Chants populaires de la Basse-Bretagne/Yves Guillou

YVES GUILLOU
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I

  S’il vous plait, vous écouterez
Un gwerz nouvellement composé ;

  Un gwerz nouvellement composé,
C’est à Yves Guillou qu’il a été fait.

  Yves Guillou souhaitait le bonjour,
En arrivant chez le vieux Derrien :

  — Bonjour et joie dans cette maison,
Jeanne Derrien où est-elle ?

  — Jeanne est allée à l’aire-neuve,
Et je voudrais bien qu’elle n’y fût pas allée ;

  Je voudrais qu’elle n’y fût pas allée,
À cause des Réchou ;

  À cause des fils du Réchou,
Les plus méchants gentilshommes du pays.[1]


II

  Le seigneur du Réchou disait
À Yves Guillou, dans l’Aire-Neuve :

  — Yves Guillou, si vous m’aimez,
Vous me prêterez votre maîtresse ?

  — Seigneur du Réchou, excusez-moi,
Car cette femme est mariée.


— Tu veux te moquer de moi, morveux !
Une fille de cinq mille écus de rente ;

Une fille de cinq mille écus de rente,
Et toi, tu n’en as pas un sou !

— Bien que je sois un morveux,
Je n’ai pas été lécher tes plats ;

Je n’ai pas été lécher tes plats,
Ni les plats d’aucun Réchou !….

La petite Jeanne Derrien pleurait,
Yves Guillou la consolait….

La petite Jeanne Derrien disait
À Yves Guillou, dans l’aire-neuve :

— Si vous voulez me défendre aujourd’hui,
Je vous prendrai (pour mari) dans la suite.

— Prenez la basque de ma veste,
Pour que je joue de mon bâton à deux bouts !…

Cruel eût été le cœur de celui qui n’eût pleuré,
S’il eût été dans l’aire-neuve,

En voyant l’herbe rougir
Par le sang des gentilshommes qui coulait ;

Par le sang des gentilshommes qui coulait,
Yves Guillou les tuait !

III

Yves Guillou disait,
En arrivant chez le vieux Derrien :

— Voici votre fille Jeanne,
Sans moi elle ne serait pas revenue.

— Tenez, petite Jeanne, prenez cette clef,
Et donnez-lui le prix d’un chapeau neuf.

— Il n’aura pas le prix d’un chapeau neuf,
Car je le prendrai pour mon mari…

Yves Guillou a gagné,
À avoir été à Prat-Mélar,


  Une fille de cinq mille écus de rente,
Lui qui n’en a pas seulement un sou ![2]

Chanté par Marguerite Philippe.







  1. Variante :

    Le vieux Derrien disait
    À sa fille Jeanne, un jour :

    — Ma fille Jeanne, si vous m’aimez,
    Vous n’irez pas à l’aire neuve.

    — Se fâche qui voudra,
    À l’aire-neure j’irai ;

      S’il y a des sonneurs, je danserai
    Avec mon doux ami Yves Guillou !
  2. Variante :

      Le vieux Derrien répondit
    À sa fille Jeanne, quand il l’entendit :

      — Prenez, ma fille, ces clés-ci,
    Et donnez-lui le prix d’un chapeau neuf ;

      Donnez-lui le prix d’un chapeau neuf,
    Avec deux plumes dessus.

      — Ce n’est pas ainsi qu’il arrivera,
    C’est votre fille Jeannette qu’il aura !

      — Seigneur Dieu, serait-il possible,
    Que possédant cinq cents écus de rente,

       Un boisseau de froment par jour,
    Tu épouses le fils d’un menuisier !

      — S’en fâche qui voudra,
    C’est Yves Guillou que j’aurai !

    Chanté par Jeanne Le Gall,
    Servante à Keramborgne, en Plouaret. — 1849.