Chincholle - Les Survivants de la Commune/Chapitre VI

L. Boulanger. Éditeur (p. 305-321).

CINQUIÈME SÉRIE

LE MUSÉE
DE LA COMMUNE

LE MUSÉE DE LA COMMUNE

Un collectionneur acharné, M. de. Liesville, qui depuis longtemps réunissait des documents historiques, ne pouvait manquer de recueillir en 1871 et les années suivantes tout ce qui devait matériellement rappeler la seconde Terreur.

M. de Liesville est mort en 84. Il a légué sa collection à la bibliothèque de la ville de Paris, rue Sévigné. C’est là qu’on peut voir les épaves de la Commune.

Grâce à l’obligeance du conservateur, M. Cousin, j’ai eu en mains les principaux objets de ce musée.

Leur description, par ordre de classement, est instructive et complètera ce volume.

Voici d'abord une médaille en étain fondu.

Côté face, on lit :

18 mars
AFFAIRE DES CANONS DE MONTMARTRE
L’ARMÉE QUITTE PARIS

Côté pile, deux canons croisés ayant une grenade en chef. Au-dessous, une pile de boulets en pointe.

Puis, une médaille d’étain non poli, de sept centimètres de diamètre.

Sur l’un des côtés :

Commune de Paris
Proclamée à l’Hôtel de Ville
Le 26 mars 1871


Sur l’autre :

On voit par ce spécimen qu’à Paris même, il y avait au moins un fondeur qui pensait pouvoir gagner de l’argent en satisfaisant les ennemis du gouvernement insurrectionnel.

Médaille d’étain.

Côté face, l’effigie de la République française, entourée de ces mots : Liberté, Égalité, Fraternité.

Côté pile, au-dessous d’un petit bonnet phrygien :

AFFICHE

La Commune de Paris étant le seul pouvoir, les employés publics ne doivent rendre leurs comptes qu’à elle et non au gouvernement de Versailles, sous peine d’être révoqués.

Le 29 mars 1871.
Lefrançais, Ranc, Ed. Vaillant.

Entre un grand nombre de ces médailles commémoratives que les camelots ont de tout temps offertes aux passants, il faut signaler celle en plomb doré sur laquelle on lit :

République Française

MORT DU CITOYEN FLOURENS
Général de la Commune de Paris
Tué par le capitaine Desmarest à Chatou, le 2 avril 1871

On remarquera qu’ici, comme sur beaucoup de médailles et de papiers, la Commune persiste à s’appeler : République Française. Pour elle, le gouvernement de Versailles n’était point la République.

De nombreuses médailles de différents modèles, les unes en bronze, les autres en étain, quelques-unes argentées ou dorées.

Côté face :

Une femme debout, tenant un drapeau rouge et entourée de ces mots :

Garde Nationale de la Commune de Paris.
Fédérés de 1871.

Au-dessous : R. F.

Côté pile :

LA
COMMUNE
DE PARIS

Quelques-unes sont ornées d’un bonnet phrygien.

Sur une petite, en bronze, autour de la femme debout, tenant un drapeau, on lit :

COMITÉ DE SALUT PUBLIC

DICTATURE DES CINQ
Le 8 mai 1871

Celle-ci devait appartenir à l’un des Cinq.

Quant aux membres du comité central, ils avaient des insignes dont voici un spécimen :

Le triangle est en argent émaillé bleu. Les lettres sont gravées.

Au milieu du triangle se détache dans le vide, une tête de la République, en bronze.

Les insignes sont fixés, à l’aide d’un coulant doré, à un ruban rouge traversé dans sa longueur par une lisière noire.

Autres insignes, ceux-ci ayant appartenu aux conseillers municipaux du temps :

Même métal, même coulant, même ruban que pour les insignes-ci-dessus.

Seulement, la tête de la République est remplacée au milieu du triangle par un bonnet phrygien au-dessous duquel sont deux branches de laurier.

Plusieurs insignes pareils portent d’autres numéros d’arrondissements.

Des numéros de bataillons.

La plupart se détachent en relief sur un bonnet phrygien en métal peint. Au bas, dans l’angle de gauche, une petite cocarde, comme un œil bleu qui serait cerclé d’or.

Le numéro du bataillon des Enfants du père Duchesne est particulièrement curieux.

Le bonnet rouge est surmonté d’un petit fourneau de même couleur. Ce fourneau avait pour mission de rappeler la profession du père Duchesne, qui devait nécessairement être un fumiste.

Sur certains bonnets, le numéro du bataillon est accompagné de branches de laurier.

Sur d’autres, la cocarde est remplacée par un ou deux bandeaux.

Une pièce de cinq francs en argent, la seule qui ait été frappée par la Commune.

Regardez-la bien. Le coin est le même que celui qui servait pendant le siège. La Commune n’a pas eu le temps d’en faire façonner un. La seule chose qui distingue cette pièce des autres est le petit trident qui, côté pile, remplace l’abeille volant.

Les pièces de cinq francs qui, portant la date 1871, ont ce trident, valent aujourd’hui le double.

De nombreux boutons de manchettes en métal de couvert imitant le vieil argent.

L’un d’eux représente L. Nathaniel Rossel.

Le portrait de celui-ci, très bien exécuté, figure également sur des médaillons que l’on vendait aux citoyennes.

Une très curieuse médaille en étain doré.

Côté face :.

Un canon est hissé sur un monticule. À ses pieds, des boulets. Un coq, perché sur le canon, chante. Au-dessus de lui, on lit entre deux triangles, signe de l’égalité : Je veille pour la nation. Sur le monticule est cette inscription : Buttes-Montmartre. Au-dessous : Fédérés de 1871.

Côté pile :

Au milieu, sous un bonnet phrygien : Commune de Paris. Au-dessus, entre deux triangles : République française. Au-dessous : Fédérés de 1871.

Une médaille d’argent ayant sept centimètres de diamètre et valant cinquante francs.

Côté pile :

La Prudence, assise sur un coffre-fort et tendant une branche de chêne. Sur le coffre-fort est l’aigle impériale couronnée.

Au-dessus, on lit, au pourtour : La Banque de France.

Côté pile :

Au pourtour : Défense de la Banque de France, 1871. Au milieu : Colson Jules.

Cette médaille a été offerte, au lendemain de la Commune, à l’un de ceux dont le dévouement a sauvé le précieux établissement.

Médaille en argent doré.

Côté face :

Honneur au corps des sapeurs-pompiers de la Ville du Havre.

Côté pile :

Offert par les locataires des numéros 7 et 9, avenue Victoria et 4, rue Saint-Martin, de la ville de Paris. Incendies des 25, 26, 27, 28, 29 et 30 mai 1871.

Médaille de bronze, de cinq centimètres de diamètre.

Côté face :

Image de la République ayant encore le bonnet phrygien.

Côté pile :

Honneur aux pompiers de l’Eure, les premiers arrivés pour combattre les incendies de la Commune, les 23 et 24 mai 1871.

Un grand médaillon, au milieu duquel, entre deux branches de laurier, sont cinq portraits. Au-dessus : Ibant Gaudentes.

Au-dessous et au pourtour : Pro pietate mortem oppetiverunt R. P. P. Olivaint, L. Ducoudray, J. Gaubert, A. Clerc, A. de Bengy, Societatis Jesu, XXIV et XXVI mai 1871.

Un autre médaillon semblable porte, côté pile : Ad majorem Dei gloriam, I H S.

Toute une série a été frappée en l’honneur de l’archevêque de Paris.

La plupart des médailles ou médaillons ont, côté face, son portrait ; côté pile : Mort victime de l’insurrection, le 24 mai 1871.

D’autres médailles ou médaillons, ayant la même pile, ont, côté face, le portrait de M. Deguerry.

Quand j’aurai mentionné une grande quantité de bonnets phrygiens montés en boutons de manchettes, de médailles en l’honneur des pompiers, de larges boutons de manchettes en métal creux reproduisant les principaux épisodes de la Commune : Proclamation de la Commune ; Incendie du Ministère des finances ; Incendie de l’Hôtel de Ville ; Mort de l’archevêque, etc., j’aurai épuisé le médailler.

La plupart de ces larges boutons sont très bien estampés.

Nous allons maintenant fouiller ensemble la bibliothèque.

Les papiers officiels de la Commune emplissent six cartons.

La plupart ont déjà été reproduits.

En les reconnaissant, je rencontre ce laisser-passer assez original :

COMMUNE DE PARIS
Comité de l’Intérieur et de la Sureté générale.

Laissez circuler le citoyen le citoyen X, attaché au service spécial de l’Opéra.

LE DIRECTEUR DE L’OPÉRA.

Certain rouleau de papiers ferait croire qu’en vérité la Commune était un gouvernement aussi bien organisé que ceux qui l’ont précédé ou suivi.

Sous le titre : Rapports du Délégué de la Commune à la Direction de la Presse, il contient l’analyse de tous les journaux lus.

Un programme amusant :

COMMUNE DE PARIS
PALAIS DES TUILERIES


servant pour la premiére fois à une œuvre patriotique.

GRAND CONCERT


au profit des veuves et des orphelins de la République, sous le patronage de la Commune et du citoyen Dr Rousselle.

Tout porteur de billet pris à l’avance pourra, sans rétribution, visiter le palais des Tuileries.

Parmi les noms des artistes, je relève ceux de mesdames Agar et Bordas, de MM. Coquelin cadet, Morère, Dancla, professeur au Conservatoire, Francis Thomé, pianiste, etc.

On ne saurait blâmer ces artistes qui avaient eu au moins le courage de rester à Paris. La charité ne s’occupe point de politique.

Un immense volume admirablement relié.

Il contient de nombreux portraits peints à l’aquarelle, et quelques-uns en charge, par M. Dupendant. Les photographies sont en regard.

Voici Dacosta avec son éternel pince-nez ; Marotteau ; Wroblowski ; Protot ; Delescluze ; Dereure ; Cluseret ; Bergeret ; Razoua ; Arthur Arnould ; Assi ; Courbet sur la colonne, en Empereur romain ; Fontaine ; La Cécilia ; Rochefort sur une barricade, une lanterne à la main : Ranc ; Allix ; Dombrowski, etc., etc., les morts mêlés aux survivants.

Cet album est très documentaire. Les photographies donnent la ressemblance exacte ; les aquarelles, assez grandes pour qu’aucun détail n’échappe, reproduisent le modèle d’après le caractère même que le public lui prêtait au lendemain de la Commune.