Chants populaires de la Basse-Bretagne/Les trois femmes coupables

Édouard Corfmat (1p. 85-89).


LES TROIS FEMMES COUPABLES.
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I

Les trois jeunes femmes ingrates
S’en vont à Rome, de bon cœur,
Pour demander l’absolution du Pape,
Pour implorer le pardon de leurs péchés.

Comme elles étaient en route,
Elles rencontrèrent un homme de grande sagesse ;
— Monsieur, au nom de la Passion,
Nous vous demandons l’aumône ;

Nous vous demandons l’aumône,
Car nos provisions sont presque épuisées. —
— Tenez, femmes, chacune sept sols.
Pour vous aider un peu dans votre voyage.

Quand vous arriverez dans la ville de Rome,
Vous direz chacune un pater pour moi,
Devant l’autel des Jacobins,
Qui est à droite, en entrant. —

II

Arrivées dans la ville de Rome,
Elles ont dit : — bonjour et joie !
Bonjour et joie à tous dans cette ville.
Où est le Pape de Rome ? —

— Si c’est le Pape de Rome que vous cherchez,
Allez à la grande église et vous le trouverez ;
Il est à dire la grande messe,
A l’autel des Jacobins ;

A l’autel des Jacobins,
Qui est du côté gauche, en entrant. —
En arrivant dans l’église.
Elles ont pris de l’eau bénite ;


Elles ont pris de l’eau bénite,
Et se sont jetées aux pieds du Pape,
Et lui ont demandé pardon.
— Quels sont les crimes que vous avez commis ? —

la première.

— Moi, j’ai été assez barbare
Pour tuer mon enfant ;
J’ai tué mon innocent,
Sans qu’il ait reçu le chrême du baptême ! —

la seconde.

— Et moi, pour mon malheur, j’ai tué
La mère qui me donna le jour ;
Puis je l’ai cachée sous un tas de feuilles.
Où elle n’a reçu la visite d’aucun prêtre ! —

la troisième.

— Depuis que je suis dans ce monde.
J’ai fait bien des confessions ;
Mais toutes étaient fausses.
Et j’ai grand’peur d’être damnée ! —

Le Saint-Père dit
Aux trois jeunes femmes, après les avoir entendues :
— Jeunes femmes, consolez-vous.
Puisque vous avez confessé tous vos péchés.

J’ai donné pouvoir à mes évêques
Pour absoudre tous les pécheurs ;
Ainsi, si vous avouez.
Eh faisant pénitence, vous serez sauvées.

Voici une baguette blanche
Qui vous rendra dans la chambre de la pénitence…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Trois ans après,
Le secrétaire du Pape leur rendait visite :
— Trois jeunes femmes, si vous êtes encore en vie,
Venez à moi, et je vous absoudrai. —

Miracle de la part de Dieu !
Les trois jeunes femmes vivaient encore.
Monsieur le secrétaire dit alors
Aux trois jeunes femmes :

— Quand vous arriverez chez vous,
Vous vous mettrez à genoux devant vos maris ;
Vous vous mettrez à genoux devant vos maris,
Et vous leur demanderez pardon. —


III

Quand elles arrivèrent à la maison,
Leurs maris ne les connaissaient plus,
À cause de la peine, de la dure pénitence,
Et aussi de la longue route qu’elles avaient faite.

Et leurs enfants ne les connaissaient pas davantage,
À cause des trois cents lieues qu’elles avaient faites ;
Et quand ils se sont enfin reconnus,
Leurs cœurs se sont brisés ;

Et ils sont morts tous les six.
Et sont allés aussitôt au ciel :
Les six époux sont allés au ciel,
Puisssions-nous y aller aussi !


Chanté par Marie-Job Kado. — 1846.
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