N. S. Hardy, Libraire-éditeurs (p. 137-143).


PLEUVIERS



« Les pleuviers sont des oiseaux qui ont les ailes aiguës, et le pied léger, et qui sont aussi bien taillés pour le vol que pour la course ; les uns préfèrent les champs cultivés ; les autres, les marais, les grèves. Ils vivent d’insectes et particulièrement de vers de terre qu’ils font sortir de leurs trous en piétinant le sol. Les pleuviers n’ont pas la physionomie heureuse ; leur tête est beaucoup trop volumineuse ; leur bec trop court et inséré trop bas et trop à angle droit dans le crâne. Ils portent pour la plupart un manteau jaune verdâtre, émaillé de mouchetures brunes, plus ou moins foncées ; colliers noirs et plaques d’ordres sur la poitrine. Le sentiment de la fraternité est très développé chez eux. Quand un pleuvier est abattu, tout le vol revient sur lui pour le secourir et il est arrivé plus d’une fois à un chasseur d’exterminer toute une bande sans bouger de place. »

Quatre espèces de pleuviers séjournent l’automne sur nos grèves ou dans les champs, savoir : le Vanneau gris ou Squatarole Suisse, le pleuvier doré, le pleuvier criard on Kildeer et le pleuvier à collier. Ces oiseaux sont communs à l’ancien et au nouveau monde.


LE VANNEAU GRIS


(black-bellied plover)


« Le Vanneau gris connu aussi sous les noms de Squatarole suisse, Vanneau-Pleuvier, etc., est à la tête de l’espèce par la taille. C’est un individu solitaire qui fréquente les hautes terres en labour et se fait tuer sur le bord des grands étangs et des fleuves où il vient se laver les pieds. »

Voici son signalement : manteau brun, cendré ; poitrine d’un blanc sale ; le dos et les scapulaires, foncés avec des étoiles orangées ou dorées ; large collier noir et ceinturon de même nuance ; la pointe du bec, noire et le reste, orangé ; pieds, couleur de plomb. Ils se nourrissent de vermisseaux, d’insectes, et au besoin, de baies de diverses espèces : leur chair est délicieuse. Leur cri est un sifflement aigu. Leurs jeunes ressemblent fort à ceux du pleuvier doré, mais ils ont la tête et le bec plus gros et ont deux pouces de plus en longueur ; cette espèce, peu répandue en Canada, se rencontre au nord de l’Europe, dans la Sibérie, le Groenland aussi bien qu’à la Baie d’Hudson.

Les œufs sont au nombre de quatre, gros, d’un olive clair, avec des taches noires ; ces pleuviers élèvent souvent deux familles dans la saison ; ils couvent depuis la Virginie, en gagnant vers le nord.

Longueur totale 11¾, envergure 25.




LE PLEUVIER CRIARD


(kildeer plover)


Ce pleuvier, très répandu à la Louisiane et dans les plantations de coton, de cannes à sucre et de riz, de la Georgie et des Carolines, est peu connu en Canada, dans la Nouvelle Écosse, à Terreneuve et au Labrador. Quelques individus viennent dans la province d’Ontario, où leur présence a été signalée par M. McIlraith. Le vol de ces oiseaux est fort rapide ; ils courent à terre avec une rapidité qui est passée en proverbe. Le Kildeer [ce nom lui vient de son cri] exécute mille évolutions fantastiques, au haut des airs, dans la saison nuptiale ; ces pleuviers sont remarquables par la beauté de leurs contours et l’éclat de leur plumage.

Le Kildeer pond quatre œufs, couleur de crème, tachetés de brun et de pourpre dans un trou, sur le bord d’un étang ; ce nid est matelassé d’herbes. Les jeunes sont aptes à courir dès qu’ils sortent de l’œuf. Durant la période de l’incubation, les vieux se chargent alternativement du soin du nid et sont fort bruyants dès qu’un ennemi se présente ; la femelle trainera l’aile, comme si elle était blessée, et le mâle circulera dans les airs et fera sonner sa note de détresse au dessus de la tête du perturbateur de son repos domestique.

Le mâle a le bec noir ; les rebords des paupières, d’un rouge vif ; l’iris, d’un brun foncé. Les pieds, d’un gris bleu clair. Le haut de la tête, le dos, les petites couvertures alaires, jaunâtre-brun. Le milieu du cou est entouré d’un large ceinturon noir brunâtre ; il y a une semblable bande entre les ailes. Le croupion et les couvertures caudales inférieures sont d’un jaune rouge vif.

Longueur totale 10 ; envergure 20.



LE PLEUVIER À COLLIER


(ring plover)


C’est un joli petit oiseau, au manteau gris perlé, gris en dessus, blanc en dessous, à collier noir : la tête est variée de blanc, le bec, jaune et noir ; il niche sur la grève, au bord de la mer et des fleuves ; les œufs au nombre de quatre sont d’un cendré pâle, maculés de noir. Vers le mois de septembre, ce pleuvier arrive du nord en grand nombre et fait société avec les Alouettes[1] sur les battures et les bancs de sable dont le littoral du St-Laurent est parsemé.

Longueur totale 7¼ ; envergure 14.




LE PLEUVIER DORÉ


(golden plover)


Ce pleuvier est commun à l’ancien et au nouveau monde : à certaines saisons, il se montre en grand nombre en Canada ; il parcourt de préférence les grèves, les battures de sable que la marée laisse à sec. Il arrive à la fin de l’été, se nourrit d’abord de vers qu’il fait sortir de leurs trous en piétinant le sol ; à mesure que la saison avance, il fréquentera les champs cultivés, les hauteurs, où il avalera avec les insectes, les fruits qu’il y trouvera.

Le moment que le chasseur choisit pour tirer dans les bandes de pleuviers, est celui où ces oiseaux, les ailes tendues, vont se poser à terre ; car dès qu’ils se sont posés, ils se mettent à courir le long du sol et se sont bientôt dispersés.

Le père de l’ornithologie américaine décrit une chasse aux pleuviers à la Louisiane, à laquelle des gentils hommes français le convièrent. Dès l’aurore, les chasseurs s’étant disséminés sur les divers points où le gibier devait passer, une troupe de pleuviers se montra ; les chasseurs, d’imiter le cri de ces oiseaux, lesquels descendirent du haut des airs et durent alors essuyer une espèce de feu de file, sur une grande étendue de terrain. Cinq ou six fuyards échappèrent seuls de toute la cohorte : la chasse dura jusqu’au coucher du soleil, et, quand il les quitta, ces nemrods montraient la même soif de carnage que le matin : un d’eux comptait soixante et trois douzaines de pleuviers pour sa part. Audubon vit cinquante chasseurs dans les environs et portant à vingt douzaines la moyenne pouf chaque chasseur, il affirme que quarante huit mille pleuviers dorés expirèrent ce jour là : rien moins que la véracité bien connue du grand naturaliste nous porterait à recevoir ce calcul comme correct : mais enfin, c’était pendant la migration d’automne de ces oiseaux et, à cette saison, on les comptait par millier. Audubon dit que, six années auparavant, les pleuviers dorés s’étaient montrés en égale abondance.

Les pleuviers nichent sur les terres basses et incultes de la mer arctique : le nid est un petit trou dans la mousse ou sur un endroit sec ; la ponte se compose de quatre œufs, couleur de crème avec des taches et des points brun foncés ou pourpres, irrégulièrement disposés. Les petits sont prêts à courir dès qu’ils ont rompu leur coquille ; ils cherchent à se garantir du danger en se blottissant à plat sur le sol : la femelle a beaucoup d’attachement pour sa famille. Elle a recours à toutes espèces d’artifices pour les garantir du danger : elle se trainera péniblement à terre, comme si elle était dans les transes de l’agonie, ou que ses ailes fussent rompues : cela dans le but d’appeler sur elle les malheurs qui menacent sa couvée. Les pleuviers dorés cherchent leur pâture plus souvent dans les champs que sur les grèves.

Le mâle a le bec noir et court ; l’iris, brun ; les pieds, bleus gris. Le dessus de la tête, le devant du dos et les scapulaires sont également variées de brun, de noir et de jaune clair ; ce jaune forme de petites taches à l’extrémité des plumes. Le derrière du dos, gris brun, varié de jaune d’une teinte plus pâle ; la queue est brune, barrée de blanc. Les ailes sont brunes ; les couvertures inférieures, tachetées de jaunâtre blanc ; les primaires et les secondaires des ailes, terminées de blanc. Une partie du front, ainsi que les lores, sont blanches ; une bande et la gorge, gris blanc ; les côtés du cou et du corps variés de brun, d’un blanc pâle et jaunâtre. La poitrine et une large bande sur la poitrine d’un brun noir ; cette bande est frangée de chaque côté de blanc : la queue est courte, arrondie et composée de douze plumes.

Longueur totale du mâle 10½ ; envergure 22⅜.




  1. Maubeches. Le peuple nomme ce pleuvier Cou blanc.