Chants populaires de la Basse-Bretagne/La petite Mineure (seconde version)



LA PETITE MINEURE.
SECONDE VERSION.
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I

   — J’étais bien jeune d’âge ,
Quand moururent ma mère et mon père ;

   Et je me mis à courir le monde,
Cherchant quelqu’un pour me prendre chez lui.

   Comme je cheminais sur la grande route,
Je rencontrai deux jeunes gens ;

   Une jeune fille, mise comme une dame,
Et un gentilhomme, comme un baron.


Et ils se dirent l’un à l’autre :
— Emmenons cette enfant ;

Elle nous divertira maintenant,
Puis nous servira plus tard. —

II

Le maître disait à la maîtresse :
— Marions le domestique à la servante. —

— Mariez votre domestique quand il vous plaira,
Quant à ma servante, elle ne se mariera pas.

Avant de marier ma servante,
Je veux la pourvoir d’un ménage ;

Je veux la pourvoir d’un menace.
Quatre bœufs et quatre vaches à lait,

Deux mesures de chaque sorte de grain ;
Chez sa mère vous ne les trouveriez pas. —

III

Quand ma maîtresse va au pardon.
Je vais avec elle, comme de raison ;

Je vais avec elle, comme de raison.
Parce que j’étais une honnête fille.

Comme nous passions dans le bois,
Nous nous reposâmes à l’ombre ;

Je m’assis sur le gazon,
Et elle appuya la tête sur mes genoux.

Une chose vint alors qui me dit :
— Prends ton couteau, et tue-la.

Tu seras mise à sa place
Et tu seras la femme du ménage ;

Cache-là parmi les feuilles.
Mais ne cache pas sa chaussure et ses bas —

IV

La mineure disait
A son maître, en arrivant à la maison :

— Sainte-Vierge de la Trinité !
Ma pauvre maîtresse a été tuée.

Ma pauvre maîtresse a été tuée,
Par les brigands, dans le bois ! —

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


— Consolez-vous, mon bon maître, ne pleurez pas,
Je vous servirai comme devant ;

Je vous servirai comme devant,
Mais je ne coucherai pas avec vous;

Je ne coucherai pas avec vous.
Et pourtant, je le ferai aussi, s’il le faut. —

V

Quand ils furent fiancés et mariés.
Que l’heure de se coucher fut arrivée

Une femme entra dans la maison,
Précédée de sept cierges ;

Quatre cierges étaient devant elle,
Et un autre sur chaque blessure !

— Vous avez donc épousé
Celle qui m’a tuée ?

Elle m’a ensuite cachée sous les feuilles,
A l’exception de ma chaussure et mes bas ! —

— Et que faut-il lui faire ? —
— Amenez quatre chevaux pour l’écarteler !

Amenez quatre chevaux pour l’écarteler,
Et faites chauffer le four, pour la brûler ;

Et quand elle sera consumée par le feu.
Ses cendres seront jetées au vent ! —


Une vieille mendiante de la commune de Plougonver. — 1855.