Chants populaires de la Basse-Bretagne/Saint Mathurin de Moncontour

Édouard Corfmat (1p. 127-131).

  Je vous donnerai une ceinture de cire,
Qui fera trois fois le tour de votre terre ;

  Qui fera trois fois le tour de votre cimetière et de
__________________________________ votre chapelle,
Et trois tours à la tige du crucifix ;

  Trois tours à la tige du crucifix,
Et viendra allumer sur l’autel ! —

  Elle avait à peine fini de parler,
Qu’elle fut transportée sur le rivage de Saint-Jean[1] ;

  Avec son enfant sur ses genoux,
Au rivage de Saint-Jean, sur la grève.

  L’enfant tenait à la main une branche de varech vert,
Pour montrer qu’il était né dans la grande mer.

  Elle l’a caché dans son sein,
Et l’a emporté chez elle.

  Et, en arrivant à la maison,
Elle l’a mis dans son lit :

  — Reste-là, mon enfant,
Moi, je vais encore à Moncontour,

  A pied, sans chaussure et sans bas,
Et sur mes genoux, si je puis résister ! —

II

  En arrivant à Moncontour,
Elle a fait trois fois le tour de l’église ;

  Elle a fait trois fois le tour de l’église,
Et on aurait pu la suivre aux traces de son sang ;

  De ses genoux coulait le sang,
Et de ses yeux tombaient les larmes !

  — Monsieur saint Mathurin le bienheureux,
Je ne puis entrer dans votre maison,

  Car bien closes sont vos portes,
Et vos fenêtres aussi —

  Elle avait à peine fini de parler,
Que les cloches se sont mises à sonner ;

  Et tout le monde disait dans le pays :
— Encore quelque nouveau miracle !

  Encore quelque nouveau miracle,
Saint Mathurin en fait tous les jours ! —

  La porte principale a été ouverte,
Et la procession est venue la prendre ;

(1) Ce mot est composé de maro et de skaonv, mortis scamnum, mot à mot : escabeau de la mort, tréteaux funèbres.

 
  La procession est venue la prendre,
Et son cœur s’est brisé !

  Que Dieu pardonne à son âme,
Son pauvre corps est sur les tréteaux funèbres [1][2] !

  Elle est ensevelie et mise au tombeau,
Et la bénédiction de Dieu soit sur son âme[3] !


Chanté par François Le Roy, laboureur, 70 ans.
Plouaret, 1847.


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MATHURINE TROADEC.
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I

  Mathurine Troadec disait
A son père et à sa mère, un jour :

  — Mon père, et ma mère, si vous m’aimez,
Vous ne m’enverrez pas au pardon de Saint-Jean ;

  Mon esprit me donne à croire
Que si je vais sur la mer, je serai noyée. —

  — Le trouve mauvais qui voudra,
Vous irez au pardon de Saint-Jean ;

  Vous irez au pardon de Saint-Jean du Doigt,
Pour faire voir son fils au marquis. —

  — Viens, mon enfant, que je t’habille,
Car jamais plus je ne te déshabillerai !

  Je vais mettre mon corset,
Et le lacer avec un ruban ;

  Je vais mettre ma robe blanche,
Et mon tablier de taffetas jaune ;

  Mon tablier de taffetas jaune,
Jamais plus je ne l’oterai !

  Adieu, mon mari, et tous les gens de la maison,
Car jamais plus je ne vous reverrai ! —


  1. (1) Saint-Jean du Doigt, arrondissement de Morlaix.
  2. [1] Ce mot est composé de maro et de skaonv, mortis scamnum, mot à mot : escabeau de la mort, tréteaux funèbres.
  3. (1) Ces quatre derniers vers sont une formule qu’on rencontre fréquemment dans nos chants populaires, et que le chanteur ajoute souvent de sa propre
    autorité. L’auditoire y répond ordinairement : Amen !