sont adressées. Dans le cas contraire, l’Angleterre se trouvera avoir contribué à cet heureux dénouement par son concert avec la France, annoncé au parlement par lord Palmerston ; et pour ce qui est des idées de guerre entretenues à Constantinople par les agens anglais, on ne sera pas embarrassé de les désavouer. Déjà, depuis la nouvelle de la maladie du sultan, on insinue à notre cabinet que lord Ponsonby pourrait bien avoir dépassé ses instructions. On voudra bien cependant remarquer que la passion de lord Ponsonby pour les intérêts du divan ne saurait être ancienne, car les démêlés de cet ambassadeur avec M. Urquhart, son ancien secrétaire d’ambassade, et qui motivèrent l’éloignement de celui-ci, n’avaient d’autre cause qu’une passion toute semblable que M. Urquhart avait conçue pour la nationalité turque, qu’il cherchait, par tous les moyens, de préserver des usurpations du pacha d’Égypte.
Les réflexions qui découlent naturellement de l’observation de tous ces faits ne nous conduisent pas toutefois à nous ranger à l’avis de M. le duc de Valmy et à regarder l’empire turc comme entièrement anéanti et démembré. Un argument fondé sur l’étude sérieuse et intelligente de l’Orient nous a frappés dans le discours de M. le duc de Valmy. Il a montré, en effet, la Russie pressant l’empire ottoman vers le nord, et s’efforçant de rallier les élémens chrétiens de l’empire, tandis que le pacha, maître des provinces méridionales, attire à lui les élémens musulmans, à la faveur de l’ascendant religieux qu’il emprunte de son titre de protecteur de la Mecque. C’est sans doute définir très justement le double danger que court l’empire turc que de le juger de part et d’autre sous le point de vue religieux ; et nous ne doutons pas que si la Turquie se désorganise, elle périra par la destruction des deux élémens musulman et chrétien dont elle se compose. Toutefois le sultan a encore, sous ce point de vue, plus d’une ressource. Nous avons vu, il est vrai, que le grand schérif de la Mecque a proposé tout récemment à Méhémet-Ali d’aller lui lever toute la population du Hadzchas, qui formerait une armée de cinquante mille hommes. On en a conclu que le sultan étant abandonné par les gardiens du tombeau du prophète, serait bientôt abandonné par toute la population musulmane de l’empire. On a oublié que le schérif, qui se trouve au Caire, a été déposé par Méhémet-Ali, et qu’il n’a sans doute eu d’autre dessein que de regagner le Hadzchas, et de se soustraire à la captivité véritable dans laquelle on le retient en Égypte. Ce seul fait prouve que, malgré les démonstrations du pacha en faveur des anciennes formes de l’islamisme, modifiées par le sultan, l’élément musulman est loin d’être dans ses mains, comme il est facile de le voir dans la partie de la Syrie où se sont avancées les troupes turques. Quant aux chrétiens d’Orient, malgré la conformité de religion, la Russie aura beaucoup de peine à les faire entrer dans ses desseins. Sur quatorze millions d’hommes dont se compose la population de la Turquie d’Europe, on compte près de dix millions de chrétiens, en y comprenant les tributaires ; ce qui réduit la partie musulmane au tiers de la population. Assurément si la Russie parvenait à s’assurer des sympathies de ces dix millions de chrétiens, elle serait bientôt maîtresse de l’empire ; mais cette population, où figurent les Serviens, les Valaques, les Boulgares, désire si peu un joug chrétien quelconque, qu’elle s’est tournée, dans tous les temps, tantôt vers l’Angleterre, parce qu’elle la supposait plus décidée à soutenir le divan, tantôt vers la France, dont elle n’a cessé, depuis long-temps, et par le même motif, de souhaiter la prépondérance. Pour la Russie, pour l’Autriche, les sentimens qu’elles excitent dans ces populations rappellent la situation de la Russie et de l’Angleterre dans l’Asie centrale, où les Anglais sont redoutés du côté des possessions anglaises, et les Russes haïs dans les contrées voisines des possessions russes. La Servie et la Moldavie sont ainsi disposées à l’égard du gouvernement autrichien et du gouvernement russe. La population chrétienne de l’empire turc serait donc, au contraire, un élément favorable au maintien de l’empire ottoman, d’abord si le grand-seigneur se l’attachait en la faisant participer aux mêmes droits que ses autres sujets, puis si le concert annoncé entre la France et l’Angleterre avait pour but de rétablir, dans les principautés tributaires, l’influence du gouvernement musulman, ce qui serait, en réalité, leur rendre une sorte d’indépendance. Cette tâche est difficile et demande à la fois la persévérance et l’énergie : pour la remplir, la France et l’Angleterre n’obtiendraient pas le secours de l’Autriche, dont les consuls ont récemment abandonné les agens anglais dans l’affaire de la Servie ; mais les deux puissances concertantes réveilleraient ainsi les forces de la Turquie, et ce serait un appui suffisant. Si la France et l’Angleterre abandonnent les principautés, on verra se détacher encore de l’édifice ces deux ou trois pierres, pour nous servir de l’expression de M. Guizot, ou plutôt on les verra tomber sur l’édifice même pour l’écraser. Il faut, toutefois, rendre justice à l’Angleterre, elle a placé dans ces localités des agens supérieurs et habiles, et elle a fait tous ses efforts pour lutter contre les principes qui lui sont contraires. Quant à la France, selon sa louable coutume, elle est à peine représentée dans ces contrées, et les informations qu’elle reçoit de ses agens sont à peu près nulles. Ceci nous obligera d’examiner prochainement la situation de toutes nos agences politiques, et de montrer à quelles défavorables conditions on les a réduites.
Nous le répétons, la Turquie n’est pas encore effacée de la carte, comme l’ont dit M. de Valmy et M. de Lamartine, elle a de grandes et nombreuses ressources dans ses populations musulmanes, dévouées au chef de la religion, et elle n’a pas encore appelé à sa défense les populations chrétiennes, qui sont braves et aguerries, et qu’elle s’attacherait en leur accordant quelques droits. Ces populations de tributaires et de rayas seraient la meilleure défense de la route de terre à Constantinople ; et la réforme ne sera pas complète tant qu’on ne les aura pas convertis en soldats, en les élevant au même rang que les autres sujets musulmans. En deux années, l’empire turc, sérieusement menacé aujourd’hui, serait ainsi sauvé de sa perte.
Il nous est impossible de suivre M. le duc de Valmy dans son long discours, dont un seul paragraphe nous entraîne déjà bien loin. Ce discours renferme de graves reproches adressés à la politique française ; nous ne les croyons pas tous immérités, comme l’a dit M. de Carné, et nous pensons que le gouvernement aurait quelque profit à tirer de ces observations d’un de ses plus ardens adversaires.
M. de Carné, initié par sa position à la plupart des affaires politiques extérieures qui ont eu lieu il y a quelques années, a très bien établi, comme nous l’avons fait, les deux parties distinctes, l’une immédiate, l’autre d’une nature plus sérieuse encore, mais moins pressante, qui constituent la question des affaires de l’Orient. On s’est évidemment trompé en disant que M. de Carné a proposé de créer une nationalité arabe. M. de Carné est un homme trop politique pour ignorer que les siècles seuls créent les nationalités ; pour les hommes, ils n’ont déjà que trop de peine à sauver les nationalités qui existent. M. de Carné a simplement examiné la situation de l’Égypte, et il a conclu, de cet examen, que la France a là une tutelle obligée. En un mot, M. de Carné a cru voir que la France, qui a aujourd’hui, selon lui, intérêt à maintenir la vice-royauté d’Égypte dans un état d’indépendance vraiment réelle, aura bientôt à la défendre contre une domination qui la menace de bien plus près que la domination du sultan. M. de Carné a dit toute sa pensée quand il a indiqué que le moment était peut-être venu de couper dans son centre ce qu’il nomme judicieusement l’immense blocus maritime formé par l’Angleterre, de Calcutta à Londres. L’indépendance de l’Égypte est, selon M. de Carné, le seul moyen de parvenir à ce résultat, l’indépendance de l’Égypte, mais avec le patronage de la France, qui l’aurait réclamée la première. L’influence anglaise domine le Portugal, l’influence autrichienne prévaut en Italie, l’influence de la Russie se fait sentir en Allemagne, l’influence française serait enfin quelque part, si le gouvernement parvenait à l’établir en Égypte. Bref, M. de Carné voulait qu’on prît parti pour le vassal ou pour le sultan, et que la France ne mît pas ses vaisseaux à la mer pour faire durer, pour entretenir la situation la plus critique du monde, et pour porter une politique désintéressée au milieu de cinq puissances, les unes armées, les autres déjà en état de guerre pour les plus grands intérêts. La pensée de M. de Carné est très juste, très noble, très française, très haute ; mais elle ne s’accomplira pas. La France fera hardiment et valeureusement le modeste métier de constable. Elle répandra ses trésors et le sang de ses marins, s’il le faut, pour arrêter la guerre de l’Égypte et de la Turquie. Si elle réussit à l’empêcher, elle aura noblement contribué à laisser mûrir les combinaisons politiques et mercantiles de l’Angleterre et de la Russie. Si la France échoue, elle se mettra, nous le craignons du moins, à la suite d’intérêts qui ne sont pas les siens ; mais quant à se prononcer, la France ne le fera pas, et M. de Carné le sait mieux que nous. Nous pensons toutefois que M. de Carné n’a pas voulu dire que la France devait se prononcer hautement, faire de sa politique extérieure un manifeste, et devancer les évènemens, mais avoir un parti arrêté dans ses conseils, et diriger toutes ses démarches vers le but de ses desseins. Et c’est encore à cela que nous répondons, en disant qu’à notre sens la France est sans desseins dans ce moment en Orient, et qu’elle improvise chaque jour sa politique en présence de cabinets prudens et habiles, qui ont leur thème fait depuis long-temps. Nous voudrions voir démentir nos assertions par les évènemens, et nous ferions avec joie amende honorable au présent ministère, si nous l’avions méconnu en ce point. Malheureusement, en voyant la composition du cabinet, et particulièrement la direction actuelle du département des affaires étrangères, l’Europe entière s’est trouvée de notre opinion, et elle ne s’étonnera pas de voir la question d’Orient se terminer comme l’a indiqué si énergiquement M. de Carné : le blocus maritime de l’Égypte et son protectorat par l’Angleterre répondront au blocus maritime de Constantinople et au protectorat de la Turquie par la Russie.
Nous ne voulons pas rentrer dans une discussion déjà ancienne, puisqu’elle date de dix jours ; mais il nous semble qu’on n’a pas accordé dans le public assez d’attention au discours prononcé par M. Denis. Ce discours, plein de faits substantiels, eût été plus goûté dans le public anglais et dans le parlement d’Angleterre ; mais, en France, on s’attache aux généralités, et, en politique surtout, on ne veut procéder que par grands effets. Nous nous arrêtons moins aux conclusions politiques de M. Denis qu’aux renseignemens importans que renferme son discours. M. Denis a cru voir dans le discours de M. de Carné la proposition de créer un empire arabe, tandis qu’au fond M. de Carné proposait de soustraire, d’une manière ou d’autre, l’Égypte à l’Angleterre, qui a résolu de s’en emparer dès que les évènemens la favoriseront. Quant à la conclusion matérielle de M. Denis, elle est parfaitement juste et motivée par les plus exactes observations. Elle consiste à modifier le projet du gouvernement, qui décèle, en effet, ou l’incertitude dans laquelle nous le croyons plongé, ou la faiblesse et l’impuissance. La chambre devait donc voter les fonds nécessaires pour tenir dix-huit vaisseaux sur les côtes de l’Asie mineure, et l’orateur ajoutait que le nombre des vaisseaux de haut bord indiqués dans la situation des ports, suffirait pour fournir une seconde escadre assez forte pour faire respecter nos intérêts, nos droits et notre pavillon.
Le discours dont nous parlons, porte entièrement sur le commerce de la France avec l’Orient ; c’est pourquoi nous le regardons comme le discours le plus véritablement politique qui ait été prononcé dans cette discussion où presque tous nos hommes d’état ont pris la parole. L’Orient, M. Denis l’a bien dit, n’a été regardé long-temps par la France que comme une suite de ports, si bien caractérisés par nous, sous le nom d’échelles du Levant, et où nous trafiquions avec plus de facilité que les autres nations européennes. C’était là tout ce qui nous intéressait en Orient. Depuis, nous avons dû nous enquérir de la vie politique, de la tendance, de l’origine des peuples d’Orient ; car le bruit des coups sourdement frappés par la Russie est venu jusqu’à nous, et nous avons été forcés de la suivre, de loin du moins, dans l’étude qu’elle fait si profondément des affaires intérieures de l’empire turc, et de l’état de ses différentes localités. Sous la restauration, une première faute a été commise, selon M. Denis, en suivant avec les puissances barbaresques, dépendantes de la Porte, un système qui a rompu et morcelé nos précieuses relations directes avec la Porte. Une faute non moins grave de la politique française a été la demande d’abolition du monopole, que la France, poussée par l’Angleterre, a sollicitée et obtenue. M. Denis a prouvé, en effet, que ce monopole était exactement celui que nous exerçons à l’égard de nos colonies, et que s’il nous semble bon de l’admettre là, il pourrait être bon de l’admettre ailleurs. Non content d’avoir nui à l’intérêt général de son commerce, le gouvernement français, toujours généreux aux dépens des intérêts de ses administrés, envoya deux escadrilles détachées de l’escadre d’Alger pour obliger les deys de Tunis et de Tripoli à accepter des traités dans lesquels la France stipulait pour toutes les nations, ne se réservant aucuns droits particuliers, contrairement aux usages suivis par toutes les puissances en pareil cas. Ces traités ruinèrent le commerce français en Afrique ; et, plus tard, le principe de l’abolition du monopole, qui était tout favorable à la France, fut invoqué partout à notre détriment par les puissances rivales. Son adoption établie, grace à nous, met aujourd’hui en péril, et a déjà frappé de décadence toutes nos relations commerciales avec l’Égypte, la Syrie, l’Asie mineure, et les autres provinces de la Turquie. Or, il s’agit d’un mouvement commercial d’exportation et d’importation qui se monte à 160 millions. Si cette source de richesse achève de se tarir, on ne saurait dire jusqu’où s’étendra la crise financière dans nos ports et nos marchés de la Méditerranée ; et c’est à notre manque de politique arrêtée en Orient, depuis un demi-siècle, que nous devons cet état de choses !
Ces fluctuations, et surtout les dernières, nous ont frappés d’impuissance, en Égypte d’abord. Nos consuls y ont perdu leur influence dans les conseils politiques et industriels du pacha, où les ont remplacés successivement les deux consuls russes, M. Duhamel, aujourd’hui ministre à Téhéran, et M. de Médem, agens habiles, comme la Russie en oppose partout aux nôtres, qui sont loin de les égaler. En Syrie, notre influence était telle que, naguère encore, les marchandises anglaises qu’on voulait faire accepter dans cette contrée y étaient expédiées par Marseille. Depuis l’arrangement de Kutaya, qui remet la Syrie dans les mains du pacha d’Égypte, l’Angleterre s’est emparée des bénéfices du commerce et de presque toutes les transactions.
Pour Constantinople, pour Smyrne, pour la Turquie proprement dite, M. Jouffroy a pensé que, pour raviver notre commerce, une simple révision des tarifs suffirait, comme si une révision de tarifs n’était pas une affaire des plus majeures, à laquelle tous les prédécesseurs actuels de l’amiral Roussin, et l’amiral lui-même, n’ont pu parvenir, malgré le zèle de cet ambassadeur. Pour le dernier traité de commerce exigé par l’Angleterre, souscrit par la France, et auquel d’autres puissances se voient forcées d’accéder, M. Denis en juge en deux mots la portée. L’Angleterre a eu pour but de porter atteinte à notre commerce dans le Levant, et en même temps de se faire une arme contre Méhémet-Ali s’il refusait d’admettre le monopole, ou de l’affaiblir en le forçant de l’accepter. Pour les Russes, M. Denis voit également leurs projets politiques dans leurs combinaisons commerciales, et il les montre luttant habilement avec l’Angleterre à Constantinople et à Alexandrie, où notre influence politique a subi les mêmes vicissitudes que notre commerce. M. de Carné nous avait montré quels résultats matériels aurait pour nous le blocus commercial de l’Égypte par l’Angleterre ; M. Denis nous montre, en perspective, notre commerce du Levant détruit par l’occupation russe de Constantinople, nos ports de la Méditerranée déserts, l’Orient fermé à nos capitaux, et notre marine militaire, qui ne s’alimente que par notre marine marchande, réduite à un état qui ferait de nous une puissance maritime secondaire.
Il y a bien loin du discours de M. Denis au discours de M. de Lamartine. L’illustre orateur regarde l’empire turc comme ayant déjà disparu de la terre ; c’est un spectre que le corps a abandonné, et sa chute sera si prompte, s’il faut en croire M. de Lamartine, que la France doit se hâter et prendre immédiatement en Orient une de ces positions maritimes et militaires comme l’Angleterre en possède une à Malte, et la Russie dans la mer Noire. Le statu quo commercial semblait, avec raison, à M. Denis désastreux pour la France ; M. de Lamartine assure que la France étouffe dans le statu quo politique, et qu’il faut se hâter de profiter de cette intervention devenue indispensable, pour en sortir. Si les idées de M. de Lamartine devaient mener à l’exécution des idées de M. Denis, il faudrait se hâter d’y applaudir ; mais un gage quelconque saisi en Orient ne rétablirait pas nos affaires commerciales, et la France a un parti à la fois plus énergique et plus prudent à suivre. Il y a quelques années, M. de Lamartine prononça, au sujet de l’Orient, un discours qui eut un grand retentissement dans cette partie du monde, et auquel répondit le Moniteur ottoman. La feuille turque reprochait à M. de Lamartine, voué au culte de la civilisation chrétienne et européenne, de ne pas vouloir admettre qu’il en existe une autre. Les Orientaux, devenus publicistes, lui demandèrent pourquoi il voulait étendre sur eux des institutions moins appropriées à leur sol et à leur nature que celles qu’ils possèdent. Ils se récriaient beaucoup contre les assertions de M. de Lamartine, qui avançait que le patriotisme leur était inconnu, et lui faisaient remarquer assez judicieusement que, pour cent mille Européens qui se transportent en Orient, à peine un seul Asiatique passe-t-il en Europe ; et cependant les Asiatiques ne redoutent pas les distances. L’Oriental n’a pas de patrie ? répondaient-ils ; le voit-on quitter le sable du désert pour aller habiter les environs enchanteurs de Damas ou de Bagdad ? Il ne possède pas ? dites-vous ; mais un sultan n’oserait, sans la permission expresse d’un propriétaire entrer dans sa maison, tandis qu’en Europe on fouille, on séquestre, on ferme les habitations. M. de Lamartine avait dit que les habitans actuels de la Turquie ne forment pas un peuple ; on lui demanda si l’Arabe et l’Osmanli, soumis au même sultan, diffèrent plus l’un de l’autre que le Polonais et le Russe, le Hongrois et le Bohémien soumis à l’Autriche. Enfin on lui montrait les conquérans chrétiens extirpant, quand ils le pouvaient, le mahométisme, tandis que les conquérans mahométans respectaient la religion, les mœurs et jusqu’à la législation de leurs sujets chrétiens. Ce n’était pas trop mal répondre pour des Turcs, et il nous semble que la réforme n’a pas tout-à-fait anéanti un gouvernement qui raisonne de la sorte. Le moment de sa mort pourrait donc avoir été un peu avancé dans la pensée de M. de Lamartine ; et si la France savait se former dès cette heure une politique conforme à ses intérêts, elle aurait encore le temps de la pratiquer de manière à retarder pendant longues années le partage de l’empire turc, ou à prendre la part qui lui convient lorsque l’heure de sa chute aura sonné. M. Villemain, qui s’est donné la tâche de montrer l’empire ottoman encore tout plein de vie, et qui a un peu exagéré, de son côté, les forces vitales de cet empire, n’a pas eu dessein, nous l’espérons, de dispenser le ministère de prêter secours à la Turquie, en montrant qu’elle peut se secourir elle-même. Quant à la politique de la France en Orient depuis neuf ans, politique que M. Villemain est venu défendre, l’état de nos relations avec le Levant la fait mieux juger que ses paroles, et toute l’éloquence du spirituel ministre échoue devant les chiffres de nos statistiques commerciales et de nos budgets.
Il faut s’arrêter, et renoncer à suivre les orateurs, et même M. Guizot dans son beau plaidoyer en faveur du maintien de l’indépendance ottomane. Nous nous bornerons à une seule observation sur le discours de M. Guizot. L’Égypte et la Grèce sont, selon lui, deux pierres tombées naturellement de l’édifice turc ; il faut les laisser tomber, et se consoler en pensant qu’il n’y a pas eu démembrement, mais un simple écroulement qui laisse subsister l’édifice. — Il en est ainsi pour la Grèce peut-être. La Turquie peut encore tirer parti de la Grèce. Organisée comme elle est, la Grèce a intérêt à ce que la Méditerranée jouisse de son indépendance, c’est-à-dire à ce qu’un plus grand nombre de puissances y dominent ; elle a surtout intérêt à ce que son voisinage soit occupé par un gouvernement réduit à se maintenir et à se défendre comme est la Turquie. Le voisinage de la Russie serait fatal à la Grèce, et son gouvernement, quelles que soient les apparences, ne peut souhaiter un évènement qui le mettrait à la merci de la Russie ou de l’Angleterre. Mais pour l’Égypte émancipée, la similitude de croyances et de mœurs en feront toujours la rivale de la Turquie, et si c’est une pierre tombée naturellement, elle est tombée de manière à obstruer singulièrement l’édifice. Et, en effet, ne voyons-nous pas que c’est de ce côté que se trouvent tous les embarras de la Porte, et que de là, sans doute, viendra la cause réelle de la ruine de l’empire turc, si elle doit avoir lieu.
Après cette mémorable discussion, qui aura du moins pour résultat d’apprendre à la France tout entière quels immenses intérêts français se rattachent à la question d’Orient, la chambre a passé à la discussion des chemins de fer et de plusieurs projets de loi exclusivement industriels. Dans ces différentes discussions, le ministère a montré beaucoup plus de sollicitude pour les petites questions que pour les grandes ; nous avons vu M. Dufaure, notamment, combattre avec ardeur pour le chemin de fer de Versailles et abandonner le chemin de fer du Hâvre. La chambre elle-même, sans direction, suivie pas à pas par le ministère qui s’étudie dans les commissions à flatter ses penchans, n’a pas trouvé le temps d’examiner et de discuter la question des sucres, celle des canaux et de l’amélioration des ports ; mais ses commissions trouvent le temps de s’occuper longuement de la grande question du remplacement de l’effigie de Henri IV par celle de Napoléon sur la décoration de la Légion d’Honneur, et elle donne des séances entières à de misérables débats sur quelques souscriptions littéraires, débats mêlés de calomnies et de mensonges, et suscités par de pauvres animosités. M. de Salvandy a été particulièrement l’objet des attaques qui ont eu lieu dans la dernière séance de la chambre. Nous le félicitons à la fois et de la manière dont il a été attaqué, et de la manière dont il a su se défendre. Un député l’avait accusé injustement, la veille, d’avoir souscrit aux Mémoires du Diable. Hier, il lui a reproché d’autres souscriptions à quelques recueils plus littéraires que politiques. M. de Salvandy n’avait qu’à lire la lettre par laquelle il imposait à ces recueils des conditions toutes favorables à la propagation des sciences et des notions de civilisation, pour enlever l’approbation de la chambre. M. de Salvandy a préféré dédaigner des attaques sans portée, et son exemple doit être suivi. Quant au reproche d’avoir dépassé ses crédits, M. de Salvandy s’était refusé la satisfaction que se procurent chaque jour les ministres actuels ; il n’avait pas voulu se défendre en déclarant que son prédécesseur lui avait légué pour 600,000 francs d’engagemens. La discussion a amené d’elle-même l’éclaircissement de ce fait ; il est resté démontré que l’accusation avait grossi de moitié des actes d’ailleurs très honorables, et en même temps on a été forcé de reconnaître toute la délicatesse et la loyauté de l’homme politique qu’on attaquait. M. de Salvandy et ses collègues ont donné déjà plus d’une fois l’exemple des égards que se doivent les hommes qui ont participé à différentes époques au pouvoir ; mais malheureusement cet exemple n’a pas profité aux ministres actuels, qui semblent encore faire de l’opposition par habitude contre ceux à qui, par habitude aussi, ils donnent à la tribune le titre de ministres.