Chez nous/Le Signe de la Croix

L'Action sociale catholique (p. 114-116).

LE SIGNE DE LA CROIX




Monsieur le Curé revenait, par le grand chemin, vers son presbytère.

Il était allé voir Alexis, le fils de Bastien le Rouge, malade depuis des mois, et que le docteur lui-même commençait à décompter. En passant, il était entré chez celui-ci et chez celui-là, pour dire une bonne parole, donner un conseil, faire une aumône.

Et le bon vieillard, s’en revenant, se demandait quelle autre peine il irait soulager ce matin-là.

— « Bonjour, Monsieur le Curé ! » cria soudain un enfant, un bambin qui jouait à la devanture d’une maison.

— « Bonjour, petit Pierre, fit le Curé. Viens faire un tour au presbytère dimanche ; et, si tu as été un bon petit garçon toute la semaine, tu auras une image. Puis, il va falloir suivre le catéchisme, cette année, petit Pierre !… Sais-tu bien faire le Signe de la Croix, maintenant ? »

— « Oui, Monsieur le Curé. »

— « Fais-le donc, pour voir… »

Et petit Pierre, très grave :

— « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il ! »

Mais la Croix que sa petite main trace sur lui est démesurée : il la commence — « Au nom du Père » — presque à la nuque, la fait descendre — « et du Fils » — jusqu’à ses genoux, décrit les deux bras — « et du Saint-Esprit » — d’un geste plus large que ses propres épaules.

Le Curé se prend à sourire.

— « Vous riez, Monsieur le Curé ? »

C’est le père Jean, venu sur le pas de la porte.

— « Je souris, Jean, je souris parce que je suis content du petit Pierre. Il sait faire le Signe de la Croix. Il le fait peut-être un peu grand… »

— « Laissez faire, Monsieur le Curé, reprend le père Jean. Voyez-vous, le Signe de la Croix, par le temps qui court, ça refoule toujours assez en vieillissant. »