Chronique d’une ancienne ville royale Dourdan/Pièce XXIII

PIÈCE XXIII.
Hommage des habitants à la Grande-Duchesse.
— 1695. —

Aujourd’huy, dix-septième jour d’avril 1695 ; en l’auditoire royal de Dourdan, lieu ordinaire où se tiennent les assemblées de la dite ville, et où estoient lesdits habitants assemblés au son de la cloche, à la dilligence de Noël-Denis Lesourd, leur procureur-syndicq, est comparu M. André Le Camus, — substitut de M. le Procureur du Roi, de l’artillerie de France, résident au dit Dourdan, fondé de procuration de sœur Louise Texier, administratrice du temporel de l’Hostel-Dieu de Dourdan, — lequel a dit que depuis unze années qu’il a la direction de l’Hostel-Dieu, de la dite ville, sous la procuration de la dite Texier, il a receu de très-haute, très-puissante et très-illustre princesse Madame Margueritte-Louise d’Orléans, grande-duchesse de Toscane, plusieurs sommes de deniers qu’il a employez tant au restablissement et augmentation des bâtiments et réparations de la Chappelle du dit Hostel-Dieu, que pour la norriture, gouvernemens, pencemens et médicamens des pauvres du dit Hostel-Dieu, et pour norrir, gouverner et instruire, un nombre de petittes filles, orphelines de la dite ville, Son Altesse Royalle, madite Dame Grande-Duchesse, lui avait plusieurs fois dit, que touttes les sommes de deniers qu’elle a donnez et donne souventes fois, elle vouloit que le tout fust employé, tant pour les dits pauvres malades, que pour les dites petittes filles orphelines, et que sa volonté estoit que l’on passast un acte portant que le dit Hostel Dieu seroit obligé d’y en norrir, gouverner et instruire un nombre certain. La proposition ayant été mise en délibération, les dits habittants assemblez ont tous d’une voix dit et déclaré, que pour donner des marques de leur recognoissance à Son Altesse Royalle, Madame la Grande-Duchesse, de tant de bienfaits qu’ils ont receus de sa part en la personne des pauvres mallades et autres de la dite ville et de ceux qu’elle leur a procurez, et qu’ils espèrent qu’elle leur donnera et procurera par sa charité incomparable et sans exemple, ont consenty et accordé, consentent et accordent autant qu’ils le peuvent et sans néantmoins s’y obliger, que le dit Hostel-Dieu soit et demeure chargé de six petites filles de la dite ville, orphelines de père ou de mère, nées en loyal mariage, pour y être norries, entretenues, gouvernées et logées, tant saines que malades, et instruittes par une seur de la Charité, ou autre fille qui leur apprendront à faire des bas de soye ou la couture, lesquelles petites filles ne pourront être receues au dit Hostel-Dieu, qu’elles n’ayent attaint l’âge de cinq à six ans, et y demeureront jusqu’à ce qu’elles sachent gaigner leurs vies aux dits ouvrages, ou qu’elles soient en état et force d’aller servir. La gouvernante des dits enfants orphelines, sera tenue et obligée, outre les instructions ci-dessus, de les mener et conduire tous les jours à la chappelle du dit Hostel-Dieu, et là estant, leur faire garder le respect et modestie, les faire prier Dieu pour le Roi, notre Sire, pour Monseigneur le Duc D’Orléans, frère unicque de Sa Majesté, comte et seigneur de cette ville de Dourdan ; pour son Altesse Royale, Ma dite Dame Grande-Duchesse de Toscane, fondateurs et bienfaicteurs du dit Hostel-Dieu, à cette fin et intentions, chanteront les litanies de la Sainte-Vierge, aveq l’oraison : Et Exaudiat te Dominus in Die tribulationis, aveq l’oraison, l’antienne de la Sainte-Vierge, qui se chante selon les Tems que l’Eglise observe, aveq un De Profundis pour les pauvres trespassez, les quelles prières se feront depuis Pasques jusqu’à la Saint-Remy, à sept heures du soir, et depuis la Saint-Remy jusqu’à Pasques, à cinq heures du soir, sauf à advancer ou retarder les dites prières d’une demye heure, si le service pressant des mallades le requeroit. La dite prière sera annoncée par le son de la cloche de la dite chappelle ; pendant la dite prière, il y aura deux cierges allumez sur l’autel. Les dites orphelines seront receues au dit Hostel-Dieu, soubs le bon plaisir et au choix de Son Altesse Royalle Ma dite Dame Grande-Duchesse, ou par telle personne qu’il lui plaira nommer et commettre pour cet effet, et après seront choisies et nommez alternativement, savoir : la première fois, par M. Le Prieur de Saint-Germain la seconde, par M. le Curé de Saint-Pierre, la troisième, par M. le lieutenant-général, la quatrième, par M. le Procureur du Roi du Bailliage, la cinquième, par M. l’administrateur, et la sixième, par M. le procureur du Roi de la ville et communauté du dit Dourdan, sans que l’ordre ci-dessus puisse être changé que du consentement des dits sieurs cy-dessus nommés qui auront soin par leurs charitez, de prendre toujours les plus pauvres et destituez de parens ; ne seront receues au dit Hostel-Dieu, les petites filles qui se trouveront malades d’épilepsie, ou haut mal, les escrouellées, celles qui auront la tigne, ulcères et autres maux incurables ; et si par la suite des temps, les dites orphelines se trouvent attaintes des dites infirmités, soit qu’elles eussent été receues par surprise, ou que cela leur fust arrivé naturellement, l’on les fera séparer des autres. Déclarant les dits habitants assemblez, qu’ils voudraient avoir plus grandes occassions de tesmoigner à Son Altesse Royale, Ma dite Dame Grande-Duchesse, leurs recognoissances de ses bienfaicts.

Fait et arresté en la dite assemblée, le dit jour, dix-septième avril 1695, d’une heure de relevée, en présence des dits habitants, savoir Claude Regnou, Claude Guerton, Claude Poussepin, Léonard Dossonville, Pierre Le Camus, Pierre Aury, Pierre Houssu, Pierre Dutocq, Anne Houssu, Anthoine Roussin, Claude Sédillon, Louis Guillemin ; tous marchands, demeurans en la dite ville de Dourdan ; devant nous, Anne Pelault, sieur de Cherelles, conseiller du Roi et son procureur en la ville et communauté du dit Dourdan, et ont tous les sus dits habitants signé.

(Archives de l’Hospice.)

P. 261.