Chronique de la quinzaine - 31 juillet 1842

Chronique no 247
31 juillet 1842
CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 juillet 1842.


La session est ouverte. Au milieu de la consternation publique, le roi, surmontant par un noble effort son immense affliction, a pu faire connaître aux deux chambres, avec les sentimens qui déchiraient l’ame du père, la ferme et prévoyante pensée du monarque. Le discours de la couronne était simple et vrai comme les grandes douleurs.

Jamais la présence du roi n’avait excité, dans le sein de l’assemblée, plus d’enthousiasme et d’émotion. La France, par tous ses représentans, renouvelait solennellement le pacte de juillet avec la dynastie de son choix, et redisait à l’Europe que la bonne et la mauvaise fortune, les joies et les douleurs, le présent et l’avenir, tout était commun à la dynastie d’Orléans et à la France. Puissent ces loyales manifestations apporter quelque soulagement à l’ame contristée du père, comme elles ont sans doute justifié et raffermi les prévisions patriotiques du chef de l’état !

Ceux qui auraient encore le malheur de méconnaître les sentimens du pays, la volonté nationale, ont pu hier recevoir de la population de la capitale un salutaire et décisif enseignement. Paris assistait tout entier à la translation des restes mortels du prince royal, de la chapelle du palais de Neuilly à Notre-Dame. Quel concours de peuple ! Qu’elles étaient imposantes, ces masses serrées sur ces lignes que l’œil ne pouvait suivre dans leur immense développement ! Et cependant quel profond recueillement ! Que ce silence était expressif et touchant ! Qu’il y avait d’affection, de dévouement et de respect dans l’attitude et le regard de ce peuple ! Non ; ce n’était pas là une foule attirée par un spectacle insolite ; c’était une grande et noble famille qui pleurait en confiant aux soins religieux des ministres de Dieu les dépouilles de l’enfant qui était son orgueil et son espérance ; c’était le deuil de la nation qui s’associait à des douleurs qu’on ose à peine deviner.

La chambre des pairs a promptement répondu aux paroles de la couronne. Il ne pouvait en effet y avoir lieu ni à doutes ni à débats. Il n’y a dans ce moment qu’une pensée à proclamer, l’adhésion à la monarchie de juillet ; qu’une œuvre à accomplir, la loi de régence.

La chambre des députés est encore occupée de la vérification des pouvoirs. Elle n’a donné lieu jusqu’ici à aucune discussion digne d’être remarquée. Il faut espérer que la chambre ne prolongera pas trop des escarmouches parlementaires sans résultat et sans dignité. Comment ne pas sentir que des récriminations usées, que des luttes individuelles offrent un contraste trop pénible avec la douloureuse gravité des circonstances ? Quand donc les hommes politiques apprendront-ils chez nous que, dans leur propre intérêt comme dans l’intérêt des opinions qu’ils défendent, mieux vaudrait se conformer à l’exemple, et suivre les directions des chefs naturels de chaque parti, que d’en faire chacun à sa tête en ne prenant conseil que de soi-même ? Il y a là une sorte d’impatience personnelle qui rapetisse tout, qui compromet à chaque instant par ses boutades et ses imprudences les hommes réfléchis, réservés, qui n’ont pu prévenir ces écarts.

Au reste, il faut bien le reconnaître, nous vivons au milieu des saturnales de la médiocrité. Tous nos partis politiques sont en proie au même désordre. Les hommes subalternes se démènent et brouillent tout ; les chefs en gémissent : ce n’est pas assez. Il leur faut plus de confiance en eux-mêmes et une plus haute conscience de leur propre valeur. Un juste orgueil, dans ce cas, n’est pas seulement légitime, il est un moyen nécessaire. La foule ne s’agite et ne fait ses fantaisies que lorsqu’elle sait que les chefs finissent par la suivre malgré eux, et qu’ils sont toujours prêts à couvrir tant bien que mal la retraite des hommes aventureux.

Ce désordre est plus funeste encore à l’opposition qu’au parti gouvernemental. Nous en avons dit, il y a long-temps, les raisons ; nous ne les redirons pas aujourd’hui.

La chambre des députés aura bientôt à nommer un président. L’opposition paraît ne pas avoir d’incertitude à cet égard ; elle réunit ses voix sur le chef de la gauche, sur l’honorable M. Barrot. Ce fait ne serait pas sans importance, s’il était l’expression d’un système, l’indice d’une grave résolution. On pourrait dire en effet que, si la gauche avait songé plutôt à un succès du moment qu’à ses principes, elle aurait cherché son candidat parmi les notabilités du centre gauche ; qu’elle pouvait espérer, par ce choix, enlever aux centres quelques-uns de ces hommes incertains et flottans qui se flattent de concilier leurs antipathies avec leurs opinions, en se rangeant timidement sous un drapeau aux pâles couleurs ; que la gauche, au contraire, a voulu déployer son étendard dans toute sa pureté et son éclat, qu’elle entend prouver par là que dorénavant elle aspirera au pouvoir directement, sans détours, décidée à refuser son concours à tout ministère qui ne se proclamerait pas hautement un ministère de gauche. Ces déductions ne seraient pas fondées, s’il est vrai que la gauche réserve pour un second tour de scrutin ses voix à M. Dupin ou à M. de Salvandy.

Les conservateurs, de leur côté, pensent que cette dernière épreuve ne sera pas nécessaire.

À la veille de ce grand combat parlementaire, de ce combat qui sera peut-être le seul fait décisif de ce qu’on appelle la petite session, les conservateurs ont senti le besoin de se réunir et de se concerter. L’assemblée était nombreuse, bien que l’on varie beaucoup sur le nombre exact des membres présens. Il y a eu aussi des adhésions de membres absens. Des trois candidats qu’on présentait aux suffrages des conservateurs, M. Dupin, M. Sauzet, M. de Salvandy, une majorité fort nombreuse, dit-on, a choisi M. Sauzet, la minorité déclarant qu’elle se conformerait au vœu de la majorité. C’est là du moins un bon exemple de conduite parlementaire.

Nous ne voulons certes pas discuter le mérite relatif des candidats. Considéré au point de vue politique, le résultat de la réunion prouve seulement qu’aux yeux des conservateurs la situation est restée à peu près ce qu’elle était avant les élections, qu’il faut réunir les mêmes élémens, se résigner aux mêmes concessions, manager les mêmes intérêts, et louvoyer sur une mer orageuse avec plus d’habileté que de hardiesse. Cela est vrai ; toute faute pourrait être mortelle au parti.

Ajoutons que les circonstances sont de nature à donner au parti conservateur plus d’ensemble, plus de résolution et d’énergie ; car si, dans la situation douloureuse et difficile où nous a placés le coup qui vient de nous frapper, l’opposition constitutionnelle est loyalement accourue autour du trône de juillet et a subordonné toute querelle politique à la question de dynastie, le parti légitimiste au contraire, loin de s’associer à ce mouvement national, a blessé plus d’un sentiment et inspiré de justes défiances. Cette attitude réveille, pour ainsi dire, la question de juillet, et fera sortir les conservateurs de cet état quelque peu somnolent où le succès et la sécurité placent presque toujours les majorités. La question dynastique sera toujours présente aux esprits ; dans toutes les discussions, la moindre arrière-pensée paraîtra suspecte, et de ces loyales inquiétudes peut résulter plus d’union, plus d’harmonie, plus de vigueur. La question dynastique élargit le terrain parlementaire, au lieu de le rétrécir ; elle appelle sous le même drapeau des hommes qui n’auraient jamais dû se séparer, et moins encore se combattre. Elle les place en présence d’ennemis communs, et peut leur faire sentir qu’il est déplorable et puéril pour le parti national de diviser ses forces, de les consumer en discordes intestines, lorsqu’il s’agit, avant tout, de consolider la révolution. Le roi nous l’a dit, et il n’est pas un ami de la monarchie constitutionnelle, de la monarchie de juillet, qui puisse, sans se donner à lui-même un cruel démenti, oublier un instant ces paroles solennelles : « Assurons aujourd’hui le repos et la sécurité de notre patrie. » Que si on pouvait de ces hautes considérations descendre à des considérations d’un ordre inférieur, et songer à des intérêts individuels en présence des grands intérêts de la France et de la royauté, il serait facile de démontrer qu’une franche et sincère réunion sur le terrain dynastique est en même temps le parti le plus utile pour tout homme politique de quelque valeur. La France ne pardonnerait pas à ceux qui seraient assez mal avisés pour subordonner la question nationale à leurs vues personnelles, à leur ambition ou à leurs rancunes.

Aussi espérons-nous que l’adresse de la chambre des députés, que ce grand acte d’adhésion à la monarchie de juillet ne donnera pas lieu à de misérables débats. Quels que puissent être les griefs respectifs des partis constitutionnels, qui pourrait avoir le courage de les mêler à la grande affaire du jour ? Disons plus : qui voudrait être assez maladroit pour les y mêler ?

Certes si quelqu’un peut désirer secrètement qu’on viole ainsi toutes les convenances, et qu’on oublie la monarchie pour songer aux ministres, ce sont les ministres eux-mêmes. Pourrait-on en effet leur donner un terrain mieux choisi, une position plus forte ? On a demandé s’ils prétendaient s’abriter derrière un cercueil. La question n’est pas bien posée ; la question est de savoir si on leur laissera un abri temporaire, de peu de mois, un abri qu’un affreux malheur aurait, par la force même des choses, procuré à tout ministère, quel qu’il fût, ou si, en voulant, malgré le sentiment public, les attaquer derrière cet abri, les y forcer, on ne leur donnera pas des auxiliaires inattendus, et si on ne leur rendra pas facile une victoire qui, à une autre époque, aurait pu être disputée. Évidemment ce n’est pas le cabinet qui prendra, ce n’est pas lui qui peut prendre l’initiative du combat ; mais attaqué, il a le droit de se défendre, de se défendre vigoureusement, en profitant de tous les moyens qu’on lui aura procurés. Si la trêve est de sa nature temporaire et suspensive, le combat peut amener des résultats décisifs et durables, surtout dans une chambre nouvelle. On se sépare difficilement des hommes avec lesquels on a combattu et vaincu. Le ministère ne redoute pas la tribune ; là est sa force. Celui contre qui les attaques sont particulièrement dirigées, c’est surtout à la tribune, on le sait bien, c’est sous le feu de l’ennemi qu’il grandit et qu’il peut vaincre. Un corps législatif à la façon impériale, une assemblée muette serait le tombeau politique de M. Guizot. Ainsi, encore une fois, la question est de savoir si l’opposition aidera ou non le ministère à consolider sa position dans la chambre.

Mais n’insistons pas sur ces considérations trop secondaires. C’est par des raisons d’un ordre supérieur, par des motifs nobles et dignes, que la trêve sera maintenue entre les diverses portions de la chambre. Il y a long-temps que les chefs de l’opposition constitutionnelle ont senti que tout débat politique devait être ajourné, et que, si les adversaires de la monarchie de juillet osaient offrir le combat, ils devaient rencontrer devant eux comme une phalange serrée et impénétrable tout ce qui se trouve à la chambre entre M. Guizot et M. Barrot. Nous sommes convaincus que les chefs de l’opposition persévèreront dans ces résolutions, et nous en sommes à désirer que les attaques des partis extrêmes leur offrent l’occasion de porter aux conservateurs le secours de leur puissante parole. Nous aimerions à voir reparaître ces grandes et brillantes journées du 11 octobre, lorsqu’après avoir entendu les défenseurs intrépides de nos institutions et de l’ordre public, les admirateurs de leur rare talent pouvaient s’écrier :

Facies non omnibus una,
Nec diversa tamen, qualem decet esse…

Hélas ! il n’y a plus de fraternité ; la noble famille est divisée, dispersée ; laissons à l’histoire le soin de rechercher les causes de cette dispersion et d’en apprécier les effets.

On a beaucoup dit, ces jours derniers, que les hommes en seconde ligne refusaient de se conformer aux directions de leurs chefs, qu’ils repoussaient des conseils qui leur paraissaient inopportuns et timides. Si le fait est vrai, cette résistance n’a pas de quoi nous surprendre. Nous le disions, l’indiscipline des partis est la maladie du temps. Le cas arrivant, il faut croire que les chefs ne se laisseront pas entraîner malgré eux, et que, par une condescendance que nous ne voulons pas appeler d’un autre nom, ils n’autoriseront pas ces vaines témérités. Qu’ils laissent à eux-mêmes les hommes impatiens et excentriques : ces hommes apprendront, trop tard pour eux-mêmes, que l’esprit et la hardiesse ne suffisent pas pour faire un homme politique et sérieux. La chambre en offre des exemples remarquables.

Apres le vote de l’adresse, le ministère présentera à la chambre des députés le projet de loi sur la régence. On dit qu’il ne renferme que cinq ou six articles, et qu’il est conforme aux principes qu’avait posés l’assemblée constituante. Nous ne voulons pas l’examiner avant d’en avoir le texte sous les yeux. Tout calculé, la chambre ne pourra guère en commencer la discussion avant le 15 d’août.

L’Europe entière a pris une part vive et sincère au deuil de la France. L’Espagne en particulier a témoigné une émotion qui honore nos voisins, et qui prouve que les erreurs de la politique n’ont point altéré les dispositions naturellement amicales et bienveillantes des deux peuples l’un pour l’autre. On assure que le gouvernement espagnol a montré, dans cette circonstance, le plus vif désir de faire tout ce qui pourrait contribuer au rétablissement des anciennes relations entre les deux pays. Si cette ouverture a réellement eu lieu, nous ne doutons pas de l’empressement qu’aura mis notre gouvernement à l’accueillir, et dès-lors on pourra voir cesser bientôt un refroidissement qui est également contraire aux intérêts des deux nations. L’Espagne ne saurait méconnaître que l’amitié de la France ne peut que lui être utile. Nous ne voulons empiéter ni sur son régime intérieur, ni sur ses lois, ni sur son commerce. Tout ce que nous demandons, c’est justice, égalité de traitement, rapports bienveillans ; tout ce que nous désirons, c’est que l’Espagne puisse maintenir chez elle, sous l’égide de la monarchie constitutionnelle, l’ordre et la liberté. L’Espagne tranquille, forte, riche, prospère, c’est un gain pour la France au point de vue économique et au point de vue politique. Ces vérités sont de la dernière évidence. Quiconque a essayé de les obscurcir voulait brouiller les deux pays dans un intérêt qui, certes, ne pouvait être un intérêt espagnol.

La diète suisse a pris de nouveau en considération la malheureuse et interminable affaire des couvens d’Argovie. D’après les dernières nouvelles, il paraît que la diète incline à laisser les choses telles qu’elles sont, et à faire sortir, comme on dit, l’affaire du recès. Ce résultat était en effet probable par les changemens intérieurs arrivés dans deux des cantons de la Suisse, Zurich et Genève. On sait que les députés à la diète ne peuvent d’ordinaire voter qu’en vertu et en conformité d’instructions spéciales sur le point en question. Les députations de Genève et de Zurich ont dû recevoir cette année des instructions autres que celles qu’elles avaient reçues les années précédentes. Elles ont dû se rapprocher des cantons libéraux, et s’éloigner davantage des cantons qu’on appelle Sarniens, et que nous appellerions ici de la droite. C’est le centre gauche qui s’est affaibli. Quoi qu’il en soit, dans la question particulière, il aurait été en effet très difficile de trouver une opinion intermédiaire qui pût être acceptée. L’extrême droite est en Suisse, comme partout ailleurs, opiniâtre et intraitable. Tout ou rien est sa devise. Et comme elle ne forme pas la majorité, ne pouvant pas tout empêcher, elle perd tout. Si la Suisse était un pays unitaire, il n’y aurait pas là un grand danger. La minorité subirait la loi de la majorité ; il y aurait de vifs débats politiques, des tiraillemens plus ou moins douloureux, mais en définitive la loi serait commune à tous, le pays serait fortement constitué et fortement gouverné. Pays fédératif, les dissidens à la diète suisse ne sont pas de simples députés, mais des états ; ils n’expriment pas des opinions, mais ils apportent des décisions formellement délibérées dans leurs cantons. La majorité de la diète n’impose pas ses arrêts à des individus qui ont plus ou moins vaguement réfléchi sur ces matières, mais à des corps politiques, à des gouvernemens qui ont les idées les plus exaltées de leur indépendance et qui avaient formellement pris un avis contraire sur ces questions. En présence de ces faits, il ne faut nullement s’étonner des embarras qu’éprouve la Suisse lorsqu’une grave question vient à surgir dans son sein. Ce sont les embarras, les difficultés de tous les gouvernemens fédératifs, et en particulier de ceux de ces gouvernemens où l’élément local l’emporte, par les traditions et la constitution politique du pays, sur l’élément national. Ce qui serait merveilleux, incroyable, c’est qu’un gouvernement de cette nature n’éprouvât pas d’embarras, qu’il n’eût pas de graves difficultés à surmonter. Lorsqu’on porte de loin ses regards sur un état fédératif, en se plaçant au point de vue de l’unité nationale, on est toujours tenté de croire que c’est là un édifice sans base, on s’attend à chaque instant à une grande catastrophe, une irréparable ruine. Cependant l’édifice ne s’écroule pas ; on le secoue rudement, et il résiste. Il a fallu les grandes péripéties de la révolution française et de l’empire pour que la confédération suisse se trouvât renversée, et qu’on fût obligé de la reconstruire à nouveau. C’est que tout n’est pas faiblesse et désordre dans ces souverainetés multiples et locales ; elles sont aussi un principe de vie, une cause d’énergie. Ce sont là des forces, des forces qui s’égarent souvent dans les temps ordinaires, mais qui se recueillent, qui se concentrent et s’exaltent lorsqu’un danger suprême paraît menacer la commune patrie. C’est alors que tous ces ruisseaux rentrent dans le même lit, et que la rivière peut couler imposante et majestueuse. Aussi l’histoire de ces confédérations est-elle admirable dans les jours d’efforts et de grandeur, lorsque toutes ces souverainetés locales, menacées dans ce qu’elles ont de plus cher, se forment en faisceau et réalisent pour un moment l’unité, une unité d’autant plus puissante qu’elle est spontanée et qu’elle retrouve à son service ces mêmes énergies indomptables, opiniâtres, qui repoussaient toute règle et tout frein ; elle devient au contraire on ne peut plus fatigante lorsqu’elle raconte les petites et interminables querelles qui surgissent dans les temps ordinaires, lorsque la confédération ne redoute rien de l’étranger. Si on désire qu’une confédération demeure toujours faible, on n’a qu’à la laisser à elle-même. En l’oubliant, on la rend impuissante. Elle ne peut se fortifier et grandir que dans l’adversité.

Les chambres belges s’occupent activement de la convention commerciale signée à Paris le 16 juillet. Tout annonce que la convention sera sanctionnée. C’est là un heureux commencement d’une ère nouvelle dans nos rapports économiques avec la Belgique. Nous demandons au ministère de ne pas s’arrêter à ce premier fait. Quelque louable qu’il soit, il ne suffit pas pour assurer l’avenir de nos relations commerciales avec les peuples qui nous avoisinent. La convention qu’il vient de conclure avec la Belgique lui prouve qu’il est possible de mener à bonne fin des négociations de cette nature. Ne nous endormons pas sur les dangers dont sont constamment menacés les pays où la production a été artificiellement excitée par le système prohibitif. Profitons de l’exemple de l’Angleterre, et prévenons, si cela est possible, les malheurs dont elle se trouve frappée.

Un membre du parlement a réveillé dans la chambre des communes la vieille question des indemnités qu’on nous demande pour l’affaire de Portendic. La question a été examinée en France à plusieurs reprises, d’abord par le comité du contentieux attaché au département des affaires étrangères, ensuite par une commission nommée ad hoc. Nous ne connaissons pas le résultat du travail de la commission ni ses conclusions ; mais nous savons que le cabinet n’a pas accepté l’expédient que le négociateur anglais lui proposait. Cependant les négociations ne paraissent pas interrompues, ce qui veut dire que l’Angleterre n’a pas renoncé à ses prétentions, et que le gouvernement français ne s’est pas refusé péremptoirement à tout examen ultérieur. En réalité, la question en est toujours au même point depuis six ans. Ce qu’il est juste de remarquer, c’est le langage digne et courtois de sir Robert Peel à l’endroit de la France. Ainsi qu’entre particuliers, il est de bon goût que la politesse continue lors même que l’intimité des relations a cessé.

La situation commerciale de l’Angleterre ne semble point s’être améliorée. La misère fait toujours de grands ravages, et les ouvriers, dans plus d’un endroit, sont agités et mécontens. À Ridgrove, les ouvriers bien intentionnés n’ont pu travailler que sous la protection d’un détachement de grenadiers. C’est surtout chez les ouvriers des mines que le mécontentement a éclaté et que la querelle du taux des salaires paraissait s’envenimer. Faisons des vœux pour que ces désordres aient une prompte fin ; car, quelles que soient les forces morales et matérielles de l’Angleterre, ce n’est jamais sans danger que des habitudes de révolte et de violence se propagent dans des masses si formidables de population entièrement manufacturière, dans un pays de grande propriété. Les résultats du nouveau tarif ne tarderont pas à se montrer. L’expérience apprendra si réellement on avait le droit d’en attendre tous les effets que le cabinet s’en promettait, et l’expérience seule peut nous éclairer complètement sur des questions de cette nature. Lorsqu’on touche à un tarif, à un ensemble de faits si compliqués et si variés, il n’y a pas de sagacité humaine qui puisse prévoir d’une manière positive, certaine, toutes les conséquences que ces modifications peuvent entraîner. Il est un si grand nombre d’effets indirects, inattendus, qui viennent surprendre l’administrateur le plus habile, l’économiste le plus éclairé ! L’industrie et la spéculation sont si ingénieuses pour profiter des moindres inadvertances, pour s’ouvrir des passages imprévus à travers les sinuosités d’une nouvelle loi de douanes ! — Au reste, pour ce qui concerne la loi des céréales, l’année ayant été favorable aux agriculteurs, il est peu probable que le tarif mobile soit appliqué dans ses dernières limites. Il y a peu de jours, le droit d’importation était encore de 8  shell.