Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises/Doete de Troyes
DOËTE DE TROYES.
Doëte de Troyes naquit dans cette ville en 1220 et
mourut en 1265. Elle accompagna son frère Thierry,
dit le Vaillant, au couronnement de l’empereur Conrad,
à Mayence, où elle fut admirée à cause de son esprit et
de sa beauté. Doëte attira tellement l’attention de l’empereur,
qu’il lui fit des propositions que sa vertu dut
repousser ; les vers suivants ont trait à cette circonstance
de sa vie :
L’aigle, ez haultz cieulx, oit dolce colombe,
Cy-bas, en paix, rouccoulant seyz amours :
Viens-çà, dict l’oyzel-dieu, viens, fidèle palombe,
Soubz mon esle plasner en leyz célestes cours.
Non, roi deyz airs, respond ; me duict la terre ;
Aux mortels portez le tonnerre,
Et m’y layssez leur noncier leyz beaux jours.
Tant qu’à ma voix accorderay ma lyre,
Iray chantant le plus beau des Cœzars.
Vous dirai-je, ô beautés qu’Apollon daigne élire,
Courez ! Sceptre romain tient filz du roy deyz arts.
Mesme en sien ost, ne vous suye peur ne honte,
Et puet, blanc ramier d’Amathonte
Nicter encor dans leyz casques de Mars.
COUPLET.
Quant revient la seyzon que l’herbe reverdoie ;
Que di fléons cléretz, la terre alme s’ondoie ;
Qu’esjoissent oyzels, de lors gracieulx chantz,
Li bois, et la prée, et li chamz ;
Soir et matin, filles, n’allez solettes,
Quierre, ez gazons, derraines violettes !
Serpent y gist, que n’y mord au talon ;
Por ce n’est-il, tendres poulettes,
Por ce n’est-il que plus félon.