Ne nous frappons pas/Charmante Modification dans le fonctionnement de la charité à Paris

CHARMANTE MODIFICATION DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA CHARITÉ À PARIS.

De même que les jeunes filles de la classe aisée prennent, généralement, un bain la veille de leur mariage, de même la Ville de Paris, un peu avant son Exposition universelle, travaille sans relâche à mille grands et petits lessivages, sans oublier l’extirpation de, comme dit M. Pierre Delcourt, ses plus notables verrues.

Parmi ces dernières, la mendicité ne se classe pas au rang des moindres.

Ah ! la mendicité ! La question de la mendicité !

Avez-vous jamais été conseiller de préfecture, en province ?

Non ! dites-vous.

Alors, passons.

Abandonnons pour un instant la question de la mendicité dans les départements et abordons, le front haut, cette même question au point de vue parisien.

Le mendiant rural peut être, et il l’est souvent, beau tel un demi-dieu, et même tel dieu entier, et (pourquoi pas ? j’en ai vu) un dieu et demi.

Le mendiant parisien est, onze fois sur dix, affublé de hideux moignons, de suintements putrides, de…

N’insistons pas.

Cela est parfaitement inadmissible que les pouvoirs publics autorisent sur tels asphaltes l’exhibition de certaines hideurs dont le moindre effet est de provoquer mille légitimes nausées, sans compter — plus grave ! — les influences néfastes que vous savez, à l’endroit des dames se trouvant dans un état sur lequel — rapport à ma clientèle de jeunes filles — je me garderai bien d’insister davantage.

Mais comment faire ?

Défendre à ces infortunés de solliciter la charité publique ?

— Alors, feront-ils, nourrissez-nous !

Et tous ces pauvres bougres seront dans la logique.

Car, si un cul-de-jatte n’a pas le droit de tendre la main, que tendra-t-il donc ?

Et réciproquement.

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C’est imbu de ces justifiées inquiétudes que M. le Préfet de la Seine, vient de prendre la mesure suivante :

(Je ne garantis pas l’exacte teneur.)

« Tout individu qui, de par son grand âge, de par une infirmité acquise ou native, se croira le droit à la mendicité, devra adresser une demande en règle aux autorités compétentes.

» Si ce droit est reconnu valable, on lui octroiera une charte de mendiant, laquelle lui conférera, non pas le droit de mendier mais celui de faire mendier pour son compte.

» Il devra se procurer à cet effet une jeune et jolie femme, séduisante au possible, avec laquelle il passera tel marché qui leur conviendra à eux deux, mais qui (la personne) devra être agréée par un comité d’artistes et, principalement, de connaisseurs. »

… (Suivent quelques dispositions d’ordre purement administratif et qui ne sauraient nous intéresser.)

L’aspect des rues de Paris ne peut que gagner, n’est-ce pas, à cette ingénieuse modification.

Et la charité ne perdra aucun de ses droits.

Au contraire.