Chez nous/Les quêteux

L'Action sociale catholique (p. 62-85).

LES QUÊTEUX




La porte, grande ouverte, laissait entrer le soleil dans la rallonge. Sur le perron, le chien dormait ; soudain, il se dressa et se prit à gronder…

La fermière regarda vers le chemin.

— « Encore un quêteux, fit-elle. Té-ci, Azor ! Té-ci !… Marches-tu! Va te coucher sous le four ! »

Toujours grondant, le terreneuve obéit.

Le mendiant approcha, reçut une pleine terrinée de farine, et reprit sa route, salué par un aboiement étouffé parti du four.


Les chiens canadiens aboient aux quêteux. Ces bons gardiens flairent un danger pour la maison dans l’approche des cheminaux ; mendiants honnêtes, bohémiens, vagabonds, voleurs, jeteux de sorts, charlatans et filous, nos chiens confondent dans une même aversion instinctive tous les quêteux portant besace. Ils les chasseraient sans pitié, si, charitable, la voix des maîtres ne les rappelait au devoir de l’hospitalité.

Pourtant, les quêteux ne sont pas tous de méchantes gens, et il y en a de plusieurs sortes. Chez nous, on distingue d’abord : le quêteux qui vient de loin, le quêteux des paroisses voisines, et le quêteux de la paroisse.


LE QUÊTEUX QUI VIENT DE LOIN

On ne sait pas au juste d’où vient « le quêteux qui vient de loin ».

Il n’est pas de la région ; il a sa retirance quelque part, là-bas, dans une autre partie du pays, en bas de Québec peut-être, ou par en haut, dans la vallée du Richelieu, à moins que ce soit dans le nord, de l’autre côté du fleuve… « Il vient de loin », voilà ce qu’on sait.

Mais on le connaît bien.

Ses tournées sont réglées comme la marche des saisons, et quand le temps est proche où d’ordinaire il débouche par la route qui monte au rang de chez nous, on attend, on espère presque ou on craint sa venue, selon son caractère.

Car il y a plusieurs types de quêteux qui viennent de loin, et les uns sont plus avenants que les autres.

Il y a d’abord le vrai mendiant, le mendiant classique, le quêteux traditionnel et proprement dit.

C’est, le plus souvent, un petit vieux, courbé plus encore par la marche et les fardeaux que par l’âge, couvert de haillons, coiffé d’un chapeau de castor râpé. Un panier à anse au bras, à la main un bâton tordu — « Rapport aux chiens, mon bon monsieur, rapport aux chiens seulement, car, Bon Dieu merci ! la jambe est bonne » — et sur le dos un gros sac ajusté aux épaules avec des courroies, il va par le chemin du roi, toujours à pied, et du même pas, dans la poussière ou sous l’averse.

Chaque année, la belle saison le ramène. Car on ne le voit qu’une fois l’an. Et son itinéraire est tracé tellement que c’est presque à jour fixe qu’il frappe à telle porte dans le premier rang, à telle autre dans le deuxième… Les rangs, dans les paroisses du sud, sont généralement parallèles au fleuve. Le vieux prend le premier, par exemple, à Gentilly, le grand rang qui traverse le village ; il le suit jusqu’au Saint-François ; puis, il monte la route et revient vers Québec par le deux ; et ainsi de suite. Ou encore, à Saint-Grégoire, s’il arrive de Nicolet par les Quarante-Arpents, ou de Sainte-Monique par le Grand-Saint-Esprit, le bonhomme fera, en serpentant, le rang du village de La Rochelle, puis Videpoche, et Pointu, et Beauséjour…

Il n’arrête pas partout ! Il y a des maisons où il dîne, des maisons où il soupe, des maisons où il loge, c’est-à-dire où il passe la nuit. Et, ma foi ! son choix est assez judicieux.

Le quêteux ne séjourne guère dans les gros villages, dans les forts, où, à vrai dire, les bourgeois ne sont pas invitants à son gré. Mais, dans les concessions, il y a du bien bon monde, allez ! et des maisons où il entre comme chez lui. De vrai, on est presque content de le recevoir… On commençait même à trouver qu’il tardait à venir… Il a de si bonnes manières ! Il demande si humblement la charité « pour l’amour de Dieu et de la bonne Vierge » ! et, quand on lui a donné, il remercie si bien : « Que Dieu vous le rende beaucoup ! »

Puis, il ne faut pas oublier que ce vieux mendiant vient de loin. Il en a vu, des choses ! il en a traversé, des pays ! il en sait, des histoires ! Que de nouvelles il apporte !… Le train fait, le souper pris, on n’a qu’à le laisser parler ; c’est sa manière, à lui, de payer son écot ; et l’on apprend tout sur la misère des gens de par chez eux, sur la récolte qui s’annonce plus ou moins bonne, la sécheresse ou la pluie dont on souffre dans les paroisses d’en bas, les sauterelles qui auraient tout mangé si Monsieur le Curé ne les avaient conjurées, mais qui tout de même ont fait pas mal de dégât ; et sur les danses, le luxe, la vanité des femmes, les aigrettes qu’elles portent sur leurs chapeaux, les batailles, la dernière débâcle… Le bonhomme s’en donne à l’aise et défile son répertoire, jusqu’à l’heure de la prière du soir, qu’il fait très bien, avec la famille, au pied de la grande croix noire de tempérance.

On lui a tendu, sur le plancher de la cuisine, une paillasse, parfois une peau de carriole. Il y passera la nuit, pas loin du chien, maintenant réconcilié.

Dès le petit matin, le vieux se lève, reprend son bâton, son panier, son sac. « À l’été prochaine ! » Il part ; mais il n’oublie jamais de remercier le bon monsieur de lui avoir donné à couvert, la bonne dame d’avoir mis un œuf dans son panier, un tapon de laine dans son sac.

Quand le panier contiendra une douzaine d’œufs, quand le sac sera trop lourd, le quêteux se livrera à un petit négoce : il vendra le produit de sa quête pour quelques sous, qu’il mettra dans sa tirelire — grand mouchoir rouge, fortement noué et déposé dans le panier, à côté de la pipe de plâtre et de la blague à tabac.

Voilà un honnête homme de quêteux. Jamais une mauvaise parole ne sort de sa bouche ; toujours content, il ne maugrée même pas, quand on lui refuse la charité ; au plus se permet-il une plaisanterie, quand une riche fermière ne lui offre que le plus petit des œufs pondus pas la plus jeune de ses poules. Par contre, si on le laisse choisir, il déclare aussitôt préférer les œufs de poules noires, et c’est plaisir de voir avec quel soin malicieux il prétend les reconnaître : ce sont toujours les œufs les plus gros.

Autrefois — avant les bureaux de poste et les postillons — le quêteux qui vient de loin faisait aussi les commissions, portait les lettres. C’était un courrier peu rapide, mais sûr. Rien ne se perdait, de ce qui lui était confié ; et, bien qu’il ne sût lire que l’écriture moulée, il ne se trompait jamais d’adresse. Par exemple, vous remettiez à Bellerive, quand il passait à la Baie-du-Febvre, une lettre pour votre cousin qui demeurait aux Trois-Pistoles : vous étiez assuré que votre cousin la recevrait, tôt ou tard, un peu fatiguée, mais en assez bon état. Et, fidèlement, le quêteux vous rapportait la réponse… l’année suivante. Ah ! c’était le bon temps !

Un autre type : le quêteux charlatan.

Le quêteux charlatan aussi vient de loin, et l’on sait encore moins d’où il sort. Personne n’oserait le lui demander… C’est qu’il n’est pas commode, celui-là !

Il mendie, mais entendez bien que c’est chez lui un accident. S’il quémande, c’est uniquement parce que le monde ne reconnaît pas assez généreusement la vertu de ses remèdes et préfère donner aux docteurs de la bonne argent pour de mauvaises drogues. Qu’on le sache bien, il n’est pas né quêteux ; en parcourant les campagnes, il n’obéit qu’à son désir de soulager les souffrants, de les guérir de tous maux. S’il le voulait, il resterait chez lui, à se carrer, et vivrait à ne rien faire ! Il parle haut et dru. De vieux livres, un jeu de cartes, des bouts de ficelles, des boîtes d’onguent, des fioles emplissent son porte-manteau : c’est sa science, ses instruments et sa pharmacie, toute la médecine. Pour des remèdes, voilà des remèdes ! Rien n’y résiste. Ce n’est pas comme ces pilules que vendent les docteurs, et qui ne sont bonnes qu’à faire tourner les sangs d’une personne, ni comme ces liquides en bouteilles, avec lesquels les médecins volent le pauvre monde, et qui ne valent pas de la bonne eau de vaisselle, quand ce n’est pas de la vraie poison. Voici un onguent — lequel ressemble, il est vrai, à de la graisse de roues — qui vous guérit d’une pleurésie dans le temps de le dire, et qui en même temps est souverain pour le mal de-z-yeux ; cet autre fait passer la fourchette comme si de rien n’était ; une ponce avec une larme de cette eau-là guérit des fièvres lentes, et sans prendre une cité de temps comme les remèdes patentes ; pour les auripiaux, les reculons, les déteurses, les tours de reins, les échauffaisons, les efforts, les mordures, les verrures, les grenouilles, les tours d’ongles, et surtout le mal de dents, le charlatan a des remèdes ; il a même le peigne de fer qui guérit ceux à qui il est arrivé de se décrocher la palette de l’estomac.

Et malheur aux malades qui ne croient pas à ses remèdes ! Malheur aussi à ceux qui, se portant bien, ne lui donnent pas à manger ce qu’il demande !… Il tire leur horoscope et leur prédit des choses qui troublent les âmes naïves. Et, quand il est besoin, le charlatan sait se servir de son bâton, lequel ressemble à un tomahawk. Aussi, son arrivée jette-t-elle la terreur dans le rang. Si les hommes sont au champ, les gardiennes barrent les portes et tirent les contrevents ; les enfants se blottissent sous les lits. Par mégarde l’entrée reste-t-elle libre, le quêteux charlatan s’introduit dans la demeure, s’installe : « Faites-moi des crêpes ! des crêpes au lard ! » Il est roi et maître, il commande, il gronde… Et Josette lui fait des crêpes !… À moins que l’homme survienne tout à coup, ou encore — comme il arrive — que Josette n’ait pas froid aux yeux et soit de force à garder la maison toute seule. Le quêteux trouve alors chaussure à son pied.

Autrefois, le charlatan était assez souvent fondeur de cuillers aussi… Mais le fondeur de cuillers, l’horloger ambulant, le montreur d’ours méritent des chapitres à part.

Voici un autre quêteux venir par le grand chemin. Sombre, taciturne, l’œil en dessous, c’est le jeteux de sorts !

Celui-ci ne salue personne, pas même Monsieur le Curé, et demande mal la charité, d’une parole brusque, d’un ton bourru. L’aumône est-elle légère ? il murmure ; le rebute-t-on ? il maudit. « Vous vous souviendrez de moi ! » dit-il. Parfois il marmotte des mots qu’on ne comprend pas, des formules cabalistiques peut-être ; il parle, on dirait, avec quelqu’un qui voyage avec lui et qu’on ne voit pas…

Après son passage, les chevaux meurent des chiques, les vaches tarissent, les poules se mettent à couver, le pain ne lève plus, les chiens boitent, les rats envahissent les greniers. Le quêteux a jeté un sort !

Comment échapper à ses malédictions ?… Il jette aussi bien ses sorts à travers les portes closes. Pour prévenir tout maléfice, il n’y a qu’un moyen : il faut éviter de faire parler le quêteux ! On barre donc toutes les ouvertures, et l’on dépose quelques sous sur le seuil. Le jeteux de sorts, sans frapper, prend les sous et s’en va.

Ce type de quêteux disparaît. Nos gens ne croient plus aux sortilèges.

Parmi les quêteux qui viennent de loin, il faut compter les bohémiens.

Les bohémiens, c’est des quêteux qui vont par bandes, qui voyagent en famille, et en voiture. Un mendiant, un vagabond, un chemineau n’est pas un bohémien ; mais un vagabond, sa femme et ses enfants, dans une grande charrette traînée par une haridelle, voilà des bohémiens. Même, un train de bohémiens doit comprendre plusieurs familles et plusieurs voitures, avec des chiens et des chevaux qui suivent.

Les bohémiens n’ont pas de chez euz. Ils voyagent, ils vivent, mangent et dorment dans leurs charrettes. Le soir venu, ils campent dans un champ, au bord d’une route, dans le Domaine, dans les Abouts, dans les Bandons.

Ces terribles quêteux ne quêtent pas pour la peine d’en parler. Ils sont d’abord maquignons : ils font commerce d’acheter, de revendre et d’échanger des chevaux. De plus, ils ont la réputation de voler les enfants ! Quand les bohémiens campent dans les environs, on n’a pas de peine à faire coucher la marmaille de bonne heure… Le lendemain matin, il ne manque personne dans les petits lits ; mais il manque des poules au poulailler, du foin dans la tasserie, du lait dans la laiterie. Les bohémiens ont fait des provisions.


LE QUÊTEUX DES PAROISSES VOISINES

Il s’appelle Carapet, Pipet, Gras-d’Ours, Beau-Poil, Beau-Carosse… Le curé et le notaire savent son vrai nom ; le peuple se contente du sobriquet, toujours pittoresque. Carapet était court, large et plat comme le poisson qu’on appelle de ce nom ; Beau-Carrosse avait été nommé d’après l’élégance de son équipage, une boîte écrianchée sur deux roues branlantes, traînée péniblement par une Rossinante, qui avait depuis longtemps perdu le souvenir du jour où elle avait trotté.

Car le quêteux des paroisses voisines fait sa tournée en voiture — charrette ou quatre-épées en été, berlot en hiver. Et la voiture se remplit de provisions de toute sorte, farine, blé, foin, légumes, et le reste ; elle se remplit d’autant plus vite que le quêteux, après avoir accepté ce qu’on lui donne, ne se fait aucun scrupule de prendre aussi ce qu’on ne lui offre point. Pour parler clair, le quêteux des paroisses voisines est assez souvent un voleur. À son double métier, il s’enrichit presque. On en a connu qui prêtaient de l’argent ! Or, pour prêter, tout le monde sait qu’il faut avoir de quoi.

Parfois le quêteux est accompagné de sa femme et de ses enfants. Car les gens sont devenus méfiants, et il faut ruser. À l’approche du village, la troupe se divise : pendant que le père, à la devanture d’une maison, quête ou brocante, discute et amuse les gens du logis, les enfants, sautant les clôtures, visitent les bâtiments et surtout le poulailler. Le soir, la famille se réunit, et il y a double recette.

Par ainsi, prolongeant parfois le voyage et poussant plus loin l’aventure, les quêteux des paroisses voisines peuvent devenir des bohémiens.


LE QUÊTEUX DE LA PAROISSE

Dans nos paroisses, il n’y a pas de nécessiteux, mais il y a des pauvres ; pas de vrais mendiants, mais des quêteux ; et ce n’est pas la même chose.

Je ne sais comment cela se fait, mais le quêteux de la paroisse reste presque toujours à l’autre bout du rang. Il y a une maison, toute en démence, et une trâlée d’enfants, tous en guenilles. Sa personne, sa famille, sa vie sont la risée de la paroisse. On ne le nomme jamais que par un sobriquet, parfois cruel. C’est L’Anguille, et il a toujours une raison pour ne pas travailler et se tirer d’affaire ; Ferme-pas-Juste, et sa bouche bée justifie son nom ; Joe-la-Galette, élevé à manger de la galette de sarrazin (ici, la malice n’est pas noire, car la galette de sarrazin, cuite sur la plaque du poêle et mangée à point, avec du sirop d’érable, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde !) ; La Bienséance, pincé et ridicule, qui prétend donner aux enfants des leçons de savoir-vivre ; Moïse-aux-Rats, dont la nichée ne se compte plus, tant il y a de petits Rats…

Sans talent, n’ayant souci de rien, idiot parfois, souvent infirme, le quêteux de la paroisse est surtout paresseux.

Qui se ressemblent se rassemblent, c’est le dicton. La femme du quêteux n’a pas plus de génie que lui. Ni l’un ni l’autre ne cherche à gagner. Si un travail facile et qui ne demande pas d’efforts lui est offert, le mari s’en acquitte tant bien que mal ; mais c’est un accident dans sa vie. La plus grande partie du temps, il ne se donne pas même la peine de quêter. À quoi bon prendre ce soin fatigant ? La paroisse n’a-t-elle pas l’obligation de le faire vivre, lui, sa femme et ses petits ? C’est sa conviction. Si la charité persévérante des bonnes familles paraît se lasser, si dans la masure les provisions viennent à s’épuiser, la femme du quêteux n’a qu’à faire une petite promenade chez les voisins en répandant ses plaintes, ses reproches même, et tout rentre dans l’ordre.

Personne, dans le rang, ne fait boucherie, ne tue un animal, bœuf, veau, mouton, porc, sans mettre de côté un morceau présentable, qu’on fait porter chez le quêteux.

C’est pour le quêteux de la paroisse qu’à Noël on court la guignolée. Et voyez quels égards on a pour lui : le produit de cette quête, qui remplit deux berlots, viandes, grains, légumes, bois, hardes, chaussures, se dissiperait dans un rien de temps, si le tout était déposé chez lui ; on confie donc ces effets à un voisin discret qui les lui distribuera au jour le jour, selon le besoin… Le seul travail qu’il reste à faire au quêteux est d’entrer chez lui, morceau par morceau, le bois, tout scié et débité, qu’on a cordé près de sa porte.

Ce déshérité de la fortune est en quelque sorte fortuné : rien à faire, nul souci, nulle inquiétude ; sa vie est comme qui dirait assurée.

Si le quêteux est veuf ou vieux garçon, son train de vie est différent : du Jour de l’An à la Saint-Sylvestre, il promène sa paresse par la paroisse ; les familles l’hébergent à tour de rôle ; on se le passe d’une maison à l’autre.

La demeure de l’habitant n’est pas grande, et les enfants y prennent pas mal de place. N’importe ! Une vieille paillasse, la « paillasse du quêteux », tenue en réserve sur les entraits du grenier, est descendue, placée dans un coin du fournil, et voilà notre homme chez lui. Il vivra là un certain temps, pourvu qu’on ne le fasse pas travailler trop. Les gens, d’ailleurs, connaissent son horreur pour le travail. L’inviter à faire un effort serait commettre une grave indélicatesse. Mais, histoire de l’amuser, de le distraire, on peut lui proposer de menus ouvrages de femmes ; il égrène des épis de blé-d’inde, épluche du blé pour la semence ou des pois pour la soupe, effiloche de la laine, met du tabac en torquettes.

Quand il a dormi sous le même toit et mangé à la même table pendant une semaine, deux semaines, le quêteux finit par s’ennuyer, roule ses guenilles et gagne chez le voisin.

On le voit partir sans chagrin. Quand il aura fait le tour de la paroisse, on le reprendra. C’est une rente.

Au quêteux voleur et au paresseux comme au mendiant honnête, l’habitant canadien donne toujours, parce qu’il faut faire la charité. Il faut donner aux quêteux, même quand les quêteux sont riches ; car, voyez-vous bien, s’ils ne quêtaient point, ils seraient pauvres, et s’ils ne le sont pas, c’est parce qu’ils quêtent. Chacun, ici-bas, a sa vocation ; la leur est d’être quêteux.

Et puis, Dieu merci ! on sait qu’un verre d’eau donné à un pauvre n’est jamais perdu…

Paysans, mes frères, vous avez des cœurs d’or !