Chants populaires de la Basse-Bretagne/Mauricette Tefetaou


MAURICETTE TEFETAOU
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I

Esprit-Saint, donnez-moi la grâce,
Et vous aussi, Sainte Vierge,
De (pouvoir) publier un malheur qui est arrivé ;
Je n’en parle qu’avec horreur !

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(Un gwerz) fait à Mauricette Tefetaou ;
Ils étaient tous les deux de Locmaria.

Cet homme était, de son métier
Marchand de fil, colporteur ;
Pour avoir changé de métier,
Ses mauvaises actions il ne changeait point ;

Ses mauvaises actions et sa méchanceté
Déplaisaient beaucoup à cette jeune fille.
— Parce que je suis tailleur,
Tu as du mépris pour mon métier.

— Excusez-moi, dit-elle, cela n’est pas,
Car je ne méprise aucun métier ;
Chaque honnête homme doit
Porter respect à son métier.

II

Un jour qu’elle était à garder les moutons de son père,
Elle ne songeait qu’à bien,
Quand arriva ce misérable,
Tenant son croc à peser (le fil).

— Tu consentiras, à l’instant,
Ou je te tuerai !
Mauricette lui répondit
Quand elle l’entendit parler de la sorte :

— J’aime mieux être tuée
Que consentir au péché :
Entre les bras de mon Dieu
Je mets ma virginité !


  Il lui donna un coup de son croc
Et la noya dans son sang ;
(Il la frappa) à l’estomac et au visage,
Et la noya dans une mare de sang !

III

  Le Téfétaou disait
À ses enfants, en arrivant à la maison :
— Que vous est-il arrivé ?
Je vous trouve terriblement tristes !

  — Hélas ! vous le saurez assez tôt,
Le malheur vous touche autant que nous !
— Mes petits enfants, dites-moi,
Ma fille Mauricette où est-elle allée ?

  — Elle est là-bas, sur le grand chemin,
Le visage dans une mare de sang,
Assassinée par le fripon Guéganic,
L’homme libertin et lubrique !

  Quand Le Téfétaou entendit (cela),
Il se rendit sur le grand chemin :
— Que t’avait fait ma fille,
Si ce n’est se défendre contre ta méchanceté ?

  Dur eût été de cœur celui qui n’eût pleuré.
S’il eût été sur le grand chemin.
En voyant le sang dégoutter de la charrette
Qui portait en terre le corps fidèle !

  Sur le lieu où elle mourut
Une croix neuve a été érigée,
Trois fleurs de lys y sont aussi,
Comme emblème de sa virginité.

  Quand vous irez à Saint-Corpon[1] le béni,
Vous les verrez sur le bord du grand chemin.


Chanté par Marguerite Philippe.






  1. Saint Corpon doit être une corruption. Je ne connais aucun saint de ce nom. — Cette pièce a quelque analogie avec celle qui se trouve dans le Barzas-Breiz, page 341 sous le titre de : « Le Crime ». M. De la Villemarqué l’a rattachée à la ballade de Iannig Skolan, à laquelle je la crois complètement étrangère.